P RAT I Q U E E N I M A G E S FMC FMC PAR LE D R ÉRIC TORRES, médecin urgentiste (SDIS 13 ) Reconnaître et prendre en charge une tachycardie ventriculaire La stratégie de prise en charge immédiate des tachycardies ventriculaires dépend de leur tolérance clinique par le patient. LE PROBLÈME La tachycardie ventriculaire (TV) traduit l’existence d’un ou plusieurs foyers ectopiques ventriculaires. Elle correspond à une suite d’extrasystoles ventriculaires successives. Elle est souvent mal tolérée du point de vue hémodynamique mais elle peut aussi être bien supportée par le patient. De cette notion de tolérance clinique dépend la stratégie de prise en charge immédiate. Un ancien adage rappelle d’ailleurs que c’est le patient que l’on doit traiter et non son tracé électrocardiographique. l’aspect 1. La tachycardie Défibrillation ventriculaire se caractérise par une fréquence élevée (150 à 250 battements par minute) et des complexes larges. Elle est visible simultanément dans toutes les dérivations. seulement en cas d’arrêt cardiorespiratoire LA CONDUITE À TENIR > En cas d’arrêt cardio-respiratoire, le seul traitement possible consiste à réaliser en urgence un choc électrique externe en association avec les manœuvres habituelles de réanimation (ventilation artificielle, massage cardiaque externe). Il doit être réalisé immédiatement et sans précautions particulières. > Lorsque la tolérance hémodynamique est mauvaise mais que le patient est conscient, le choc électrique externe est également indiqué. Il doit être précédé d’un geste anesthésique (injection de 2 mg IV de midazolam – Hypnovel®) ou à défaut de diazépam (Valium®), et être idéalement réalisé par le médecin du Smur appelé en renfort. > Lorsque la tolérance hémodynamique est satisfaisante, on peut soit décider de réaliser, sous « surveillance armée » du patient, un transport médicalisé vers l’hôpital, où pourra être réalisée une réduction par stimulation endocavitaire ; soit tenter localement ou à l’hôpital une réduction par injection intraveineuse d’anti-arythmique (amiodarone, flécaïnide, disopyramide, cibenzoline) sous contrôle électrocardioscopique. La réduction spontanée est cependant parfois possible (TV intermittente). > Après le retour en rythme sinusal, on peut injecter par voie veineuse un anti-arythmique (1 mg/kg de lidocaïne – Xylocaïne® –, soit en pratique 50 à 10 mg) pour prévenir la récidive. Le choc électrique externe doit délivrer une énergie de 200 à 360 joules transmise par des électrodes ou des palettes de diamètre suffisant (10 cm), l’une étant placée sur la partie haute du sternum et l’autre sur la ligne axillaire médiane dans le cinquième espace intercostal gauche. Le premier choc est réalisé à une puissance de 200 joules, le second à la même valeur, les suivants à 360 joules. Le choc électrique externe peut être réalisé avec un défibrillateur manuel ou avec un appareil semiautomatique [photo]. Ce dernier – utilisable aussi par des non-médecins préalablement formés – confirme l’indication de choc électrique (algorithme d’aide à la décision) et gère seul la quantité d’énergie devant être délivrée. Ces deux appareils sont destinés à s’intégrer dans la séquence des gestes de réanimation cardio-pulmonaire (ventilation artificielle, massage cardiaque externe) et non à s’y substituer. 2. La régularité du tracé n’est pas un critère obligatoire. 3. L’existence de complexes prématurés fins (complexes de capture) ou peu élargis (complexes de fusion) au cours d’une tachycardie régulière à complexes larges témoigne d’une dissociation auriculo-ventriculaire et confirme le diagnostic de TV. LES PIÈGES À ÉVITER 10 10 numéro 223 0 vendredi 2 0 décembre 2 0 0 2 4. Attention : un tracé rapide, à complexes larges, à haute fréquence (250 à 350 battements par minute), à aspect sinusoïdal régulier et à très mauvaise tolérance clinique, n’est pas une TV mais un flutter ventriculaire. C’est un rythme « intermédiaire » entre la TV et le FV qui se dégrade rapidement pour donner des troubles du rythme mortels. É. TORRES > La tachycardie ventriculaire n’est pas synonyme d’arrêt circulatoire. C’est toujours la clinique qui doit orienter la conduite à tenir. > La réduction par injection intraveineuse d’anti-arythmique doit être confiée à un opérateur expérimenté. Elle est déconseillée en cas de cardiomyopathie non obstructive avec cardiomégalie. > La TV ne doit pas être confondue avec la torsade de pointe (à laquelle sera consacrée un chapitre à venir), qui contreindique la prescription de tout agent anti-arythmique. numéro 223 0 vendredi 2 0 décembre 2 0 0 2 11