Syncopes d`origine cardiovasculaire, parfois le cerveau s`en mêle

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Épilepsie et cœur
Épilepsies 2010 ; 22 (3) : 187-93
Syncopes
d’origine cardiovasculaire,
parfois le cerveau s’en mêle
Xavier Waintraub, Françoise Hidden-Lucet
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by a robot coming from 88.99.165.207 on 24/05/2017.
Unité de rythmologie, département de cardiologie, hôpital Pitié-Salpêtrière Paris, 47-83,
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France
<[email protected]>
Résumé.
La survenue d’une syncope est un événement clinique fréquent aux significations complexes. Elle
correspond à un des motifs de consultation quotidienne aux urgences avec un coût diagnostique important. Nous
allons exposer les bases physiopathologiques des syncopes, ainsi que l’actuelle classification étiologique reprise par
les recommandations de la Haute Autorité de santé. Elle distingue les syncopes réflexes, les syncopes liées à une
hypotension et celles d’origine cardiaque. La revue portera ensuite sur les particularités cliniques de chaque étiologie, ainsi que sur le diagnostic différentiel. On détaillera l’usage des scores diagnostiques actuellement diffusés
pour assister la prise de décision à chaque stade de la démarche diagnostique. En dernier point, on reviendra sur la
place de l’hospitalisation et des marqueurs d’événements.
Mots clés : syncope, sémiologie, syncope vagale, syncope réflexe, arythmie, hypotension, dysautonomie
Abstract.
The occurrence of syncope is a common clinical event with complex meanings. It is a daily of the reasons for
consultation to the outpatient clinic with a high diagnostic cost. We will explain the pathophysiological basis for
syncope and the current etiological classification taken up by the guidelines edited by of the Haute Autorité de santé. It
distinguishes reflex syncope, syncope associated with hypotension and those of cardiac origin. The review will then
focus on the clinical features of each etiology, as well as the differential diagnosis. It will detail the use of current
diagnostic scores released to assist the decision-making at each stage of the diagnostic process. As a last point we will
return to the place of hospitalization and event markers.
Key words: syncope, vasovagal syncope, reflex syncope, arrhythmia, hypotension, dysautonomia
doi: 10.1684/epi.2010.0315
Syncope vue par le cardiologue
Tirés à part :
Waintraub X
Les récentes recommandations européennes de l’European Society of Cardiology
définissent la syncope comme une perte de
connaissance brève (PCB), due à une hypoperfusion cérébrale transitoire, caractérisée par son
début brutal, sa durée brève et sa récupération
spontanée (Moya et al., 2009). Cette définition
insiste volontairement sur le mécanisme physiopathologique, qui distingue les syncopes au
sein des PCB. Cette démarche découle de
l’approche éminemment clinique des PCB, la
187
première étape diagnostique reposant sur la
confirmation de la syncope à l’interrogatoire.
L’importance de la prise en charge des
syncopes repose sur plusieurs constats épidémiologiques (leurs fréquences, le coût de
santé) et pronostiques.
La syncope est un des motifs de consultation fréquente au sein des services d’accueil
et d’urgence. En France, on l’évalue à
1,21 % des admissions aux urgences (HAS,
2008) et à 3-5 % aux États-Unis (Kapoor,
1991). Le taux d’hospitalisation en France
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X. Waintraub, F. Hidden-Lucet
tronc cérébral à l’origine d’une augmentation du tonus
sympathique et une baisse du tonus parasympathique.
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est de 58 % des consultants. Dans leur étude, Kapoor et al.
(1982) évaluaient la durée moyenne du bilan hospitalier à
neuf jours, avec un diagnostic pour 10 % des patients seulement. On le conçoit, le coût de l’hospitalisation et le faible
bénéfice pour le patient ne se justifient pas, c’est dans ce
contexte que se sont développées les unités de prise en charge
des syncopes (Kenny et al., 2002).
L’élévation des catécholamines circulantes va maintenir la
pression artérielle systémique et la perfusion cérébrale par la
vasoconstriction des systèmes splanchnique, musculocutané
et rénal.
L’altération de chacun des éléments de régulation aboutit à
la baisse de la perfusion cérébrale et à la syncope.
La valeur pronostique de la syncope est difficile à appréhender dans le contexte de l’urgence : elle peut représenter le
signe avant-coureur d’une mort subite ou l’expression d’une
syncope réflexe bénigne. À nouveau, l’expérience des unités
spécifiques de prise en charge de ces patients a permis d’établir
des scores pronostiques permettant d’aider le clinicien dans la
décision difficile d’hospitaliser les patients (Colivicchi et al.,
2003 ; Del Rosso et al., 2008).
Classification des syncopes
La classification repose sur les concepts physiopathologiques siégeant à la survenue des syncopes (tableau 1).
On retient trois catégories de syncopes : syncope réflexe,
syncope due à une hypotension orthostatique et syncope
d’origine cardiaque (Van Dijk et al., 2009).
Le risque traumatique de la syncope concerne 17 à 35 %
des patients (Eagle et al., 1985), avec 5 à 7 % de fracture et 1 à
5 % d’accident de la voie publique (Blanc et al., 1989).
Syncopes réflexes
Il faut retenir que 20 à 30 % de la population générale
feront une syncope (Manolis et al., 1990) ; pour 40 à 85 % des
patients qui auront consulté, l’épisode restera isolé (Kapoor
et al., 1987) ; et 36,6 % des patients n’auront pas de diagnostic
étiologique au terme du bilan effectué (Soteriades et al., 2002).
Elles regroupent les syncopes où les « réflexes » cardiovasculaires régulant la circulation deviennent inappropriés, en
réponse à un facteur déclenchant. Il en résulte une vasodilatation
et/ou une bradycardie à l’origine d’une hypotension artérielle
et une baisse de la perfusion cérébrale.
Physiopathologie de la syncope
Elles sont classées en fonction du facteur déclenchant :
syncope vasovagale (VSV) [émotion, orthostatisme], hypersensibilité du sinus carotidien, situationnelle.
Il s’agit d’une hypoperfusion cérébrale globale et transitoire
qui va impliquer une perturbation de la circulation cérébrale
et/ou des réflexes compensateurs.
On parle de forme atypique lorsque la syncope survient en
l’absence de contexte, facteur déclenchant.
Syncopes secondaires à une hypotension orthostatique
Circulation cérébrale
Elles se caractérisent par une défaillance du système nerveux autonome responsable d’un défaut de vasoconstriction
artérielle. L’orthostatisme s’accompagne d’une chute de la
pression artérielle et d’une hypoperfusion cérébrale. Elle
s’inscrit dans le cadre de syndrome (maladie de Parkinson,
atrophie multisystémique, etc.), de maladie générale (diabète,
amylose, etc.) associés à une dysautonomie ou bien d’origine
iatrogénique.
Le débit sanguin cérébral est de 50-60 mL par 100 g/min,
soit 12-15 % du débit cardiaque au repos. La pression artérielle
au niveau cérébral est de 75 mmHg. Expérimentalement, une
chute de la pression artérielle en dessous de 60 mmHg, soit
une pression artérielle cérébrale de 40 mmHg, suffit à provoquer la syncope (Hainsworth, 2004). La durée de l’asystolie
provoquant ce même effet serait de l’ordre de six à dix
secondes.
Syncopes d’origines cardiologiques
La pression artérielle cérébrale est sous le contrôle de
plusieurs mécanismes :
– les résistances vasculaires périphériques (RVP) ;
– la régulation du volume intravasculaire ;
– l’autorégulation de la circulation cérébrale.
Elles sont liées à une baisse du débit cardiaque, soit par
anomalies du rythme cardiaque, soit par défaillance de la
« pompe » (baisse de l’inotropisme, obstacle à l’éjection).
Chez le sujet sain, lors de l’orthostatisme, il se produit un
déplacement de la masse sanguine sous l’effet de la gravitation
vers les parties déclives du corps (abdomen, membres inférieurs)
estimé à 0,5-1 L en dix secondes. La réduction de la précharge va
stimuler les barorécepteurs (glomus carotidien, arc aortique) et
les mécanorécepteurs cardiopulmonaires (paroi inféropostérieure
du ventricule gauche, paroi thoracique). Les mécanorécepteurs
vont activer les mécanismes compensateurs en stimulant le
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010
Symptomatologie des syncopes
Syncopes réflexes
Elles sont définies par leur facteur déclenchant clairement
identifié, elles sont alors dites réflexes en réaction à une
situation stéréotypée. On distingue ainsi les syncopes à la
toux, à la douleur, à la miction, etc.
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Syncopes d’origine cardiovasculaire, parfois le cerveau s’en mêle
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Tableau 1. Étiologies des syncopes
Syncope réflexe :
30-50 %
Hypotension orthostatique :
10-20 %
Causes cardiaques, cardiovasculaires
ou vasculaires :
5-15 %
Syncope vasovagale
Typique
Non typique
Syncope par
hypersensibilité
du sinus carotidien
Syncope situationnelle
Toux, éternuements
Stimulation gastrointestinale (déglutition,
défécation, douleur
viscérale)
Miction
Manœuvre de Valsalva
Lever des poids
Douleur intense
Dysautonomie
Syndromes dysautonomiques primaires
(Parkinson, atrophie multisystémique)
Syndromes dysautonomiques secondaires
(neuropathie diabétique, amyloïde)
Syncope orthostatique d’origine
médicamenteuse ou/et alcoolique
Hypovolémie et/ou déshydratation
Hémorragie, diarrhée, insuffisance
surrénalienne, insuffisance veineuse
HO postprandiale
Arythmies cardiaques (cause principale)
Dysfonctionnement sinusal (dont la maladie
de l’oreillette)
Maladie du système de conduction
auriculoventriculaire
Tachycardies paroxystiques
(supra)ventriculaires
Syndromes héréditaires (QT long, Brugada)
Dysfonctionnement d’un appareil implanté
Arythmies d’origine médicamenteuse
Cardiopathie ou maladie cardiopulmonaire
structurelle : 2-5 %
Valvulopathie
Infarctus/ischémie aiguë du myocarde
Myocardiopathie obstructive
Myxome de l’oreillette
Dissection aortique aiguë
Péricardite/tamponnade
Embolie pulmonaire/hypertension pulmonaire
Syndrome de vol vasculaire sous-clavier
Dans ce cadre nosologique, on inclut les syncopes VSV et
l’hypersensibilité du sinus carotidien.
Tableau 2. Questionnaire diagnostique des syncopes
vagales (Sheldon et al., 2006)
La syncope VSV représente l’étiologie la plus fréquente des
syncopes.
La sémiologie des syncopes VSV est marquée par l’activation du système nerveux autonome à l’origine des prodromes
à type de nausées, pâleur et sueurs.
Le début des syncopes VSV survient rarement après 35 ans,
on observe deux pics d’incidence entre 13-16 ans et chez le
sujet âgés (Van Dijk et al., 2009).
Le début des symptômes survient 30-60 secondes avant la
perte de connaissance, permettant au patient d’apprendre à
reconnaître les prodromes et de s’allonger pour prévenir la
syncope. Les prodromes sont multiples : inconfort général,
bouffée de chaleur, douleurs abdominales, nausées. Il s’en suit
une sensation de tête vide, vertiges, sueurs froides, baisse de
l’acuité visuelle et de palpitations. La perte de connaissance
devient imminente, le patient devient pâle, baille, salive,
on peut observer une mydriase et une tachypnée (Wieling
et al., 2009).
La perte de connaissance dure 10-20 secondes. Le réveil
s’accompagne d’une profonde fatigue, pâleur, de nausées,
faiblesse et bâillement. Lors des tentatives de lever rapide, la
syncope peut récidiver.
Questions
Point
Existe-t-il un antécédent de bloc bifasciculaire,
asystolie, tachycardie supraventriculaire
ou de diabète ?
Les témoins ont-ils noté une cyanose
lors de la perte de connaissance ?
Les syncopes ont-elles commencé
après l’âge de 35 ans ?
Vous rappelez-vous de la perte de connaissance ?
Avez-vous ressenti des sensations de tête vide
ou lipothymie après être resté longtemps assis
ou debout ?
Avez-vous ressenti des sueurs ou des bouffées
de chaleur avant la perte de connaissance ?
Avez-vous ressenti des sensations de tête vide ou
lipothymie lors de douleurs ou lors d’un examen
médical ?
La syncope est d’origine VSV si le score est ≥ –2
–5
–3
–3
–2
+1
+2
+3
L’hypersensibilité du sinus carotidien est considérée pathologique si la syncope survient avec une circonstance favorisante
(rasage, col serré) ou en cas de malaise à répétition avec une
pause supérieure à trois secondes lors du massage sinocarotidien
(figure 1), accompagné ou non d’une baisse de la pression
artérielle systolique de plus de 50 mmHg (Moya et al., 2009).
Calkins et al. (1995) identifient quatre facteurs diagnostiques d’origine VSV : l’âge, le sexe, la durée de la période de
récupération et la fatigue postcritique.
Syncope secondaire à une hypotension orthostatique
Dans leur série, Sheldon et al. (2006) proposent un score
clinique permettant de classer correctement 90 % des patients
avec une sensibilité de 89 % et une spécificité de 91 % pour le
diagnostic de syncope VSV (tableau 2).
L’hypotension est définie par la baisse de la pression artérielle
systolique de plus de 20 mmHg et/ou de la pression diastolique
de plus de 10 mmHg après trois minutes d’orthostatisme.
189
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X. Waintraub, F. Hidden-Lucet
Massage sinocarotidien droit
11
25 mm / sec
10 mm / mV
1 50 ~ 0,5 - 4011z
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aVF
V1
V2
V4
V6
Figure 1. Hypersensibilité du sinus carotidien chez une patiente institutionnalisée présentant des syncopes à répétition, le massage sinocarotidien est positif avec une pause sinusale supérieure à trois secondes.
Les principales causes sont l’hypovolémie, la dysfonction
du système nerveux autonome ou iatrogénique (vasodilatateurs,
diurétiques).
hypertrophique) – parfois il s’associe un défaut de vasoconstriction réflexe ou une vasodilatation paradoxale entretenue par les traitements cardiotropes.
La syncope survient le plus souvent après une station en
orthostatisme prolongé. Les prodromes correspondent à l’ischémie rétinienne et à l’installation de l’hypoperfusion cérébrale.
Ils associent : troubles visuels (voile noir, baisse de l’acuité),
sensation de tête vide, vertige puis perte de conscience. Plus
rarement, les patients se plaignent de cervicalgies, lombalgie
ou d’angor, du fait de l’ischémie musculaire secondaire à
l’hypotension. Classiquement, ces symptômes apparaissent au
lever et disparaissent avec le décubitus. (Wieling et al., 2009)
La clinique est celle de la syncope d’Adams-Stokes à
l’emporte-pièce, de début et de fin brutaux, avec un retour
immédiat à un état de conscience normale. Elle se distingue
des syncopes réflexes par l’absence de facteur déclenchant et
de prodromes, en particulier des signes d’activation du système
nerveux parasympathique. La récupération est rapide sans
asthénie postcritique, avec parfois une érythrose du visage
fugace. Il faut rechercher la notion de palpitations, de douleur
thoracique et les antécédents familiaux de mort subite. La survenue de la syncope à l’effort ou en décubitus, l’existence
d’une cardiopathie doivent éveiller le doute du clinicien sur
l’origine cardiologique de la syncope (figure 2).
Le dépistage de l’hypotension par la mesure en orthostatisme est parfois pris à défaut. Dans ces cas, on peut proposer
des manœuvres provocatrices (alimentation, exercice physique)
ou une mesure par Holter tensionnel.
Dans ce contexte, il faut insister sur l’utilité de l’électrocardiogramme pour le dépistage d’une cardiopathie.
Syncope d’origine cardiaque
Ces syncopes se répartissent en deux grandes catégories, les
causes rythmiques, bradycardie (figure 2) ou tachycardie
(figure 3) et les cardiopathies structurelles. Le mécanisme est
une inadéquation du débit cardiaque au débit cérébral, que ce
soit par une inefficience de la « pompe cardiaque » ou par un
obstacle à l’éjection (rétrécissement aortique, cardiomyopathie
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010
Diagnostic différentiel : cœur ou cerveau
L’errance diagnostique entre syncope et épilepsie est fréquente comme en témoigne la littérature médicale. L’évaluation des patients traités pour une épilepsie avec un EEG normal
ou une résistance au traitement médicamenteux identifie 49
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Syncopes d’origine cardiovasculaire, parfois le cerveau s’en mêle
1 mV
II
1 mV
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II
Figure 2. Patient hospitalisé pour des syncopes récidivantes.
Le tracé de la télémétrie met en évidence une fibrillation atriale paroxystique associée à des pauses postréductionnelles responsables
des syncopes.
6144728 22Sept06 15:49:20 FC:77 Sp02:94
ID#: 0922
II
Figure 3. Tachycardie ventriculaire polymorphe non soutenue, chez une patiente prise en charge par le Samu pour des syncopes
récidivantes.
Quels examens complémentaires ?
(Edfors et al., 2008) à 71 % (Rodrigues et al., 2010) de syncope.
La difficulté diagnostique réside dans la survenue lors de la
perte de connaissance de myoclonies, elles surviennent chez
12 à 75 % des patients présentant des syncopes VSV (Bergfeldt,
2003). L’interrogatoire minutieux du patient et des témoins
permet de distinguer syncope et épilepsie ; ces différents
éléments sont repris dans le tableau 3.
La hiérarchie des examens dépend du risque du patient.
Les patients à faible risque lors du premier épisode ne nécessitent pas de bilan complémentaire ; la survenue de récidive
implique un bilan plus complet.
Le patient à haut risque doit être hospitalisé pour bilan
diagnostique et thérapeutique.
Il existe des scores cliniques d’usage facile, ayant démontré
une bonne sensibilité et spécificité, comme le score élaboré par
Sheldon (tableau 4).
L’usage des enregistreurs d’événement de longue durée a
modifié la prise en charge des patients. La possibilité de surveiller le rythme cardiaque sur plusieurs semaines (à hauteur d’un
mois) avec les systèmes externes ou plusieurs mois avec les systèmes implantables (14-18 mois). Ces dispositifs permettent,
selon les séries, de corréler les symptômes avec le rythme
cardiaque chez 35 à 88 % des patients présentant des syncopes
inexpliquées (Task Force members et al., 2009). Leur intérêt
surpasse celui lui du holter, examen de débrouillage, lorsqu’une
cause rythmique est suspectée, du fait de sa faible durée d’enregistrement (24 à 48 heures) (Fitchet et al., 2003 ; Sivakumaran
et al., 2003).
Quand hospitaliser un patient ?
Le but de l’hospitalisation est d’établir un diagnostic et de
prévenir un événement grave. Les études récentes ont développé de nouveaux outils, sous forme de score clinique, pour
répondre à cette problématique. Ces scores pronostiques
permettent de stratifier le risque de morbimortalité à moyen
terme (Moya et al., 2009) (tableau 5).
Le Tilt test garde des indications en cas d’épisode dans des
circonstances à risque de traumatisme ou devant des syncopes
récidivantes inexpliquées en l’absence de cardiopathies, en
présence d’une cardiopathie organique avec un bilan négatif.
Le corollaire d’un risque élevé étant le bilan hospitalier.
Ces scores reposent sur l’existence d’une cardiopathie
sous-jacente.
191
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010
X. Waintraub, F. Hidden-Lucet
Tableau 3. Diagnostic différentiel épilepsie et syncope
Signes cliniques suggérant le diagnostic
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Signes lors de la perte
de connaissance (tels
qu’observés par un témoin)
Symptômes avant
l’événement
Symptômes après
l’événement
Crise d’épilepsie probable
Syncope probable
Durée longue
Les mouvements tonicocloniques sont
habituellement prolongés et leur apparition
coïncide typiquement avec la perte
de connaissance
Mouvements cloniques d’un hémicorps
Automatismes clairs tels que la mastication,
la déglutition (lors d’une crise partielle)
ou l’hypersalivation
Hypertonie
Morsure de la langue à sa partie latérale,
ou morsure de la face interne des joues
Cyanose du visage
Aura inconstante et variée : hallucinations
visuelles, auditives, olfactives, sensitives,
ou mnésiques (impression de déjà-vu), etc.
Confusion prolongée (plusieurs minutes)
Douleurs musculaires
Durée courte
Les mouvements myocloniques sont
inconstants, toujours de courte durée (< 15 s)
et ils commencent après la perte de
connaissance
Hypotonie
Pâleur
Nausées, vomissements, gêne abdominale,
sensation de froid, transpiration
Sensation de tête vide, vision trouble
Absence de confusion ou de courte durée
(quelques secondes)
Nausées, vomissements, pâleur
(à médiation neurale)
Autres éléments cliniques de Antécédent familial d’épilepsie
moindre valeur et évocateurs Survenue durant le sommeil
de crise (faible spécificité)
Perte des urines notée après l’événement
Céphalée après l’événement
Somnolence après l’événement
Tableau 4. Score clinique permettant d’orienter
le diagnostic entre syncope et épilepsie de Sheldon
(Sheldon et al., 2002)
Questions
Tableau 5. Critères d’hospitalisation
Circonstances dans lesquelles il est recommandé
d’hospitaliser un patient admis pour syncope
en service d’urgence
Points si
réponse
positive
Cardiopathie connue ou fortement suspectée
Syncope survenue au cours d’un effort ou lors du décubitus
Syncope responsable d’une blessure grave
Histoire familiale de morts subites
Sujets sans cardiopathie, mais avec des palpitations
précédant la syncope
Troubles du rythme ou de la conduction : tachycardie
ventriculaire non soutenue, bloc bifasciculaire, bloc
de branche complet, bradycardie sinusale (< 50 bpm)
Préexcitation ventriculaire
QT allongé ou court, signe de Brugada
Onde T négative dans le précordium droit, onde Epsilon
évoquant une dysplasie arythmogène du ventricule droit
Comorbidité importante : anémie sévère, anomalie
électrolytique
Morsure de la langue après l’événement ?
2
Impression de « déjà-vu » ou de « jamais vu »
1
avant l’événement ?
Stress émotionnel avant-coureur en rapport
1
avec l’événement ?
Observation par les témoins d’une rotation
1
de la tête vers un côté durant l’événement ?
Observation par les témoins d’une absence
1
de réaction suite à une sollicitation verbale,
d’une posture corporelle inhabituelle,
d’extrémités tremblantes, de pertes
de mémoire après l’événement ?
Observation par les témoins d’un état
1
de confusion après l’événement ?
Position assise ou debout prolongée
–2
immédiatement avant l’événement ?
Sueurs avant l’événement ?
–2
Position assise ou debout prolongée
–2
immédiatement avant l’événement ?
Épilepsie si le score est ≥ 1,
Sensibilité
syncope si < 1
de 94 % et
spécificité
de 94 %
Épilepsies, vol. 22, n° 3, juillet-août-septembre 2010
L’échocardiographie se justifie en cas d’arguments en
faveur d’une cardiopathie sous-jacente.
L’exploration électrophysiologique endocavitaire s’adresse
aux patients porteurs d’une cardiopathie avec suspicion de
syncope d’origine rythmique, la rentabilité en cas d’ECG
normale en l’absence de cardiopathie est quasi nulle (Linzer
192
Syncopes d’origine cardiovasculaire, parfois le cerveau s’en mêle
et al., 1991). Elle vise à démasquer par la mesure des temps de
conduction intracardiaque et des manœuvres de stimulation,
une dysfonction sinusale, un trouble de la conduction ou une
tachycardie.
Fitchet A, Stirling M, Burnett G, Goode GK, Garratt CJ, Fitzpatrick AP.
Holter monitoring vs tilt testing in the investigation of suspected vasovagal syncope. Pacing Clin Electrophysiol 2003 ; 26 : 1523-7.
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Haute Autorité de santé, 2008. www.has-sante.fr/./syncopes-synthesedes-recommandations
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Conclusion
Kapoor WN, Karpf M, Maher Y, Miller RA, Levey GS. Syncope of
unknown origin. The need for a more cost-effective approach to its
diagnosis evaluation. JAMA 1982 ; 247 : 2687-91.
Le diagnostic étiologique des syncopes est une situation
clinique fréquente et complexe où interagissent cerveau et
cœur. La multiplicité des étiologies, la nécessité d’un interrogatoire policier et la faible utilité des examens complémentaires
rendent la démarche du clinicien difficile. Il faut insister sur
la bonne analyse sémiologique du patient pour démêler l’écheveau, stratifier le risque du patient et ainsi l’orienter au mieux
vers le cardiologue ou le neurologue.
Kapoor WN, Peterson J, Wieand HS, Karpf M. Diagnostic and
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Kapoor WN. Diagnostic evaluation of syncope. Am J Med 1991 ; 90 :
91-106.
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falls facility for older adults on emergency beds. Age Ageing 2002 ; 31 :
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□
Linzer M, Prystowsky EN, Divine GW, et al. Predicting the outcomes
of electrophysiologic studies of patients with unexplained syncope: preliminary validation of a derived model. J Gen Intern Med 1991 ; 6 : 113-20.
Manolis AS, Linzer M, Salem D, Estes 3rd NA. Syncope: current diagnostic evaluation and management. Ann Intern Med 1990 ; 112 : 850-63.
Conflit d’intérêts : aucun.
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