Le traité de Paix Dans sa correspondance à une demoiselle

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Texte manuscrit au verso de la photo des militaires français à Homécourt : « 24/6/1919 – Il ne faut plus s’en
faire. La paix est signée, à bientôt le retour de la classe 11. Je vous embrasse bien des fois. Roger ».
Le traité de Paix
Dans sa correspondance à une demoiselle parisienne, le militaire (figurant avec une croix à gauche
du calot) anticipe de 4 jours la signature effective du traité de paix à Versailles. C’est en effet le 28
juin 1919, après quatre années d’une guerre terrible, le premier conflit mondial de l’Histoire prend
fin dans la galerie des Glaces du château de Versailles. “ Paix” pour les uns, “ diktat” pour les
autres, le traité contient en germe les causes d’un second conflit qui éclate vingt années plus tard.
Près d’un demi-siècle après la proclamation de l’Empire allemand en 1871, Clémenceau savoure
sa revanche : ce 28 juin 1919, l’Allemagne vaincue signe le traité de paix dans la galerie des Glaces,
c'est-à-dire à l'endroit même où son empire avait été proclamé. La Première guerre mondiale est
finie. Une table a été dressée au milieu sous la figure emblématique de Louis XIV traversant le
Rhin. La signature des documents dure 45 minutes. Aucun décorum, aucune musique pour célébrer
ce moment solennel. 27 délégations, représentant 32 puissances, sont présentes. Sont assis à la
table, les quatre représentants des nations alliées : Clémenceau pour la France ; Wilson pour les
Etats-Unis, Lloyd George pour la Grande-Bretagne, et Orlando pour l’Italie. Müller, ministre des
Affaires étrangères, et le docteur Bell composent la délégation allemande.
Les négociations ont été longues et difficiles. Une conférence de la paix, siégeant à Paris depuis
le 18 janvier 1919, a préparé le traité. L’Allemagne a été tenue à l’écart. Les Alliés mènent seuls les
débats, mais ils ne sont pas d’accord entre eux. La France veut écarter définitivement le danger
allemand et mettre l’Allemagne à genoux. La Grande-Bretagne veut au contraire lui conserver son
rang. Les Etats-Unis rêvent d’un monde pacifié avec la Société Des Nations. L’Italie veut les
territoires qu’on lui a promis en 1915. Le traité est finalement soumis à l’Allemagne, le 7 mai 1919.
Il est très dur pour la nation vaincue ; soumises le 29 mai, les contre-propositions de l’Allemagne
sont toutes rejetées et le pays refuse de signer. Le 17 juin, les Alliés lui donnent cinq jours pour
se décider. L’Allemagne s’incline finalement devant ce qu’elle considère comme un “ diktat”.
Les conditions sont en effet draconiennes. Reconnaissant sa responsabilité dans le conflit,
l’Allemagne perd 68 000 km² de son territoire, dont l’Alsace et la Lorraine annexées en 1870, et 8
millions d’habitants. Une partie de la Prusse orientale est démantelée au profit de la Pologne qui
gagne un accès à la mer par le fameux “corridor de Dantzig”. Elle doit verser 20 milliards de
marks-or au titre des réparations réclamées par la France. Elle perd l’essentiel de son minerai et de
sa production agricole. Ses colonies lui sont confisquées. Sa puissance militaire est anéantie… Se
sentant humiliée, l’Allemagne n’aspirera qu’à la revanche. Avec l’arrivé d’Hitler au pouvoir, une
nouvelle guerre se prépare, que l’on pensait avoir écartée.
La démobilisation
Outre les difficultés logistiques inévitables, ces six mois de négociations expliquent en partie
pourquoi la démobilisation des Poilus est loin d’être terminée à la fin juin 1919. En fait les derniers
Poilus retrouvent leurs foyers en octobre 1919.
Il existe plusieurs raisons sur le fait que les soldats sont restés mobilisés. La première est qu’il
est difficile de rendre immédiatement à la vie civile 9 millions de soldats. Si cela était encore
possible dans le monde rural (près de la moitié des Poilus sont des cultivateurs), c’était beaucoup
plus difficile pour l’industrie d’intégrer tous ces travailleurs. De plus, les politiciens français voient
avec inquiétude les mouvements sociaux et révolutionnaires dans les pays vaincus (Hongrie,
Bavière, Berlin…), animés en grande partie par les soldats démobilisés. Mais la raison principale
est le fait que la France considére que la paix avec l’Allemagne n’est pas signée. En guise de
pression, elle conserve ses troupes mobilisées durant les négociations qui aboutissent au traité
de Versailles du 28 juin 1919. La plupart des soldats sont rendus à la vie civile après cette
date.
La démobilisation est progressive et s’effectue en fonction de la classe. Les derniers regagnent
leur foyer en septembre et octobre 1919, soit plus de dix mois après la fin des combats et plus de
cinq ans après le début du conflit. Les derniers démobilisés sont également les plus jeunes (classes
de 1910 à 1917).
Retour des démobilisés à la gare de l’Est à Paris.
Réalisé par “2014 Abta Histoire de Boussay”, un tableau de la mobilisation durant la grande guerre
donne des précisions sur ce processus :
TABLEAU DE LA DUREE DU SERVICE MILITAIRE
de chaque classe de l'armée française qui participa à la grande guerre mondiale de 1914 à 1918
Réserve de
l'armée
territoriale
Armée
territoriale
AGE de
CLASSE mobilisation de
la classe
Appel des
Classes
1887
47 ans
Suivant les besoin, les spécialistes ont été appelés
dès août 1914, ainsi qu'un certain contingent de la
classe1888
1888
46 ans
Les 31 mars et
1er août 1916
1889
45 ans
Le 15 avril
1915
1890
44 ans
Le 1er avril
1915
Le 10 décembre
1918
3 ans, 8 mois et
10 jours
1891
43 ans
Le 1er mars
1915
Le 20 décembre
1918
3 ans, 9 mois et
20 jours
1892
42 ans
Le 1er
Le 25 décembre
décembre 1914 1918
1893
41 ans
1894
40 ans
1895
39 ans
1896
38 ans
1897
37 ans
1898
36 ans
1899
35 ans
Libération
Le 1er décembre De 32 à 28
1918
mois
3 ans, 7 mois et
15 jours
Le 18 janvier
1919
Entre le 3 et le
13 août 1914
duré du
service
consécutif
Le 21 janvier
1919
Le 14 février
1919
Le 23 février
1919
4 ans et 25
jours
4 ans, 5 mois et
16 jours
4 ans, 5 mois et
19jours
4 ans, 6 mois et
12 jours
4 ans,6 mois et
21 jours
Réserve de
l'armée active
active
Classe
appelées
depuis la
guerre
1900
34ans
1901
33 ans
1902
32 ans
1903
31 ans
1904
30 ans
1905
29 ans
1906
28 ans
1907
le 7 mars 1919
4 ans, 7 mois et
5 jours
Le 19 mars 1919
4 ans, 7 mois et
17 jours
Le 31 mars 1919
4 ans, 7 mois et
29 jours
27 ans
Le 20 juillet
1919
4 ans, 11 mois
et 18 jours
1908
26 ans
Le 30 juillet1919
4 ans, 11 mois
et 28 jours
1909
25 ans
Le 9 août 1919
5 ans et 7 jours
1910
24ans
Le 15 août 1919
5 ans et 13
jours
1911
23ans
Le 1er octobre
6 ans, 10 mois
Le 22 août 1919
1912
et 22 jours
1912
22 ans
Le 8 octobre
1913
1913
21 ans
Le 26
novembre 1913
environ 5 ans et
9 mois
1914
20 ans
Le 1er
Entre le 31 août
septembre 1914 et le 4 octobre
environ 5 ans
1915
19 ans
Le 15 décembre
1914
environ 4 ans et
9 mois
1916
18 ou 19 ans
Le 8 avril 1915
environ 4 ans et
6 mois
1917
18 ans
Le 7 janvier
1916
environ 3 ans et
9 mois
1918
18 ou 19 ans
Le 16 avril
1917
1919
18 ou 19 ans
Le 15 avril
1918
Entre le 3 et le
12 août 1914
Le 29 août1919
6 ans, 10 mois
et 22 jours
Classes actuelles de l'armée
active: restent encore sous les
drapeaux
Ce document très intéressant confirme la correspondance expédiée d’Homécourt à la fin juin par le
Poilu Roger... et la prochaine libération de la classe 11 pour le 22 août 1919.
La “Der des der” ?
Pour le vingtième anniversaire de leur retour à la vie civile, en septembre 1939, les plus jeunes
démobilisés connaissent une nouvelle mobilisation ! Rappelés sous les drapeaux pour une nouvelle
guerre contre l’Allemagne, sans doute, beaucoup d’entre eux éprouvent, le sentiment qu’au cours de
celle que l’on avait nommée “la der des der”, le sacrifice d’une partie de leur jeunesse et la mort de
tant de leurs camarades n’avaient finalement servi à rien !
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