Les mécanismes de la désensibilisation _P. ROUZAIRE_

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Les mécanismes de la désensibilisation
Paul Rouzaire
Laboratoire d’Immunologie
CHU de Clermont-Ferrand
Hôpital Estaing
1 Place Lucie et Raymond Aubrac
63100 Clermont-Ferrand
[email protected]
Laboratoire d’Immunologie
Facultés de Médecine et Pharmacie
Université d’Auvergne
28 Place Henri Dunant, BP38
63001 Clermont-Ferrand
[email protected]
Les réponses d’hypersensibilité allergique immédiate sont des réponses inappropriées et
exagérées du système immunitaire adaptatif, dirigées contre des antigènes inoffensifs de
l’environnement, dénommés allergènes. La sensibilisation à ces allergènes repose sur leur capacité à
induire une réponse immunitaire de type Th2, au cours de laquelle les cytokines IL-4 et IL-13 vont
orienter la production d’anticorps vers les IgE. Ces IgE ont un tropisme particulièrement important
pour les polynucléaires basophiles et les mastocytes, qui présentent à leur surface le récepteur de
forte affinité des IgE (FcεRI). Après cette étape de sensibilisation, un nouveau contact avec l’allergène
induit alors un pontage des IgE à la surface des basophiles et mastocytes, ce qui provoque l’activation
de ces cellules et ainsi la sécrétion des médiateurs responsables des symptômes allergiques.
Les traitements pharmacologiques actuels de l’allergie ne permettent qu’une approche
symptomatique temporaire de la maladie allergique. Seule la désensibilisation, ou immunothérapie
spécifique, constitue une voie thérapeutique durable et spécifique des allergènes incriminés. Elle
consiste à réinduire une tolérance du patient envers la substance contre laquelle il est sensibilisé, via
l’administration répétée de doses croissantes de celle-ci pendant une longue période.
Les premiers travaux portant sur la désensibilisation remontent à 1903, bien avant la
compréhension des mécanismes immunologiques responsables de la physiopathologie de l’allergie
ou encore la découverte des IgE. À cette époque, l’allergie était considérée comme une réaction
1
contre une toxine. Partant de ce postulat, Dunbar et al. eurent l’idée de sensibiliser des animaux avec
ces « toxines polliniques » pour obtenir un antiserum permettant de neutraliser les effets du pollen
2
chez les patients. Ces premiers essais conduisirent ensuite Noon et al. à lancer en 1911 les
premiers essais de « vaccination » de patients allergiques au pollen. L’administration répétée de
pollen réduisit ainsi les symptômes des patients vaccinés. Il s’agit du premier protocole de
désensibilisation allergique rapporté dans la littérature. Quelques années plus tard, en 1935, Cooke et
3
al. montrèrent, grâce à des expériences de transfert passif de serum, que les protocoles de
désensibilisation induisent chez les patients traités le développement d’ « anticorps bloquants, ou
neutralisants » prévenant les symptômes de l’allergie.
Aujourd’hui, les mécanismes immunologiques impliqués dans les processus
d’immunothérapie spécifique sont mieux compris, et semblent résulter de profondes modifications de
4,5,6
la réponse immunitaire contre l’allergène . Parmi ces modifications, la première à avoir été
découverte concerne la production d’immunoglobulines : la désensibilisation induit la production d’IgG
(notamment d’IgG4), correspondant aux « anticorps bloquants » rapportés par Cooke. Ces IgG
empêchent la liaison des IgE à l’allergène, et préviennent ainsi l’activation des mastocytes et
basophiles. Par ailleurs, ces IgG inhibent également la présentation antigénique dépendante des IgE
et ainsi l’activation des lymphocytes Th2 sous-jacente. Plus récemment, il a été montré que
l’immunothérapie spécifique induit en fait la production de lymphocytes régulateurs. Ceux-ci, via les
cytokines qu’ils produisent (IL-10 et TGF-β) jouent un rôle central dans l’induction de tolérance : ils
participent au ré-équilibre de la balance Th1 vs Th2, à la production des IgG4 à la place des IgE, mais
également à l’inhibition des mastocytes, basophiles et éosinophiles.
Une meilleure compréhension de l’ensemble des mécanismes immunologiques responsables
de l’immunothérapie spécifique pourra ainsi permettre l’amélioration constante des protocoles de
désensibilisation et le développement de nouvelles approches thérapeutiques ou prophylactiques de
l’allergie.
1
Dunbar et al. Dtsch Med Wochenschr, 1903
Noon et al. Lancet, 1911
3
Cooke et al. J Exp Med, 1935
4
Soyer et al. Immunol Allergy Clin N Am, 2011
5
Robinson et al. J Clin Invest, 2004
6
Valenta et al. J Internal Medecine, 2012
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