Calédonien & Polynésien Soins podologiques pour les diabétiques du Grand Nouméa 2 ÈME PARTIE : MÉDECINE D’URGENCE ET POLYTRAUMATOLOGIE N° 51 - Mai 2008 A.D.I.M-N.C. - BP 14 999 98 803 NOUMEA Cédex Tel: ( 687 ) 26.03.84 Email: [email protected] http:// www.bmc.nc A.D.I.M-P.F. - BP 52 580 98 716 PIRAE TAHITI 12 ème année trimestriel Prix au numéro : gratuit V oici la deuxième partie consacrée au congrès des urgentistes et vous y verrez encore la tonicité de nos intervenants, sirènes du quotidien, surtout en nocturne et en week-end les pauvres ! Les réseaux se montent et l’interactivité entre les praticiens et les acteurs de santé augmente. C’est certainement la voie de la médecine moderne. Pourtant la prévention restera certainement LA clé de notre futur bien-être, et aussi celle de voûte de nos cotisations demain. L’exemple du diabète est frappant avec un nombre d’amputation par habitant... de pays sous développé… Dépistage et prévention… Là aussi, sachons tous regarder au plus tôt les claquettes de nos patients, et surtout éduquons les au plus vite. L’aide attentive des autres soignants, comme les podologues qui trouvent là une place méritée, est trop souvent oubliée. Elle pourra maintenant s’intégrer plus simplement à la prise en charge du diabétique. Bonne lecture. E Lancrenon DOSSIER Edito : Médecine d’urgence du Pacifique. La place du MEOPA. La mise en condition d’un patient polytraumatisé. Imagerie du polytraumatisé hors CHU: impact décisionnel. La prise en charge du traumatisme crânien: le point de vue de l’urgentiste. Les tachycardies à complexe large. CONSEIL DE L’ORDRE Actualités ordinales. AGENCE SANITAIRE ET SOCIALE DE NOUVELLE CALEDONIE Mise en place d’un forfait de soins podologiques pour les diabétiques du grand Nouméa. EXERCER AUJOURD’HUI Pendant l’épidémie de dengue, n’oublions pas la leptospirose! PACIFIQUE Halte à la tuberculose dans le pacifique. Le nouveau site web du Département Santé Publique de la CPS. Des nouvelles de la Société océanienne pour la santé sexuelle et la médecine du VIH (OSSHHM) L'ASSOCIATION DES MEDECINS URGENTISTES DE NOUVELLE CALEDONIE remercie l’ensemble des administrations, sociétés et personnes qui ont participé à l’organisation et au bon déroulement de ces 3èmes journées Internationales de Médecine d’Urgence du Pacifique [email protected] Mai 2008 - N° 51 16 22 25 26 29 30 31 Directeur de la publication : E Lancrenon. Secrétaire de Rédaction : P. Nicot. Conception, Maquette, Mise en page : J. Nicot *** Comité de Rédaction de Nouméa pour le B.M. n° 51 AMUNC, B. Rouchon, J M Tivollier, F. Vangheluwe. *** Les articles signés sont publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs. *** Tiré à 2 000 exemplaires par ARTYPO. Distribué à 1400 ex. en Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna. et à 450 exemplaires en Polynésie Française COMMUNIQUÉ 02 3 4 6 12 DOSSIER TO I D É Médecine d’urgence du Pacifique 2ème partie D euxième partie consacrée aux 3èmes Journées Internationales de Médecine d’Urgence du Pacifique organisées par l’Association des Médecins Urgentistes de Nouvelle-Calédonie en partenariat avec le CHT et qui se sont déroulées du 27 au 29 novembre 2007 . Ce second volet développe les interventions plus particulièrement consacrées à la mise en condition et à l’imagerie du polytraumatisé, au point de vue de l’urgentiste sur la prise en charge du traumatisme crânien. Enfin, un article est consacré aux tachycardies à complexes larges. Mais nous débuterons ce second numéro spécial « Médecine d’Urgence » par l’utilisation dans les services d’urgence du MEOPA* Nous vous rappelons que rendez vous est dores et déjà pris en 2009 à Saint Denis de La Réunion pour le 3 ème Congrès des SAMU-Urgences d’Outremer ainsi qu’en 2010 à Papeete pour les 4 èmes Journées Internationales de Médecine d’Urgence du Pacifique. Bonne lecture à tous. *: Mélange Équimolaire Oxygène - Protoxyde d’Azote 17bis, rue Georges Claude - Ducos BP 1411 - 98845 NOUMEA CEDEX Tel : (687) 24-61-44 Fax : (687) 26-38-69 Mai 2008 - N° 51 03 Médecine d’urgence La place du MEOPA F Adnet, V Monmarteau Samu 93, hôpital Avicenne, 93000 Bobigny En France, malgré une utilisation régulière en pédiatrie depuis les années quatre-vingt, ce n'est que le 15 novembre 2001 qu'une autorisation de mise sur le marché a été délivrée au mélange équimolaire oxygène - protoxyde d'azote ou MEOPA, après avoir bénéficié d'une autorisation temporaire d'utilisation en mars 1998. Actuellement, environ 50% des services d'urgence utilisent le MEOPA. Historique C'est en 1772 que le pasteur anglais Joseph PRIESTLEY découvrit le protoxyde d'azote qu'il baptisa " gaz hilarant ". Il mourut sans avoir pu appliquer les vertus anesthésiques de sa découverte chez l'homme. Ce n'est que 12 ans plus tard qu'un dentiste, Horace Wells, utilisa le protoxyde d'azote comme anesthésique pour arracher les dents de ses patients après l'avoir expérimenté sur lui-même. Le protoxyde d'azote était obtenu par distillation de nitrate d'ammoniaque et conservé sous forme liquéfiée dans un gazomètre. En 1879, Paul Bert proposa pour la première fois de l'associer à l'oxygène pour éviter les effets secondaires dus à l'hypoxie. En 1961, l'anglais TUNSTALL réalisa le premier mélange stable d'oxygène et de protoxyde d'azote à 50 % qu'il appela ENTONOX. Ce qui montre bien que le MEOPA n'a de récent que la dénomination… Celui-ci est stocké dans une bouteille blanche et bleue de 5 litres (marquage conventionnel) remplie à 170 bars (soit 1,5 m3 de gaz). Il existe également des bouteilles de 20 litres (soit 6 m3 de gaz). La bouteille contient un mélange gazeux tout préparé, équimolaire, d'oxygène et de protoxyde d'azote, stable si la température est supérieure à -13 °C. C'est un médicament inscrit sur liste I, réservé à l'usage hospitalier et aux véhicules de transport d'aide médicale d'urgence. Indications En urgence, les indications sont surtout les actes douloureux de courte durée (inférieur à 45 min) chez l'enfant mais aussi chez l'adulte, comme toute ponction chez l'enfant (pose d'une voie veineuse périphérique, ponction artérielle, lombaire, réalisation d'un myélogramme …), comme la réfection d'un pansement chez le brûlé, la pose de points de suture, la réduction de fracture (ou de luxation périphérique) simple, l'ablation d'un corps étranger (écharde, hameçon …) 04 Mai 2008 - N° 51 ou la réalisation d'une infiltration articulaire. Sont également des indications à l'utilisation du MEOPA, la mobilisation d'un membre fracturé lors de la pose d'une attelle, lors de la réalisation de radios ou d'un examen clinique par un médecin ; le transport de patients douloureux en SMUR ; l'analgésie de la femme enceinte lors d'un accouchement inopiné. soit en libérant des médiateurs opiacés. Il stimule la sécrétion des endomorphines. Son effet dure tant que l'inhalation se poursuit. Le réflexe de déglutition est maintenu. Sur le système nerveux, le MEOPA provoque la diminution de la fonction corticale et modifie les sensations entraînant une diminution de l'audition, du goût, de l'odorat et de la sensibilité à la douleur, au toucher, à la pression, Pharmacologie à la température. Il induit également, chez le patient, une relaxation générale, une anxioConcernant les propriétés pharmacologiques, lyse, une amnésie et parfois une euphorie. il faut retenir que l'absorption et l'élimination sont rapides (3 min), exclusivement pulmonaires et sans métabolisme par l'organisme. Effets secondaires À cette concentration (50%), le protoxyde Comme tout médicament, le MEOPA d'azote ne possède pas d'effet anesthésique, il n'y a pas de dépression respiratoire ou de perte peut provoquer des effets secondaires, en fait de conscience induites. L'effet analgésique plutôt des effets indésirables comme des est d'intensité variable selon l'état psychique nausées (qui sont sans incidence clinique car des patients : Le N2O agirait au niveau des les réflexes laryngés sont présents), une agirécepteurs morphiniques, soit directement, tation (à cause d'un effet antalgique insuffisant Médecine d’urgence ou d'un effet paradoxal comme décrit avec tous les produits sédatifs et anxiolytiques chez l'enfant), une angoisse (chez la personne qui se sent " partir ") ou au contraire de l'euphorie (due aux nouvelles sensations sensorielles procurées par l'inhalation de MEOPA). Parfois peuvent survenir une perte de contact verbal, des paresthésies (picotements, fourmis) au niveau buccal, et exceptionnellement une bradycardie ou une désaturation avec au pire une apnée. Ce qu'il faut souligner, c'est que ces effets secondaires sont rares (moins de 3 %) et rapidement réversibles dès l'arrêt de l'administration. Ils surviennent surtout en cas d'inhalation prolongée (au-delà de 40 min). Par contre, il faut savoir qu'ils sont majorés par l'association de morphiniques et de benzodiazépines et également chez l'enfant de moins de 1 an. Contre-indications Les contre-indications sont peu nombreuses et sont liées à la grande capacité de diffusion du protoxyde d'azote dans les espaces organiques clos, ce qui majore les volumes et les pressions. Il s'agit en premier lieu de l'hypertension intracrânienne, des troubles de la conscience et du traumatisé crânien non évalué. Il est également contre-indiqué chez les patients ayant un pneumothorax non drainé, de l'emphysème, une embolie pulmonaire, une distension gastrique ou abdominale, un traumatisme maxillo-facial, nécessitant une ventilation en oxygène pur, ayant eu un accident de plongée. Pour finir, la température ambiante ne doit pas être inférieure à -5° C (sinon le mélange se dissocie). Administration Il faut toujours privilégier l'auto administration par le patient lui-même. Le masque ne doit jamais être appliqué de force sur le visage mais au contraire être accepté spontanément. Le matériel nécessaire est le suivant : - une bouteille équipée d'un manodétendeur spécifique permettant de connaître la pression résiduelle dans la bouteille et de régler un débit entre 1 et 15 litres par minute. - le système utilisé pour faire inhaler le MEOPA comprend un ballon souple d'anesthésie muni d'une valve anti-retour, dont le volume sera adapté au poids du patient, et qui sera relié au manodétendeur par un tuyau flexible. - un filtre antibactérien sera intercalé entre la valve et le masque qui sera choisi parfumé pour les enfants (ce qui en facilitera grandement l'acceptation). Ceci permet de réutiliser 15 fois le circuit patient. L’ensemble des moyens de réanimation classique seront à portée de main (chariot d’urgences, aspiration fonctionnelles, BAVU + O2). La surveillance du patient est primordiale pour dépister et éviter tout effet secondaire préjudiciable au patient. Elle est essentiellement clinique et consiste à dépister tout trouble de la conscience par maintien du contact verbal, tout trouble de la ventilation en mesurant la fréquence respiratoire et en observant la coloration du patient. La mesure de la saturation en oxygène est fortement recommandée mais non obligatoire car le mélange est hyperoxique. L'évaluation de la douleur doit également être faite. Renseigner par la suite le dossier de soins du patient : EVA, temps d’administration de MEOPA… Pour terminer, en fonction des protocoles de l'hôpital, ne pas oublier de remplir si besoin le relevé nominatif d'utilisation du MEOPA qui sera retourné à la pharmacie avec la bouteille vide. Précautions d’emploi Pour utiliser le MEOPA en toute sécurité, des précautions doivent être respectées : - le matériel d'urgence, et notamment celui nécessaire à une ventilation artificielle, doit être vérifié et à portée de main. Le temps d'inhalation continue ne doit pas dépasser 1 heure. - concernant plus précisément les bouteilles de MEOPA, celles-ci seront stockées et utilisées verticalement à une température ambiante supérieure à O° C. - on prendra soin, également, de toujours laisser une pression résiduelle de 10 bars minimum dans la bouteille pour permettre un nouveau remplissage ultérieur. Limites d’utilisation La puissance du MEOPÄ est faible mais elle contribue à sa sécurité d'utilisation. Il existe environ 10 % d'échecs avec cette méthode, liés surtout à l'angoisse et à l'appréhension du patient et nécessitant un recours à une autre technique d'analgésie. De plus, cette technique ne peut pas être employée chez des patients agités car une bonne coopération du patient est requise. D'autre part, chez les enfants de moins de 3 ans, les effets sont légèrement moins marqués. Conclusion Le MEOPA permet de réaliser en urgence une analgésie rapide et efficace après seulement 3 minutes d'inhalation, une analgésie sécurisante car facilement réversible en moins de 5 minutes dès l'arrêt de l'administration, et une analgésie à faible coût à condition d'en respecter les indications et contre-indications. Les personnes habilitées à faire inhaler du MEOPA sont les médecins anesthésistes et les IADE. Y sont aussi autorisés les médecins urgentistes et les IDE après avoir reçu une formation théorique et pratique. Le personnel paramédical le faisant sur prescription médicale et/ou en application d'un protocole de service écrit. La personne responsable ne doit s'occuper qu'exclusivement du contrôle de l'administration du MEOPA et de la surveillance du patient. Cette personne doit absolument expliquer au patient la technique qui va être utilisée afin de le convaincre, de le mettre en confiance et de le rassurer. Il faut insister sur le fait que l'inhalation ne fait pas dormir mais qu'elle peut induire des sensations bizarres comme une envie de rire et qu'elle permet de diminuer très fortement la douleur. Mai 2008 - N° 51 05 Médecine d’urgence La mise en condition d’un patient polytraumatisé Frédéric Adnet Samu 93, Upres 3409, Hoptal Avicenne, 93000 Bobigny Si la nécessité d’une mise en condition spécifique et d’un monitorage adapté d’un patient polytraumatisé n’est plus actuellement discutée, le clinicien doit bien évaluer avant chaque prise de décision la balance bénéfice/risque pour le patient. La valence « risques » des polytraumatisés est probablement déterminée par le délai qui sépare le moment de l’accident de la réalisation de l’hémostase chirurgicale définitive au bloc opératoire. Cependant, le concept de « golden hour » ou de « platinum ten minutes » [1] semble ne pas être supporté par des niveaux de preuves importants [2]. Il est toutefois raisonnable de considérer que les techniques de relevage, de mise en condition et le choix du monitorage doivent être guidés par l’optimisation de la balance entre le temps consacré à leur mise en place et les bénéfices immédiats pour le patient avant son transfert et son accueil au bloc opératoire. Ceci étant posé, un certain nombre de gestes apparaissent nécessaires malgré la consommation de temps qui leur est associée car ils permettent d’orienter ou d’établir un diagnostic, de poser l’indication d’un traitement rapide, de suivre son efficacité à la phase préopératoire et peuvent même être déterminants dans le choix de l’orientation hospitalière du patient. Il est reconnu que la nature de la réponse physiologique d’un patient à une agression détermine largement son pronostic. Il est donc vital d’évaluer, par un minimum de monitorage, le comportement physiologique du patient puisque cette appréciation permet non seulement d’évaluer les réserves physiologiques mais aussi de déterminer une « ligne de base » qui servira de référentiel pour suivre l’efficacité de la prise en charge et des traitements entrepris. Une bonne connaissance des techniques de monitorage et de l’interprétation des résultats est fondamentale puisqu’une mauvaise appréciation peut aboutir à une stratégie thérapeutique erronée. Ce mauvais « aiguillage » initial, diagnostique ou thérapeutique, peut engager le pronostic vital à très court terme car il est souvent difficile de redresser les erreurs initiales commises à la prise en charge d’un patient traumatisé grave. Ainsi, malgré l’impression d’un temps consommé important, il apparaît vital qu’une prise en charge de haut niveau soit réalisée à la phase initiale chez le patient polytraumatisé [3-5]. Cette notion est cependant toujours controversée par certains auteurs anglo-saxons [6, 7]. La prise en charge initiale d’un patient polytraumatisé Réception de l’appel La prise en charge d’un patient polytraumatisé commence dès la régulation de l’appel. Une étude a montré que le choix d’un effecteur (premier secours, ambulance médicalisée, pompiers) dépendait de la localisation de la réception de l’alerte et de son traitement (Samu, police ou pompiers) [8]. 06 Mai 2008 - N° 51 Médecine d’urgence Un certain nombre d’éléments anamnésiques décrits par les témoins doivent influer sur le choix de l’effecteur à envoyer sur place (équipe médicalisée ou simples secouristes). Ces éléments peuvent être la présence d’un patient décédé, un motard ne se relevant pas, etc... Un certain nombre de ces éléments sont regroupés dans le tableau 1 [9]. Notion de cinétique importante Déformation des véhicules Intrusion de structures dans l’habitacle Impact latéral violent Disproportion des vecteurs (piéton/automobile par exemple) Notion de victime éjectée Notion d’une victime décédée Notion d’une victime ne se relevant pas Chute d’une hauteur supérieure à 6 mètres Plaie par arme à feu ou arme blanche Relevage La prévention de lésions supplémentaires ou de l’aggravation de lésions existantes et en particulier de lésions rachidiennes passe par des techniques d’immobilisation simples. Le patient est relevé, ou désincarcéré en respectant l’axe tête-cou-tronc par la pose systématique d’une minerve. La traction active du rachis cervical est abandonnée car est susceptible d’aggraver des lésions rachidiennes [10]. Le patient est placé dans un matelas à dépression ou sur une « planche olivier » qui permet de maintenir le rachis sur une surface dure, indéformable. Les fractures de membre avec déplacements importants sont réalignées sous analgésie en utilisant des morphinomimétiques de première intention [11]. Des techniques de désincarcération rapide peuvent être employées en diminuant le niveau de précaution si une détresse vitale est présente. Gestion des fonctions vitales Les trois grandes fonctions vitales sont à évaluer en priorité en traumatologie lourde : ce sont la ventilation, l’hémodynamique et les fonctions neurologiques (en particulier l’atteinte médullaire). Les étiologies immédiatement curables d’une détresse respiratoire doivent être recherchées et traitées (exsufflation d’un pneumothorax compressif par exemple). La gestion des voies aériennes vise à faire bénéficier au patient d’une intubation trachéale après induction en séquence rapide (tableau 2), s’il existe un coma profond défini par un Glasgow coma scale (GCS) ≤ 8, une détresse respiratoire hypoxémiante ou une agitation extrême [11, 12]. Les posologies des médicaments hypnotiques pour l’intubation et la sédation d’entretien doivent être minorées en présence d’un choc hémorragique [13]. Un état de choc hémorragique doit être recherché et au moins une voie d’abord veineuse fiable établie rapidement. L’examen clinique (pression artérielle, fréquence cardiaque, conscience) permet d’estimer approximativement les pertes sanguines (Tableau 3) [14]. Les objectifs du remplissage vasculaire et les produits à utiliser sont toujours discutés [15]. Globalement, une stratégie d’hypotension contrôlée (pression artérielle systolique maintenue autour de 80 mmHg Tableau 1 : Éléments de gravité à l’appel permettant de décider de l’envoi d’une équipe de réanimation préhospitalière 1. Équipement prêt à l’emploi et vérifié: - Matériel a ventilation manuelle de taille appropriée relié à une source d’oxygène. - Appareillage à aspiration (fixe ou portable) avec sonde de gros calibre connecté. - Sondes d’intubation prêtes et vérifiées (ballonnet), deux tailles au moins. 4. Préoxygénation Faire ventiler le patient dans le masque relié à une source d’oxygène à haut débit. Assister le patient le moins possible. Surveiller la SpO2 qui doit rapidement augmenter. Contrôler l’absence de fuite. Durée 3 minutes. 5. Induction Etomidate (Hypnomidate®) 0,3 mg/kg en IVL immédiatement suivie par suxaméthonium (Celocurin®) 1 mg/kg IVD. 6. Manoeuvre de Sellick Appliquer une pression cricoïdienne (manoeuvre de Sellick) dès la perte de conscience du patient. Cette pression doit être maintenue jusqu’à ce que le ballonnet soit gonflé. 7. Repérer les fasciculations. Elles apparaissent (60% des patients) environ 60 secondes après l’injection du curare et durent 30-45 secondes. Elles sont bien visibles sur la région supérieure du thorax et au niveau des paupières. 8. Intubation endotrachéale par voie orale sous laryngoscopie directe Procéder à l’intubation juste après la fin des fasciculations. Vérifier la bonne position de la sonde par l’auscultation pulmonaire, l’inspection et la courbe de la PETCO2. Surveiller la SpO2. Tableau 2 : Induction en séquence rapide pur l’intubation d’un patient en urgence Volume des pertes < 750 mL 800-1500 mL 1500-2000 mL > 2000 mL PAS Inchangée Normale Diminuée Basse PAD Inchangée Augmentée Diminuée Basse FC Normale 100-120 120 >120 Recoloration cutanée Normale > 2sec. > 2 sec ; Indétectable FR Normale Normale > 20 > 20 Débit urinaire (mL/h) >30 20-30 10-20 0-10 Extrémité Normales Pâles Pâles Froides Coloration Normale Pâle Pâle Grise Conscience Normale Anxiété ou agité Altérée Altérée ou coma PAS = pression artérielle systolique ; PAD = pression artérielle diastolique ; FR = fréquence respiratoire ; FC = fréquence cardiaque Tableau 3 : Estimation des pertes sanguines en fonction de paramètres cliniques Mai 2008 - N° 51 07 Médecine d’urgence est un objectif tensionnel admis guidant le remplissage vasculaire en l’absence de traumatisme crânien grave [16-18]. En présence d’un traumatisme crânien grave (défini par un GCS ≤ 8), une normotension doit être recherchée, afin de maintenir une pression de perfusion cérébrale la plus proche possible de 70 mm Hg. Les colloïdes sont préférés en cas de choc hypovolémique initial [19]. Si la PAS est supérieure à 90 mm Hg ou si la perte sanguine est estimée à moins de 20 % de la masse sanguine, les cristalloïdes peuvent être utilisés comme soluté de remplissage. Actuellement des solutés mixtes (mélange de sérum salé hypertonique avec un dextran (RecueFlow®) ou d’hydroxyéthylamidon (HyperEs®) tendent à se développer dans une stratégie de « small volume resuscitation » qui vise à minimiser le volume administré pour une même efficacité hémodynamique [20]. L’utilisation du pantalon antichoc tend actuellement à décliner. Les différentes études ont montré que son utilisation n’a pas été associée à une amélioration de la survie dans le cas des patients polytraumatisés en choc hémorragique [21-23]. Les seules indications actuelles sont : (1) l’immobilisation et la contention de fractures du bassin dans le cadre d’un choc hémorragique ; (2) un traumatisme abdominal avec choc hémorragique sévère chez un patient en route vers le bloc opératoire [24]. Bilan lésionnel Après stabilisation des fonctions vitales, un bilan lésionnel est réalisé par l’équipe médicale. Celui-ci doit tenir compte d’éléments anamnésiques (nature de l’accident, cinétique probable, déformation d’un véhicule, présence d’autres victimes graves, hauteur de la chute etc..) (tableau 1), du mécanisme du traumatisme (décélération, choc latéral, mécanisme d’écrasement, durée d’incarcération), et de l’examen clinique (Tableau 4). L’examen clinique est systématique, « de la tête aux orteils », chez un patient dévétu. L’examen des fonctions neurologiques, abdominales et cardiaques sont les priorités. Les lésions osseuses, vasculo-nerveuses périphériques constituent un degré de priorité moindre. Les lésions les plus graves doivent être évoquées d’emblée jusqu’à ce qu’il existe une preuve formelle de leurs exclusions. La présence d’une lésion « bruyante » ne garantit pas qu’il n’existe pas de lésions associées. Ce piège, classique en traumatologie, n’est pas théorique. Par exemple, une blessure par arme à feu dans la région pelvienne ne doit pas cacher une paraplégie ou un hémothorax dû au trajet balistique de l’agent vulnérant. 08 Mai 2008 - N° 51 Tableau 4 : éléments anamnésiques importants pour caractériser un patient polytraumatisé Chute Hauteur estimée (1 étage = 3 mètres) Nature du sol Partie du corps impliquée dans la réception Présence d’un amortissement Étiologie : volontaire, accidentelle, fuite Accident de la Voie Publique Déformation du véhicule Notion de patient éjecté Notion de patients décédés dans l’accident Port de la ceinture Direction du choc Vitesse estimée Port du casque Temps d’incarcération Gonflement de l’airbag Arme à feu Calibre Nombre d’impacts Suicide ou agression La plupart des diagnostics « oubliés » en traumatologie surviennent chez les patients traumatisés crânien ou thoracique [25]. En effet, chez ces patients, les lésions cardiaques, des gros vaisseaux ou du diaphragme ne sont évoquées qu’avec un retard qui compromet le pronostic du patient. Actuellement, l’échographie abdominale réalisée par les médecins urgentistes tend à devenir un examen à intégrer dans l’évaluation initiale des patients polytraumatisés, dès la phase préhospitalière [26]. La miniaturisation des appareils et leur simplicité d’utilisation permettent leur mise en oeuvre « au lit du malade » même en dehors de l’hôpital. Plusieurs observations et enquêtes de faisabilité ont démontré la fiabilité et de cet outil dans les mains des urgentistes pour l’évaluation des traumatismes fermés et en particulier dans la recherche d’épanchements intraabdominaux (figure 1) [27-29]. Après l’évaluation initiale, l’équipe soignante doit avoir à l’esprit que l’état du patient se situe dans une dynamique temporelle. La nécessité de réaliser de fréquents examens cliniques rapprochés, pouvant parfois remettre en cause des priorités thérapeutiques ou des diagnostics, est indispensable. Certaines lésions gravissimes peuvent évoluer en deux temps ou décompenser tardivement (lésion du médiastin, fracture de rate, contusion pulmonaire). Seules des réévaluations fréquentes et consignées dans le dossier médical peuvent permettre de détecter ce type de lésion et ainsi d’instituer une prise en charge adaptée. Orientation Dans le contexte de la gestion d’un patient traumatisé grave, un site d’accueil adapté à la gravité et au type de lésions est recherché. Les éléments anamnésiques et le résultat de l’examen clinique doit faire préparer l’équipe Figure 1: épanchement liquidien dans la loge de Morisson (loge hépato-rénal) lors d’un traumatisme abdominal fermé révélé par l’échographie sur le lieux de l’accident. Médecine d’urgence intra-hospitalière à la réception du patient. Ce peut être un transfert direct au bloc opératoire en cas de lésions incontrôlables et identifiées (abdomen chirurgical et choc hémorragique non contrôlé par le remplissage initial), une salle d’accueil des urgences vitales (Sauv) si le patient est instable, mais que les fonctions vitales sont contrôlées par la prise en charge initiale ou un service d’urgence si aucune fonction vitale n’est compromise et que le patient est stable. Dans tous les cas, l’équipe d’accueil est assurée, la disponibilité du bloc opératoire prévue. En cas d’instabilité hémodynamique, une réserve de produits sanguins est constituée dans le service d’accueil du patient. L’équipe médicochirurgicale doit idéalement se trouver présente dès l’arrivée du patient. La bonne coordination de cette équipe et en particulier l’identification d’un chef d’équipe est le garant de l’efficacité de la prise en charge intra-hospitalière du patient. Monitorage lors de la mise en condition d’un patient polytraumatisé L’explosion des techniques de monitorage et la miniaturisation des appareils au cours des 10 dernières années ont conduit à une amélioration significative de la reconnaissance des défaillances physiologiques d’un patient traumatisé. La réponse physiologique à un traumatisme est initiée non seulement par le traumatisme lui-même mais aussi par la perte sanguine. L’existence d’un choc, d’une hypoxie, d’une acidose, d’une hypothermie, d’une atteinte de la circulation périphérique, d’une altération de la coagulation et de l’immunité sont des facteurs déterminants de la réponse physiologique. La douleur est aussi un stimulus important dans la genèse du stress physiologique du patient à un traumatisme. Clairement, les variables physiologiques accessibles à la mesure avec des degrés de complexités variables sont nombreuses, permettant une diversité d’approche plus ou moins invasive. Cependant, il est possible de simplifier considérablement les procédés. La stabilité physiologique d’un patient dépend de l’adéquation entre sa consommation en oxygène et ses apports, en particulier pour les organes vitaux. Le monitorage des fonctions organiques déterminantes pour cet équilibre est donc essentiel. Le transport d’oxygène (TaO2) est le produit du débit cardiaque avec la quantité d’oxygène disponible. La quantité d’oxygène disponible est en grande partie le produit de la saturation en oxygène avec la concentration en hémoglobine. Ces variables sont accessibles au monitorage. Le monitorage est aussi une aide au diagnostic et guide les protocoles de traitements. Par exemple, lors d’un choc hémorragique, une stratégie thérapeutique en hypotension contrôlée ne peut s’envisager sans un accès instantané et continu aux valeurs de la pression artérielle par la pose d’un cathéter en position intra-vasculaire. Tableau 5 : signes ECG d’une contusion myocardique Tachycardie sinusale Bloc auriculo-ventriculaire Bloc de branche droit Anomalies du segment S-T (sus ou sous décalage) Inversion de l’onde T Troubles du rythme supra-ventriculaire Trouble du rythme ventriculaire Apparition d’une onde Q (rare) Extrasystoles auriculaires et ventriculaires Monitorage cardiovasculaire constatation d’une anomalie (bloc de branche, extrasystole, trouble du rythme,..) doivent faire évoquer une contusion myocardique (tableau 5). La présence de ces anomalies, surtout chez le Le monitorage en continu de la fréquence sujet jeune, est une indication à une surveilcardiaque est possible par un monitorage lance cardiaque en milieu hospitalier [30]. électrocardioscopique. Ce monitorage permet de quantifier facilement la tachycardie, Pression artérielle d’évaluer l’efficacité du remplissage sur la fréquence cardiaque. Enfin, ce monitorage La mesure de la pression artérielle par une permet, dans le contexte du traumatisé grave, méthode non invasive (PANI) constitue de détecter une bradycardie paradoxale ou probablement le premier geste de monitorage secondaire à une stimulation vagale. spécialisé sur les lieux de l’accident pour L’ECG détecte la différence de potentiel évaluer l’état hémodynamique du traumatisé. sur la surface cutanée générée par la migration La première conséquence d’une hypovolémie du dipôle électrique d’origine cardiaque. sur la pression artérielle, n’est pas une baisse L’analyse de l’ECG donne des informations de la pression artérielle systolique (PAS) utiles sur la présence d’une éventuelle ischémie mais une remontée de la pression artérielle cardiaque, d’arythmie, peut faire évoquer des diastolique (PAD) par la stimulation troubles électrolytique (hyperkaliémie). La catécholaminergique provoquée par la réalisation d’un ECG est systématique, car la stimulation du baroréflexe (figure 1). Electrocardioscope et électrocardiogramme (ECG) Figure 2: réponse catécholaminergique à l’hypovolémie. La baisse de la volémie (baisse de la pression veineuse centrale) provoque une tachycardie puis le pincement de la pression artérielle différentielle. PVC = pression veineuse centrale ; PA = pression artérielle ; FC = fréquence cardiaque ; DC = débit cardiaque. Duranteau J., Br. J. Clin. Pharmac. 1992, 34 : 204204-214 Mai 2008 - N° 51 09 Médecine d’urgence Cette remontée provoque une diminution de la pression artérielle différentielle (Pad = PAS – PAD) [31]. La baisse de la PAS est retardée par rapport à la baisse du débit cardiaque générée par l’hypovolémie (figure 1) et peut faire craindre le passage à la phase « sympato-inhibitrice » du choc hémorragique qui est caractérisée par une bradycardie et une vasoplégie paradoxale [32]. Néanmoins, la mesure de la PA par une méthode non invasive peut être prise en défaut lorsque le patient a une pression artérielle basse [33]. Certains auteurs ont proposé le calcul du rapport FC/Pad pour prédire l’évolution hémodynamique des traumatisés graves. Un rapport inférieur à 3 aurait une valeur prédictive négative de 86 % pour un collapsus cardiovasculaire [34]. La mise en place d’un cathéter artériel, radial ou fémoral, doit être considérée comme une priorité au cours de la réanimation du patient traumatisé grave [33]. Sa pose ne nécessite que quelques minutes et ne retarde ni la réanimation du patient ni son transfert au bloc opératoire ; c’est probablement le monitorage qui maximalise la plus la valence « bénéfices » par rapport aux éventuels « risques » (perte de temps, risque infectieux etc..). En effet, seul cet abord permet le monitorage fiable et continu de la PA et en particulier lorsque celle ci atteint des valeurs basses. Cette mesure permet en outre de suivre l’efficacité d’une manière tout à fait fiable des différents traitements institués au cours d’un choc traumatique et tout particulièrement dans le cadre d’une hypotension permissive. De même, lors de la réanimation d’un traumatisé crânien grave, il est illusoire d’espérer optimiser la pression de perfusion cérébrale sans ce monitorage. La PA invasive permet en outre de déceler « en direct » une aggravation brutale de l’hémodynamique du patient, voire d’un arrêt cardiaque, qui, s’il se produit sur le mode d’un « rythme sans pouls », peut être diagnostiqué avec retard sans ce type de monitorage. La pression artérielle sanglante peut être posée en milieu préhospitalier [35]. Les principales indications lors de la prise en charge d’un traumatisé grave sont l’existence d’un choc hémorragique, d’un traumatisme crânien grave ou lors de la réanimation d’un arrêt cardiaque récupéré. De manière générale, les indications de ce monitorage doivent être larges. Débit urinaire Le débit urinaire reflète indirectement le débit cardiaque, la perfusion splanchnique et rénale. La quantification du débit urinaire au cours d’un choc hémorragique apparaît comme un marqueur important au cours de la réanimation d’un patient traumatisé grave. 10 Mai 2008 - N° 51 La mise en place d’une sonde urinaire vasoconstriction périphérique et l’hypoperfusion tissulaire rendent le signal difficilement doit donc être d’indication large. interprétable [37]. Dans ce cas, une mesure de la SpO2 par voie transoesophagienne Hématocrite et concentration en hémoglobine apparaît plus fiable [38]. Une valeur d’hématocrite basse a des conséquences rhéologiques qui peuvent être Capnimétrie expirée favorables à cause de la diminution de la viscosité sanguine, favorisant la circulation La possibilité depuis quelques années de périphérique. Le suivi de l’hémoglobinémie ou disposer de matériels portables de capnimétrie de l’hématocrite est un marqueur important a considérablement modifié l’utilisation de puisqu’il renseigne sur la cinétique de cette méthode dans le contexte de l’urgence l’hémodilution due au remplissage vasculaire [39]. La capnimétrie est la mesure de la et/ou au débit de saignement. Une valeur concentration de CO2 dans les gaz inspirés et d’hématocrite autour de 25-30 % peut être un expirés [33]. La concentration de CO2 dans objectif thérapeutique pour le remplissage. l’air expiré dépend de l’élimination pulmonaire Enfin, une hémoglobinémie < 7 g/dL est une du CO2 (ventilation), de son transport par le indication à un remplissage par transfusion système circulatoire (débit cardiaque) et de sanguine. sa production tissulaire (perfusion périphérique). La mesure de la pression du CO2 en fin d’expiration (PetCO2) est extrêmement utile Monitorage de la fonction respiratoire pour le monitorage des patients hémodynaGaz du sang miquement instables. Outre qu’il peut servir d’alarme pour une extubation accidentelle, La miniaturisation de la technologie des ses variations renseignent sur l’hémodynacapteurs permet actuellement de déterminer mique du patient. En particulier, lors de la des variables biologiques au lit du malade réanimation des arrêts cardiaques, le monito(Point of Care). Ces examens sont réalisables rage par la PetCO2 à permis de détecter de par des micro-prélévements et le résultat est façon précoce une reprise de l’activité hémoobtenu en quelques minutes. Parmi ceux-ci, les dynamique [40]. Sa valeur instantanée est gaz du sang sont accessibles. Les valeurs des gaz une indication de la valeur de la PaCO2 et du sang et aussi de la lactatémie artérielle devient une variable déterminante lors de la sont des indicateurs biologiques importants non réanimation d’un traumatisé crânien sévère seulement pour évaluer le niveau de détresse mais [41]. En outre, la mesure de la PetCO2 est la qui aussi constituent des aides à la décision pour méthode de référence pour la vérification de l’instauration de traitements agressifs (ventilation la position intratrachéale de la sonde d’intumécanique...). La détermination des gaz du bation [42]. La limitation de cette méthode sang est aussi fondamentale pour évaluer la trouve son origine dans l’existence d’un réanimation neurologique en cas de traumatisme gradient entre la PaCO2 et la PetCO2 qui est crânien grave. Les valeurs des gaz du sang sont souvent important chez les patients en choc aussi un moyen d’optimiser le réglage du hémorragiques [43]. Ajuster une valeur de la support ventilatoire d’un patient sous assis- PaCO2 (35 mm Hg chez le traumatisé crânien grave) par la détermination de la PetCO2 est tance respiratoire. souvent illusoire dans ces conditions. Par contre, la mesure en continu et surtout l’observation de Oxymétrie pulsée ses variations au cours de la prise en charge L’hémoglobine oxygénée et réduite permet un monitorage indirect du débit absorbe la lumière dans le domaine du visible cardiaque au cours de la réanimation du et du proche infra-rouge. En comparant patient en choc traumatique. les absorptions entre les deux formes d’hémoglobine, on peut en déduire le taux Autres techniques d’hémoglobine oxygénée. Les capteurs actuels permettent de ne détecter que la composante L’hypothermie est reconnue comme un pulsatile (c’est à dire artérielle) de ce taux facteur de risque majeur chez le traumatisé [44]. d’hémoglobine [36]. La valeur de la SpO2 L’hypothermie entraîne, de plus, des troubles permet d’estimer la SaO2. Chez les patients de la coagulation qui peuvent aggraver le sains, la composante pulsatile du signal est choc hémorragique [45]. La température d’environ 2 % de l’absorption totale, le rapport périphérique reflète la perfusion tissulaire. signal sur bruit est donc relativement faible. La mesure est affectée par le degré de vasoEn cas d’hémodilution ou d’anémie, la constriction, et l’hypoperfusion périphérique. valeur de la SpO2 devient peu fiable. De plus, La température corporelle peut être monitorée chez les patients traumatisés et hypotendus, la par des sondes tympaniques, œsophagiennes, Médecine d’urgence rectales ou cutanées. La mesure en continue de la température par sonde rectale ou œsophagienne peut permettre de poser l’indication d’un réchauffement des solutés de remplissage et/ou des gaz inspirés [46]. Doppler transcrânien (DTC) Le DTC est une technique de Doppler pulsé qui permet d'enregistrer le flux ou la vitesse des globules rouges dans les gros troncs artériels intracrâniens. Le Doppler étudie donc la vélocité (la vitesse) des globules rouges dans les artères de gros calibre. La mesure du signal doppler par la fenêtre temporale permet une mesure indirecte de la pression de perfusion cérébrale notamment au temps diastolique qui est la phase principale de la perfusion cérébrale. Une diminution / modification du signal au temps diastolique permet de déceler une souffrance cérébrale en général due à une hypertension intracrânienne consécutive à un œdème ou un hématome expansif. La réalisation précoce de cet examen rapide pourrait permettre de modifier la prise en charge thérapeutique et d’apporter des arguments pour l’orientation du patient vers un centre de neurochirurgie [47]. Echodoppler transoesophagien Ce matériel permet de déterminer précocement le profil hémodynamique des patients hémodynamiquement instables. Le doppler permet de mesurer à partir d’une source fixe (sonde) en position œsophagienne, la vitesse de déplacement des globules rouges en mouvement. Ce matériel permet donc de mesurer, de manière non invasive, la vélocité du sang dans l’aorte, ce qui donne un reflet du débit cardiaque du patient [48]. L’évaluation de cette méthode dans la prise en charge de patients traumatisés graves est en cours [49]. REFERENCES : [1] Mauger J, Deakin CD. Initial assessment, triage, and basic and advanced life support. In: Soreide E, Grande CM, editors. Prehospital Trauma Care. New York: Dekker, M.; 2001. p. 181-201. [2] Lerner EB, Moscati RM. The golden hour: scientific fact or medical "urban legend"? Acad Emerg Med 2001;8:758-60. [3] Satz WA, Walters W, Bailey HL, Wydro G, Kaplan L. 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Mai 2008- N° 51 11 Médecine d’urgence Imagerie du polytraumatisé hors C.H.U. : impact décisionnel Antoine Gache, François-Michel Lopez*, Jean E. de La Coussaye Division Anesthésie-Douleur-Urgence-Réanimation CHU Nîmes * Pôle de l'Imagerie Médicale Le polytraumatisé est un blessé grave porteur de plusieurs lésions dont une, au moins, met en jeu le pronostic vital à court terme. A côté de cette définition classique, il convient de considérer comme polytraumatisé, toute personne ayant subi un traumatisme violent quelles que soient les lésions apparentes. Le bilan lésionnel et la réanimation de ce patient sont débutés sur les lieux de l'accident et se poursuivent aux urgences, nécessitant une collaboration pluridisciplinaire. Dans ce cadre, la précision du bilan lésionnel dépend largement du nombre et du type d'investigations d'imagerie médicale. Cependant, plus la demande d'examens est importante, plus la prise en charge est longue, ce qui peut retarder à tort une intervention chirurgicale, notamment d'hémostase. Ainsi, tout au long du bilan lésionnel, il • conviendra de garder à l'esprit que le pronostic vital s'altère proportionnellement à la quantité de transfusion. Le polytraumatisé est ainsi • classé schématiquement en trois catégories, selon son état clinique et selon le type de détresse neurologique, hémodynamique et/ou respiratoire. Catégorie 1 Hémorragie évidente ⇒ Bloc opératoire Doute? ……………... ⇒ RP Face ⇒ Echo abdo ⇒ Bloc opératoire Catégorie I Détresse hémodynamique Le blessé est en état de détresse extrême. Dès son arrivée, il est admis en salle de déchoquage ou au bloc opératoire s'il s'agit d'une détresse hémodynamique, monitoré avec au minimum un électrocardioscope, une mesure automatisée de la pression artérielle, une saturométrie, une prise de température et le bilan sanguin est prélevé. Aux termes du premier examen, l'existence d'une détresse vitale limite le nombre d'investigations complémentaires. Il faut ensuite tenter à tout prix de stabiliser les fonctions vitales avant de préciser les lésions. Le malade est en collapsus cardiovasculaire qui persiste malgré le remplissage vasculaire et la perfusion continue d'adrénaline. L'examen du blessé recherche d'abord une hémorragie externe qui doit être contrôlée (plaie du scalp). En l'absence d'hémorragie extériorisée, le premier bilan d'imagerie va se limiter, si nécessaire, au seul cliché de thorax de face et à la réalisation d'une échographie abdominale. Le cliché de thorax met alors en évidence un hémothorax important qui doit être drainé. Lorsque l'état hémodynamique reste précaire malgré la poursuite du remplissage vasculaire et l'utilisation de l'autotransfusion, il est classique de considérer qu'un drain thoracique produisant d'emblée 1,5 à 2 litres ou 500 ml/h conduit à la thoracotomie en urgence. L'intervention est grevée d'une lourde mortalité et peut mettre en évidence une lésion de l'aorte, des vaisseaux de la gerbe ou des vaisseaux pulmonaires, une déchirure péricardique avec plaie du coeur, un arrachement ou une désinsertion des vaisseaux intercostaux voire une lésion diaphragmatique. L'échographie abdominale met en évidence un abondant épanchement intra-péritonéal. Ce tableau de détresse circulatoire impose la laparotomie immédiate. Ailleurs, l'examen clinique oriente vers un hématome rétropéritonéal massif (fracture du Détresse neurologique Le blessé est dans le coma. Après avoir éliminé rapidement une cause hypoxique ou hémodynamique, la profondeur du coma est évaluée avec le score de Glasgow et des signes de localisation sont recherchés. L'intubation et la ventilation mécanique permettent de protéger les voies aériennes et de rétablir une normoxie et une normocapnie ainsi qu'une PAM > 90 mmHg. Lorsque la détresse neurologique témoigne d'un traumatisme crânien grave isolé, la TDM cérébrale est alors réalisée sous sédation à la recherche d'une lésion neurochirurgicale. 12 Mai 2008 - N° 51 bassin, hématurie macroscopique), le polytraumatisé peut être maintenu en vie par la mise en place d'un pantalon antichoc. Cependant, la laparotomie exploratrice ne peut être différée ou retardée par des investigations diagnostiques longues. Elle peut permettre d'objectiver et de traiter une lésion intrapéritonéale, source principale du saignement. L'HRP peut être de découverte peropératoire et la décision d'exploration chirurgicale repose sur plusieurs critères. Henao et Aldrete (Surg Gynecol Obstet, 1985) proposent ainsi un arbre décisionnel complexe basé sur l'état hémodynamique du patient stabilisé ou non, la localisation de l'HRP (l'HRP central est systématiquement exploré), son caractère expansif et/ou pulsatile après tamponnement durant 15 minutes ainsi que son éventuelle extériorisation à travers une brêche du péritoine pariétal postérieur. En postopératoire, l'angiographie est indiquée devant une reprise du processus hémorragique, de même qu'une UIV ou mieux, une TDM en cas d'hématome des flancs non exploré. Détresse respiratoire Une détresse respiratoire ne permet souvent que la réalisation d'un cliché de thorax de face. Lorsque la détresse respiratoire est associée à des troubles de la conscience, le blessé est oxygéné puis intubé. Lorsque le patient Médecine d’urgence est conscient, il faut d'abord éliminer une tétraplégie haute ou un pneumothorax suffocant ou bilatéral qui doit être ponctionné puis drainé. Si la détresse respiratoire persiste, la radiographie de thorax oriente vers une rupture trachéo-bronchique ou une contusion pulmonaire hypoxémiante. La première est alors diagnostiquée par la fibroscopie ou mieux, le bronchoscope rigide, et impose la chirurgie en urgence après mise en place éventuelle d'une intubation sélective. La seconde nécessite l'intubation et la ventilation puis une fibroscopie bronchique. Enfin, si la détresse respiratoire est contemporaine de fractures costales multiples avec ou sans volet thoracique et d'une radiographie de thorax peu contributive, la douleur peut être le facteur déclenchant. Le blessé doit de prime abord être analgésié puis intubé et ventilé en cas de persistance de l'insuffisance respiratoire. En cas d'hémoptysie de grande abondance, la fibroscopie réalisée au mieux chez un malade intubé précise le côté atteint. L'intubation sélective peut être indiquée lorsqu' exceptionnellement l'hémorragie persiste. Celle-ci nécessite de réaliser des opacifications vasculaires, permettant dans certains cas une embolisation vasculaire. Au total, la plupart des blessés classés en catégorie 1 vont subir une intervention chirurgicale immédiate. Ainsi, lorsqu'il existe un choc hémorragique, rien ne doit retarder la chirurgie d'hémostase, même si elle est grevée d'une mortalité élevée, car il s'agit d'un traitement de sauvetage. La radiographie de thorax de face et/ou l'échographie abdominale ne sont réalisées qu'en cas de doute sur la localisation du saignement ou de suspicion de lésion associée telle un pneumothorax avec un hémopéritoine massif. L'échographie réalisée en Smur est une technique qui paraît séduisante. Elle reste à valider. Le bilan lésionnel devra se poursuivre dès la sortie du bloc opératoire si l'état respiratoire ou hémodynamique le permet. Catégorie II Le polytraumatisé est dans un état précaire et donne des signes compatibles avec un saignement actif mais plus ou moins bien stabilisé grâce aux manœuvres de réanimation intensive : la pression artérielle chute au ralentissement, ou à l'arrêt, du remplissage vasculaire. L'objectif principal est alors de localiser l'hémorragie afin d'en réaliser le plus rapidement l'hémostase. L'examen clinique est alors plus approfondi, à la recherche de lésions évidentes. Ceci donne plus de temps pour réaliser, en salle d'urgence, un bilan paraclinique plus complet. Dans ce cadre, certains clichés sont Catégorie 2 But : localiser rapidement la cause de l’hypoTA (hémorragie) ⇒ RP Face ⇒ Echo abdo ⇒ Bloc opératoire ⇒ Echocardio privilégiés. Ce sont, dans l'ordre les clichés du thorax, du bassin voire du rachis, et l'échographie abdominale. D'autres examens peuvent être également réalisés dans la salle d'urgence : ce sont la fibroscopie bronchique, l'UIV, et surtout, l'échocardiographie-Doppler par voie transthoracique et/ou œsophagienne, enfin l'échographie-Doppler des gros vaisseaux. Ils doivent cependant être limités au strict nécessaire afin de ne pas retarder les manœuvres d'hémostase. Au terme de ce premier bilan, certaines lésions exigent un traitement chirurgical urgent. C'est le cas par exemple des lésions vasculaires, des hémopéritoines… Ailleurs, d'autres explorations seront réalisées. La détresse circulatoire s'accompagne de signes cardiaques droits. Les données de la radiographie thoracique et de l'échocardiographie sont alors primordiales. Il s'agit le plus souvent d'une tamponnade gazeuse secondaire à un pneumothorax suffocant. Ailleurs, l'échocardiographie révèle un hémopéricarde avec tamponnade qui doit être dans un premier temps ponctionné puis exploré. Enfin, il peut s'agir d'une contusion myocardique responsable d'une insuffisance cardiaque aiguë qui nécessite l'usage des catécholamines. Plus rarement, il existe un hémomédiastin antérieur dû à une lésion du tronc artériel brachio-céphalique ou d'une artère mammaire interne qui comprime les cavités droites ou une luxation cardiaque à travers une déchirure péricardique. Ces deux causes imposent l'intervention chirurgicale en urgence. Chez ces traumatisés classés en catégorie 2, certaines hémorragies abdominales posent un problème de localisation. Ce sont les hémorragies rétropéritonéales. En effet, en dehors des signes cliniques abdominaux, l'échographie abdominale est souvent normale ou non contributive, l'importance de l'épanchement ne correspondant pas à l'hémodynamique précaire. C'est dans ce cas où l'on doit évoquer l'hémorragie rétropéritonéale. En effet, certaines hémorragies rétropéritonéales sont responsables d'un mauvais état hémodynamique imposant un remplissage vasculaire important. La persistance du saignement doit alors faire suspecter une lésion d'une artère pelvienne ou lombaire et conduire à l'angiographie diagnostique et éventuellement à l'embolisation sous couvert de la poursuite de la réanimation. Cependant, parmi les causes d'un état hémodynamique précaire, il ne faut pas oublier une para ou une tétraplégie qui doit être recherchée par un examen neurologique puis confirmée par les clichés de rachis. Au total, le polytraumatisé classé en catégorie 2 nécessite un premier bilan en salle d'urgence. Celui-ci aboutit à la découverte de lésions évidentes justifiant une intervention chirurgicale et/ou la réalisation immédiate d'investigations au premier rang desquelles se placent l'angiographie diagnostique et thérapeutique (lésions hémorragiques difficilement accessibles à la chirurgie). Ailleurs le diagnostic reste hésitant. Dans ce cadre, il ne faut pas hésiter à répéter certains clichés (thorax) et des échographies pour apprécier l'évolution. Finalement, la TDM a l'avantage de permettre une exploration relativement complète de la tête au pelvis. Elle impose cependant le transport d'un malade mal stabilisé et doit être réalisée en poursuivant la surveillance et la réanimation. Catégorie III Le polytraumatisé est stabilisé. L'examen clinique oriente alors les explorations. Le nombre et la sophistication des examens ne sont plus limités que par le facteur temps imposé par les interventions chirurgicales urgentes comme par exemple le parage d'une fracture ouverte. Il importe cependant de ne pas méconnaître certaines lésions cachées, en particulier vasculaires. Le mécanisme et la violence du traumatisme d'une part, le terrain d'autre part doivent être appréhendés, justifiant à eux seuls la réalisation d'une TDM dont la demande pourrait paraître, à première vue, comme abusive. Dans ce cadre, la tomodensitométrie "corps entier" est certainement le meilleur moyen pour réaliser un bilan suffisamment précis en un temps relativement court. Mai 2008 - N° 51 13 Médecine d’urgence Au niveau thoracique, la tomodensitométrie et/ou l'angiographie prennent tout leur intérêt. La priorité de l'une par rapport à l'autre dépend de plusieurs facteurs. Lorsque le traumatisé avait initialement une détresse circulatoire due à un hémothorax important qui continue à être productif, l'artériographie doit être préférée. Elle précise au mieux les lésions vasculaires et peut conduire à une intervention ou à une embolisation. Cette stratégie est de loin la moins fréquente. Lorsque le traumatisé avait, à l'inverse, une détresse respiratoire au premier plan, la tomodensitométrie doit être préférée, car elle précise au mieux les lésions pariétales, pleurales, pulmonaires et diaphragmatiques. Lorsqu'il existe un faisceau d'arguments cliniques et radiologiques en faveur d'une lésion aortique ou des vaisseaux de la gerbe, l'artériographie qui était encore récemment considérée comme l'examen de référence peut être remplacée par une TDM de dernière génération ou une échographie par voie transœsophagienne si le malade est intubé et ventilé mécaniquement. A l'inverse, lorsqu'il n'existe qu'un élargissement du médiastin, la tomodensitométrie est généralement suffisante. Enfin, la priorité d'un examen par rapport à l'autre est également fonction de chaque cas, de l'infrastructure hospitalière et de la disponibilité des appareils. Le bilan lésionnel des blessés porteurs de lésions thoraciques pariétales importantes et stabilisées par une analgésie est précisé au mieux par la tomodensitométrie. Celle-ci doit être réalisée en urgence dans le cadre du polytraumatisé et ce d'autant qu'il doit subir une intervention chirurgicale sous anesthésie générale ou qu'il est porteur d'un emphysème sous-cutané. Elle permet également d'évaluer l'importance d'une contusion pulmonaire associée. Certaines lésions abdominales posent un problème diagnostique et de prise en charge. Ce sont les ruptures pancréatiques et les perforations d'organes. Elles sont souvent insidieuses et de diagnostic difficile. En effet, en dehors des signes cliniques abdominaux, aucun examen biologique n'est spécifique, l'échographie abdominale est souvent normale ou non contributive et l'apparition du pneumopéritoine est fréquemment retardée et manque également de spécificité. C'est dire l'intérêt de compléter le bilan par une TDM qui permet de révéler une lésion pancréatique, un petit pneumopéritoine ou un rétropneumopéritoine. Cependant, la persistance de signes abdominaux associés à une TDM normale ou montrant des lésions peu spécifiques ne doit pas stopper les investigations. C'est alors que l'analyse du liquide de la ponction dialyse du péritoine prend tout son intérêt. 14 Mai 2008 - N° 51 Enfin, le polytraumatisé doit bénéficier d'une antibiothérapie et d'une analgésie précoces. La crainte de masquer les signes cliniques pouvant permettre le diagnostic lésionnel a longtemps conduit (7), et conduit trop souvent encore, à négliger l'analgésie du polytraumatisé. Ce piège devrait maintenant définitivement être évité et cette attitude tomber dans l'obsolescence. Deux études contrôlées (ATTARD ET AL, Br Med J 1992, Zoltie et Cust) ont clairement montré que la précision et la rapidité diagnostiques n'étaient pas altérées par l'administration d'un analgésique morphinique par voie parentérale lors des traumatismes de l'abdomen. Il n'existe donc aucun justificatif à retarder ou à proscrire la prescription analgésique dans ce contexte. Zoltie et Cust (Ann R Coll Surg Eng 1986), insistent sur le fait qu'une analgésie de qualité peut même faciliter la démarche diagnostique. Elle permet en effet d'accroître la coopération du malade, permet l'installation optimale de membres fracturés et facilite la réalisation des investigations radiologiques (radiographies standard, scanner....) et/ou échographiques. permet le plus souvent de corriger la détresse neurologique et/ou respiratoire grâce à l'intubation, la ventilation mécanique voire l'exsufflation pleurale. A l'hôpital, c'est surtout l'état hémodynamique qui va imposer les priorités. Lorsque le collapsus persiste malgré le remplissage et l'adrénaline (Catégorie 1), seule une chirurgie immédiate peut sauver le malade. En cas de doute sur la localisation abdominale ou thoracique de l'hémorragie, une échographie abdominale et/ou un cliché de thorax de face sont réalisés sur le brancard du Smur. Lorsque la pression artérielle reste difficilement maintenue par les manœuvres de réanimation (Catégorie 2), et en fonction des données cliniques, il faut penser d'abord à l'hémorragie thoracique (cliché de thorax), abdominale (échographie) et enfin rétropéritonéale (cliché du bassin) si les deux premiers examens ont manqué de pertinence. Ces quelques examens permettent le plus souvent de choisir la méthode d'hémostase, chirurgicale ou angiographique. Enfin, l'échocardiographie permet de diagnostiquer des causes moins fréquentes. Conclusion Lorsque la pression artérielle reste stable (Catégorie 3), le bilan doit être d'emblée plus Pour résumer, la prise en charge des précis. C'est tout l'intérêt de la TDM "corps polytraumatisés par les équipes du Smur entier". Catégorie 3 But : - faire le bilan le plus complet et le plus rapide possible, - détecter les lésions cachées, - les traiter, - et traiter l’orthopédie. ⇒ RP Face ⇒ Echo abdo ⇒ TDM Médecine d’urgence Hémodynamique instable Catégorie 2 Hémothorax +++ Drainage Stabilisation Stabilisation Drain thor. > 2 litres > 500 ml/h Hémothorax PNO Thorax face Echo abdo Remplissage vasculaire PNO Péritoine + Exsufflation BLOC Drain tho. OK Catégorie 3 Lésions associées Autotransfusion BLOC Hémodynamique instable Catégorie 2 Hémothorax +++ Hémothorax PNO - Thorax face Echo abdo Remplissage vasculaire Echocardio Contusion PNO Tamponnade Péritoine Ponction péricardique BLOC Inotropes Hémodynamique instable Hémothorax +++ Thorax face Echo abdo Remplissage vasculaire Valves Inotropes Vasodilatateurs BLOC Catégorie 2 Hémothorax PNO - PNO Péritoine - Bassin et Rachis cervicales Artériographie, Embolisation Mai 2008 - N° 51 15 Médecine d’urgence La prise en charge du traumatisme crânien: le point de vue de l’urgentiste Ph Dabadie1, K Sénamaud1, ME Petitjean1, K Tazarourte2. Le traumatisme crânien grave (TCG) est un problème majeur de santé publique tant en raison de sa fréquence que des coûts de santé qu’il engendre. Les TC graves sont la première cause de mortalité chez l'adulte de moins de 40 ans, mais aussi de handicap et d'années de vie perdues. La précocité et la qualité de la prise en charge dans les heures qui suivent le TCG sont essentielles au devenir du patient En introduction L’incidence annuelle des TCG (définis par un Glasgow Coma Score GCS ≤ 8, ou avec des lésions cérébrales potentiellement évolutives) est estimée à 8,5/100 000 patients, avec une mortalité qui se situe aux alentours de 35-50 % [1]. La précocité et la qualité de la prise en charge dans les heures qui suivent le TCG sont essentielles au devenir du patient [2]. Dans une étude rétrospective, devenue référence incontournable, une simple hypotension préhospitalière (Pression artérielle systolique -PAS- < 90 mmHg) double la mortalité d’un TCG [3]. Des étapes majeures ont été franchies, ces dernières années, dans la compréhension de la pathogénie des lésions cérébrales primaires et secondaires et dans la physiopathologie de l'hypertension intracrânienne. La prise en charge initiale des TC graves doit s'appuyer maintenant sur ces résultats. Celle-ci reste simple, standardisée, avec comme objectif principal, dans les premières heures, la correction des facteurs d'agression cérébrale secondaire (hypotension et hypoxémie en particulier). Cet objectif ne peut être atteint qu'après une évaluation rapide, clinique (neurologique, respiratoire et hémodynamique) et tomodensitométrique, des patients victimes d'un TC grave. Des recommandations françaises pour la pratique clinique ont été publiées en 1999 [4]. Elles restent d’actualité pour la prise en charge des TCG. Il est bien démontré que l’application des recommandations permet de réduire de façon très importante la mortalité des TCG [5]. Le système français de médicalisation préhospitalière doit permettre une prise en charge optimale de ce type de pathologie, et pourtant un certain nombre de travaux tendent à montrer que la prise en charge du TCG par le SAMU peut être singulièrement améliorée. 1 2 La médicalisation de la prise en charge 2) des caractéristiques de la force appliquée initiale de ces patients apparaît ainsi indis- (intensité, durée), pensable, le plus rapidement possible, sur les 3) de l'étendue de la surface d'application lieux de l'accident, jusqu'au transfert secondaire de la force. des patients vers un centre de référence multidisciplinaire (réanimation, neuroradiologie, Ces lésions directes sont focalisées et neurochirurgie). évolutives dans le temps. Il peut s'agir de plaies du cuir chevelu, de fractures (embarrure, Analyse des lésions plaie crâniocérébrale), d'hémorragies extracérébrales (hémorragie sous-arachnoïdienne, crânio-encéphaliques hématome extradural), de contusions et On distingue les lésions directes en relation hématomes intracérébraux. avec l'impact du crâne contre l'agent traumaLes lésions indirectes sont liées à un tisant et les lésions indirectes par mouvement déplacement rapide de la tête avec mobilisation de la tête, secondaire à des phénomènes des masses cérébrales par rapport à la boite d'accélération ou de décélération. Ces deux osseuse. Le mouvement de la tête est d'autant types de lésions sont souvent associés [6]. plus important que le rachis cervical est souple La gravité des lésions directes dépend : et que la direction du coup passe en dehors 1) de la nature des tissus lésés et en parti- du centre de gravité de la tête. On distingue culier de leurs propriétés viscoélastiques, les lésions après mouvement de translation Département Urgences Adultes – Hôpital Pellegrin – CHU Bordeaux - place Amélie Raba Léon - 33076 Bordeaux cedex Pôle Urgence SAMU 77-SMUR -SAU- Réanimation Hôpital Marc Jacquet 77000 Melun& DAR Le Kremlin Bicêtre - CHU Le Kremlin Bicêtre 94 16 Mai 2008 - N° 51 Médecine d’urgence ou de rotation. Ces mouvements sont responsables de lésions de coup et de contrecoup au niveau du cortex opposé, ou de lésions de cisaillement des structures profondes à l'origine des lésions axonales diffuses. Pathogénie des lésions cérébrales On distingue les lésions primaires liées au traumatisme lui-même et les lésions cérébrales secondaires qui peuvent se développer dès les premières minutes et vont aggraver le pronostic [7]. Les lésions primaires Les lésions directes ou indirectes après le traumatisme vont entraîner des lésions cellulaires (neuronales ou gliales) ou vasculaires plus ou moins importantes, réversibles ou non. Les lésions primaires peuvent être focales ou diffuses selon les mécanismes en cause (Schéma 1). Les lésions secondaires Les lésions secondaires peuvent apparaître dans les minutes qui suivent le traumatisme et vont toujours aggraver les lésions initiales du tissu nerveux. Le dénominateur commun à ces lésions secondaires est l'ischémie cérébrale dont les causes sont à la fois intracrâniennes (HTIC, œdème cérébral) et systémiques (hypoxie, hypotension) [8,9]. Les mécanismes de ces lésions secondaires sont complexes et intriqués. Le relargage de neurotransmetteurs excitateurs comme le glutamate, l'augmentation du calcium libre cytosolique, la production de radicaux libres provoquent une cascade d'évènements qui entraînent des lésions secondaires des membranes et des organites intracellulaires. Celles-ci conduisent au développement d'un œdème cérébral et modifient l'autorégulation de la circulation cérébrale (schéma 2). Traumatisme crânien Lésions vasculaires (obstruction, ouverture de la barrière hémo-encéphalique) Vasoparésie Lésions cellulaires (dépolarisation de la membrane, altération métabolique Oedème vasogénique Oedème cytotoxique Schéma 1 : Les lésions primaires Conséquences systémiques TRAUMATISME CRANIEN Lésions cérébrales (cellulaires, vasculaires) (œdème, hématome) Libération de neuromédiateurs (glutamate) Augmentation du calcium intracellulaire Production de radicaux libres, de NO, ... Modification de la vasomotricité Perte de l'autorégulation Schéma 2 : Les lésions secondaires Oedème Hypertension intracrânienne ISCHEMIE CEREBRALE RAPPEL PHYSIOLOGIQUE Pression Volume élevé Pression intra-crânienne 50 mm Hg Physiopathologie de l’hypertension intracrânienne Rappels de physiologie (schéma 3) Les structures intracrâniennes sont enfermées dans une boite inextensible. Le contenu crânien représente 1000 à 1500 ml environ chez l'adulte et est constitué de trois volumes : (i) le parenchyme cérébral qui a, seul, des propriétés plastiques (70 à 80 % du volume total), (ii) le LCR et l'eau extracellulaire (23 à 25 %), et (iii) le volume sanguin cérébral (VSC) (5 à 7 %). Le volume total est constant (loi de MonroeKellie) et la pression intracrânienne (PIC) dépend des variations de ces trois volumes. Volume normal Pression intra-crânienne 10 mm Hg Volume Relation pression - volume Schéma 3 : physiopathologie de l’hypertension intracrânienne Mai 2008 - N° 51 17 Médecine d’urgence Dans les conditions physiologiques, la PIC est déterminée par l'équilibre des débits d'admission et de sortie de l'enceinte crânioencéphalique, c'est à dire par le débit de LCR et le débit sanguin. La PIC se définit comme étant la pression hydrostatique du LCR, soit en position couchée 10 mmHg environ [10]. La circulation cérébrale a pour fonction première d'apporter les métabolites essentiels à la vie du neurone (oxygène et glucose). Cet apport est assuré par un débit sanguin cérébral (DSC) considérable (50 ml.min-1.100 g-1). Le DSC est sous la dépendance de la pression de perfusion cérébrale (PPC) et des résistances vasculaires cérébrales (RVC). La PPC est déterminée, en pratique, comme la différence entre la pression artérielle moyenne (PAM) et la pression intracrânienne moyenne (très proche de la pression veineuse cérébrale) : DSC = PPC / RVC = [PAM - PICm] / RVC L'autorégulation de l'hémodynamique cérébrale permet de maintenir un DSC constant, en faisant varier le calibre vasculaire ; malgré des variations de la PPC, le DSC reste stable entre 50 et 150 mmHg de PAM. En dessous de 50 mmHg, il diminue proportionnellement à la PAM. Le DSC est également très sensible aux variations de la PaCO2. Le CO2 (produit du métabolisme cérébral) est l'un des agents vasomoteur les plus actifs ; toute élévation de la PaCO2 s'accompagne d'une augmentation du DSC et inversement [11]. Il existe normalement un couplage entre les besoins métaboliques liés à l'activité neuronale et la fourniture des substrats. Si le métabolisme cérébral augmente, le DSC s'adapte pour assurer un apport suffisant de substrats. Le métabolisme cérébral peut être évalué à l'aide de paramètres fonctionnels comme la consommation cérébrale d'oxygène (CMRO2). Selon le principe de Fick, la CMRO2 est égale au produit [DSC • DAVO2] soit 3,4 ml.min-1.100 g-1 où DAVO2 est la différence des concentrations en oxygène dans le sang artériel et dans le sang veineux jugulaire. La mesure des saturations en O2 du sang artériel (SaO2) et du sang veineux jugulaire (SjO2) permet de calculer la DAVO2 et évalue indirectement le couplage débit sanguin-métabolisme cérébral [12] : DAVO2 = CaO2 - CjO2 = 1.34 • [Hémoglobine] • (SaO2 - SjO2) SjO2 = k • CMRO2 / DSC = 62 ± 7 % L’hypertension intracrânienne post-traumatique Cette HTIC est liée à l'apparition d'un nouveau volume qui va modifier l'équilibre des pressions. Au cours et au décours d'un traumatisme crânien, le néovolume peut correspondre à une contusion parenchymateuse, un hématome sous-dural, extradural ou intraparenchymateux, un œdème cérébral, une augmentation du volume de LCR (hydrocéphalie), ou une augmentation du VSC par perte de l'autorégulation du DSC [13,14]. Le développement de ces lésions expansives entraîne une augmentation de la PIC. Les modifications du VSC et du LCR (compression du lit veineux, résorption accrue de LCR, déplacement rostral d'un volume de LCR) permettent dans un premier temps de maintenir constant le volume total, mais ces mécanismes compensateurs peuvent être débordés et une HTIC apparaît alors. L'augmentation de la PIC se fait selon la courbe de Langfitt d'allure exponentielle. Pour une même variation de volume, la PIC se modifie peu au début (stade de compensation spatiale) et beaucoup dans un second temps (stade de décompensation) [15]. Autre conséquence du développement d'une lésion expansive, des déplacements parenchymateux, ou engagements, peuvent se produire des zones de haute pression vers celles de basse pression. On distingue les engagements sous la faux du cerveau, les engagements des lobes temporaux dans le foramen ovale (avec compression du nerf moteur oculaire commun et du tronc cérébral) et plus rarement l'engagement des amygdales cérébelleuses dans le trou occipital. Ces déplacements entraînent des lésions ischémiques dramatiques du tronc cérébral et de certains territoires vasculaires. Conséquences circulatoires et métaboliques cérébrales La CMRO2 diminue avec la profondeur du coma. Si le couplage DSC-métabolisme reste fonctionnel, le DSC diminue également de façon parallèle. En fait, après un TC grave, ce couplage est perturbé dans plus de la moitié des cas. On peut ainsi observer des Ouverture des yeux Mai 2008 - N° 51 Évaluation des traumatisés crâniens graves La mortalité globale à 6 mois des traumatisés crâniens graves est de 35% environ avec des différences importantes d'un groupe de patients à un autre [18]. L'examen clinique et tomodensitométrique permet d'évaluer la gravité du traumatisme et dicte la stratégie de prise en charge initiale de ces patients. La mesure de la PIC s'impose chez tout TC grave en présence de signes indirects d'HTIC ou devant des lésions cérébrales potentiellement évolutives. Évaluation clinique L'examen clinique doit être complet et systématique chez tout traumatisé crânien. L'analyse des fonctions respiratoires et hémodynamiques doit être immédiate car elle impose un certain nombre de mesures thérapeutiques en urgence (intubation et ventilation, remplissage vasculaire, ...) [19]. L'examen neurologique évalue le niveau de conscience et recherche des signes de localisation (modification pupillaire, déficit sensitif ou moteur) ou de souffrance axiale (réflexes du tronc cérébral). Le score de Glasgow (GCS) permet une évaluation objective et reproductible du niveau de conscience. Réponse verbale Réponse motrice 4 Spontanée 5 Orientée 6 A l'ordre 3 Au bruit 4 Confuse 5 Adaptée à la douleur (localisée) 2 A la douleur 3 Inappropriée 4 Flexion d'évitement 2 Incompréhensible 3 Réponse en flexion hypertonique (décortication) 2 Réponse en extension (décérébration) 1 Rien 1 Rien Le risque essentiel du traumatisme 1 Rien crânien est la survenue d'une hypertension intracrânienne (HTIC) incompatible avec une PPC suffisante. Tableau 1 : score de Glasgow (GSC) 18 situations où le DSC est en excès par rapport à la CMRO2 (situation d'hyperhémie) et favorise l'hypertension intracrânienne, ou au contraire, il est insuffisant (situation de bas-débit) avec un risque d'ischémie. La mesure de la SjO2 évalue le couplage DSC-métabolisme, et à un niveau de coma ou de CMRO2 donné, la SjO2 varie comme le DSC. Ainsi, en clinique, sa mesure pourrait permettre de distinguer ces deux situations : une hyperhémie cérébrale où la SjO2 est élevée (> 70%), une hypoperfusion où la SjO2 diminue (< 54%) [16,12]. Cependant, ces modifications hémodynamiques cérébrales sont variables dans le temps et l'espace, et on peut observer à un instant donné des zones cérébrales en situation d'ischémie et d'autres en situation d'hyperhémie [17]. Médecine d’urgence Il repose sur l'analyse des réponses oculaires, verbales et motrices. Le GCS a l'avantage d'être simple et permet grâce à des examens répétés de suivre l'évolution du TC. En revanche, sa détermination peut être difficile voire impossible lors de certaines circonstances (sédation, intubation, déficit neurologique associé) et la valeur prédictive du score est dépendante du moment de sa réalisation [17]. La relation entre le score initial et le devenir du patient est faible ; par contre, le score de Glasgow évalué secondairement, après réanimation ou intervention neurochirurgicale, est un indicateur du risque de mortalité (76% de mortalité avec un GCS à 3, 18% avec un GCS entre 6 et 8 ) [18]. Les traumatisés crâniens graves correspondent aux patients dont le GCS, est compris entre 3 et 8. Sur une cohorte de plus de 20 000 patients, Davis et al ont validé l’intérêt pronostic d’une cotation d’un GCS sur le terrain corrélé à un GCS à l’arrivée à l’hôpital [20]. Dans ce travail, le GCS coté entre 9 et 11 prédisait une mortalité non négligeable, ce qui faisait dire aux auteurs que les TC modérés (GCS 9-11) devaient parfois être considérés comme des TCG. Le mauvais usage de la cotation du score est récurrent y compris chez les médecins urgentistes ou anesthésistes ; dans une population d’internes d’anesthésie réanimation, 30 % d’entre eux ne savaient pas coter avec précision un GCS [21]. Stratégie de la prise en charge initiale des traumatisés crâniens graves Facteurs d’agression cérébrale secondaire par l'hypertonie concomitante de la souffrance cérébrale. Dans le cadre d'un polytraumatisme, le traumatisme thoracique associé est toujours un facteur péjoratif. L'intubation trachéale, et la ventilation artificielle, sont le plus souvent nécessaires, et recommandées, à la phase initiale [19, 26]. Elle doit être réalisée avec un aide qui contrôle la mobilisation du rachis cervical. L'objectif est d'obtenir une PaCO2 voisine de 35 mmHg et une normoxie [27]. L'hypocapnie modérée permet de diminuer le DSC et donc le VSC et la PIC. Cet effet reste possible tant que la vasoréactivité au CO2 est conservée. La recherche et le drainage d'un éventuel Contrôle de la fonction respiratoire pneumothorax doivent être systématiques La fonction respiratoire est toujours chez ces patients ventilés. perturbée dans le cadre des TC graves. La liberté des voies aériennes supérieures peut Les critères de l’intubation des TCG être compromise par une obstruction liée à Une étude rétrospective monocentrique une régurgitation du contenu gastrique (sang, liquide, aliments), à un fracas des maxillaires française s’intéressant à la prise en charge des ou à une atteinte neurologique modifiant la TCG par les SMUR montrait que la prise en cinétique laryngée et pharyngée. La mobilité charge préhospitalière médicalisée de ces patients de la cage thoracique est en général limitée était efficace pour la correction de l’hypoxie. l'ischémie cérébrale dont l'origine peut être intracrânienne ou systémique. Un certain nombre de facteurs d'agression cérébrale secondaire ont été identifiés et l'objectif de la prise en charge initiale d'un TC grave est de les corriger le plus rapidement possible afin de prévenir l'ischémie cérébrale [22, 23, 24, 25]. Parmi ces facteurs, ceux d'origine systémique sont accessibles dès la phase préhospitalière. L'hypotension artérielle et l'hypoxémie sont deux situations particulièrement fréquentes qui doivent être évitées ; elles multiplient par 2 le taux de mortalité des TC graves (tableau 2). Tableau 2 : facteurs d’agression cérébrale secondaire Facteurs systémiques Facteurs intracrâniens Hypoxémie (PaO2 < 60 mmHg) Hypertension intracrânienne Hypotension artérielle (PAsys < 95 mmHg) Syndrome de masse (hématome, contusion) Hypercapnie (PaCO2 > 45 mmHg) Œdème cérébral Hypocapnie sévère (PaCO2 < 25 mmHg) Hydrocéphalie Anémie Vasospasme Hyperthermie Crise épileptique Hyper- ou Hypoglycémie Troubles métaboliques cérébraux Si le pronostic du TC reste dépendant de l'importance de la lésion cérébrale primaire, Troubles hydroélectrolytiques le rôle péjoratif des lésions secondaires est Troubles de la coagulation bien établi. Leur dénominateur commun est Troubles de l'hémodynamique cérébrale Infection COMMUNIQUÉ FACULTE EUROPEENNE de SOPHROLOGIE École de sophrologie créée à Paris en 1971 par le Dr Jean-Pierre HUBERT 9, impasse Fernand Legras – BDC - B.P. 2594-NOUMEA Le Dr Jean-Pierre Hubert, chargé de cours à la faculté de médecine Paris XIII propose pour les professionnels de santé : 4 jours de stage de naturothérapie : le 30 août et le 31 août, les 6 et 7 septembre 2008 Une Journée : « Obstétrique et sophrologie » : le mercredi 3 septembre 2008 La faculté de sophrologie vous propose trois niveaux de formation en sophrologie (formation continue professionnelle) 1) la formation de base: 5 cycles et 40 ateliers pratiques, 2) la formation de sophrologue (requiert des examens, un suivi personnel, un mémoire). 3) la formation de sophrologue-analyste®. PUBLIC: professionnels de santé, enseignants, associations d’aide. Prochain 1er cycle sur 2 week-end : 2-3 août et 16-17 août 2008 FORMATRICE à PARIS ET à NOUMEA : Ghylaine Manet. psychanalyste et hypnothérapeute. Professeur de philosophie et de lettres – Auteur de 2 livres sur la sophrologie. Consultez les sites pour les programmes : www.sophrovie.asso.nc et www.sophrologieanalytique.com Inscrivez-vous par mail : [email protected] Tel/fax : (687)28 64 18 Mai 2008 - N° 51 19 Médecine d’urgence A l’arrivée à l’hôpital, le contrôle de la capnie (PaCO2 35-40 mmHg) était effectif pour 43% des patients. Les valeurs moyennes d’hypo (29% des TCG) ou d’hypercapnie (28% des TCG) étaient respectivement de 27 mmHg et 47 mmHg. L’usage du capnographe, dans ce travail, n’était pas systématique [28] mais il ne permet probablement pas de prédire un niveau adéquat de PaCO2. Lors d’une phase de transport d’une durée prévisible de plusieurs heures (transfert secondaire par exemple) une analyse des gaz du sang par prélèvement artériel peut apparaître utile [29]. Coma (GCS ≤ 8) Détresse respiratoire PaO2 < 70 mmHg PaCO2 > 45 mmHg PaCO2 < 25 mmHg Perte des réflexes laryngés Convulsions Nécessité d'une sédation Traumatisme associé (facial, thoracique, ...) Tableau 3 : critères d’intubation des TCG Contrôle du système cardiovasculaire Le traumatisé crânien grave présente une hypertension artérielle et une tachycardie d'origine adrénergique. Ces phénomènes sont renforcés par les stimuli nociceptifs et exacerbés par la souffrance axiale. L'hypovolémie, toujours présente, est liée aux pertes hémorragiques et aux séquestrations liquidiennes, en particulier dans le tube digestif. La correction de l'hypovolémie doit être débutée immédiatement et ce d'autant plus rapidement que l'utilisation des agents sédatifs s'impose. L'association hypovolémieagents anesthésiques ou analgésiques est toujours potentiellement dangereuse et nécessite la surveillance rapprochée de la pression artérielle. Le remplissage vasculaire constitue le traitement initial des désordres hémodynamiques chez ces patients. Les cristalloïdes isotoniques (NaCl 0,9 %) peuvent être utilisés en première intention, mais les colloïdes sont en règle nécessaires pour corriger rapidement une hypovolémie. Les concentrés globulaires doivent être utilisés après 20 à 30% de perte de la masse sanguine, afin de maintenir une hémoglobine > 10g/dl. Le plasma frais doit être apporté pour corriger un trouble de la coagulation (consommation excessive de facteurs, hémorragie importante). Dans l’étude citée plus haut, le contrôle de l’hypotension artérielle n’était pas assuré par les SMUR. Plus exactement 30 % des patients arrivaient à l’hôpital avec une hypotension artérielle qui n’existait pas au début de la prise en charge. La présence d’un choc hémorragique concernait moins d’un patient 20 Mai 2008 - N° 51 sur 4. Les auteurs estimaient que la sédation, administrée pour tous les patients ventilés, était probablement en cause. En effet, celle-ci n’était jamais titrée et adaptée à la pression artérielle des patients et aucun des patients concernés n’avait bénéficié de l’usage de drogues vasopressives [28]. La discussion recommandait la titration des drogues sédatives et l’utilisation plus large de la noradrénaline afin de mieux contrôler la pression artérielle. La mesure automatisée non invasive de la pression artérielle trouve ses limites durant la phase de transport du patient ; elle ne permet pas de surveiller étroitement le niveau de pression artérielle souhaité. Sous certaines conditions, en particulier de ne pas perdre un temps inutile, la pose d’un cathéter artériel par voie fémorale en préhospitalier peut se justifier [29]. Si la lutte contre l’hypotension est une priorité, la question se pose de l’objectif du meilleur niveau de pression artérielle moyenne (PAM) à obtenir. En l'absence d'études, le niveau recommandé de PAM dans les premières heures post-traumatiques est de 80 mmHg. Cependant, des travaux ont montré qu'une valeur de 80 mmHg de PAM ne permet aucunement de distinguer, à l'arrivée à l'hôpital, les patients à haut risque d’ischémie cérébrale des autres [30]. En effet, une valeur isolée de PAM ne peut prédire la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui ne dépend pas que de la valeur de la PAM mais aussi de la valeur de la pression intracrânienne (PIC) : PPC=PAM-PIC. Dans cette étude clinique, malgré une valeur moyenne de PAM de 80 mmHg, 40% des patients restaient à haut risque d’ischémie cérébrale. Les enjeux cliniques sont importants : en effet décider d’un niveau de PAM à 100 mmHg pour tous les patients c’est mettre à l’abri du risque ischémique ceux qui en ont besoin (40%) mais cela peut être aussi d’exposer à un risque inutile d’augmentation de l’hémorragie par l’hypertension ainsi créée ceux qui n’ont pas besoin d’un tel niveau de PAM (60% des patients). L’utilisation du Doppler Trans-Crânien (DTC) dès l’arrivée à l’hôpital [31], voire dès la phase préhospitalière, pourrait permettre très rapidement une évaluation de l’hémodynamique cérébrale du patient et d’adapter le meilleur niveau de PAM nécessaire au patient. Le Gold Standard en matière d’anesthésie par intubation est l’induction à séquence rapide, elle est la moins délétère pour le contrôle de l’HTIC. Elle est généralisée dans notre pays [4, 28]. L'objectif de la sédation est la diminution de la CMRO2 dans les mêmes proportions que le DSC, tout en maintenant la meilleure PPC afin d'éviter l'ischémie cérébrale. La diminution du DSC permet la réduction du VSC et de l'HTIC. Les agents les plus utilisés, en première intention, sont les benzodiazépines (midazolam) ou le gamma-hydroxybutyrate de sodium (Gamma OH®) associés à un morphinique (fentanyl) [33,7]. Les barbituriques (thiopental) ne sont utilisés qu'en deuxième intention face à une HTIC avérée et sous contrôle de la PPC, compte tenu de leurs effets hémodynamiques ; il en est de même du propofol. Il existe d'autres moyens pour contrôler une HTIC : L’osmothérapie La perfusion de mannitol à 20 % (0,5 g.kg-1) est intéressante dans les situations critiques avec engagement lié à un hématome extracérébral. Il trouve particulièrement son indication dans l'attente d'une décompression neurochirurgicale. Mydriase aréactive et osmothérapie Les Recommandations pour la Pratique Clinique sont sans ambiguïté [4]. Elles préconisent l'osmothérapie (mannitol 20% : 0,20 à 1 g/Kg soit 1 à 5 ml/Kg) en urgence devant toutes anomalies pupillaires et/ou dégradation de l’état neurologique non expliquée par une cause extra-crânienne. Entre 1994 et 1998, aucun des 65 patients pris en charge par une équipe de SMUR, en mydriase bilatérale après traumatisme crânien et acceptés à l'hôpital de Bicêtre n'avait bénéficié d'osmothérapie pendant le transport [28]. Ces 65 patients sont tous décédés dans les suites quels qu'aient été les traitements ultérieurs effectués à l'hôpital (osmothérapie et/ou chirurgie). Cette méconnaissance de l’usage de l’osmothérapie en urgence est retrouvée dans une étude régionale récente ; plus d’un tiers des 96 médecins interrogés ne connaissaient pas les indications ou n’avaient Contrôle de l’hypertension jamais utilisé de mannitol (à fortiori de sérum intracrânienne salé hypertonique) [34]. Les principales explications notées par les auteurs étaient liées à un L'hypocapnie modérée (35 mmHg) et la défaut de formation (les médecins étaient sédation du patient sont les deux premières pourtant majoritairement titulaires de la mesures mises en œuvre pour contrôler une capacité de médecine d’urgence) et un avis ambigu de la part des neurochirurgiens. HTIC [32]. Médecine d’urgence Les effets bénéfiques éventuels du sérum salé hypertonique ont été évalués dans différents modèles expérimentaux. Les effets sur la PIC sont comparables à ceux du mannitol [35]. Ces solutions hypertoniques pourraient être intéressantes, en préhospitalier, pour restaurer rapidement la volémie chez un polytraumatisé en état de choc hémorragique. Transfert vers un centre spécialisé Les TC graves doivent être pris en charge dans un centre spécialisé bénéficiant en permanence d'un scanner et d'une équipe neurochirurgicale et de neuroréanimation. Les TCG doivent être admis en priorité dans un hôpital spécialisé en neurotraumatologie [36]. Dans l’étude de Mac Kenzie, ce sont les sujets jeunes et victimes d’un TCG qui bénéficient le plus de l’amélioration du pronostic d’un accueil en “ trauma center ”. Dans l‘étude française précédemment citée, 11% seulement des patients admis relevaient d’un bloc neurochirurgical en urgence mais le délai moyen d’arrivée à l’hôpital était de 3h00 ± 1h40 [28]. Ce temps d’acheminement est d’autant plus délétère que les SMUR ne disposent ni de DTC ni d’un monitorage hémodynamique fiable. Une enquête non publiée de la Caisse régionale d’assurance maladie Ile de France portant sur le 1er semestre 2001 montrait que parmi 250 TCG pris en charge par les SAMU, la moitié effectuait un parcours impliquant au moins une étape intermédiaire avant leur hospitalisation et 25 % étaient hospitalisés dans un hôpital ne disposant pas des capacités de monitorage neurologique multimodal. Devant des signes neurologiques laissant craindre une lésion expansive chirurgicale, le transport (toujours médicalisé) du patient doit être réalisé le plus rapidement possible, soit directement des lieux de l'accident, soit à partir de l'hôpital de proximité. Dans cette situation, l'hélicoptère est souvent le moyen de transport le plus rapide et le plus adapté. Dans les autres cas, la décision de transfert est prise après un premier bilan clinique et radiologique, réalisé dans l'hôpital de proximité. Concernant les TC de gravité moyenne, leur transfert dans un centre spécialisé doit être envisagé devant [26] : - une altération de la conscience, - une lésion neurochirurgicale, - toute aggravation secondaire, - des signes tomodensitométriques d'HTIC, - une embarrure ou une fracture de la base du crâne, - un polytraumatisme. Le SROS de 3ème génération a dû être écrit en ce sens. Le décret du 22 mai 2006 et les circulaires d’application de février 2007 nous invitent à nous organiser en réseau. La filière de prise en charge des TCG en fait partie intégrante. Conclusion Les résultats, appréciés par le Glasgow Outcome Scale (GOS), de la prise en charge des TC graves retrouvent un taux de mortalité entre 30 et 40%, un état végétatif entre 1 et 3%, une atteinte sévère entre 10 et 20%, une atteinte modérée entre 20 à 25 % et enfin des bons résultats dans 20 à 25% [37, 18, 20, 1]. Il est maintenant admis que la prise en charge initiale de ces patients est déterminante pour leur devenir. Le respect de “ l’heure d’or ” fait partie intégrante de la thérapeutique [38]. L'évaluation clinique et radiologique du TC, le contrôle rapide des fonctions respiratoires et circulatoires sont des impératifs à mettre en œuvre systématiquement, sur les lieux de l'accident et jusqu'à l'arrivée dans le centre spécialisé. 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En effet, une mauvaise tolérance impose une cardioversion en urgence.1 En revanche, lorsque la tolérance est bonne, le pronostic péjoratif lié à certaines formes de tachycardie à complexe large ou à leurs étiologies et les différences de traitement selon leurs mécanismes électrophysiologiques justifient un diagnostic rapide, et le plus précis possible. Schématiquement, les tachycardies polymorphes soutenues sont en règle mal tolérées et imposent après le CEE, au même titre que celles non soutenues, la mise en place d'un traitement pour éviter les récidives précoces. A l'inverse, les tachycardies soutenues bien tolérées nécessitent un diagnostic ECG le plus complet possible pour leur traitement immédiat d'une part, mais afin d'aider le cardiologue à en prévenir les récidives d'autre part. Enfin, des recommandations internationales récentes regroupant les experts des sociétés savantes américaines et européennes ont été récemment publiées,2-6 cette revue s'en inspirera donc largement. La prise en charge des tachycardies à complexes larges mal tolérées Toute tachycardie mal tolérée doit être traitée de manière urgente par choc électrique externe. La mauvaise tolérance clinique traduit une baisse aiguë et importante de la perfusion cérébrale du fait d’un effondrement du débit cardiaque. Celui-ci peut être soit la conséquence directe du trouble du rythme lorsque la fréquence ventriculaire est très élevée et limite le remplissage ventriculaire, soit la conséquence d’une cardiomyopathie ou d’une affection cardio-pulmonaire limitant l’adaptation du débit cardiaque aux besoins de l’organisme. La prise en charge comporte deux orientations principales : réduire en urgence la tachycardie, et en prévenir les récidives (Figure 1). Réduction en urgence de la tachycardie Figure 1 l’opposition qui existe entre d’une part la sécurité, au moins théorique, qu’offre une intubation en séquence rapide utilisant étomidate ou propofol et succinylcholine. Elle présente des avantages du point de vue de l’hématose, de la protection des voies aériennes contre l’inhalation et de la possibilité d’une prise en charge immédiate en cardiologique interventionnelle pour reperfusion myocardique dans le cadre d'une tachycardie survenant à la phase aiguë d'un infarctus du myocarde. A l'inverse, les stimulations sympathiques et les conséquences neuro-endocrines et hémodynamiques de ces protocoles anesthésiques peuvent paraître lourds pour un geste extrêmement bref. Les propositions suivantes peuvent cependant être formulées.8 Une anesthésie générale avec induction en séquence rapide utilisant étomidate et succinylcholine devrait être proposée à la phase aiguë de l'IDM et au patient dont l’état hémodynamique est précaire et chez qui l’on ne peut espérer une amélioration hémodynamique suffisante du simple fait de la réduction de la tachycardie, et dans les situations à haut risque de régurgitation (obésité, grossesse, hernie hiatale, diabète et prise récente d’aliments solides). Dans les autres cas, une sédation pourrait être effectuée par une injection lente et titrée de propofol à la dose de 0,8 mg/kg (0,5 mg/kg chez le sujet âgé). La réduction de la tachycardie mal tolérée doit être faite par choc électrique externe (CEE). Des recommandations ont été publiées quant aux modalités de la cardioversion transthoracique dans le traitement des troubles du rythme mal tolérés.5,6 Ainsi, l’énergie délivrée lors du premier choc est de 50 à 100 J en cas de TSV ou de flutter atrial, de 100 à 200 J en cas de FA ou de TV monomorphe, 200 J en cas de TV polymorphe. Chez le sujet inconscient, le choc électrique doit être appliqué d’emblée à 360 J (défibrillateur monophasique) selon les recommandations 2005 de prise en charge de l'arrêt cardiaque. En revanche, le sujet conscient doit bénéficier d’une sédation ou d’une anesthésie générale préalable, le CEE étant générateur Prévention des récidives de tachycardie d’une douleur intense comparable à celle d’une incision chirurgicale, même si elle ne dure qu’une seconde.7 Après réduction de la tachycardie, l’établissement Cependant, à cause de la brièveté de la stimulation d’un diagnostic est une étape nécessaire au choix des douloureuse, les modalités de cette sédation sont modalités de prévention des récidives de tachycardie. Les controversées. La discorde porte principalement sur tachycardies à complexes larges mal tolérées sont les 22 Mai 2008 - N° 51 TV polymorphes (notamment la torsade de pointes) et les tachycardies auriculaires sur syndrome de WolffParkinson-White ayant un faisceau de Kent à période réfractaire courte, et toutes les tachycardies rapides survenant sur cœur pathologique ou dans des conditions de mauvais remplissage ventriculaire. Dans ce dernier cas, l’optimisation des conditions de charge ventriculaire et les mesures de traitement spécifique à la cardiopathie sous-jacente sont des mesures indispensables dans la prévention des récidives immédiates. Fibrillation ventriculaire réduite La prévention de la récidive dépend de la cardiopathie en cause. Dans le cadre de l'infarctus du myocarde, c'est l'amiodarone avec souvent des ß-bloquants qui est recommandée (Grade B).4 Au cours d'un orage rythmique chez un patient porteur d'un syndrome de Brugada, c'est l'isoprénaline ou la quinidine qui est proposée (Grade C). Torsades de pointes La torsade de pointes est une entité particulière de TV habituellement non soutenue, polymorphe, associée à un allongement congénital ou acquis de l’intervalle QT. Elle est la conséquence d’une canalopathie de déterminisme génétique portant sur les canaux sodiques ou calciques (syndrome du QT long congénital : syndrome de Romano-Ward ou syndrome de Lange-Nielsen),9 ou de l’effet d’agents pharmacologiques allongeant la repolarisation chez les sujets susceptibles (syndrome du QT long acquis). 10 Le syndrome du QT long congénital est en fait un Médecine d’urgence ensemble de syndromes ayant en commun l’allongement de la repolarisation, et se distinguant les uns des autres par la nature des canaux altérés, la nature de cette altération, les circonstances cliniques de survenue des torsades de pointes, les signes cliniques associés, le pronostic spontané et les modalités du traitement. Le diagnostic du QT long est basé sur la démonstration d’un allongement significatif (> 440 msec) de l’intervalle QT corrigé (formule de Bazett) sur l’ECG en rythme sinusal (en dehors de la torsade de pointe). Bien que le risque de survenue d’une torsade de pointe soit d’autant plus important que l’intervalle QT est allongé, c’est la dispersion spatiale de l’intervalle QT qui représente le facteur déterminant l’initiation et le maintien de la réentrée qui caractérise la torsade de pointes. En l'absence de traitement étiologique, les torsades de pointes ne demandent qu'à récidiver rapidement et à dégénérer en fibrillation ventriculaire, plus particulièrement en cas d’allongement acquis du QT, et lorsque la réduction n’a pas été spontanée mais obtenue par un CEE. Aussi, les bradycardies doivent être accélérées, au besoin à l'aide d'un entraînement électrosystolique par voie endocavitaire ou transthoracique externe à une fréquence de 100 bpm (Grade A), à défaut avec une administration continue d'isoprénaline (Grade B).4 L'hypokaliémie ou l'hypocalcémie doivent être corrigées (Grade A). Le sulfate de magnésium s'est avéré très efficace dans ce type de dysrythmie. Il est utilisé en première intention à la dose de 1,5 à 3 g en intraveineux lent, dose qui peut être renouvelée dans l'heure (Grade B). Les médicaments qui favorisent l’allongement du QT doivent être arrêtés (Grade A). En cas de récidive, une accélération de la fréquence ventriculaire afin de raccourcir l’intervalle QT à l’aide d’une sonde endocavitaire d’entraînement électro-systolique doit être envisagée (Grade B). A l’inverse, les torsades de pointes survenant au cours des syndromes du QT long congénital sont plutôt favorisées par une augmentation de l’activité catécholergique. Les β-bloquants sont parfois efficaces. Si le patient est connu pour avoir un QT long de type 3, la lidocaïne s'est avérée efficace (Grade C). En tout état de cause, ces syndromes du QT long congénitaux doivent être pris en charge par des cardiologues spécialisés. En effet, l’échec du traitement médicamenteux amène à indiquer la mise en place d’un défibrillateur implantable.11 Les TV polymorphes avec intervalle QT normal Comme les torsades de pointes, ces tachycardies sont souvent non soutenues. Elles surviennent essentiellement au cours des cardiopathies notamment ischémiques, mais peuvent être également idiopathiques (TV polymorphe idiopathique, TV catécholergique). La réduction repose sur le CEE et la prévention des récidives immédiates sur les ß-bloquants en cas d'origine ischémique (Grade B), dans l'attente d'une coronarographie à réaliser dans des délais courts (Grade C). Une dose de charge d'amiodarone est également proposée en cas de QT strictement normal (Grade C).4 Tachycardie supraventriculaire et fibrillation auriculaire sur syndrome de Wolff-Parkinson-White Le syndrome de Wolff-Parkinson-White se caractérise par l’existence d’au moins une voie accessoire de conduction auriculo-ventriculaire qui court-circuite la voie nodo-hissienne dans le sens oreillette-ventricule. La fréquence ventriculaire ne dépend alors plus que de la période réfractaire antérograde de la voie accessoire, et peut de ce fait être très élevée. Ceci explique la mauvaise tolérance d’une tachycardie ou d’une fibrillation auriculaire survenant dans ce cadre pathologique, et le risque permanent de transformation en fibrillation ventriculaire. Un choc électrique externe immédiat doit alors être préféré à toute autre thérapeutique (Grade B). La prévention des récidives de tachycardie ou de fibrillation doit ensuite être faite sur la base de la nature de ces dysrythmies. De nombreux antiarythmiques peuvent être utilisés, dont l'amiodarone ou éventuellement un antiarythmique de la classe IC comme le flécaïnide. L'ablation du ou des faisceaux accessoires notamment par radiofréquence reste la méthode de prévention du risque de mort subite la plus appropriée chez ces sujets (Grade B).1 La prise en charge des tachycardies à complexes larges bien tolérées La bonne tolérance de la tachycardie laisse le temps de la discussion diagnostique permettant ainsi le choix des moyens thérapeutiques les plus adaptés. Le tableau clinique et les données électrocardiographiques constituent la base de l’approche diagnostique (Figure 1). Diagnostic clinique La présentation clinique est non spécifique, variable selon la durée de la tachycardie, la fréquence ventriculaire, l’existence d’une cardiopathie sous-jacente, de troubles acido-basiques ou hydro-électrolytiques, et les traitements en cours. Schématiquement, deux situations sont possibles. La première est celle du sujet conscient se plaignant de palpitations et de douleurs thoraciques, attirant alors d’emblée l’attention vers le cœur et poussant à réaliser un ECG. La notion d’antécédents d’épisodes de syncopes, leurs caractéristiques et les signes précédant, accompagnant et suivant ces épisodes confortent la suspicion de l’origine cardiaque du problème et permettent le diagnostic différentiel notamment avec les convulsions. Ainsi, une perte de connaissance brève (5 à 22 sec), déclenchée par la douleur, l’exercice, la miction, la défécation, le stress intense, précédé ou s’accompagnant de nausées et de sueurs est très vraisemblablement une syncope. La deuxième situation est celle du sujet pris en charge pour mort subite. L’obtention d’un tracé de scope permet de reconnaître la tachycardie à complexe large et la priorité doit alors être donnée à la défibrillation, reléguant au second plan la discussion diagnostique sur le type, le mécanisme, l’étiologie, de même que le traitement étiologique. L’évaluation initiale comporte l’interrogatoire du sujet et/ou de sa famille, l’examen physique, et un ECG, surtout chez le sujet âgé.12 Une origine cardiaque peut être suspectée lorsque la syncope survient à l’effort ou au décubitus, lorsqu’elle survient à l'emporte pièce, sans prodromes ou est précédée d’un flou visuel ou de palpitations, et lorsqu’elle s’accompagne de douleurs thoraciques ou de convulsions ou d'antécédents personnels ou familiaux de syncope ou de mort subite. Diagnostic électrocardiographique Le diagnostic électrocardiographique nécessite de disposer d'un ECG à 12 dérivations avec un enregistrement long de la dérivation DII (DII long), et si possible, d’anciens tracés ECG du patient. Le principal problème est de faire la différence entre une tachycardie ventriculaire (TV) et une tachycardie supraventriculaire (TSV) avec préexcitation ventriculaire ou avec bloc de branche acquis ou fonctionnel phase 3. Si le patient est porteur d'un bloc de branche ayant la même morphologie en tachycardie dans toutes les dérivations, la tachycardie a de fortes chances d'être d’origine supraventriculaire. Cependant, ceci n'est pas toujours simple, d'autant que des critères habituels de TV peuvent être pris en défaut telles la largeur de QRS au delà de 140 msec et les déviations axiales extrêmes. Le problème est tel qu’un enregistrement oesophagien peut s’avérer incontournable pour différentier la TV de la TSV, en permettant la visualisation des ondes P. En 1991, Brugada et Coll.13 ont proposé un algorithme à partir de 554 tachycardies à complexe large dont 384 TV et 170 tachycardies supra-ventriculaires authentifiées par l'exploration électrophysiologique. 1°/ L'absence de complexe RS dans toutes les dérivations précordiales signe la TV avec une sensibilité de 21% et une spécificité de 100%. La morphologie QR, QRS, QS, R monophasique ou rSR ne sont pas considérés comme un aspect RS. 2°/ Lorsqu'au moins un complexe RS est présent dans les dérivations précordiales, une largeur mesurée du début de l'onde R jusqu'à la partie la plus profonde de l'onde S supérieure à 100 msec signe la TV. La sensibilité est de 66% et la spécificité à 98%. 3°/ La dissociation auriculo-ventriculaire signe la TV. Elle n'est cependant reconnaissable sur l'ECG de surface que dans 21% des cas. L'utilisation de ces 3 critères donne une sensibilité de 82% et une spécificité de 98%. 4°/ Enfin, en cas de non réponse à ces 3 premiers items, les critères morphologiques classiques des dérivations V1 et V6 donnent une sensibilité de 98.7% et une spécificité de 96.5% pour le diagnostic de TV et une sensibilité de 96.5% et une spécificité de 98.7% pour le diagnostic de tachycardie supraventriculaire. Ces critères morphologiques sont les suivants. En cas de tachycardie avec un aspect de retard droit, sont en faveur d'une TV, en V1, une onde R monophasique ou un aspect QR ou QS, et en V6, une onde R monophasique, un aspect QR ou QS ou une R/S < 1 ; sont plus en faveur d'une tachycardie supra-ventriculaire avec un bloc de branche droit un aspect triphasique en V1 et/ou V6. En cas de tachycardie avec aspect de retard gauche, sont en faveur d'une TV, en V1, une onde R durant plus de 30 msec ou plus de 60 msec jusqu'au point le plus bas de l'onde S et en V6 un aspect QR ou QS.13 Un algorithme schématique mais simple est proposé sur la figure 1 pour aider à cette approche diagnostique. La distinction entre TV et TSV est fondamentale, car l’adéquation et l’efficacité des traitements notamment préventifs en dépendent. Aussi, lorsque le diagnostic ECG est difficile, l’on peut s’aider des manœuvres vagales au cours de l’enregistrement de l’ECG pour évaluer l’implication de la voie nodo-hissienne dans le mécanisme de la tachycardie et, par conséquent, spéculer sur son type. Celles-ci peuvent être réalisées par le massage sinocarotidien ou, en cas d'échec par l'injection d'adénosine (ATP - Striadyne®) en l'absence de contre-indication. Ces manœuvres peuvent générer trois types de réponses sur le plan rythmique : - la tachycardie se ralentit transitoirement et les ondes P sont alors bien visibles : il s'agit d'une tachycardie atriale; - la tachycardie s'arrête brusquement : c'est le plus souvent une tachycardie jonctionnelle ou atriale impliquant le noeud AV ; - la tachycardie n'est pas modifiée : c'est en faveur d'une tachycardie ventriculaire. Le compte des auriculogrammes et des ventriculogrammes donne également une indication sur le type de tachycardie : - Auriculogrammes > Ventriculogrammes : la tachycardie est auriculaire, - Auriculogrammes < Ventriculogrammes : la tachycardie est ventriculaire, Mai 2008 - N° 51 23 Médecine d’urgence - Auriculogrammes = Ventriculogrammes : la tachycardie est jonctionnelle, mais peut aussi être atriale avec une conduction antérograde 1 pour 1 ou ventriculaire avec une conduction rétrograde 1 pour 1. Tachycardie irrégulière à complexes larges et monomorphes : La fibrillation auriculaire (FA) avec bloc de branche Le passage en FA peut être à l’origine d’une syncope, surtout s’il existe une cardiopathie pour laquelle la systole auriculaire joue un rôle fondamental dans le remplissage ventriculaire (rétrécissement mitral, HVG concentrique…). La FA est souvent, mais pas toujours, associée à une cardiopathie sous-jacente. La morbidité et la mortalité de la FA sont principalement liées à la gravité de cette cardiopathie, à la possibilité d’un retentissement hémodynamique ou de complications thromboemboliques. Le facteur déclenchant la FA peut être une alcoolisation aiguë, une intervention chirurgicale, une électrisation, un syndrome coronarien aigu, une péricardite, une myocardite, une embolie pulmonaire ou d’autres affections pulmonaires, une hyperthyroïdie ou d’autres maladies métaboliques. Le mécanisme électrophysiologique de la FA est une activité automatique auriculaire anarchique, avec plusieurs foyers pacemakers et plusieurs circuits concomitants de réentrée.14 Sur le plan électrocardiographique, la FA se traduit par la disparition des ondes P qui sont remplacées par des trémulations de la ligne de base bien visibles sur les dérivations précordiales droites, et dont l’amplitude permet de différencier la fibrillation à grosses mailles de la fibrillation à petites mailles. Parfois, il n’existe aucune activité auriculaire visible, et seule l’irrégularité de l’intervalle RR permet d’évoquer une FA. Le caractère large des complexes QRS est lié à l’existence contemporaine d’un bloc de branche préexistant ou fonctionnel. Sur cœur sain, la FA est habituellement bien tolérée, l’accélération de la fréquence ventriculaire restant modérée grâce au filtre nodal. La prise en charge de la FA vise 3 objectifs : ralentir la fréquence ventriculaire, prévenir les accidents emboliques, et rétablir le rythme sinusal.3 La fréquence ventriculaire peut être ralentie par l’utilisation de l'amiodarone, les digitaliques (en cas d'insuffisance cardiaque), des bêtabloquants et des anticalciques (diltiazem et vérapamil) (Grade B). Les 2 dernières classes thérapeutiques ont un effet inotrope négatif et sont contreindiquées chez les patients porteurs d’une pré-excitation ventriculaire.. Le risque d’accidents emboliques s’installe précocement, et est cliniquement pertinent au-delà de 48H. Il justifie un traitement préventif au long cours par AVK (Grade A). Le rythme sinusal peut être rétabli par des moyens pharmacologiques. L'amiodarone et les antiarythmiques de classe IC comme le flécaïnide sont alors les agents prescrits en l'absence d'insuffisance cardiaque (Grade A). En cas d’échec du traitement médical, une cardioversion électrique est indiquée (Grade C). Si elle est généralement pratiquée après 3 semaines d’anticoagulation efficace, il est possible de la faire dans les jours suivant la survenue de la FA, après avoir vérifié par ETO l’absence de thrombus dans l’oreillette gauche (Grade B). Un traitement AVK efficace doit être maintenu pendant 4 semaines après la cardioversion (Grade C). En pratique, dans le cadre de l'urgence, il importe surtout de ralentir la cadence ventriculaire (ß-bloquants ou diltiazem en l'absence de syndrome de WPW) et ce d'autant que l'on ne connaît pas forcément le délai depuis le début de la FA. Tachycardie régulière à complexes larges Tachycardie supraventriculaire avec bloc de branche Les tachycardies supraventriculaires (TSV) sont 24 Mai 2008 - N° 51 représentées par les arythmies atriales (flutter auriculaires et autres tachycardie atriales) et les tachycardies jonctionnelles.2 Elles peuvent survenir en dehors de toute lésion décelable et sont généralement bien supportés. Elles peuvent également être la conséquence de la plupart des cardiopathies dont elles compliquent l'évolution, en particulier l'insuffisance coronarienne ou cardiaque notamment de type diastolique, les valvulopathies à type de rétrécissement ou les cardiomyopathies hypertrophiques. Les tachycardies atriales favorisent de plus la survenue de thromboses auriculaires, sources d'embolies, au même titre que la FA. La survenue d’une TSV chez un sujet porteur d’un bloc de branche donne sur l’ECG des complexes larges, mais sa tolérance est relativement bonne tant que le filtre du nœud auriculo-ventriclaire est efficace. Les tachycardies atriales s'associent souvent à une cardiopathie. Sur le plan thérapeutique, outre le choc électrique externe toujours utilisable, leur traitement médicamenteux de réduction fait appel aux mêmes substances utilisées lors d'une fibrillation auriculaire. La réduction peut également être obtenue par stimulation endocavitaire ou par la stimulation électrique de l'oreillette gauche par voie œsophagienne. Cette technique peut être également utilisée en première intention.2 Les tachycardies jonctionnelles ont des complexes larges en cas de bloc de branche parfois ralentisseur, ou de trajet antidromique. Elles sont interrompues grâce aux manœuvres vagales, à l’administration l’adénosine ( 6 à 12 mg IV flash en respectant les contre-indications), du diltiazem (0.2 à 0.3 mg/kg IVL) ou de l'esmolol. L’agent le plus utilisé est le diltiazem. Du fait de sa demi vie très brève, l’adénosine est plutôt utilisée lorsque le patient a déjà reçu d’autres antiarythmiques. Dans tous les cas, l’ablation par radio-fréquence permet d’éviter les récidives de TSV. Tachycardie ventriculaire Une tachycardie ventriculaire peut être non soutenue (TVNS : durée < 30 sec), soutenue (TVS : durée > 30 sec), monomorphe ou polymorphe.4 La survenue d’une TVNS est souvent en rapport avec une ischémie myocardique aiguë ou un état d’hyperadrénergie. La TVS est presque toujours le fait d’une cardiopathie sous-jacente. Les TV naissant du ventricule gauche sont le fait de toutes les cardiopathies du ventricule gauche, en particulier l'infarctus ancien avec ou sans anévrysme constitué, et les cardiomyopathies dilatées, ischémiques ou primitives (figure 2). Les TV naissant d'un ventricule droit pathologique sont principalement liées à une dysplasie ventriculaire droite arythmogène. Les TV monomorphes sont généralement liées à une anomalie structurelle (cicatrice myocardique par exemple) servant de substratum à un circuit de réentrée. Les TV polymorphes sont la conséquence d’anomalies fonctionnelles du tissu myocardique, secondaires à une pathologie ou à l’effets de médicaments. D’une manière générale, les TVS monomorphes sont de meilleur pronostic que les TVS polymorphes, mais quel que soit le type de TV, une mauvaise tolérance hémodynamique impose le recours à un choc électrique. Les facteurs étiologiques (ischémie myocardique aiguë) ou favorisants (hypokaliémie, hypomagnésémie, hypocalcémie, hypothermie) doivent être recherchés et corrigés. La majorité des TV surviennent chez des patients porteurs de coronaropathies. Leur gravité à la phase aiguë de l'infarctus du myocarde justifie la surveillance du malade en réanimation. Le traitement de l’accès de TV sur cardiopathies relèvent de l'amiodarone (par voie orale ou intraveineuse) associés aux βbloquants (par voie veineuse, notamment le propranolol) (Grade C). En milieu cardiologique, la stimulation ventriculaire par voie endocavitaire est une méthode élégante (Grade C). La lidocaïne est toujours indiquée en cas de TVS monomorphe dans un contexte d’ischémie myocardique ou d’IDM (Grade C). Le recours à la cardioversion reste possible en cas d’échec des médicaments antiarythmiques. Malgré le bon pronostic des TV idiopathiques, le traitement préventif chez le sujet jeune à cœur sain est basé sur l'ablation par radio-fréquence qui assure la guérison. En cas de cardiopathie avec altération de la fonction ventriculaire gauche (FEVG < 0,40) l’implantation d’un défibrillateur automatique est envisagée en première intention (Grade B), les médicaments antiarythmiques (bétabloquants, amiodarone, ablation par radiofréquence) servant de complément à la défibrillation. La dysplasie arythmogène du ventricule droit relève du traitement par amiodarone et β-bloquant, associés ou non (Grade C). La prévention des récidives de TV nécessite de toutes manières une prise en charge en milieu cardiologique. Figure 2 :Tachycardie régulière à complexe large chez une personne ayant une séquelle d’<idm. Pas d’aspect RS dans le precordium, dissociation AV: tachycardie ventriculaire monomorphe Bibliographies : 1 - Priori SG, Aliot E, Blomstrom-Lundqvist C, et al. Task force on suddenc cardiac death of the european society of cardiology. Eur Heart J 2001;22:1374-450. 2 Blomström-Lundqvist C, Scheinman MM, Aliot EM, et al. ACC/AHA/ESC guidelines for the management of patients with supraventricular arrhythmias – Executive summary: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines, and the European Society of Cardiology Committee for Practice Guidelines (Writing Committee to develop Guidelines for the management of patients with supraventricular arrhythmias). Eur Heart J 2003;24:1857-97. 3 - Fuster V, Rydén LE, Cannom DS, et al. ACC/AHA/ESC 2006 guidelines for the management of patients with atrial fibrillation – Executive summary: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines and the European Society of Cardiology Committee for Practice Guidelines (Writing Committee to revise the 2001 Guidelines for the management of patients with atrial fibrillation). Circulation 2006;114:700-52. 4 - Zipes DM, Camm AJ, Borggrefe M, et al. ACC/AHA/ESC 2006 guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force and the European Society of Cardiology Committee for Practice Guidelines (Writing Committee to develop the 2001 Guidelines for the management of patients with ventricular arrhythmias and the prevention of sudden cardiac death). Circulation 2006;114:e385-484. 5 - American Heart Association in collaboration with the International Liaison Committee on Resuscitation. 2005 International Consensus Conference on Cardiopulmonary resuscitation and Emergency Cardiovascular Care Science with Treatment Recommendations. Circulation 2005;112:III-1-136. 6 - American Heart Association in collaboration with the International Liaison Committee on Resuscitation. 2005 American Heart Association Guidelines for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care. Circulation 2005;112:IV-1-211. 7 - Harrison SJ, Mayet J. Cardioversion and the use of sedation. Heart 2004;90:1374–6. 8 - Guignard J, Smail N, Samii K. Quelle anesthésie pour un choc électrique externe en urgence ? in Urgences 2005, jl Ducassé ed, Editions Scientifiques L&C – Brain Storming SAS, Paris, 2005, pp 175-82. 9 - Patel ND, Singh BK, Mathew ST. The heterogeneous spectrum of the long QT syndrome. Eur J Intern Med 2006;17:235-40. 10 - Roden DM. Drug-induced prolongation of the QT interval. N Engl J Med 2004;350:1013-22. 11 - Viskin S, Fish R, Roth A, et al. Clinical problem-solving. QT or not QT? N Engl J Med 2000;343:352-6. 12 - Brignole M, Alboni P, Benditt DG, et al. Guidelines on management (diagnosis and treatment) of syncope-update 2004. The task force of syncope, European society of cardiology. Eur Heart J 2004;25:2054-72. 13 - Brugada P, Brugada J, Mont L, et al. A new approach to the differential diagnosis of a regular tachycardia with a wide QRS complex. Circulation 1991;83:164959 14 - Lammers WJEP, Kirchhof C, Bonke FIM, Allessie MA. Vulnerability of rabbit atrium to reentry by hypoxia. Role of inhomogeneity in conduction and wavelength. Am J Physiol 1992;262 (Heart Circ Physiol 31):H47-55. CONSEIL DE L’ORDRE Actualités ordinales INFORMATION L’Organe de l’Ordre des médecins de NOUVELLE Calédonie est situé au 27, rue de Sébastopol – Immeuble le Central 1 – Bureau 303 (En haut de la place des Cocotiers). ORDRE NATIONAL DES MEDECINS ORGANE DE l’ORDRE de NOUVELLE CALEDONIE B.P. 3864 - 98846 NOUMEA CEDEX - : (687) 28.29.26 - FAX : (687) 28.58.70 E.Mail : [email protected] Le secrétariat administratif de l’Organe de l’Ordre est tenu par Mme Ginette DOMINGO. Les bureaux sont ouverts tous les matins de 8 h 00 à 12 h 00. Il est possible d’obtenir un rendez-vous l’après-midi pour rencontrer un conseiller ou récupérer des documents. La composition actuelle du bureau : Dr CHANTRIE Michel – Président Dr IMBERT Olivier – Vice-Président Dr CHAUBET Serge – Secrétaire Général Dr CHENE Patrick – Trésorier. Pour obtenir un rendez-vous avec les membres du bureau ou les contacter, nous vous demandons de bien vouloir passer par le secrétariat administratif. Les autres membres actuels de l’Organe de l’Ordre des Médecins sont les docteurs: DIVANAC’H Ronan, DES MOUTIS Robert, GRANDMOUGIN Thierry, LEFEBVRE Gérard, MELLIN Bertrand VANGHELUWE Frédéric. Il n’y a actuellement que Dix membres qui siègent à l’Organe de l’Ordre des Médecins au lieu de 15. Un confrère a présenté fin 2006 un recours auprès du Tribunal Administratif afin d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 14 novembre 2006 pour le renouvellement partiel des membres de l’Organe de l’Ordre des médecins de Nouvelle Calédonie. Cette demande d’annulation reposait sur le fait que l’Organe de l’Ordre de Nouvelle Calédonie faisait référence pour l’élection de 2006 à un texte du Code de la Santé Publique qui n’avait pas été étendu à la Nouvelle Calédonie. INFORMATION Le recours étant reconnu fondé par le Tribunal Administratif, les opérations électorales du 14 novembre 2006 ont été annulées. En Février 2008 devaient avoir lieu de nouvelles élections, celles-ci avaient été programmées ; mais après avis juridiques il apparaît que les modalités des élections au Conseil de l’Ordre des Médecins de Nouvelle Calédonie ne sont pour l’instant pas définies par un texte normatif ce qui fragilise nécessairement la validité de ces nouvelles élections. Les membres du bureau présent ont donc préféré suspendre les élections programmées en février 2008 dans l’attente de l’adoption du projet de « délibération relatif à l’exercice des professions de médecins et de chirurgiens dentistes de Nouvelle Calédonie » qui est actuellement en cours de finalisation. Ce projet doit déterminer la composition, le fonctionnement et les modalités d’élection du Conseil de l’Ordre des Médecins de Nouvelle Calédonie. Pendant la période transitoire actuelle l’Organe de l’Ordre des Médecins de Nouvelle Calédonie ne peut fonctionner dans des conditions normales. Il est limité dans ses attributions à l’expédition des affaires courantes. De nouvelles élections seront organisées dans les mois qui viennent et après passage du texte au Gouvernement et au Congrès de la Nouvelle Calédonie Nous espérons que de nombreux confrères seront volontaires pour s’investir au sein du Bureau de l’Ordre et que des les médecins de l’intérieur, des provinces Nord et îles, dont l’exercice en Nouvelle Calédonie présente de nombreuses spécificités, participeront à cette démarche. Nous vous rappelons que l’ordre se doit d’être en perpétuelle modernisation ; il a un rôle de conseil dans la rédaction des textes réglementant notre exercice. De grands dossiers sont actuellement en cours : celui de la formation continue, de la permanence des soins, de l’informatisation du dossier médical des patients. L’ordre doit également se présenter comme une structure de proposition afin d’actualiser notre code de déontologie et d’étudier la mise en place de notions telles que l’exercice sur sites multiples, le médecin collaborateur, la mise en place d’une chambre d’arbitrage etc... Les confrères de Nouvelle Calédonie devront aussi accompagner la réorganisation de la Chambre de Discipline. Les membres du Bureau actuel restant à votre disposition si vous le souhaitez pour tout renseignement complémentaire. Nous vous prions de croire, chers Confrères, en l’expression de nos salutations les plus amicales et confraternelles. Le Conseil de l’Ordre Mai 2008- N° 51 25 A G E N C E S A N I TA I R E E T S O C I A L E - N C Mise en place d’un forfait de soins podologiques pour les diabétiques du grand Nouméa dans le cadre de la prévention du risque d’amputation. D Mégraoua - Centre d’éducation diabétique et diététique, ASS-NC Le diabète est responsable de 2 à 3 amputations chaque semaine en Nouvelle Calédonie. Les soins de prévention des lésions des pieds chez les diabétiques représentent un enjeu majeur en termes de qualité de vie et de prévention de la morbi-mortalité, mais également en termes d’économie de santé. La prévention et le traitement podologique des lésions sont rendus difficiles en raison du faible taux de remboursement des soins et de la difficulté d’accès à ces soins hors Nouméa. L’objectif du programme est de diminuer par moitié le nombre d’amputation des membres inférieurs chez le diabétique sur 5 ans. Prévenir les lésions La prévention des lésions des pieds chez les diabétiques apparaît comme une évidence pour tous ceux qui les prennent en charge. On retrouve souvent le même parcours avec initialement la guérison simple d’une ulcération qui va récidiver puis aboutir à une amputation et le décès quelques années après. Quand on parle de prévention, c’est qu’il y a un risque. En terme de malades diabétiques le risque podologique existe : pendant leur vie, après plus de 20 ans d’une maladie difficile à soigner, 25% de ces diabétiques auront eu une plaie de pied et 10% une amputation. 85% des amputations surviennent chez des diabétiques porteurs d’une plaie chronique : la prévention de l’amputation repose donc en grande partie sur la prise en charge correcte de ces plaies. Pour les prévenir, il faut dépister les populations les plus à risque. On en connaît les critères : neuropathie (grade 1), avec artérite et/ou déformation (grade 2) ou ayant un antécédent de plaie ou d’amputation (grade 3). Il restera tous ceux qui font des plaies parce qu’ils ne se savent pas diabétiques, ou à risque, ou chez qui la plaie est accidentelle et c’est fréquent. Pour ceux-là, une prise en charge rapide est seule capable de réduire les complications des lésions et leur coût. La formation des patients par les soignants (éducation thérapeutique) doit leur permettre de ne pas sous estimer une plaie dont la gravité et l’absence de guérison spontanée sont des constantes. 26 Mai 2008 - N° 51 Les médecins généralistes ne verront que rarement des plaies alors que ces lésions sont la première cause d’amputation non traumatique et qu’elles sont responsables de la moitié des journées d’hospitalisation dans les services de diabétologie. Ainsi, le dépistage des patients à haut risque d’amputation et leur traitement préventif doit être réalisable partout en Nouvelle Calédonie. Le programme a débuté en 2007 avec la formation des podologues de Nouvelle Calédonie par une équipe multidisciplinaire afin de mettre à jour les connaissances et d’harmoniser les pratiques. L’Agence Sanitaire et Sociale a fait venir du CHU de Nantes Philippe SAILLANT, podologue formateur. Le Dr LEGER du CHT a traité de la place de la chirurgie. L’équipe du CEDD a pour sa part enseigné le diabète et l’éducation thérapeutique. A l’issue de la formation, 8 podologues ont été agréés par l’Agence. Dans les suites immédiates de la formation, la séance hebdomadaire sur le pied diabétique au CEDD a été animée par un des podologues agréés. Dans ce cadre, seule l’éducation des patients est réalisée (à l’exclusion des soins) avec pour but l’acquisition d’un savoir, d’un savoir faire et d’un changement des comportements à risque. Au delà, le rôle du podologue est fondamental dans la prévention primaire ou secondaire des ulcérations. Les soins de podologie sont essentiels pour procéder à l’ablation des hyperkératoses liées à des hyperpressions locales et au traitement des ongles. L’exérèse de l’hyperkératose est fondamentale, car la callosité ne fait qu’augmenter encore l’hyperpression locale et favoriser la survenue d’une ulcération. La fréquence des soins doit être adaptée à la gradation du risque podologique. La coupe des ongles Intensifier la prise en charge podologique 1) par la création du forfait de soins podologiques pour le grand Nouméa : La gradation du risque est effectuée par le médecin traitant. Si le diabétique est à haut risque, grade 2 et 3 (de la gradation établie par l’International Working Group en 1999) soit environ 20% des diabétiques, il peut bénéficier du forfait de soins. Le patient est adressé à un podologue spécifiquement formé agréé via une fiche de prescription spécifique (envoyée par l’Agence). A G E N C E S A N I TA I R E E T S O C I A L E - N C Le forfait comprend un bilan podologique initial (dont le compte rendu est envoyé au médecin prescripteur) suivi de 5 séances de soins. A la fin des soins, le podologue envoie un compte rendu final au médecin prescripteur et à l’Agence Sanitaire et Sociale. Les patients n’auront rien à débourser, le coût du forfait étant supporté par l’Agence. Vos patients inclus dans ce programme sont des patients à risque, ils ont besoin des soins qui ont été prescrits, veillez à ce qu’ils consultent régulièrement leur podologue. Les différentes zones à risque Pour en savoir plus, contactez la Cellule de gestion de l’action du Forfait de soin du Pied Diabétique (CFPD) au 26 90 61. Mail : [email protected] 2) par la création de vacations de podologie dans l’intérieur et les Îles : Ces vacations seront accessibles à tous les diabétiques de l’intérieur et des îles sur prescription médicale. Elles seront réalisées dans les dispensaires par des podologues formés agréés, équipés de matériel de podologie transportable (fourni par l’Agence). Ces vacations ont un triple objectif : éducation thérapeutique des patients, soins de podologie et formation des professionnels de santé. Les consultations multidisciplinaires du pied diabétique Les consultations de pied diabétique sont le dernier volet (après le dépistage et la prévention) du dispositif visant à prévenir les amputations chez les diabétiques. Ces consultations sont en place au CHT Magenta dans le service de Médecine interne et permettent la prise en charge rapide et spécialisée des lésions des pieds chez les diabétiques, dès leur reconnaissance par le médecin traitant. Les principales caractéristiques sont : • caractère multidisciplinaire, réunissant un médecin (et), une infirmière et un podologue, • coordination par un médecin diabétologue expérimenté dans la prise en charge des pieds diabétiques, • possibilité d’accès direct des patients à travers un n° de téléphone communiqué aux médecins, • prise en charge rapide des patients référés, dans un délai n’excédant pas 48h à 72h, • coopération structurée avec une unité de radiologie, un infectiologue, un chirurgien vasculaire, un chirurgien orthopédique. Ces consultations établissent le bilan des lésions, décident d’une hospitalisation ou de La formation d’un mal perforant plantaire en 4 étapes Pour dépister le risque de lésion des pieds il suffit de répondre à 4 questions 1. Le patient a t’il un antécédent d’ulcération chronique du pied (ayant duré plus de 3 mois) ou d’amputation ? 2. A-t-il une perte de la sensibilité ? La perte de sensibilité est définie par une mauvaise perception du monofilament de 10 g (Semmes-Weinstein 5.07). Le monofilament doit être appliqué à 6 endroits à la face plantaire des deux pieds : en regard de la pulpe du gros orteil et de la tête des 1èr et 5ème métatarsiens. Lorsqu’il est appliqué correctement (cf. encadré), il exerce une pression de 10 g sur la peau. L’application doit être répétée 3 fois sur le même site, sans ordre déterminé. Deux fausses réponses sur trois à un même site signent l’existence d’une neuropathie et d’un risque d’ulcération. 3. A-t-il une artérite ? Un des critères suivant suffit pour diagnostiquer l’existence d’une artérite et prédire un risque de lésions des pieds : la non perception de 2 pouls au même pied (pédieux et tibial postérieur) ou un antécédent de chirurgie vasculaire artérielle sur le membre inférieur ou l’existence d’une claudication intermittente. 4. A-t-il des déformations ? Hallus valgus1, quintus varus, orteils en griffe ou en marteau, callosités, proéminence de la tête des métatarsiens, chevauchement d’orteil, pied de Charcot2. Ces déformations augmentent le risque de lésion en créant des frottements et une hyperpression. 1: Saillie de la tête du 5ème métatarsien - 2: Déformation de l’ensemble du pied par neuropathie osseuse, avec une phase initiale douloureuse puis une déformation en valgus exposant aux blessures. Cet examen débouche sur une prévention graduée du risque de lésion Grade Définition Grade 0 Ni neuropathie, ni artérite, possibilité de déformations du pied indépendantes du diabète. Grade 1 Neuropathie sensitive isolée, définie par la perte de sensation au monofilament de 10 g Grade 2 Neuropathie + déformations du pied et/ou artérite. Grade 3 Antécédent d’amputation ou d’ulcération d’un pied. Prise en charge Examen annuel des pieds. - Examen des pieds et des chaussures à chaque consultation par le médecin traitant*. - Education du patient et conseils d’hygiène*. Mesures pour le grade 1 avec en plus : - Bilan par un podologue puis soins de podologie tous les 2 mois*. - En présence de callosités ou troubles statiques, prescription de semelles orthopédiques (orthèses) réalisées sur mesure par un podologue. - Si nécessaire, prescription de chaussures pour pieds sensibles ou de chaussures thérapeutiques de série. Mesures pour les grades 1 et 2 avec en plus référence pour bilan annuel à une équipe spécialisée*. * Ces moyens ont été validés pour réduire le risque de lésion des pieds. Il est nécessaire d’adresser directement et la possibilité d’un suivi ambulatoire et revoient les patients périodiquement pour rapidement à ces consultations les diabétiques coordonner le traitement et le suivi des à risque atteints de lésion, sans chercher à traiter la lésion. lésions. Mai 2008 - N° 51 27 A G E N C E S A N I TA I R E E T S O C I A L E - N C Mode d’emploi du monofilament de 10g Appliquez le monofilament perpendiculairement à la surface de la peau, avec suffisamment de force pour le courber (ceci évite de transmettre la force du poignet de l’examinateur). ■ Demandez au patient de fermer les yeux, pour qu’il ne voie pas le lieu où vous appliquez le monofilament. ■ N’appliquez pas le monofilament sur une callosité ou un ulcère, mais à leur périphérie. ■ Appliquez le monofilament fermement, en une fois: faites attention à ne pas le faire glisser le long de la peau et à ne pas toucher la peau de façon répétitive. ■ Appliquez le monofilament aux différents endroits sans ordre déterminé pour éviter les biais dus à l’anticipation du patient. ■ La durée totale d’application du monofilament doit être approximativement d’une seconde et demi : demandez au patient de répondre « OUI » ou « NON » instantanément après application du monofilament. ■ Pour conserver le monofilament en bon état, gardez le dans son étui ou replié dans son manche. En conclusion Pour mener à bien ce programme, il nous faut des podologues motivés et formés, des médecins disposés à grader, et un secrétariat bien organisé. C’est un test de notre capacité à nous mobiliser et à faire évoluer le dispositif de soins. C’est aussi la démonstration concrète de la possibilité d’adapter l’attitude thérapeutique en fonction du degré de risque. Nous aurons aussi pu mettre en évidence le rôle du podologue dans cette échelle de soins, la nécessité de sa formation, l’intérêt d’un travail d’équipe et la nécessité d’une éducation et d’une prévention à tous les niveaux. Ce programme de prévention des amputations est mis en place de façon coordonnée: depuis le dépistage du risque par les médecins traitants, en passant par la prévention par des podologues, jusqu’à la prise en charge des patients atteints de lésions par des consultations multidisciplinaires du pied diabétique à l’hôpital. Ce travail en équipe où chacun tient sa place modélise ce que peut être un dispositif de prévention efficace. L’évaluation du programme se fera par la mesure du nombre de diabétiques amputés par an et le nombre de diabétiques bénéficiant du protocole. Information pratique Dans le cadre de la prise en charge du diabète, votre patient va pouvoir bénéficier d’une ou plusieurs consultations gratuites avec un pédicure-podologue. Lors de la première consultation, le podologue fera un bilan des pieds de votre patient. Les deux pieds seront examinés ainsi que ses chaussures. A la fin de la première séance, un bilan vous sera envoyé et le podologue informera votre patient s’il doit revenir poursuivre les soins ou si cela n’est pas nécessaire. Une prescription de votre part est indispensable, un ordonnancier spécifique vous sera prochainement adressé. L’ensemble du forfait de soins est pris en charge par l’agence sanitaire et sera réglé directement au podologue en fin de forfait. Ci-dessous la liste des podologues agréés : Nouméa : BLAMPAIN-MARBEZY Nathalie (VDC) - 28 39 40 BONNOT Wilfrid (Haut Magenta) - 27 46 58 BRUGNON Alban (Trianon) - 78 36 78 CASTET-MOULAT Janique (Centre Ville) - 28 34 88 GALVIER-MICHEL Pascale (VDC/Fbg Blanchot) - 77 82 24 Dumbéa : GALVIER-MICHEL Pascale - 77 82 24 Mont Dore : HARBULOT Lise-Marie - 43 12 34 28 Mai 2008 - N° 51 EXERCER AUJOURD’HUI Pendant l’épidémie de dengue, n’oublions pas la leptospirose ! Aurélie Guigon, Cyrille Goarant Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie Depuis le début de l’année 2008, 50* nouveaux cas de leptospirose ont été diagnostiqués à l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie, contre 53 cas pour l’ensemble de l’année 2007. Cette situation nous a conduit à repréciser le contexte clinico-biologique de cette maladie, qu’il ne faut pas oublier même lorsque la dengue prend le dessus en terme de médiatisation. Figure 1: cycle épidémiologique de la leptospirose Une zoonose aux multiples vecteurs La leptospirose est une zoonose (maladie animale transmise à l’homme via un environnement souillé). L’infection est causée par une souche virulente de Leptospire. Les leptospires infectent naturellement nombre d’espèces animales, domestiques ou sauvages, chez qui elles provoquent ou non une maladie. Les rats sont très fréquemment porteurs et vecteurs de leptospires qu’ils disséminent via leurs urines mais d’autres espèces animales (bovins, porcins, chiens) peuvent également excréter des leptospires de façon temporaire ou intermittente. L’homme est un hôte « accidentel » contaminé le plus souvent par voie indirecte, par contact avec les milieux hydriques contaminés (rivières, zones boueuses contaminées par les urines animales). La contamination par contact direct avec les animaux est moins fréquente. La transmission de la maladie est étroitement liée aux conditions climatiques : chaleur, pluies importantes et inondations sont des facteurs favorisants et contribuent fortement à la recrudescence des cas de leptospirose. Une zoonose quelquefois délicate à diagnostiquer La période d’incubation dure en moyenne 10 jours (2-20). S’ensuit un début brutal associant fièvre constante et élevée, frissons, syndrome algique (céphalées et myalgies), signes cutanéo-muqueux (épistaxis et suffusion conjonctivale), et parfois syndrome méningé. Les formes sévères (5 à 10% des cas) sont associées à des atteintes hépatiques et rénales (syndrome de Weil) pouvant être rapidement mortelles. Dans ce contexte, il est admis qu’une atteinte pulmonaire est généralement de mauvais pronostic. sang Leptospires (diagnostic PCR) LCR urine Contam ination Anticorps (sérologie) titre faible suite à une antibiothérapie précoce fièvre Incubation (2-20 jours) semaine 1 semaine 2 semaine 3 Leptospires Animaux de rente Rongeurs Dépositaires hydro-telluriques Hommes Animaux sauvages Animaux domestiques sont de loin plus fréquentes et posent le problème du diagnostic différentiel avec d’autres pathologies, comme la dengue, la grippe ou les hépatites virales. Les formes frustes (syndrome pseudo-grippal pouvant s’accompagner d’une douleur rétro-orbitale comme dans la dengue). Les tests de confirmation Pour confirmer un diagnostic de leptospirose, l’IPNC met à disposition du prescripteur 2 types de tests : PCR et sérologie. Ces tests ne se positivent pas au même moment (figure 2) et afin d’effectuer une bonne prescription d’examens biologiques, il est indispensable de tenir compte de la date d’apparition des signes cliniques. - La PCR (détection de la bactérie), plus adaptée à un diagnostic précoce, est réalisable sur sang (positive les premiers jours de la maladie puis négative), LCR (si méningite) ou urine. - La sérologie (recherche des anticorps), effectuée sur sang, est adaptée à un diagnostic tardif (négatif la première semaine suivant l’apparition des signes) et nécessite la comparaison de 2 prélèvements espacés d’une dizaine de jours. Une séroconversion ou une augmentation des titres d’anticorps par un facteur 4 confirment le diagnostic de leptospirose. Une antibiothérapie peut néanmoins retarder l’apparition des anticorps ou en diminuer le titre. *: Nombre de cas au 31 mars 2008 Remerciements à : Louise Massenet ainsi qu’à Dominique Girault, Carole Manauté, Denise Moleana, Dominique Triballi et Sylvie Troc en charge du diagnostic biologique et Frédérique Vernel-Pauillac pour sa relecture critique Mai 2008 - N° 51 29 ACTUALITÉS DU COTE DE LA CPS PACIFIQUE Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique Halte à la tuberculose dans le pacifique! Plus de 60 professionnels de la santé en provenance de 21 pays et territoires insulaires du Pacifique1 (y compris de Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna), d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’organisations régionales et internationales se sont réunis à Brisbane (Australie) du 11 au 14 mars 2008 à l’occasion de la quatrième réunion « Halte à la tuberculose dans le Pacifique », co-organisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Secrétariat général de la Communauté du Pacifique (CPS). L’objectif de cette réunion était de faire le point sur les progrès réalisés par les pays et territoires insulaires du Pacifique dans l’application des recommandations concernant, entre autres, le renforcement des capacités des laboratoires, la gestion, le suivi et l’évaluation des traitements antituberculeux. Au cours de la réunion, les organisateurs avaient également organisé une visite du laboratoire de référence pour les mycobactéries dans le Queensland (Australie), centre collaborateur de l’OMS et partenaire très engagé dans l’initiative des laboratoires contre la tuberculose dans le Pacifique. L’initiative Halte à la tuberculose dans le Pacifique a été lancée en 2001 lors de la première réunion et a constitué le point de départ de la réponse océanienne à la crise de tuberculose dans la Région. Des plans nationaux de lutte antituberculeuse ont été élaborés dans le but d’atteindre les objectifs de 2005 contre la tuberculose qui visaient la détection de 70 % des cas et des taux de guérison de 85 %. A la deuxième réunion, en 2004, certains pays et territoires ont mis en place des plans d’action dans le but d’accélérer leur progression vers ces objectifs de 2005. A la troisième réunion, les participants ont pu confirmer que les objectifs de 2005 étaient atteints dans le Pacifique et les leçons tirées ont servi de référence dans la mise en place de plans de travail qui visent à atteindre l’objectif de 2010, à savoir réduire de moitié la prévalence et le taux de mortalité imputables à la tuberculose (rapportés en l’an 2000). Christelle Lepers Contexte Selon les estimations, 1600 nouveaux cas de tuberculose sont enregistrés chaque année dans 20 pays et territoires insulaires du Pacifique (voir liste cidessous dans la note de bas de page), ce qui nous permet d’en déduire que la charge de morbidité imputable à la tuberculose dans ces 20 pays et territoires insulaires du Pacifique, à l’exception de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, est relativement faible. Pourtant, dans plusieurs de ces pays et territoires, les taux de notification des cas sont largement supérieurs au taux de notification de l’ensemble de la Région du Pacifique occidental qui est de 75 pour 100 000 habitants. Cette lourde charge de tuberculose, l'émergence de la multirésistance du bacille et le nombre croissant des cas de coinfection VIH-tuberculose dans plusieurs pays nous obligent à maintenir la lutte antituberculeuse dans le Pacifique parmi nos priorités. Extrait du bulletin d’information Nº1 diffusé par l’OMS et la CPS le 13 février 2008. Pour de plus amples informations sur cette réunion, veuillez contacter le Docteur Axel Wiegandt, Section Tuberculose du Département Santé Publique de la CPS – Mél. : [email protected] Tél. : (687) 26 21 42 1 : Îles Cook, États fédérés de Micronésie , Îles Fidji, Guam, Kiribati, Îles Mariannes du Nord, Îles Marshall, Nauru, Niue, Nouvelle-Calédonie, Palau, Papouasie-NouvelleGuinée (PNG), Polynésie française, Îles Salomon, Samoa américaines, Samoa, Tokelau, Tonga, Tuvalu, Vanuatu et Wallis et Futuna. Le nouveau site web du Département Santé Publique de la CPS Le Département Santé Publique de la CPS fait peau neuve sur internet : http://www.spc.int/php/ Ce site est en cours de construction, cependant vous y trouverez les dernières nouvelles (en anglais dans l’immédiat) concernant les diverses activités de la CPS en matière de Surveillance de la santé publique et lutte contre les maladies transmissibles (telles que la dengue ou la grippe), le VIH et les IST, la lutte contre la tuberculose, la santé et le développement des adolescents ou encore les modes de vie sains, qui sont menées dans les 22 pays et territoires insulaires du Pacifique. Certaines sections du site seront également disponibles en français dans le courant de l’année. Restez branché ! Christelle Lepers 30 Mai 2008 - N° 51 ACTUALITÉS DU COTE DE LA CPS PACIFIQUE Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique Des nouvelles de la Société océanienne pour la santé sexuelle et la médecine du VIH (OSSHHM) La Société océanienne pour la santé sexuelle et la médecine du VIH (OSSHHM), qui a été créée en mars 2007 durant la Conférence des Ministres de la santé des pays insulaires du Pacifique, croît en taille et en solidité tout en étant de plus en plus reconnue dans les différents pays de la région en tant qu’organisation professionnelle représentative des travailleurs de la santé. La première réunion de l’OSSHHM s’est déroulée à Sydney, en juin 2007, en marge de la conférence de l’International AIDS Society, et a été officiellement enregistrée aux Îles Fidji en qualité de société à but non lucratif, sous le nom d’Oceania Society for Sexual Health and HIV Medicine Limited. L’OSSHHM s’apprête à recruter un directeur à plein-temps qui sera basé à Suva (Fidji). Pour le docteur Tenneth Dalipanda, président de l’OSSHHM, l’un des objectifs majeurs de la société est « de donner des moyens d’action aux travailleurs de la santé de la région en améliorant leurs connaissances, et donc leur aptitude à mieux s’occuper de leurs patients. En tant que spécialiste, je souhaite aussi m’assurer de la diffusion des connaissances fondées sur des bases factuelles. Cela signifie passer outre les obstacles politiques et, bien sûr, tenir compte des différents niveaux de soins, et en comprendre les limites. En tout état de cause, nous devons apporter ce qu’il y a de mieux au vu des circonstances ». Au mois de juillet cette année, l’OSSHHM a publié ses Recommendations for HIV medicine and sexual health care in Pacific small island countries & territories. Une mise à jour de ce document est attendue au début de l’année 2008. « Dans la région, le secteur de la santé sexuelle et de la prise en charge du VIH compte de nombreux intervenants ainsi que des protocoles différents pour le traitement, mais aussi pour d’autres aspects tels que les normes de laboratoire, le dépistage et le conseil, » a déclaré le docteur Dalipanda. « Nous sommes conscients que tous les pays sont différents, et que nous ne pouvons espérer plaquer le même modèle sur toute la région. Il nous semble cependant que si nous rassemblons tous les pays insulaires océaniens au sein de l’OSSHHM, nous pouvons les unir dans la diversité, et les représenter tous comme une seule région ». Nous n’y parviendrons que si les travailleurs de la santé de tous les pays se rallient à l’OSSHHM, et appliquent ses recommandations dans toute la mesure du possible. L’OSSHHM compte aujourd’hui 64 membres, dont des personnes venant de 10 pays et territoires insulaires océaniens. Elle regroupe des médecins ainsi que des infirmiers, des conseillers, des chercheurs et des techniciens de laboratoire. Le docteur Dalipanda ajoute : « Nous devons tous travailler la main dans la main, et respecter les différences d’opinion afin de favoriser l’évolution professionnelle. Je n’adhère pas à l’idée qu’il existe une démarche juste, au détriment des autres, ni au fait d’imposer des croyances aux pays. Bien au contraire, nous voulons rallier tous les intervenants de la région, et veiller à travailler ensemble en ne laissant personne sur la touche ». L’OSSHHM a aussi pour objectif de permettre aux travailleurs de la santé des pays insulaires océaniens de faire entendre leur voix sur la scène régionale et internationale. « Jusqu’à présent, ils n’ont guère eu la possibilité d’intervenir à ce niveau comme ambassadeurs et comme conseillers, alors qu’ils devraient jouer un rôle à part entière dans les débats sur la santé sexuelle et la médecine du VIH, » a précisé le docteur Dalipanda. « Cela signifie également tenir compte du subtil équilibre entre se faire entendre, et gérer une lourde charge de travail. L’OSSHHM peut venir en aide aux travailleurs de la santé en leur offrant un moyen de faire entendre leur voix ». Pour tout renseignement complémentaire, veuillez vous adresser au docteur Tenneth Dalipanda, Tel: +677 28321 ou +677 23600 poste 317, courriel : [email protected] ou a Nicole Gooch, Chargée de la Communication, Section VIH et IST, CPS, Tel : +687 26 67 71, courriel : [email protected] Première réunion de l’OSSHHM durant la Conférence de l’IAS a Sydney Mai 2008 - N° 51 31 210 rue Gervolino PK5 - BP2694 98846 Nouméa – Tel: 41 46 50 Fax: 41 46 51 - Email:[email protected] MEDICAL Consommables Mobilier LABORATOIRE Médical Industriel Recherche Analyse du territoire DIALYSE Appareillage et Consommables de Glycémie Diabétologie SECURITE ET PROTECTION Lutte contre l’incendie Protection individuelle Matériel d’intervention Détection, Décontamination Combinaison Type NRBC