Nutrition du patient dialysé

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Prise en charge
nutritionnelle
en dialyse
De la théorie à la pratique
R. AZAR
CH DUNKERQUE
Introduction
 La dénutrition protéino-énergétique (protein-energy wasting
PEW) est un des indicateurs de risque de mortalité les plus forts
chez les patients en IRC.
 Marqueur de morbidité et d’altération de qualité de vie
 Dénutrition protéino-énergétique =

taux d’albumine, cholestérol ou préalbumine bas

+ diminution de la masse musculaire = sarcopénie

+ diminution de la masse corporelle = perte de Poids +
diminution des ingesta protéiques et énergétiques
Evaluation du statut nutritionnel en hémodialyse
 Il n’y a pas un seul marqueur permettant d’évaluer de manière
complète et indiscutable le statut nutritionnel.
 Le marqueur idéal: → Prédire le pronostic, facile à réaliser,
indépendant des autres facteurs pouvant influencer l’état nutritionnel,
reproductible et peu coûteux.
 Utilisation d’un ensemble de paramètres anthropométriques et
biochimiques
 Evaluation régulière systématique, avec une attention particulière en
cas de pathologies intercurrentes.
 Evaluation globale : Dépression, qualité du sommeil, qualité de vie.
Outils du Diagnostic
 Evaluation diététique
 Index de Masse Corporelle (BMI)
 Evaluation Subjective Globale (SGA)
 Données anthropométriques
 nPNA
 Albumine et préalbumine
 Cholestérol
 Investigations techniques: impédancemétrie, hand grip test, DEXA………
Evaluation Diététique
 Tout patient dialysé doit pouvoir accès à une consultation diététique
effectuée par un(e) diététicien(ne) qualifié(e).
 La première consultation diététique devrait avoir lieu le 1er mois de l’HD.
 Conseils individualisés :entretiens oraux et recommandations écrites.
 Pour les patients stables < 50 ans: évaluation/ 6 mois; > 50 ans: /3
mois; en tenant compte de l’ancienneté en HD: < 5 ans: /6 mois; > 5
ans: / 3 mois.
 Les patients hospitalisés seront évalués en moins de 3 jours, une fois par
semaine jusque rétablissement d’un état stable puis suivi mensuel.
 Les patients dénutris seront évalués et conseillés plus fréquemment jusque
l’amélioration de leur état.
Effet du conseil diététique sur l’albuminémie
Etude contrôlée, randomisée. Suivi de 6 mois
%
60
*
50
40
*
Diet (n = 52)
Control (n = 31)
*
30
20
10
* p<0.001
0
<2.5 g
2.5 - 5 g
>5 g
Effet indépendant de la CRP
Leon JB et al. J Ren Nutr 2001
Autres mesures cliniquement utiles
 Urée et créatinine prédialytique: influence de la dose de dialyse.
 Index de créatinine: ( taux de génération de créatinine) : excellent reflet de
la masse musculaire; indicateur de survie à long terme.
( Canaud, NDT; 1995 )
 Bicarbonates sériques: mesurés 1 fois/mois. Taux prédialytique de milieu
de semaine doit être maintenu à 22- 27 mmol/l.
 Malnutrition Inflammation Score (MIS) # SGA : tous le 6 mois.
 Phosphorémie: reflet des apports alimentaires protidiques.
 Dose de dialyse adéquate.
 Impédancemétrie multifréquence (BIA): permet de définir la masse
extracellulaire (eau et masse grasse) et masse cellulaire métaboliquement
active.
Les variations de l’hydratation limitent la précision de la BIA.
Corrélation entre une diminution de l’angle de phase et la mortalité.
( Maggiore, Kidney Int; 1996)
 Force de préhension (Hand Grip): Evalue la force musculaire fortement
liée à la masse maigre déterminée par DEXA; est le facteur le plus relié à la
dénutrition définie par le SGA.
Important facteur pronostique indépendant de la CRP et de l’albumine.
(Wang, Am J Clin Nutr; 2005 )
A utiliser plus souvent dans l’évaluation clinique ++++
Dénutrition protéino énergétique
La dénutrition protéino énergétique liée à
l’insuffisance rénale associe diminution de la
masse maigre et des réserves en protéines
et/ou baisse des réserves énergétiques.
L’apport insuffisant en calories et en protéines
n’est pas la seule cause de la dénutrition
associée à l’insuffisance rénale
L’inflammation, les désordres métaboliques et
endocriniens, l’inactivité physique, les troubles
cardiaques jouent aussi un rôle
Dénutrition et risque de mortalité
chez les patients en IRC dialysés
Kalantar-Zadeh ; Nature Rev Nephrol ; 2011
Kovesdy CP. Sem Nephrol; 2009
Protein intake (g/kg body weight/day) and 30-month
survival rates in a prospective French cohort of
patients on hemodialysis between June 2007 and
December 2009 (n = 3,000 patients, adjusted for
age, gender, serum albumin, body mass index,
cardiovascular history, diabetes).
D Fouque; J Ren Nutr; 2011
Dénutrition: le rôle de l’inflammation
L’insuffisance rénale est associée à un état
d’inflammation chronique plus fréquent dans
les stades avancés de l’IRC et en dialyse
L’inflammation chronique participe à
l’athérosclérose et aggrave les lésions
vasculaires
L’inflammation chronique aggrave la
dénutrition



Majore l’anorexie
Est associée à l’insulino résistance
Favorise le catabolisme protéique
Inflammation chronique
Cytokines
Augmentation de
l’activité Ubiquitine
Protéolyse (+)
Résistance à l’insuline
Anabolisme (-)
Amaigrissement
Augmentation de la
dépense énergétique
Baisse de
l’appétit
Baisse de la
synthèse
protéique
Effets délétères de l’inflammation chronique
Dénutrition
- Atteinte de la masse et de la
différentiation musculaire
squelettique:
▪ Activation du NF-κB par
suppression du MyoD.
▪ Stimulation de la voie
ubiquitine-protéasome.
-
Réduction des ingesta :
▪ Suppression de l’appétit.
▪ Inhibition de la vidange
gastrique et de la motilité
intestinale.
Cœur
- Accélération athérogénèse .
- Instabilité de la plaque .
- Effet myodépresseur direct .
- Augmentation de la déposition des
cytokines et protéines
inflammatoires dans les parois
vasculaires .
- Diminution du nombre des
myocytes .
- Fibrose myocardique .
- Hypertrophie cardiaque .
- Activation thromobogénèse .
- Dysfonction endothéliale .
Effet catabolique de la dialyse
 Flux sanguin à travers la membrane
 Perméabilité de la membrane
 Biocompatibilité de la membrane
 Intensité de la perte en nutriments
 Pureté du dialysat qui influence le sd inflammatoire
 En HD Perte de 4 à 12g d’AA, 20 à 50 g de sucre, le
catabolisme protéique (musculaire) augmente de fait
de 20 à 30 g par séance
Techniques de dialyse et dénutrition
 Les membranes à haut flux favorisent les pertes en AA,
vitamines et micro-éléments bien que meilleures pour
l’épuration des moyennes molécules
 HDF post dilution (- 25 g de protéines /séance! pour certains
HD)
 Pertes difficiles à compenser par les apports alimentaires!
 Le gradient thermique perdialytique augmente la dépense
énergétique de repos
 La dialyse peut augmenter les pertes énergétiques de repos de
30%
Fouque, J Ren Nutr 2011
Ikizler, JASN 1996
L’acidose métabolique, facteur de dénutrition
protéino-énergétique
Yi-Wen Chiu; Seminars in Nephrology; 2009
Recommandations chez les dialysés K-DOQI
 Apports :
 Energie: 30-35 kcal/kg/j
 1.2 g/kg/j protéines HD; 1.3 g/kg/j en DP
 En réalité (23 kcal/kg/j et 0.96 g/kg/j dans
l’HEMO study)
Prévention et traitement de la dénutrition
Pré-requis à l’intervention nutritionnelle :
 Surveillance régulière de l’état nutritionnel
 Recherche et traitement d’une affection
intercurrente
ou de toute autre cause de dénutrition
Correction d’une acidose métabolique
(bicarbonates ≥ 22 – 24 mM avant HD)
 Evaluation des ingesta
 Mise en place d’un conseil diététique régulier
ESPEN Guidelines on Parenteral Nutrition. Clin Nutr 2009
Support nutritionnel et hémodialyse:
Comment atteindre l’objectif nutritionnel ?
Conseil diététique
Supplémentation orale
Nutrition parentérale perdialytique
Nutrition entérale
Degré de dénutrition
Apports alimentaires spontanés
Compliance du patient
Que faire?
Chez l’hémodialysé
 Repérer les patients dénutris/ à risque
 Compléments oraux : peu onéreux, efficaces X 2 à 3/J ; vers 16
h et avant le coucher

(+ 7-10kcal/kg/j + 0.3-0.4g/kg/j de protéines)
 Repas pendant la séance/ CNO +++
 Nutrition entérale
 Nutrition parentérale perdialytique
Compléments nutritionnels oraux
Hémodialysés adultes,
non diabétiques BMI<20
albuminémie <40 g/L:
- Groupe contrôle: conseil
diététique
- Groupe traité: CNO, 500
kcal & 15 g protéines en fin
d’HD pendant un mois
Sharma M, J Renal Nutr 2003
Que faire?
Chez l’hémodialysé
 Apports de CO pendant la séance d’HD

Observance améliorée et contrôlée

Améliore l’anabolisme protéique musculaire

Lutte contre la perte per dialytique de protéines et AA
Evite de puiser dans les réserves (muscle)

Améliore la survie +++ + 15 %
chez les patients avec albumine < 35 g/l recevant des CO pdt
la séance (Lacson; AJKD 2012 )

Diminue de 20 % le nombre des hospitalisations (Cheu ;
CJASN, 2013)

Compliance et lassitude à long terme , complément et non substitut
aux repas
Que faire ?
Chez le patient en HD ?
 Nutrition Parentérale PerDialytique
 Efficace chez les patients malnutris non compliants ou intolérants à
l’administration de CO (40% des patients) car pas de meilleure efficacité de
NPPD+CO
 500 à 1200 kcal (lipides + glucides), 13 à 50 g de protéines
 4h à débit constant, adapter l’UF
 Amélioration du statut nutritionnel chez 60% des patients
 Recommandée si apports journaliers > 20 kcal/kg/j et 0.8 g/kg/j, sinon
résultats insuffisants
 Baisse de la mortalité
Etude FineS
Support nutritionnel
CNO
NPPD
300->400 kcal/dj
15-25 g de protéines
800-1200 kcal/HD
(formules standard)
• 5-8 kcal/kg/jour
• 5 -10 kcal/kg/d
• 0.4 - 0.6 g prot/kg/d
(glucose+lipides)
• 0.2-0.4 g AA/kg/d
CNO et NPPD permettent d’atteindre les objectifs
nutritionnels lorsque les ingesta sont
≥ 20 kcal & 0.8 g protéines/kg/j
Kalantar-Zadeh ; Nature Rev Nephrol ; 2011
Avantages / Inconvénients NP et NE
Avantages
Inconvénients
Nutrition
Entérale
Plus physiologique
Plus facile à mettre en œuvre
Moins invasive
Moins de complications infectieuses
Moins coûteuse que la NP (en moyenne 3 euros
pour 1000Kcal)
Sur le plan métabolique préserve mieux la
trophicité et la fonctionnalité de la muqueuse
intestinale
Troubles digestifs (vomissements, diarrhées… )
sont possibles.
Nutrition
Parentérale
Perdialytique
Troubles de l’assimilation des éléments
nutritifs administrés par voie orale/entérale
sont évités
Aucune restriction supplémentaire n’est
imposée au patient
Le temps de dialyse est optimisé
La nutrition ne peut avoir lieu que pendant la
dialyse
Les volumes qui sont tolérés
Le coût (en moyenne 15 euros pour
1000Kcal)
Perte de la trophicité, des fonctions
d’absorption et de barrière du
tube digestif
Suppléments protéiques
 Supplémentation en AA essentiels (12 g/j)
 AA à chaînes ramifiées préférés
 Permet d’augmenter :



Poids sec, MM, MG
Albuminémie
Ingesta protéiques et énergétiques
Androgènes
 6 mois de décanoate de
Nandrolone (10mg/semaine)
 MG, MM
 Bonne tolérance
Recommandations
de l’EDTA
Nandrolone proposée 3 à 6 mois chez les patients HD souffrant de
malnutrition sévère résistant à une intervention nutritionnelle optimale
Effets des techniques dialytiques
 Augmentation de la prise
alimentaire (calorique et
protidique) à 6 et 12 mois
 Ttt de sauvetage chez les
dénutris instables ou en cas
d’échec de l’apport nutritionnel
La sédentarité diminue l’espérance de vie
Des sujets âgés
Des patients incidents
en dialyse
795 pts sédentaires, 60 ans , 11% décès
1469 non sédentaires, 57 ans , 5% décès
cohorte 1861 sujets de 70 ans, suivi 18 ans
Stessman, Arch Intern Med 2009
O’Hare , Am J Kidney Dis 2003
Quel traitement de la dénutrition ?
D’après N. Cano
Résumé-1
 Le
conseil diététique, les compléments oraux et la NPPD sont
capables d’améliorer l’état nutritionnel, indépendamment de la
CRP
 La NPPD est indiquée chez les patients hémodialysés dénutris
non compliants aux compléments oraux
 L’étude FineS a montré que l’augmentation des
concentrations sériques de préalbumine > 30 mg/L pendant les 3
premiers mois de supplémentation nutritionnelle était associée à
un doublement de la survie à deux ans
Résumé-2
L’exercice
améliore
l’efficacité
du
support
nutritionnel et est recommandé dans les EBPG

 Chez les patients ne répondant pas au support
nutritionnel deux traitement adjuvants sont proposés
dans les recommandations européennes :
 androgènes (en l’absence des CI habituelles)
 dialyse quotidienne
Conclusions-1
 Importance cruciale du dépistage et du
monitoring du statut nutritionnel
 Prévention et traitement précoces!
 La dénutrition protéino-énergétique est un facteur de risque à
dépister et traiter chez les patients en IRC : la mortalité à court
terme est élevée
 Cette dénutrition est plurifactorielle
 Se méfier des régimes hypophosphotémiants et donc
hypoprotidiques francs
Conclusions-2
 Bien que l’augmentation des apports protéiques augmente celle
du phosphore, le bénéfice du maintien d’un bon statut nutritionnel
est bien supérieur à celui du risque de l’hyperphosphatémie
 Savoir proposer des aliments proposant le meilleur rapport apport
protéique et énergétique élevé/phosphoré limité ( < 12 mg/g ):
Rôle fondamental de l’ ETP et du diététicien ;-)
 Ne pas négliger les apports alimentaires per dialytiques (collation,
CNO)
 Correction d’une acidose métabolique (Bicarbonate Na: 3 g/j)
 Approche multimodale des modalités de renutrition
 Place grandissante de l’activité physique
Chariot anniversaire en dialyse ( hier soir 19h30 )
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