Suites pseudo-linéaires

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Sandrine C ARUSO
Suites pseudo-linéaires
Proposition 1. Soit (un ) une suite réelle telle que
∃C ∈ R, ∀m, n ∈ N, |um+n − un − um | 6 C.
(1)
Alors la suite ( unn ) converge.
Démonstration. On va montrer que la suite ( unn ) est de Cauchy. Commençons par remarquer que, par une récurrence immédiate, pour tout k ∈ N∗ et tout (n1 , . . . , nk ) ∈ Nk ,
|un1 +···+nk − (un1 + · · · + unk )| 6 (k − 1)C. En particulier, pour tous k ∈ N∗ et n ∈ N,
|ukn − kun | 6 (k − 1)C. Soient n, m ∈ N∗ . On a
u
u
1
n um n unm unm um −
(|unm − mun | + |unm − num |)
−
6 −
+
=
n
m
n
nm
nm
m
nm
1
C
C
6
((m − 1)C + (n − 1)C) 6 + .
nm
n
m
Soit ε > 0, et soit N >
2C
.
ε
Alors pour tous m, n > N , on a
u
C
n um C
6 ε.
6 +
−
n
m
n
m
La suite ( unn ) est de Cauchy, et donc converge car R est complet.
Application : une construction de R.
Soit S l’ensemble des suites vérifiant la condition (1). On munit S de la relation
d’équivalence ≈ définie par (un ) ≈ (vn ) ⇐⇒ (un − vn ) est bornée, et on note R
l’ensemble quotient. D’après la proposition 1, la fonction f : S → R, (un ) 7→ lim unn
est bien définie. De plus, si u ≈ v, f (u) = f (v) donc f se factorise en une application
fˆ : R 7→ R.
Nous allons montrer que cette application est une bijection. Mais tout d’abord, établissons le lemme suivant :
Lemme. Soit u ∈ S. Alors il existe v ∈ S ∩ ZN telle que u ≈ v.
Démonstration. Il suffit de constater que si (un ) ∈ S la suite (E(un )) est également
une suite de S et la différence est bornée par 1.
1
Notons SZ = S ∩ ZN . La constante C dans la condition (1) peut être choisie entière,
et par conséquent, l’ensemble SZ peut être défini sans avoir construit l’ensemble des
réels R. De plus, d’après le lemme, R est également le quotient de SZ par la relation ≈
restreinte à SZ . Une fois que l’on aura établi le théorème qui suit et qui a été annoncé,
R nous fournira donc une construction possible de l’ensemble des réels R.
Théorème. L’application fˆ : R → R est une bijection.
Démonstration. Commençons par la surjectivité. Il suffit de montrer que f est surjec= `.
tive. Si ` ∈ R, la suite (`n) est bien une suite de S et lim `n
n
Pour établir l’injectivité, il suffit de montrer que si u = (un ) et v = (vn ) (éléments
de S) vérifient f (u) = f (v), alors u − v est dans S et est bornée. Notons dn = un − vn .
Le fait que (dn ) est dans S est immédiat. De plus, lim dnn = 0. Soit C telle que pour tous
m, n, |dm+n − dm − dn | 6 C. On va montrer que |dn | 6 C. Supposons par l’absurde
qu’il existe n0 ∈ N tel que |dn0 | > C (nécessairement, n0 6= 0). Pour tout k ∈ N∗ ,
|dkn0 − kdn0 | 6 (k − 1)C
et donc k|dn0 | − |dkn0 | 6 (k − 1)C par l’inégalité triangulaire. Ainsi
|dkn0 | − C
C
|dkn0 |
>
+
.
kn0
n0
kn0
d
kn0
La suite extraite ( kn
)k de ( dnn )n reste supérieure en valeur absolue à un nombre stric0
tement positif
tion.
|dkn0 |−C
,
n0
donc ne peut tendre vers 0, ce qui constitue notre contradic-
Nous allons maintenant voir comment les opérations algébriques sur R se transportent sur R (ou en pratique, sur des représentants choisis dans S).
Proposition 2. Soient `1 , `1 ∈ R, u, v des suites représentant respectivement `1 et `2
dans S. Alors `1 + `2 est représenté par u + v.
Démonstration. On a bien u + v ∈ S, et f (u + v) = f (u) + f (v). (S est un R-ev et f
est une forme linéaire.)
Proposition 3. Soit `1 > 0, et `2 ∈ R. Soit (un ) ∈ SZ à valeurs positives représentant
`1 (il en existe, d’après le lemme, et quitte à remplacer les termes strictement négatifs
par 0 ; la limite reste `1 qui est positif), et soit (vn ) ∈ S représentant `2 . Alors `1 `2 est
représenté par (vun ).
Démonstration. Supposons d’abord que `1 > 0. Comme ( unn ) tend vers `1 , (un ) tend
vers l’infini. Par conséquent, ( vuunn ) tend vers `2 . Ainsi,
v un
vu
un
= lim n · lim
= `2 `1 .
n→∞ n
n→∞ un
n→∞ n
lim
2
Maintenant, si ` = 0, par injectivité de fˆ, la suite (un ) est équivalente à la suite nulle, et
donc bornée. Ainsi, (un ) ne prend qu’un nombre fini de valeurs, et c’est donc également
le cas de (vun ). En particulier (vun ) est bornée, et donc lim vunn = 0 = `1 `2 .
Si l’on cherche à « calculer » le produit de deux nombres positifs via les suites de S,
on peut utiliser le fait que (−`1 )(−`2 ) = `1 `2 .
3
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