Les avantages de la désensibilisation sont aujourd

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Allergies
Les avantages de la désensibilisation
sont aujourd’hui pleinement reconnus
L
a désensibilisation a connu d’importants progrès
au cours de ces dernières années et occupe
aujourd’hui une vraie place dans le traitement des
maladies allergiques. Une évolution qui s’explique par
son efficacité, par sa bonne tolérance et par l’aisance que
procure désormais la prise orale plutôt que le traitement
par piqûres. Le Docteur Alain Michils, pneumologue à
l’Hôpital Erasme, fait le point sur la question.
Le Dr Alain Michils
Docteur Michils, pourriez-vous
d’abord nous rappeler le principe
de la désensibilisation?
Alain Michils: L’allergie apparaît chez les
individus dits ‘sensibilisés’. Ceci veut dire que
le système immunitaire répond de manière
anormale lorsqu’il est exposé à certains
‘allergènes’, comme les pollens de graminées,
les pollens d’arbres ou les poils de certains
animaux et, bien sûr, les acariens. Il fabrique
des anticorps que nous appelons, en jargon
médical, les immunoglobulines de type E.
Cet état de sensibilisation, en bonne partie
influencé par des facteurs génétiques, peut
conduire à des manifestations allergiques qui
prennent des formes diverses: écoulement
du nez, yeux rouges, démangeaisons, toux,
eczéma, asthme…
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La désensibilisation consiste à mettre
l’organisme en contact avec des quantités
importantes de l’allergène auquel il est
sensibilisé. On arrive ainsi, en quelque sorte,
à manipuler le système immunitaire afin qu’il ne
réagisse plus par une réponse anormale en cas
d’exposition à l’allergène. La désensibilisation
transforme ainsi un individu sensibilisé en un
individu désensibilisé qui ne présente plus de
signes d’allergie même lorsqu’il est en contact
avec des acariens ou des pollens.
Des avancées ou des innovations
importantes ont-elles eu lieu dans
ce domaine?
Les mécanismes qui entrent en jeu lors
d’une désensibilisation sont de mieux en
mieux cernés. Si ces progrès intéressent
principalement les chercheurs, il en est d’autres
qui concernent directement les patients. Ces
avancées concernent l’efficacité, la sécurité et
le confort.
En termes d’efficacité, on estime que la
désensibilisation conduit à un succès dans
environ 2/3 des cas. Les voies alternatives
utilisées de nos jours (comme la voie
sublinguale orale) rendent aussi son emploi
beaucoup plus sûr qu’auparavant en termes
d’effets secondaires. En effet, les traitements
désensibilisants classiques (c-à-d les
injections d’allergènes par voie sous-cutanée)
peuvent reproduire, lors des injections, des
symptômes parfois aussi intenses que ceux
survenant durant les crises, voire plus graves.
Plusieurs voies ont été explorées pour rendre
le traitement désensibilisant plus sûr. Parmi
celles-ci, figure la prise du traitement par voie
orale plutôt que de recourir à des injections.
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Le Journal du Patient N°7 Septembre 2012
Comment expliquer qu’une prise
par la bouche, sous la langue,
soit plus sûre?
Tout a commencé avec des études chez la
souris. Des chercheurs ont constaté, au début
des années 50, qu’il était possible de rendre
des souris sensibles à certains allergènes
injectés sous la peau. Lorsque ces animaux
sont, après quelques jours, à nouveau
exposés aux allergènes auxquels on les a
sensibilisés, ils présentent d’intenses réactions
pouvant entraîner le décès. En revanche, si les
allergènes sont préalablement administrés
par la bouche, il est impossible de sensibiliser
une souris normale, de transformer une souris
normale en souris allergique. La voie buccale
permet donc d’induire une tolérance. Pourquoi,
me direz-vous?
Notre tube digestif est continuellement exposé
à une multitude de molécules susceptibles
d’entraîner une allergie: tout ce que nous
mangeons nous est étranger et, si nous n’y
étions pas tolérants, nous ne pourrions pas
nous nourrir. Cet état de tolérance a été induit
avec le concours des multiples bactéries qui
occupent notre tube digestif, y compris la
cavité buccale: la muqueuse digestive produit
une réponse immunitaire destinée à bloquer
l’invasion des microbes, les empêchant ainsi
de provoquer une infection. Les mécanismes
de cette réaction de défense inhibent ceux de
la reponse allergique. Les allergènes auxquels
notre tube digestif est exposé sont en quelque
sorte victimes des moyens de défense que
notre organisme met en place pour lutter
contre les bactéries: ces allergènes ne peuvent
pas perpétrer leurs méfaits et leur effet s’éteint.
Vous parliez également de progrès
en termes de facilité et de confort…
La voie buccale est évidemment plus aisée
et plus confortable que le traitement par
injections. Le traitement par injections, qui
comporte initialement des piqûres à intervalles
rapprochés, a un caractère astreignant qui
explique en partie les abandons ou les arrêts
transitoires. ‘L’oubli’ répété des injections
peut avoir des conséquences sur le plan de
l’efficacité: la dose totale sera moindre et
comme l’efficacité est liée à la dose…
La voie buccale consiste en la prise de
comprimés ou de gouttes, à mettre sous la
langue, puis à avaler éventuellement. Elle ne
nécessite donc pas une visite chez le médecin.
Les principaux effets indésirables peuvent
être des picotements dans la bouche au
moment de la prise. Ils disparaissent en une
quinzaine de jours. Aucun accident grave
n’a été décrit jusqu’ici.
Comment dépister une allergie?
Comme je l’ai mentionné, certains individus
sont génétiquement prédisposés à développer
un état de sensibilisation. Beaucoup d’entre
eux sont sensibilisés sans le savoir. Le stade
ultérieur est caractérisé par l’apparition
de symptômes répétés et handicapants.
Ces symptômes sont parfois attribués, à
tort, à un rhume qui n’en finit pas. Fort
heureusement, l’altération de la qualité de
vie qu’ils entraînent pousse bon nombre de
personnes à se tourner vers leur médecin. Ce
dernier arrive assez facilement à confirmer
le diagnostic en menant un interrogatoire
détaillé concernant, entre autres, les moments
de l’année ou de la journée auxquels les
symptômes surviennent, les endroits où ils sont
plus intenses… Il réalise des tests cutanés
qui consistent à injecter une petite quantité
d’allergène sous la peau afin d’observer
l’éventuelle réaction qu’il provoque (critères
de positivité bien définis). Si la réalisation des
tests cutanés est impossible (eczéma étendu,
prise d’antihistaminiques,…), le dosage
des IgE spécifiques peut se faire dans le sang
également.
Le traitement désensibilisant
n’est probablement pas la seule arme
pour lutter contre l’allergie?
En effet. On peut tout d’abord éviter l’allergène
auquel on est sensible. Plus facile à dire qu’à
faire. La mesure à prendre en cas d’allergie aux
animaux est simple et efficace, même si elle
est parfois douloureuse: le chien, le chat ou le
hamster coupable ne devraient pas avoir droit
de cité!
Dans les autres types d’allergie, la situation
est plus aléatoire. Ainsi, il est souvent
conseillé, pour éviter les pollens d’arbres ou
de graminées, de renoncer aux promenades
dans la nature durant les mois de pollinisation,
de fermer les fenêtres… Ces conseils me
semblent illusoires: assigner les patients à
domicile en leur interdisant de profiter des
rayons du soleil ou des balades constitue une
mesure particulièrement drastique, qu’il est
parfois bien difficile de suivre.
Quant aux moyens à mettre en œuvre pour
réduire suffisamment la concentration
en acariens dans une maison, ils sont
particulièrement fastidieux car la lutte doit
porter sur de multiples fronts: il faut à la fois
s’occuper de la literie, de la température, de
l’humidité, des tapis, des coussins…
Outre les mesures d’éviction, nous disposons
de médicaments, comme les antihistaminiques
ou les corticoïdes topiques. Ces médicaments
sont utiles pour lutter contre les symptômes
de l’allergie, mais ils ne conduisent pas à la
guérison. Par ailleurs, comme les symptômes
allergiques apparaissent souvent dans le
jeune âge, le traitement médicamenteux,
lorsqu’il est la seule arme utilisée, doit être
pris de manière chronique, pendant de
nombreuses années.
Le seul traitement capable de traiter le mal à
sa racine est précisément la désensibilisation.
Comme je l’ai mentionné, on estime que
celle-ci est efficace dans 2/3 des cas, pour
peu qu’elle soit utilisée à bon escient et à
doses appropriées. La désensibilisation
permet également de réduire la charge en
médicaments.
Comment se déroule le traitement
désensibilisant pour les acariens?
Les acariens sévissent toute l’année. La
désensibilisation peut donc commencer à
tout moment, même si des pics d’acariens
sont décrits à l’automne, période où on
commence à chauffer les chaumières, et au
printemps, période où le taux d’humidité est
généralement élevé.
La durée du traitement est de 3 à 5 ans. L’effet
bénéfique peut se manifester dès la première
année et, s’il apparaît rapidement, trois ans
de traitement suffisent. Cinq années sont
préconisées lorsque l’amélioration est plus
tardive.
Qu’en est-il dans le cas des pollens
d’arbres?
Lorsqu’on opte pour une désensibilisation
par voie sublinguale/orale, dont j’ai évoqué
les avantages, il y a des nouveaux schémas
de traitement appelés ‘pré-’ et ‘co-saisonniers’
comprenant un début de traitement deux mois
avant la saison pollinique et une prolongation
de ce traitement durant la saison. Cette
approche permet de limiter la durée de la prise
par rapport à une désensibilisation qui dure
toute l’année, ce qui augmente la probabilité
de rester fidèle au traitement.
Prenons l’exemple de l’aulne, du bouleau et
du noisetier: la saison pollinique de ces arbres
s’étend de fevrier à mars-avril, de sorte que le
traitement désensibilisant pré- et co-saisonnier
est à débuter en janvier et se termine en avril. Il
est donné sous forme de gouttes sublinguales.
Pour les graminées, le traitement peut aussi
être administré sous forme de comprimés à
faire fondre sous la langue, à raison de
1 comprimé par jour. Les traitements sont
au point, le reste n’est plus qu’une question
de calendrier!
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