Comment optimiser la prescription des corticoïd

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Forum Médical de Rangueil
Jeudi 19 octobre 2006
« Comment optimiser la prescription des corticoïdes par voie générale ? »
Ph. ARLET, L. SAILLER, L. ASTUDILLO, G. PUGNET
Bien qu’elle soit connue depuis plus d’un demi siècle, la corticothérapie par voie générale
reste une des grandes thérapeutiques utilisée actuellement, avec un rapport bénéfice/risque
qu’on pourrait qualifier d’exceptionnel lorsqu’elle est prescrite sur une très courte durée.
Il est donc très important d’emblée de bien distinguer la prescription de corticoïdes pour un ou
quelques jours, de la prescription pour des durées qui vont dépasser la semaine. En effet, audelà d’une dizaine de jours on a déjà un retentissement de ce traitement sur l’axe hypophysosurrénalien, qui peut entraîner à l’arrêt du traitement quelques symptômes en rapport avec la
freination de la sécrétion normale de cortisone dans l’organisme.
Il en découle un premier élément :
- en cas de corticothérapie très courte ou courte, le choix du corticoïde utilisé importe
peu. Chacun peut faire avec ses habitudes. Il faut savoir cependant que certains
produits ont une action retard et une seule injection correspond à une corticothérapie
déjà longue de 15 jours à 3 semaines comme le KENACORT RETARD.
Il faut savoir aussi que cette freination de l’hypothalamo-hypophyse par la
corticothérapie atteint son maximum pour des doses de l’ordre de 1mg/kg, cette dose
sature quasiment tous les récepteurs. Il en découle qu’il n’y a pas plus de freination
avec 600mg qu’avec 60mg…
La corticothérapie est le seul médicament qui peut-être utilisé avec efficacité dans des
indications différentes à des doses pouvant varier de 1 à 100. Par exemple, une dose de 5mg
de PREDNISONE peut avoir une bonne efficacité sur un rhumatisme inflammatoire. Il peut
arriver qu’on utilise des doses de 500 voire de 1000 mg/jour pendant plusieurs jours en
particulier dans l’induction d’un traitement pour préserver un greffon, ou dans des
vascularites graves ou encore dans la sclérose en plaques.
1) La corticothérapie de courte durée
Il s’agit donc d’une corticothérapie qui va durer moins d’une semaine. Pour cela on peut
utiliser n’importe quel type de corticoïdes, et les doses vont être adaptées en fonction des
indications. Certaines maladies sont traitées par de très fortes doses par exemple 1g/jour
pendant 3 jours pour la sclérose en plaques, corticothérapie qui peut être ensuite
renouvelée quelques semaines plus tard sans gros inconvénient sur la freination de l’axe
corticotrope. Dans des pathologies inflammatoires plus banales on peut être amené à
utiliser 20mg/jour pendant quelques jours pour une périarthrite de l’épaule par exemple,
ou 40 à 60mg/jour de PREDNISONE ou PREDNISOLONE pour une pathologie
inflammatoire ORL. Cette corticothérapie doit être arrêtée brutalement. Il ne faut pas
prolonger indûment une corticothérapie courte sous prétexte de faire une dégression
progressive qui n’a de sens que lorsqu’il y a eu une freination importante de l’axe
corticotrope.
Les indications de ce type de corticothérapie sont très larges, il faut encore en préciser la
dose et la durée. En matière de corticothérapie on a encore tendance à en faire trop et trop
longtemps. Ce médicament est très efficace et 2 jours de PREDNISONE à 30mg/jour est
un traitement qui peut traiter de manière efficace un bon nombre de pathologies
éventuellement rebelles aux anti-inflammatoires. Il ne faut pas hésiter à utiliser cette
thérapeutique à la place des anti-inflammatoires surtout quand les patients les supportent
mal ou ont des facteurs de risques de complications. En cure courte le corticoïde à un ratio
bénéfice/risque bien meilleur que l’anti-inflammatoire non stéroïdien. L’effet secondaire
le plus ennuyeux probablement dans ce type de prescription est une insomnie ou
éventuellement le nervosisme ou la décompensation d’une pathologie psychiatrique.
Il n’y a pas non plus de régime particulier à envisager lorsqu’on entreprend une
corticothérapie de un à quelques jours.
2) La corticothérapie plus prolongée
Lorsqu’on envisage de traiter un patient par une corticothérapie qui va durer plus de 10
jours, on est amené à ce moment là à envisager le rapport bénéfice/risque en fonction des
effets secondaires d’une corticothérapie qui se prolonge. Dans ce cas plus la dose est
importante et plus elle se prolonge dans le temps de manière quotidienne, et plus les effets
secondaires vont être fréquents et importants. En effet, démarrer une corticothérapie
prolongée c’est démarrer une maladie qui s’appelle le syndrome de Cushing et qui
comporte de très nombreuses complications en particulier l’atrophie et la fragilisation de
tous les tissus du fait de l’atrophie du tissu conjonctif et donc atrophie cutanée,
fragilisation des vaisseaux, tendance aux ecchymoses, tendance aux thromboses
veineuses, fragilisation osseuse (ostéoporose cortisonique).
Par ailleurs, il y a des effets métaboliques puisque l’hormone cortisonique est
diabétogène, et qu’elle entraîne de la rétention hydro-sodée et donc elle va très rapidement
aggraver un diabète, une hypertension artérielle ou même à terme faire apparaître ces
pathologies. La corticothérapie entraîne un déplacement des tissus adipeux pour donner la
classique obésité facio-tronculaire qui amène des perturbations esthétiques.
Il est donc impératif de limiter au maximum ces effets secondaires, de mettre en route dès
le début du traitement un régime de type diabétique et pauvre en sel. C’est ce régime qui
permettra de limiter au maximum les effets secondaires. Par ailleurs les effets
neuropsychologiques sont également importants, et chez les sujets prédisposés, fragiles, il
ne faudra pas hésiter à donner des sédatifs et des hypnotiques.
Moyennant ces précautions, le traitement cortisonique prolongé sur une durée de 15 jours
à 3 mois ne pose en général pas de très gros problème d’effet secondaire. Il faut bien sûr
se méfier du déséquilibre du diabète, du déséquilibre de l’hypertension, et du déséquilibre
des pathologies psychiatriques dans ce type de corticothérapie.
Quelquesoit la longueur escomptée de cette corticothérapie un peu ou très prolongée, il
faut utiliser les corticoïdes à durée d’action courte en concentrant la dose le matin. C’est
ce type de technique thérapeutique qui permet d’avoir le moins rapidement et le moins
souvent de sidération de l’axe corticotrope qui posera problème lors du sevrage. Les trois
corticoïdes que l’on doit donc utiliser sont CORTANCYL, SOLUPRED, MEDROL.
Il faut évaluer les patients en ce qui concerne le risque d’ostéoporose. Chez le sujet jeune
il n’est pas très important. Chez la femme ménopausée et chez l’homme âgé, il faut
s’assurer des apports calciques. Si le sujet mange peu de laitages il faudra le supplémenter
par du calcium, et bien sûr de la vitamine D si on est en période hivernale. Chez le sujet
fragile sur le plan osseux, il est très probable que les biphosphonates permettent de
diminuer le risque d’ostéoporose fracturaire.
3) Comment arrêter une corticothérapie qui a été prolongée au-delà de plusieurs
semaines ?
Tout d’abord, il faut bien préciser que la plupart des schémas de corticothérapie
proposés dans les maladies qui en relèvent ne reposent pas sur des bases
expérimentales solides, souvent la dose de 1mg/kg est choisie en dose d’attaque de
certaines de ces maladies, mais même la prescription des corticoïdes en fonction du
poids n’est pas validée.
Quoi qu’il en soit, à partir du moment où un traitement d’attaque est mis en place à des
doses relativement importantes, il est souvent proposé de diminuer progressivement cette
dose d’attaque. Cette pratique n’est pas non plus validée. Elle est probablement
responsable de corticothérapie trop importante. Il est clair que la plupart des maladies que
l’on traite avec des corticoïdes sont sensibles à des doses de l’ordre de 20 à 30mg/jour
d’équivalent PREDNISONE. Lorsqu’on fait un traitement d’attaque à 60mg/jour, une fois
les premiers jours ou les premières semaines de traitement passés, on peut très facilement
passer à la dose de 20mg/jour sans faire de dégression progressive.
La diminution progressive à la thérapeutique est justifiée à des doses moins importantes.
En effet à des doses moins importantes on se retrouve dans la situation où la maladie
peut récidiver, et où l’axe corticotrope peut être sidéré. C’est donc au dessous de
20mg d’équivalent PREDNISONE qu’il faut aborder la dégression progressive de la
corticothérapie.
C’est à partir de 5mg de PREDNISONE que l’on doit se poser la question de la réactivité
de l’axe surrénalien. Les pratiques dans ce domaine sont actuellement variées et n’ont pas
faits l’objet d’étude suffisante pour donner des conseils homogènes. Les endocrinologues
proposent de faire un test au SYNACTHENE lorsque le patient arrive à une dose de 5mg
de PREDNISONE et que sa maladie paraît guérie, et si le test au SYNACTHENE est
normal on peut arrêter la corticothérapie, s’il n’est pas normal il faut mettre le malade
sous 20mg d’HYDROCORTISONE, arrêter la PREDNISONE et considérer que ce patient
est en insuffisance surrénale potentielle. Il faut refaire le test au SYNACTHENE au bout
de 6 mois, la plupart du temps ces insuffisances surrénales fonctionnelles postcortisoniques guérissent et on peut ensuite arrêter le traitement substitutif.
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