M ini-revue Prise en charge des effets secondaires des thérapeutiques ciblées (hors dermatologiques) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Management of non-dermatologic adverse events of targeted biotherapies Olivier Bouché, Elodie Scaglia, Stéphanie Lagarde Service d’hépatogastroentérologie et cancérologie digestive, hôpital Robert-Debré, CHU de Reims, avenue du Général-Koenig, 51092 Reims cedex, France doi: 10.1684/hpg.2009.0368 e-mail : <[email protected]> Résumé Les limites des chimiothérapies anticancéreuses ont réorienté les recherches vers des biothérapies dites « ciblées », visant l’angiogenèse et la prolifération cellulaire initiée par des récepteurs tyrosines-kinases aux facteurs de croissance. Bien que l’action des biothérapies soit plus ciblée que les chimiothérapies, de nouveaux effets secondaires, différents des effets iatrogènes classiques, ont été décrits et nécessitent une prise en charge spécifique. Ces effets, même mineurs, peuvent retentir sur la qualité de vie des pattients, provoquer une moindre observance du traitement et imposer des reports, voire des arrêts thérapeutiques délétères. Une hypomagnésémie et une hypocalcémie doivent être recherchées avant chaque cure d’anti-EGFR (cetuximab, panitumumab) avec supplémentation intraveineuse adaptée si nécessaire. Une prémédication intraveineuse par antihistaminique H1 et corticoïdes ainsi que la présence à proximité d’un médecin et d’un matériel de réanimation sont recommandées lors de l’administration du cetuximab compte tenu du risque exceptionnel d’allergie grave. L’hypertension artérielle (HTA) et la protéinurie sont des effets de la classe des antiangiogéniques (bevacizumab, sorafenib, sunitinib). La mesure de la pression artérielle (PA) doit être ambulatoire. La prise en charge diagnostique et thérapeutique de l’HTA doit s’effectuer conformément aux recommandations de la HAS. Pour le bevacizumab, un délai de quatre semaines avant et après une chirurgie majeure doit être respecté et la cicatrisation des plaies doit être vérifiée. Le patient doit être informé des risques exceptionnels de complications graves : thromboses artérielles, perforation digestive, hémorragie. Les effets secondaires de l’imatinib sont fréquents, mais souvent non sévères et transitoires, à type d’œdèmes, de troubles digestifs, d’arthralgies, de myalgies, de crampes, d’éruptions cutanées. Un traitement adapté précoce de ces symptômes doit être prescrit pour améliorer la compliance à l’imatinib. Une surveillance de la fonction cardiaque est nécessaire sous trastuzumab. La collaboration interdisciplinaire entre le médecin prescripteur et ses confrères généralistes et spécialistes doit être étroite pour optimiser la prise en charge. n Mots clés : thérapie ciblée, iatrogénie, thérapeutique, anti-EGFR, médicament antiangiogénique, hypertension, protéinurie, imatinib, cancer Abstract HEPATO GASTRO et Oncologie digestive n The limits of the antineoplasic chemotherapies reoriented the research to “targeted” biotherapies, aiming the angiogenesis and the cellular HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 15 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. proliferation initiated by tyrosine-kinase receptors to growth factors. Although the action of the biotherapies is more targeted than chemotherapies, new adverse staleness, different from the classic iatrogenic effects of chemotherapies, have been described and require a specific management. These effects, even minor, can impact the patient’s quality of life, provoke a least observance of the treatment, and even impose deleterious delays or therapeutic stops. A hypomagnesemia and a hypocalcemia must be checked before every administration of anti-EGFR (cetuximab, panitumumab) with parenteral supplementation adapted. An intravenous premedication by antihistaminic H1 and corticosteroids, as well as the close presence of a physician and resuscitation equipment, are recommended during the administration of cetuximab, considering the exceptional risk of serious allergy. The arterial hypertension (AHT) and the proteinuria are effects of the angiogenesis inhibitors class (bevacizumab, sorafenib, sunitinib). The measure of the arterial pressure must be ambulatory. The diagnostic and therapeutic managements of AHT must be done in accordance with national or international guidelines. For the bevacizumab, a delay of four weeks before and after a major surgery must be respected and the wound healing must be verified. The patient must be informed of exceptional risks of serious complications: arterial thromboembolic events, digestive perforation, hemorrhage. The toxicities of imatinib are frequent, but often stern and transient, such as oedema, digestive unrests, arthralgia, myalgia, muscle cramps, and cutaneous rash. An early adapted treatment of these symptoms must be prescribed to improve the compliance with imatinib. Cardiac function follow-up is required with trastuzumab. The multidisciplinary collaboration between the physician prescriber and his/ her/its colleagues general and specialists practitioners must be narrow to optimize cares. n Key words: targeted therapies, side-effects, treatments, safety, EGFR inhibitor, angiogenesis inhibitor, hypertension, proteinuria, imatinib, cancer efficacité de biothérapies ciblant EGFR (cetuximab et panitumumab pour les cancers colorectaux métastatiques [CCRM], erlotinib pour les cancers pancréatiques métastatiques), l’angiogenèse (bevacizumab, sunitinib et sorafenib pour les CCRM, les GIST et les carcinomes hépatocellulaires respectivement) [1], KIT (imatinib pour les GIST), mTOR (everolimus pour les tumeurs endocrines bien différenciées) et HER2 (trastuzumab pour les cancers gastriques) a validé le concept d’inhibition ciblée en cancérologie digestive. Le clinicien se doit de connaître, prévenir et traiter les toxicités « nouvelles » de ces thérapies ciblées auxquelles il n’était pas confronté avec les chimiothérapies anticancéreuses classiques [2, 3]. L’ Prérequis à la prescription Prise en charge des effets secondaires des inhibiteurs de EGFR Lésions cutanées Les effets secondaires cutanés sont les plus fréquents [3] : folliculite aseptique acnéiforme, xérose, paronychies, hyperpigmentation et anomalies des phanères (cf. chapitre infra). Abréviations La lecture des résumés des caractéristiques des produits est un préalable nécessaire avant leur utilisation. Des revues récentes ont rappelé les prérequis d’information, d’éducation, de prévention et de surveillance [1, 3, 4]. Les données spécifiques principales sont résumées dans la figure 1. 16 La remise de documents d’information ou de carnets de liaison est conseillée, notamment pour les biothérapies orales (erlotinib, sorafenib, sunitinib, imatinib, everolimus). Cancers colo-rectaux métastatiques Hypertension artérielle Recommandations de Pratiques Cliniques Pression artérielle Bandelette urinaire Fraction d’éjection ventriculaire gauche HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 (CCRM) (HTA) (RPC) (PA) (BU) (FEVG) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Mini-revue Figure 1. Contre-indications, prérequis et surveillance de la prescription des biothérapies ciblées (d’après Bouché et al. [3, 4]). HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 17 Réactions à la perfusion Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Des réactions précoces à la perfusion du cetuximab et plus exceptionnellement à celle de l’anticorps humain panitumumab, sont possibles, le plus souvent lors de la première injection. Elles peuvent aller jusqu’au choc anaphylactique pour le cetuximab. Une prémédication intraveineuse par antihistaminique H1, et surtout par corticoïdes [5], ainsi que la présence à proximité d’un médecin et d’un matériel de réanimation sont recommandées lors de l’administration du cetuximab, à chaque cycle. En revanche, la prémédication et la proximité du matériel de réanimation ne sont pas nécessaires pour le panitumumab. La survenue d’un bronchospasme, d’un œdème laryngé et/ou d’un choc anaphylactique doit faire arrêter et débrancher immédiatement la perfusion et mettre en œuvre en urgence le traitement médical symptomatique. Le cetuximab est dans ce cas définitivement contre-indiqué avec possibilité d’un relais par le panitumumab [6]. Asthénie, crampe et hypomagnésémie Une hypomagnésémie et une hypocalcémie (par fuite rénale) doivent être recherchées avant chaque cure, puis régulièrement après l’arrêt des anti-EGFR. Les hypomagnésémies sévères peuvent être symptomatiques avec des complications neurologiques ou cardiaques. Une supplémentation parentérale adaptée (4 g de sulfate de magnésium i.v. en deux heures à chaque cure) est recommandée dès que la magnésémie est inférieure à 1,2 mg/dL [7]. En cas d’hypomagnésémie sévère (inférieure à 0,9 mg/dL), un arrêt temporaire de l’anti-EGFR et une supplémentation (8 g i.v. en quatre heures par jour jusqu’à normalisation) sont conseillés. L’apport oral de magnésium est généralement inefficace et mal toléré [7]. Lésions oculaires et des muqueuses Des lésions de type xérophtalmie, blépharite, conjonctivite et exceptionnellement kératite et ulcération de cornée sont possibles. Les lésions oculaires peuvent être favorisées par la trichomégalie, notamment s’il existe un trichiasis. Le traitement comprend la taille des cils, des larmes artificielles, des collyres antibiotiques ou corticoïdes après avis ophtalmologique [3]. Des lésions muqueuses non spécifiques à type de chéilite, de glossite, voire d’ulcérations buccales, nasales ou génitales ont également été observées. Les traitements symptomatiques locaux des lésions muqueuses n’ont pas de spécificité : antiseptiques, lubrifiants [3]. Troubles digestifs et respiratoires La diarrhée semble plus fréquente avec l’erlotinib (50 %) qu’avec les anticorps cetuximab et panitumumab. Des perforations digestives ont été rapportées sous erlotinib. Le traitement symptomatique des troubles digestifs n’a 18 pas de spécificité [3]. Si les patients se plaignent de dyspnée ou de toux, il est recommandé de rechercher une pneumopathie interstitielle [3]. Prise en charge des effets secondaires du bevacizumab Hypertension artérielle et protéinurie Dans les essais thérapeutiques, la prise en charge de l’hypertension artérielle (HTA) n’a pas tenu compte des recommandations internationales de diagnostic et de traitement de l’HTA. Il existe un double risque de sousestimation et de surestimation de l’HTA [3]. C’est pourquoi, sous l’égide de plusieurs sociétés savantes françaises, un groupe de travail d’hypertensiologues, de néphrologues, de cardiologues et d’oncologues a élaboré des recommandations de pratiques cliniques (RPC) concernant la prise en charge des effets vasculaires et rénaux des antiangiogéniques [8]. Les objectifs seront d’éviter, d’une part, un arrêt inapproprié du bevacizumab et, d’autre part, une complication grave de l’HTA. Les RPC sont les suivantes [8] : – la première administration ne doit pas être retardée en raison d’une pression artérielle (PA) élevée ou d’une protéinurie (hors urgence hypertensive et protéinurie massive) ; – la mesure de la PA doit au mieux être réalisée en ambulatoire par le médecin traitant et/ou par automesures à domicile par un appareil validé par l’AFSSAPS. Le « schéma des 3 » édicté par la HAS est conseillé [9] : trois prises de la PA le matin au réveil et le soir au coucher, à cinq minutes d’intervalle, trois jours de suite ; – un traitement de l’HTA doit être débuté si la PA est supérieure à 135 et/ou 85 mmHg en ambulatoire ; – bandelette urinaire (BU) [et le cas échéant, quantification de la protéinurie], estimation de la fonction rénale (formule de MDRD simplifiée plutôt que Cockcroft et Gault) doivent être faites avant traitement et au cours du suivi (avis néphrologique si clairance est inférieure à 30 mL/min) ; – la prise en charge se fera au mieux dans le cadre d’un travail en réseau comprenant médecin généraliste, oncologue, cardiologue et néphrologue avec carnet de suivi. Seule une « urgence hypertensive » (encéphalopathie, HTA maligne, insuffisance cardiaque, dissection aortique, accidents artériels ou leucoencéphalopathie postérieure) nécessite un arrêt définitif du traitement. La conduite à tenir est résumée dans la figure 2 [8]. En l’absence de protéinurie, les antihypertenseurs classiques peuvent être utilisés : IEC, ARA2, inhibiteurs calciques, bêtabloquants et diurétiques [8]. Des exemples d’ordonnances sont disponibles dans le Thésaurus national de cancérologie digestive [10]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 Mini-revue Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. PA ambulatoire (MG ou AMT) systématiquement à S1, S2, S4 puis chaque mois Situation PA normale ou HTA contrôlée PA non contrôlée* chez un patient asymptomatique PA non contrôlée* chez un patient symptomatique Surveillance PA : 1 fois/mois (MG ou AMT) 1 fois par mois ou plus fréquent tant que la PA n'est pas contrôlée 1 fois par semaine tant que l'HTA est symptomatique ; obtention d'un contrôle PA adéquat indespensable Conduite à tenir Pas de modification thérapeutique ; continuer AA Traitement anti-HTA adapté au niveau de PA et évolutivité ; monothérapie initiale si PA modérement élevée,bithérapie d'emblée si + sévère ; continuer AA Traitement antiHTA institué ; bithérapie d'emblée le + souvent ; intensification rapide du traitement ; continuer AA Traitement antihypertenseur Urgence hypertensive Hospitalisation ; prise en charge de l'urgence ; arrêt des AA Traitement antiHTA initial : en l'absence de protéinurie : choisir parmi 1 des 5 grandes classes d'antihypertenseurs ; si protéinurie : IEC ou ARA2 en 1re intention. *PA non contrôlée : > 135 et/ou 85 mmHg (PA en AMT) ou ≥ 140 et/ou 90 mmHg (PA de consultation) MG : médecin généraliste AMT : auto-mesure tensionnelle AA : anti-angiogéniques S1, S2, S4 : semaine 1, 2 et 4 Figure 2. Prise en charge de la pression artérielle (PA) au cours du suivi (d’après Halimi et al. et Thésaurus national de cancérologie digestive [8, 10]). Une protéinurie à ++ ou +++ à la BU est une indication à la mesure de la protéinurie sur 24 heures (ou échantillon matinal) et de la créatininémie durant l’intercure (figure 3). Le bevacizumab peut être prescrit jusqu’au seuil de protéinurie inférieur à 3 g par 24 heures, sous réserve d’un avis néphrologique [8]. Dès le seuil supérieur à 1 g par 24 heures, l’utilisation d’un antihypertenseur de la classe des IEC ou des ARA2 est conseillée, compte tenu de leur effet antiprotéinurique [8]. Perforations gastro-intestinales La perforation gastro-intestinale est une complication rare (2 %) qui justifie un examen clinique chez tout patient se plaignant de douleurs abdominales [11]. Elle est habituellement précoce (trois premiers mois). Elle survient le plus souvent sur une muqueuse inflammatoire : diverticulite, colite, ulcère gastro-intestinal, tumeur en place, carcinose péritonéale [11]. Sa prise en charge doit être si possible conservatrice, avec aspiration nasogastrique sans chirur- gie [11]. La présence d’une tumeur en place ne contreindique pas le bevacizumab, car le risque de perforation reste faible. Hémorragies Diverses manifestations hémorragiques cutanéomuqueuses sans gravité peuvent survenir, à type d’épistaxis, de gingivorragies ou de saignements vaginaux [1, 3]. La prise d’anticoagulants nécessite une surveillance rigoureuse du bilan de coagulation. Les hémorragies tumorales graves sont rares (5 %) mais potentiellement responsables de décès, notamment en cas d’hémoptysie massive ou d’hémorragies intracérébrales. Complications de la cicatrisation des plaies Il convient de respecter un délai de 28 jours entre une chirurgie majeure et le début du traitement par bevacizumab et d’interrompre, à l’inverse, le traitement pendant une durée de quatre à cinq semaines avant une chirurgie programmée [1, 3, 10]. En pratique, la dernière cure de HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 19 Protéinurie bandelette urinaire 2+ ou 3+ OK Anti-angiogénique (AA) 100 % avant la cure suivante protéinurie des 24 h (g/24 h) ou échantillon matinal (g/g créatinine urinaire) et créatininémie Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. < – 1g/24 h ou < 1g/g Continuer AA 1 à 3 g/24 h ou 1 à 3g/g Continuer AA - avis néphrologue - IEC ou ARA2 > 3 g/24 h ou > 3 g/g Syndrome néphrotique (> 3 g/24 h et albuminémie < 30 g/L) Avis néphrologue avant AA AA contre-indiqués AA : anti-angiogéniques IEC : inhibiteurs de l'enzyme de conversion ARA2 : antagonistes des récepteurs AT1 de l'angiotensine ll Figure 3. Conduite à tenir si protéinurie à la bandelette urinaire 2+ ou 3+ (d’après Halimi et al. et Thésaurus national de cancérologie digestive [8, 10]). chimiothérapie sera réalisée sans bevacizumab. Une intervention mineure, telle que l’implantation d’un accès veineux, ne doit pas retarder le début du traitement. En revanche, il semble prudent de suspendre le bevacizumab en cas d’extraction dentaire ou de coloscopie avec polypectomie [10]. Lorsqu’une intervention est envisagée en urgence, le rapport bénéfice/risque sera évalué, et le chirurgien informé des risques accrus de complications [12]. Accidents thromboemboliques artériels et veineux Les thromboses artérielles sont plus fréquentes qu’en cas de chimiothérapie seule (environ 4 %) [13]. Ce risque est majoré en cas d’antécédents de thromboses artérielles et chez les patients de plus de 65 ans et/ou hypertendus [13]. La survenue d’un accident artériel impose l’arrêt définitif du bevacizumab. En cas de survenue d’une thrombose veineuse, le bevacizumab sera suspendu deux à trois semaines, puis repris après anticoagulation efficace et stable [10]. Réactions à la perfusion Les exceptionnelles réactions justifient un débit de perfusion faible à la première administration (90 minutes). Il est cependant maintenant démontré que l’administration initiale en 30 minutes, puis ultérieure en 10 minutes ne présente aucun risque [14]. Autres effets secondaires rares D’autres événements rares ont été rapportés : insuffisance cardiaque, HTA pulmonaire, fistules, perforation de la 20 cloison nasale, infarctus splénique, ostéonécrose mandibulaire, syndrome dépressif, leucoencéphalopathie postérieure réversible [1, 3]. Prise en charge des effets secondaires du sorafenib et du sunitinib Les effets indésirables peu sévères fréquemment rapportés sont les troubles digestifs, les lésions cutanées, les lésions buccales, l’asthénie, l’HTA, l’alopécie, l’enrouement, les hémorragies et l’hypophosphatémie asymptomatique [1, 3]. Le syndrome main-pied et la diarrhée peuvent être sévères chez environ 10 % des patients [3, 15]. Le risque hémorragique justifie de vérifier, avant sorafenib, la présence de varices œsophagiennes et d’instaurer un traitement prophylactique si le grade est supérieur ou égal à 2 [15]. Des anomalies cardiaques, une hypothyroïdie et des œdèmes sont plus souvent décrits avec le sunitinib. Les rares toxicités hématologiques justifient une surveillance de l’hémogramme toutes les quatre à six semaines. Conduite à tenir en cas de chirurgie Les conséquences du sunitinib et du sorafenib sur le processus de cicatrisation sont méconnues. Suite aux résultats rassurants d’une étude rétrospective, il est proposé de poursuivre le sunitinib jusqu’à la veille d’une chirurgie et de le reprendre dès la première consultation postopératoire [16]. HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 Mini-revue Pour le sorafenib, en l’absence de données, une interruption temporaire d’au moins deux semaines est recommandée avant une intervention chirurgicale [15]. HTA et toxicité rénale Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. La prise en charge est la même que celle proposée pour le bevacizumab [8] (figure 2). Cependant, les inhibiteurs calciques, notamment non dihydropyridiques (vérapamil et diltilziem), sont déconseillés compte tenu d’un risque d’interaction [8]. Pour le sunitinib, une surveillance ECG du PR et du QT est nécessaire sous bêtabloquants [3, 8]. Toxicité cardiaque Le sunitinib peut favoriser un allongement de l’espace QT et une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) [17]. Une mesure de la PA, de la FEVG et un ECG sont donc recommandés en préthérapeutique chez tous les patients, puis tous les deux cycles (12 semaines) en cas de comorbidités cardiovasculaires [3, 8]. Toxicités digestive et muqueuse Les troubles digestifs (diarrhée, dyspepsie, nausées, vomissements et anorexie), mais aussi des muqueuses (xérose buccale, mucite, dysgueusie, glossodynie, enrouement, dysphonie), sont plus fréquents qu’avec le bevacizumab [1, 3]. La prise en charge de ces effets secondaires doit être précoce et consiste en un traitement symptomatique classique. Syndrome mains-pieds et autres lésions dermatologiques,* asthénie, anémie, hypothyroïdie et hypogonadisme Un dosage de l’hémoglobine à la recherche d’une anémie, mais aussi de la TSH, sera systématique en cas d’asthénie, car le sunitinib [18] et plus rarement le sorafenib peuvent induire une hypothyroïdie. Une modification de la voix ou un enrouement est un autre point d’appel clinique possible. Le traitement de l’hypothyroïdie sera conforme à la pratique standard [18]. L’hypogonadisme induit par le sorafenib et le sunitinib pourrait être une autre cause d’asthénie [19]. Prise en charge des effets secondaires de l’imatinib volumineuse très nécrotique, une résection chirurgicale doit être discutée compte tenu du risque de rupture tumorale avec hémopéritoine [21]. Des toxicités hépatiques et hématologiques rares justifient une surveillance biologique : hebdomadaire pendant un mois, puis mensuelle, puis trimestrielle. Œdèmes Un œdème périorbitaire modéré est très fréquent. Une surveillance régulière du poids est recommandée, car des rétentions hydriques plus sévères ont été décrites. Une prise de poids rapide et inattendue devra faire rechercher une insuffisance cardiaque associée. Les œdèmes superficiels peuvent être contrôlés par des diurétiques de type furosémide [22]. Troubles digestifs Les nausées et/ou vomissements sont souvent transitoires. Il faut conseiller la prise de l’imatinib au milieu du repas le plus important de la journée [22]. La dose quotidienne peut être divisée par deux et prise lors de deux repas différents, en particulier pour les doses de 800 mg/j [22]. Un traitement antiémétique (métoclopramide, dompéridone) peut s’avérer nécessaire. La diarrhée peut être traitée par mesures diététiques et antidiarrhéiques de type lopéramide. Douleurs osseuses, arthralgies, myalgies et crampes musculaires Ces symptômes transitoires peuvent être contrôlés par des AINS. Un antalgique opiacé faible de type tramadol est une alternative en cas de contre-indication [22]. Le paracétamol n’est pas contre-indiqué à faible dose, mais il doit être utilisé avec précaution compte tenu du risque d’interaction médicamenteuse avec hépatotoxicité. Les crampes musculaires à type de contractions tétaniques sont parfois soulagées par des traitements symptomatiques empiriques (quinine ou supplémentation en magnésium). Une hypocalcémie doit être recherchée en cas de crampes invalidantes [23]. Une hypophosphatémie avec anomalies du métabolisme osseux est fréquente mais sans conséquence symptomatique à moyen terme [24]. L’apport oral de phosphate est mal toléré et peu efficace. Un dosage systématique n’est donc pas indiqué. Lésions cutanées (éruptions, xérose et hypopigmentation),* toxicité hématologique Les événements indésirables en rapport avec l’imatinib sont fréquents, très variés, mais le plus souvent non sévères et transitoires, à type par ordre de fréquence, d’œdème, d’asthénie, de troubles digestifs, d’arthralgies, de myalgies, de crampes, d’éruptions cutanées [20]. Les hémorragies tumorales sont possibles. C’est pourquoi, en cas de tumeur L’érythropoïétine est efficace dans l’anémie induite par l’imatinib [25]. En l’absence d’AMM dans cette indication, on peut recommander l’EPO en cas d’anémie * * cf. chapitre infra cf. chapitre infra HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive vol. 17 n° spécial, avril 2010 21 symptomatique inférieure à 10 g/dL d’hémoglobine. Les neutropénies sévères sont plus rares ; elles surviennent essentiellement dans les premières semaines [20]. En l’absence d’indication validée, on peut recommander un traitement par G-CSF pour des neutropénies inférieures à 0,5 × 109/L, et s’il n’y a pas d’autre alternative à l’imatinib [3]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Prise en charge des effets secondaires de l’everolimus Les effets secondaires les plus fréquents [3] sont les aphtes, l’asthénie, la diarrhée, les céphalées, les rashs cutanés et les infections [26]. Des anomalies biologiques sont possibles à type de neutropénie, thrombopénie, protéinurie, hyperglycémie et dyslipidémie [26]. Le traitement des aphtes buccaux fait appel aux bains de bouche, à base de chlorhexidine aqueuse et de bicarbonate, et de topiques anesthésiants (lidocaïne gel). En cas d’infection fongique, les antifongiques locaux sont préférables aux antifongiques imidazolés systémiques, car ceux-ci sont des inhibiteurs du métabolisme de l’everolimus. L’interaction entre everolimus et anticholesterolémiants (sauf pravastatine) augmente le risque de toxicité musculaire tel que la rhabdomyolyse. Tout signe clinique musculaire implique le dosage des enzymes CPK. Il a été décrit quelques cas de pneumopathies non infectieuses, le plus souvent non sévères et régressives. Tout symptôme respiratoire doit donc faire réaliser une radiographie thoracique. Prise en charge des effets secondaires du trastuzumab Les effets indésirables les plus importants du trastuzumab sont les réactions liées à la perfusion (fièvre, frisson et exceptionnelle allergie grave) et les troubles respiratoires et/ou cardiaques. Les réactions possibles à la première perfusion justifient une surveillance, et un débit initial de perfusion faible (90 puis 30 minutes). Le trastuzumab peut induire une diminution de la FEVG réversible et favorisée par un antécédent de chimiothérapie par anthracycline ou de cardiopathie [27]. Une évaluation cardiaque (clinique, ECG et mesure de la FEVG par échographie, scintigraphie ou IRM) est donc recommandée en préthérapeutique, puis tous les trois mois. Si la FEVG diminue de dix points et qu’elle est inférieure à 50 %, le traitement doit être suspendu avec nouvelle évaluation dans un délai de trois semaines. Si une insuffisance cardiaque symptomatique apparaît, elle doit être traitée avec les médicaments habituellement adaptés (diurétiques, digitaliques, bêtabloquants et/ou IEC) [27]. 22 Tout symptôme respiratoire sous trastuzumab doit faire réaliser une radiographie thoracique. Conclusions et perspectives La prise en charge des effets secondaires des thérapies ciblées reste encore à améliorer afin de limiter les réductions de posologies ou les interruptions thérapeutiques, et surtout l’impact sur la qualité de vie [3]. L’utilisation des outils de liaison entre médecins et patients est encore insuffisante. La collaboration interdisciplinaire entre le médecin prescripteur et ses confrères médecins généralistes et spécialistes, notamment dermatologues, cardiologues et n néphrologues, doit être confortée et plus étroite [3]. Références 1. Lièvre A, Landi B, Mitry E, et al. Les antiangiogéniques en cancérologie digestive. Gastroenterol Clin Biol 2008 ; 32 : 504-20. 2. Bouché O. Les biothérapies ciblées en cancérologie digestive : une nouvelle ère dans la stratégie thérapeutique ? Gastroenterol Clin Biol 2005 ; 29 : 495-500. 3. Bouché O, Scaglia E, Reguiai Z, et al. Biothérapies ciblées en cancérologie digestive : prise en charge de leurs effets secondaires. Gastroenterol Clin Biol 2009 ; 33 : 306-22. 4. Bouché O, Scaglia E, Lagarde S. Prérequis avant la mise en route d’une chimiothérapie pour cancer colorectal. Hepato-Gastro 2009 ; 16 sous presse. 5. Siena S, Glynne-Jones R, Thaler J, et al. 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