Revue mt cardio 2007 ; 3 (6) : 459-65 Approche échocardiographique du cœur pulmonaire chronique postembolique Damien Metz1, Roland Jaussaud2 1 Service de cardiologie <[email protected]> Service de médecine interne, Hôpital Robert-Debré, Reims 2 Résumé. L’incidence de l’hypertension artérielle pulmonaire chronique d’origine embolique est rare à l’issue d’un premier événement Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. thromboembolique. Son dépistage est au mieux assuré par la réalisation répétée de l’échographie-Doppler cardiaque durant les premières semaines de prise en charge de la pathologie aiguë. Celui-ci repose essentiellement sur l’analyse échographique de la cinétique des parois et de la dilatation ventriculaire droite, ainsi que par la mesure du flux tricuspidien en Doppler continu. Certains critères, mesurés en Doppler pulsé, viennent étayer le caractère chronique de l’hypertension artérielle pulmonaire. Au travers de la littérature, il est habituellement reconnu que le principal facteur de prédiction de survenue d’une HTAP après un événement thromboembolique, est la persistance d’une hypertension artérielle pulmonaire lors du premier mois de prise en charge de la phase initiale, ainsi que de variables générales associées, en particulier l’âge du patient et le contexte chirurgical, plus que l’existence initiale d’une dysfonction ventriculaire droite. Le rôle pronostique de cette dysfonction ventriculaire droite installée reste controversé sur ce terrain thromboembolique, contrairement à l’hypertension artérielle pulmonaire d’origine non embolique. Mots clés : embolie pulmonaire, hypertension artérielle pulmonaire, cœur pulmonaire chronique, échographie-Doppler cardiaque Abstract. Echographic management of thromboembolic pulmonary hypertension. The incidence of pulmonary hypertension is rare after a first pulmonary thromboembolism. Diagnosis is better undertaken by echocardiographic monitoring during the first weeks after the initial occurrence. The analysis is based on echographic right ventricular dilatation and function, and first of all by the measurement of the maximum velocity of the systolic tricuspid pic flow using continuous wave Doppler. Analysis of the chronic nature of pulmonary hypertension may be assessed by using adjunctive pulse wave Doppler measurement of the systolic pic duration of the pulmonary outflow. Predictors of sustained thromboembolic pulmonary hypertension are the level of right ventricular overpressure during the first month and systemic variables such as the patient’s age. The prognostic role of right ventricular dysfunction is still debated in the setting of thromboembolic disease, in contrast to primary pulmonary hypertension. doi: 10.1684/mtc.2007.0117 L mtc Tirés à part : D. Metz a place de l’échocardiographie dans la prise en charge initiale des embolies pulmonaires aiguës admises en unité de soins intensifs est actuellement bien codifiée et de pratique largement diffusée et acceptée. La place de cet outil dans la gestion de la maladie thromboembolique est essentiellement issue de ses qualités de dépistage des signes de cœur droit lors d’un syndrome de détresse respiratoire aigu, ce qui permet une approche pronostique à partir des paramètres classiques d’évaluation de la tolérance hémodynamique de l’événement. La place de l’échocardiographie dans la prise en charge des cœurs pulmonaires chroniques est beaucoup mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007 moins standardisée. Les recommandations européennes sur le diagnostic des hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP) ne situent l’examen échographique cardiaque qu’au stade de dépistage de l’HTAP [1]. Elles rapportent l’excellente valeur diagnostique de cet examen dans l’estimation des pressions artérielles pulmonaires systoliques à partir des flux régurgitants tricuspides et pulmonaires en mentionnant comme intérêt particulier sa capacité à être facilement effectuée au lit du patient. Ces mêmes recommandations soulignent l’intérêt sur le plan diagnostique différentiel pour orienter le clinicien face à un patient essoufflé vers une pathologie 459 Revue Key words: pulmonary embolism, pulmonary hypertension, core pulmonale, echocardiography Approche échocardiographique du cœur pulmonaire chronique postembolique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Physiopathologie La plupart des patients victimes d’un cœur pulmonaire chronique (CPC) faisant suite à une maladie thromboembolique se présentent tardivement au cours du processus évolutif de la maladie. La phase initiale d’installation de cette pathologie est donc mal connue sur le plan physiopathologique. Elle résulte en grande partie du caractère souvent asymptomatique au plan fonctionnel de phénomènes emboliques de faible importance mais répétés, et donc méconnus au plan diagnostique. Elle résulte également d’une récupération incomplète de la vascularisation ad integrum du parenchyme pulmonaire dans les suites d’un épisode aigu, situation fréquente dont l’incidence a longtemps été sous-estimée. Aucune anomalie spécifique de l’hémostase ou de la fonction endothéliale des vaisseaux pulmonaires n’a pu être individualisée chez ces patients susceptibles de développer ces HTAP, hormis la situation particulière de présence d’anticorps anticardiolopine. Habituellement, l’évolution observée après un épisode embolique se fait vers une résorption progressive des thombi. Pour une raison inconnue, il arrive parfois, dans moins de 0,5 % des cas, que certains de ces caillots s’organisent en un processus de fibrose aux dépens de la lumière artérielle pulmonaire. Le caractère symptomatique survient de façon concomitante à une réduction de perfusion pulmonaire d’au moins 40 % du parenchyme, et les conséquences hémodynamiques qui en résultent vont à la fois favoriser la récidive d’événements thromboemboliques et la formation de thrombus in situ. Parallèlement, les modifications locales des conditions de pression vont initier un phénomène de remodelage du tissu vasculaire pulmonaire, une disparition de l’intima et une prolifération de la média, aboutissant à la constitution d’une authentique artériopa- Liste des abréviations Revue CPC : cœur pulmonaire chronique HTAP : hypertension artérielle pulmonaire IP : insuffisance pulmonaire IT : insuffisance tricuspide PA : pression artérielle PAP : pression artérielle pulmonaire VD : ventricule droit 460 thie pulmonaire hypertensive, se traduisant par un épaississement obstructif aux dépens des lumières artérielles (aspect dit en « arbre mort » sur les angiographies pulmonaires conventionnelles) contribuant à une majoration des résistances précapillaires. À terme, l’HTAP devient élevée de façon disproportionnée par rapport à l’importance du défect parenchymateux, et le niveau de pression s’accentue de façon irrémédiable malgré l’absence de nouvel événement thromboembolique. En l’absence de prise en charge spécifique (thrombo-endartériectomie chirurgicale notamment), le taux de survie à 5 ans est estimée à 30 % pour les patients présentant une pression artérielle pulmonaire moyenne à plus de 40 mmHg, et 10 % lorsque cette valeur dépasse 50 mmHg [2]. Il apparaît donc indispensable pour le praticien, une fois la phase de dépistage de l’HTAP effectuée, d’avoir une approche combinant une évaluation pronostique prenant en compte notamment l’importance des chiffres de pression, mais aussi une analyse étiologique qui précisera tout particulièrement sa nature postembolique ou non, compte tenu de l’efficacité des mesures thérapeutiques spécifiques qu’il est possible de proposer au patient. Incidence de l’HTAP chronique après un événement embolique Comme nous l’avons déjà avancé, l’incidence de l’HTAP semble relativement rare à l’issue d’un premier événement thromboembolique [3]. Sur la notion d’une valeur seuil déterminée par échographie de PAP systolique à plus de 45 mmHg ou d’une pression moyenne à plus de 25 mmHg, Pengo [3], dans ses travaux, notait une incidence d’HTAP respectivement de 1 % à 6 mois, 3,1 % à 12 mois, et 3,8 % à 2 ans (figure 1). Au-delà de cette période de 2 ans, dans sa série de plus de 200 embolies 0,04 Incidence cumulée de l’HTAP des cœurs droit ou gauche, ainsi que les différents signes échographiques et Doppler de cœur droit qui ne sont mentionnés que de façon incomplète sans être détaillés. Aucune appréciation n’est proposée dans ces recommandations sur la valeur diagnostique face au caractère chronique de l’hypertension pulmonaire, ainsi que sur les données pronostiques de ces différents paramètres sémiologiques. 0,03 0,02 0,01 0,00 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Années Figure 1. Incidence cumulée d’HTAP sur 10 ans après un premier épisode d’embolie pulmonaire (d’après Pengo et al. [3]). mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007 Définition échocardiographique Il n’existe pas à l’heure actuelle de définition consensuelle sur le CPC échographique. Si l’on se réfère aux études portant sur l’évaluation sémiologique dans l’embolie pulmonaire aiguë, on constate que 40 % des patients sans modification hémodynamique systémique sont porteurs d’anomalies échocardiographiques [2]. Dans une revue de littérature publiée par Goldhaber et al. [4] en 2002, le signe essentiel est la dilatation du ventricule droit en télédiastole à plus de 30 mm évaluée en incidence parasternale gauche en mode TM. Il y associe une accentuation du rapport des diamètres ventriculaire droit et ventriculaire gauche à plus de 0,9, estimée en incidence 4 cavités bidimensionnelle, ainsi qu’une élévation de la vélocité maximale de la fuite tricuspide à plus de 2,6 m/s. Le signe de Mc Connell est également retenu parmi les éléments principaux de ce tableau échographique [5]. Il s’agit d’une hypokinésie sévère de la paroi libre du ventricule droit contrastant avec une contraction normale de l’apex ventriculaire droit. Ces 4 signes sont cependant sujets à critique. L’évaluation du diamètre ventriculaire droit à plus de 30 mm est la première conséquence de l’état de surcharge mixte résultant de l’obstruction du lit vasculaire pulmonaire. Cette valeur n’est cependant pas très éloignée de la limite supérieure de la valeur normale de 26 mm retenue dans de nombreux laboratoires d’échographie, ce qui peut faire craindre un manque de spécificité pour le diagnostic. L’estimation bidimensionnelle des diamètres ventriculaires en incidence 4 cavités souffre d’un manque de reproductibilité, qui peut être limité par une mesure couplée du rapport des diamètres ventriculaires en coupe parasternale TM, en positionnant toujours le curseur sur le même repère anatomique que sont les cordages mitraux à l’aplomb des feuillets. La bonne valeur diagnostique du signe de Mc Connell n’est pas partagée par tous les auteurs. Nombreux sont ceux qui critiquent sa subjectivité. De plus, il n’y a pas en soi d’explication physiopathologique rationnelle à ce gradient de contractilité régionale entre paroi libre et apex, sauf en présence de troubles de conduction ventriculaire droite marqués. Son intérêt en clinique a été évalué et sa valeur prédictive positive apparaît trop faible, d’environ 67 %, pour une valeur prédictive négative de 36 % [6]. Enfin, pour le paramètre Doppler, le seuil de 2,6 m/s pour la vélocité de la fuite tricuspide est une valeur qui peut être reconnue comme normale pour les patients âgés où il est toléré jusqu’à un niveau de 2,8 m/s [7, 8]. Outre ces différentes critiques qui ne sont donc pas consensuelles, aucune allusion n’est faite dans cette définition au mouvement paradoxal du septum résultant de la surcharge barométrique ventriculaire droite, de même qu’aucun commentaire concernant l’hypertrophie pariétale, d’autant plus présente que la pathologie est ancienne, ainsi que sur la fonction ventriculaire droite, qui participe de façon variable au pronostic. Les flux pulsés de la chambre de chasse ventriculaire droite, dont la valeur du temps d’accélération jusqu’à son pic < 100 ms traduit une HTAP. Le remplissage ventriculaire gauche, les mesures des surfaces ou des diamètres de la cavité auriculaire droite et veine cave inférieure ainsi que ses variations respiratoires qui permettent d’affiner l’estimation des pressions auriculaires droites ne sont même pas évoqués. Comparaison échographique du cœur pulmonaire postembolique aigu et chronique Cette question apparaît primordiale lorsque le praticien est face à son patient pour la première fois en situation symptomatique fonctionnelle inaugurale, bien que la pathologie soit anciennement méconnue, ce qui est souvent le cas. Il est nécessaire, en situation d’HTAP postembolique, de différencier ces 2 situations car leur prise en charge thérapeutique est radicalement différente. C’est avant tout un faisceau d’arguments qui permettra d’apporter des éléments de réponse. Le meilleur paramètre discriminant reste le niveau de pression pulmonaire puisque l’on sait, dans la situation de maladie thromboembolique aiguë, que le niveau d’élévation des pressions est lié, certes de façon exponentielle, aux défauts de perfusion, ce qui n’est pas le cas dans une situation chronique ou récidivante où cette relation est disproportionnée. Ainsi, une élévation de la vélocité maximale de la fuite tricuspide à plus de 3,5 m/s, témoignant d’un niveau de pression ventriculaire droit systolique à plus de 60 mmHg, est très certainement l’élément le plus fiable pour retenir mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007 461 Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. pulmonaires diagnostiquées et suivies sur plus de 10 ans, l’auteur ne rapporte de façon surprenante aucune survenue de nouveau cas d’HTAP en l’absence de récidives emboliques. Dans ce même travail, cet auteur décrit 4 facteurs prédictifs significatifs de survenue d’une HTAP : la notion d’embolie pulmonaire préexistante mais méconnue, l’importance du défect initial de perfusion du parenchyme pulmonaire, le jeune âge au moment de la survenue de l’épisode embolique, ainsi que le caractère idiopathique de la maladie thromboembolique. Il est intéressant de noter que sur ce suivi prolongé sur 10 ans pouvaient survenir dans 14 % des cas des récidives thromboemboliques, le plus souvent dans les suites immédiates de l’interruption du traitement anticoagulant, mais sans influence ultérieure sur l’apparition d’HTAP. L’HTAP semblait indépendamment liée à ces épisodes récurrents, argument épidémiologique supplémentaire renforçant ce concept d’artériolite autonome. Approche échocardiographique du cœur pulmonaire chronique postembolique paroi libre ventriculaire droite à plus de 6 mm, d’une dilatation de la veine cave inférieure à plus de 2 cm mais qui conserve une variation inspiratoire, contrairement aux situations aiguës, ainsi qu’un graphisme particulier du Doppler pulsé sur la chambre de chasse ventriculaire droite ou associé à un temps d’accélération inférieur à 100 ms, coexistent souvent une courbure biphasique en phase de décélération méso- et télédiastolique, correspondant au signe de refermeture précoce des cusps pulmonaires qui peut être parfois observée en mode TM (tableau 1). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. A Prédiction d’événements et de persistance d’une HTAP après une embolie pulmonaire : valeur de l’échocardiographie B C Revue Figure 2. A) Cœur pulmonaire chronique postembolique. Échographie TM en incidence parastenale gauche, patient en décubitus dorsal. Augmentation du rapport VD/VG. Notez l’hypertrophie de la paroi antérieure du VD. B) Même patient. Doppler continu sur le flux de régurgitation tricuspide. Vélocité à 3,9 m/s en faveur d’une HTAP. C) Même patient. Doppler pulsé de la chambre de chasse du VD. Raccourcissement du temps de pic systolique (ou d’accélération) < 100 ms traduisant l’HTAP. l’hypothèse d’une d’HTAP postembolique chronique (figure 2). D’autres signes peuvent conforter cette impression, notamment l’existence d’une hypertrophie pariétale de la 462 Les travaux de Ribeiro et al. [9] ont montré la faible valeur prédictive dans la survenue d’événements à court terme, donc surtout en phase hospitalière, des signes échographiques, chez des patients victimes d’embolie pulmonaire aiguë accompagnée de signes échographiques de dysfonction ventriculaire droite mais sans signe d’intolérance hémodynamique clinique. En revanche, l’absence de signes de dysfonction ventriculaire droite traduisait constamment en situation aiguë une évolution pronostique tout à fait favorable puisque dans sa série, la valeur prédictive négative de survenue d’événement est de 100 % dans les situations de maladie thromboembolique. L’absence de signe échographique de cœur pulmonaire est donc le témoin spécifique d’un bon pronostic à court et moyen termes. D’autres auteurs ont surtout avancé le rôle pronostique important des variables associées à la dysfonction systolique ventriculaire droite sur la survenue d’événement. La dysfonction ventriculaire droite isolée n’est pas très prédictive d’événement à condition d’une bonne tolérance hémodynamique systémique. En revanche, son association avec d’autres éléments, tels que l’âge (> 80 ans), les situations d’embolie pulmonaire faisant suite à une chirurgie orthopédique ou traumatique, la survenue d’une lipothymie, de même que le niveau de pression artérielle systolique sont des prédicteurs en analyse multivariée. Bien que ces patients aient été normotendus, il existait une nette différence sur le devenir, favorable pour les patients ayant une pression systolique à 130 mmHg contrastant avec ceux présentant une valeur de moins de 110 mmHg d’évolution plus défavorable [8]. Dans ce même travail, l’existence initiale d’une tachycardie ou même d’une dilatation sévère du ventricule droit isolée ne présentait aucune valeur pronostique [10]. Sur le suivi à un an de ce collectif de patients, Ribeiro et al. [9] ont pu montrer que la stabilité des chiffres de PAP systolique pouvait être considérée comme acquise et sans mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007 Tableau 1. Sémiologie échographique séparant cœur pulmonaire échographique aigu et chronique Aiguë 2,5-3,5 m/s < 60 mmHg < 5 mm Dilatée sans variation inspiratoire Temps de pic < 100ms espoir d’amélioration à l’issue d’une période de 38 jours après le diagnostic et la prise en charge thérapeutique en phase aiguë d’une embolie pulmonaire. La persistance d’une HTAP à un an après l’événement embolique initial est un élément prédictif, de même qu’un âge de plus de 70 ans et le niveau de PAP systolique de plus de 50 mmHg en fin de séjour hospitalier lors de la phase initiale. Le rôle pronostique sur le long terme des signes de dysfonction systolique ventriculaire droite dans le cadre de la maladie thromboembolique reste largement controversé. En effet, si certains travaux ont mesuré l’impact délétère de la persistance d’une dysfonction systolique ventriculaire droite à l’issue de la phase précoce hospitalière [10], il semble qu’à terme, l’élément pronostique le plus conséquent à retenir soit l’étiologie de la maladie thromboembolique. Ce risque reste bien évidemment dominé par les néoplasies, estimé par un risque relatif à près de 5 [11, 12]. À l’opposé, il semble que l’existence d’une dysfonction systolique ventriculaire droite soit un élément prédictif Chronique > 3,5 m/s > 60 mmHg > 5 mm Dilatée avec variation inspiratoire Temps de pic < 100 ms et décélération avec encoche mésosystolique sévèrement négatif sur l’évolution des situations d’HTAP ne résultant pas d’une cause thromboembolique. Aussi, plusieurs indicateurs d’approche de la fonction du ventricule droit ont été récemment développés et proposés comme marqueurs pronostiques des pathologies d’HTAP non emboliques. Ces indices font appel aux techniques du Doppler pulsé mais aussi du Doppler tissulaire. Leur développement résulte du manque d’efficacité et de reproductibilité des approches échographiques anatomiques et fonctionnelles classiques du ventricule droit en raison de ses particularités géométriques. L’index de Tei notamment, initialement proposé sur les cardiopathies gauches, correspondant au rapport de la somme des temps de contraction et de relaxation isovolumique sur le temps d’éjection de la chambre de chasse ventriculaire droite (figure 3) semble apporter une forte valeur pronostique dans le suivi des HTAP primitives [13], cadre dans lequel a été soulignée de la même façon, l’importance de la mesure de l’onde de contraction systolique de l’anneau tricuspide estimée en Doppler tissulaire [14]. Flux tricuspide a TCI Voie pulmonaire b TRI ET TRT Indice de Tei = a - b b (indice de performance myocardique ventriculaire droit) Revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Velocité tricuspide Pression ventriculaire droite Epaisseur de la paroi libre Veine cave inférieure Flux pulsé chambre de chasse du VD Figure 3. Figure illustrant le calcul de l’indice de Tei = a – b / b. mt cardio, vol. 3, n° 6, novembre-décembre 2007 463 Approche échocardiographique du cœur pulmonaire chronique postembolique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Diagnostic différentiel étiologique du cœur pulmonaire chronique par échographie Pressions (mmHg) Une des étapes primordiale dans la démarche diagnostique de CPC avec HTAP est de pouvoir écarter ou préciser son origine thromboembolique. Mc Connell et al. [5], en avançant ces éléments sémiologiques échographiques fondés sur la géométrie et sur la fonction contractile du ventricule droit en situation de cœur postembolique, s’étaient appuyés sur une analyse comparative avec les HTAP d’origine non thromboembolique. Dans ces dernières, l’hypokinésie de la paroi libre du ventricule droit semble moins prononcée que dans l’embolie pulmonaire mais surtout touche l’apex du ventricule droit qui est normocontractile, voire hypercontractile dans les situations accompagnant une embolie pulmonaire. Cette piste n’est pas confirmée précisément dans les situations chroniques de cœur pulmonaire embolique. D’autres auteurs ont tenté une approche différentielle uniquement fondée sur le Doppler continu entre les situations d’HTAP emboliques et non emboliques [15, 16]. Cette équipe japonaise a rapporté un gradient de pression pulsé entre ces 2 causes d’HTAP. Pour un niveau de PAP systolique équivalent, la pression diastolique dans les cœurs pulmonaires postemboliques est beaucoup plus basse, voire normale, contrastant avec une pression diastolique élevée dans les HTAP primitives. Cela se traduit sur les tracés Doppler par un niveau des vélocités proto- et télédiastoliques du flux de régurgitation pulmonaire nettement supérieur en situation d’HTAP non embolique pour une valeur équivalente de vélocité maximale sur la fuite tricuspide (figure 4). L’établissement d’un rapport entre la PAP pulsée sur la PAP systolique à une valeur de plus de 0,8 retrouve ainsi systématiquement une origine embolique dans une série de 60 patients porteurs d’une HTAP [15, 16]. Ce signe n’a bien évidemment pas la prétention d’empêcher de compléter le bilan étiologique par les examens adaptés et toujours recommandés, angioscanner ou scintigraphie de ventilation/perfusion pulmonaire notamment, mais de guider le praticien dans sa démarche étiologique au cours du même examen échographique qui aura permis de diagnostiquer le cœur pulmonaire chronique. CPC HTAP primitive 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 0 300 600 0 Temps (msec) IP 3,6 m/s VD 2,4 m/s 600 IT PA 1,5 m/s 300 Temps (msec) PA IT TP VD 3,7 m/s Figure 4. Diagnostic différentiel entre HTA postembolique et non embolique (d’après [15]). Nous avons vu que la différenciation étiologique de ces HTAP était insuffisamment analysée par le seul recours de l’échocardiographie-Doppler, et que la combinaison des scintigraphies pulmonaires de perfusion et de l’angioscanner, parfois complétée par l’angiographie pulmonaire, restait incontournable. Références 1. Galie N, Torbicki A, Barts R, et al. 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