Pourquoi l_Etat doit-il intervenir dans l__conomie

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Module 4
Partie 2. Les politiques économiques
Chapitre 1. Allocation des ressources et réglementation des marchés
« Bénéficiez des vertus du marché requiert souvent de s’écarter du laissez-faire »
Jean Tirole Economie du bien commun 2016, p.56
Problématique traitée directement par le cours : faut-il opposer allocation des ressources par le marché et
intervention économique de l’Etat ?
1. Les trois grands domaines de l’intervention économique de l’Etat : la typologie de
R.Musgrave
Document 1 : il n’existe pas d’économie de marché « pure »
Penser la politique économique exige au préalable de s’interroger sur les justifications de l’intervention publique
en économie de marché. Si l’Etat apparaît de prime abord comme étranger à la régulation des échanges marchands
quand existe un mécanisme de prix équilibrant l’offre et la demande, la théorie économique reconnaît dans
plusieurs domaines la nécessité de l’intervention étatique, en raison des imperfections du marché. (…)
Source : Hubert Kempf « Les fondements théoriques de la politique économique » in Les notices de la
documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.7
Document 2
La prévalence, l’universalité des marchés comme modes privilégiés de régulation et d’allocation des ressources
est incontestable. Les marchés sont partout, ils débordent les frontières. (…) Et pourtant, les Etats sont toujours là,
même s’ils s’adaptent, changent de nature, de responsabilités, et tendent à coopérer au sein d’ensembles plus
vastes, de zones de libre-échange, unions monétaires ou unions politiques.
Si les marchés sont partout, ils ne sont pas tout. Une bonne partie des liens économiques entre les individus ou les
collectivités humaines se fait hors du marché (…). De surcroît les Etats restent évidemment maîtres du pouvoir
législatif : à ce titre, ils affectent les conditions de fonctionnement des marchés et de réalisation des transactions.
Ces différentes modalités d’action de la puissance publique font qu’il n’existe pas d’économie de marché pure, ce
sont des économies de marché où l’intervention de la puissance publique est multiple, constante et systématique.
Cela pose un problème de fond quant à la régulation de ces économies de marché mixtes. Dans le cas (fictif)
d’une économie de marché pure, la régulation des décisions individuelles se fait par les prix, les marchés ayant
justement pour fonction de permettre que se fixe un système de prix équilibrant l’offre et la demande agrégées sur
tous les marchés. Dans le cas (tout aussi fictif) d’une économie sans aucun marché, la régulation des décisions
individuelles se fait par le biais de décisions politiques, sans référence aucune à des prix. Dans une économie
mixte, la difficulté est de concilier ces deux modalités de coordination. Un système de prix de biens marchands se
détermine sur les marchés, mais les décisions publiques sont prises de façon politique (…). Il n’est pas de façon
univoque de régler les inévitables conflits engendrés par ces deux logiques, marchande et politique, alors même
qu’elles doivent fonctionner simultanément et conjointement.
Source : Hubert Kempf « Les fondements théoriques de la politique économique » in Les notices de la
documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.7
Document 3 : le fonctionnement de l’économie de marché
Décisions par le marché : préférences
collectives exprimées par la variation
des prix - régulation marchande
Décisions par la puissance publique : préférences
collectives exprimées par le vote /choix politiques –
régulation politique
Décidées de la manière(s) dont les
ressources économiques vont être utilisées
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Document 4 : les trois objectifs de l’intervention économique de l’Etat selon R.Musgrave
A la suite de Richard Musgrave (1959), on distingue usuellement trois fonctions essentielles de la politique
budgétaire et, plus largement, de la politique économique :
- l’allocation des ressources (c’est-à-dire leur affectation aux différents usages possibles). Entrent dans
cette catégorie les interventions publiques qui visent à affecter la quantité ou la qualité des facteurs de production
disponibles dans l’économie ou à modifier leur répartition sectorielle ou régionale et, d’une manière générale, les
politiques visant à fournir les biens publics : investissement en R&D, éducation, protection de l’environnement,
…
- la stabilisation macroéconomique face à des chocs exogènes qui éloignent l’économie de l’équilibre
(prix stables et plein emploi des facteurs de production), c’est-à-dire la réduction des écarts par rapport à cet
équilibre. C’est le rôle que les économistes keynésiens attribuent usuellement aux politiques budgétaires et
monétaires ;
- la redistribution entre agents ou entre régions, c’est-à-dire la modification de la répartition des
revenus. C’est ce que visent les politiques de taxation progressive et les transferts sociaux.
La redistribution a clairement un objectif différent de l’allocation ou de la stabilisation, puisqu’elle vise à un
certain objectif de distribution du revenu à l’intérieur d’une société.
Mais allocation et stabilisation semblent avoir des objectifs voisins. La distinction entre elles renvoie à la
différence entre tendance de l’activité à long terme et fluctuations de court terme autour de cette tendance : les
politiques d’allocation visent à accroître le niveau maximal de production atteignable sans inflation (la croissance
potentielle) ; les politiques de stabilisation visent à minimiser l’écart entre la production effective et son niveau
potentiel, ce que l’on appelle l’écart de production (output gap).
Source : Agnès Bénassy-Quéré, B.Coeuré, Pierre Jacquet & Jean Pisani-Ferry, « Politique économique », De
Boeck, seconde édition, 2009, p.32
Document 5 : « l’horlogerie des règles » (Thesmar et Landier)
En soi, la centralité de la question publique dans l’orchestration de l’économie ne doit pas étonner. Elle n’est pas
nouvelle. Les gestes les plus simples de notre vie quotidienne, du steak que nous mettons dans notre assiette à la
vitesse à laquelle nous roulons, sont finalement encadrés. Nous baignons dans l’intervention publique, et le plus
souvent, c’est à notre grand soulagement. Car l’absence de règles, ou la lenteur à les formuler peut tuer. En 1847,
le chirurgien hongrois, Ignac Semmelweis, découvrait qu’on pouvait considérablement limiter les infections des
malades hospitalisés en forçant les médecins à se laver les mains avant toute opération. Sa découverte,
statistiquement irréfutable, heurtait les croyances de l’époque. Il faudra plus de 20 ans pour que se généralise une
pratique qui aurait pu sauver des milliers de vies.
Comment choisir des systèmes de règles qui servent au mieux l’intérêt général ? Cette interrogation est
essentielle. (…) Ce livre commence donc par une visite guidée de « l’horlogerie des règles ». Il s’agira de
comprendre la raison d’être des règles que la puissance publique doit imposer au marché. (…) La doctrine de
l’horlogerie évite de dicter des lois à l’aveuglette ; elle donne une grille au débat citoyen, elle permet de sortir du
symbolique et des antagonismes rhétoriques entre ceux qui « croient à l’Etat » et ceux qui « croient au marché ».
Ces deux pôles ne peuvent pas être dissociés. Ils sont le recto et le verso d’une même idée, celle de l’échange
efficace : ceux qui croient au marché croient aussi à l’Etat.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p. 10-12
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2. L’allocation des ressources dans le cadre du marché : les conditions pour que l’allocation
marchande soit optimale
2.1 La métaphore de la main invisible
Document 6 : la métaphore de la main invisible
De façon générale, les économistes estiment (…) que les marchés concurrentiels (c’est-à-dire les marchés retenus
dans notre modèle concurrentiel de base) permettent une utilisation globalement efficace des ressources rares de la
société. Cette confiance dans les marchés remonte à l’œuvre maîtresse d’Adam Smith, publiée en 1776 et intitulé
« La Richesse des nations ». Selon A.Smith, les travailleurs et les producteurs sont les principaux responsables du
succès de l’économie, et cela parce qu’ils ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et à leurs familles : « l’homme a
presque continuellement besoin de l’aide de ses semblables, et c’est en vain qu’il l’attendrait de leur seule
bienveillance. Il sera plus certain de réussir s’il peut faire appel à leur intérêt personnel afin qu’ils agissent en sa
faveur et s’il peut leur montrer qu’il est de leur propre avantage de faire ce qu’il leur demande … ce n’est pas de
la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien de
l’attention qu’ils portent à leurs propres intérêts … nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins mais de
leurs avantages ». En bref, A.Smith soutient que les individus qui poursuivent leur intérêt personnel sont ceux qui
contribuent le plus à la promotion de l’intérêt public.
Son idée est que les individus travaillent plus et mieux en faveur de l’activité économique globale de la société
quand les efforts qu’ils fournissent leur sont également profitables. Il s’est servi de la métaphore de la main
invisible pour expliquer comment l’intérêt personnel conduit au bien-être social : « l’homme recherche seulement
son propre avantage et, dans ce domaine comme dans les autres, il est conduit par une main invisible à
promouvoir des buts qui sont étrangers à ses intentions … En poursuivant son propre intérêt, il sert souvent
mieux les desseins de la société que lorsqu’il essaie intentionnellement de le faire ».
Cette idée joue un rôle très important dans les sciences sociales. Elle n’est pas du tout évidente. Il ne suffit pas
que les individus travaillent dur pour qu’une économie soit gérée efficacement. Comment ces individus savent-ils
ce qu’il faut produire ? Par quel mécanisme la poursuite non coordonnée par chacun de son intérêt personne peutelle aboutir à des résultats efficaces ? L’un des acquis les plus important de la théorie économique moderne a été
dans quel sens et sous quelles conditions on peut dire que le marché est efficace.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200
2.2 La maximisation du surplus collectif à l’équilibre de concurrence pure et parfaite
Document 7 : l’équilibre de marché et la maximisation du surplus collectif
Sur les marchés concurrentiels, les entreprises et les consommateurs sont nombreux. Chacun n’est responsable
que d’une part infime des transactions de l’ensemble du marché. Pour un ménage ou une entreprise, les prix sont
donc des données. Les entreprises, en maximisant leur profit, produisent en un point tel que leur coût marginal est
égal au prix du marché. Les ménages, en faisant des choix rationnels, achètent jusqu’au point où leur disposition
marginale à payer est égale au prix de marché. (…) Quand le marché est à l’équilibre, les entreprises peuvent
vendre la quantité qui maximise leur profit compte tenu du prix de marché. De leur côté, les ménages sont en
mesure d’acheter la quantité qui maximise leur utilité compte tenu du prix de marché. (…) Au prix d’équilibre, le
surplus social (somme des surplus des consommateurs et des producteurs) est maximisé sur un marché
concurrentiel.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200-202
Document 8 : équilibre et surplus collectif
Il faut attendre les travaux des néo-classiques, en particulier la théorie de l’équilibre général formulée par Léon
Walras dans Éléments d'économie politique pure ou théorie de la richesse sociale (1874), pour qu’une
« formalisation » de la « main invisible » soit établie. Sous réserve du respect des hypothèses de la concurrence
pure et parfaite (atomicité des agents, fluidité du marché, homogénéité des produits, mobilité parfaite des facteurs
de production et transparence de l’information), le fonctionnement du marché permet d’obtenir le plus grand
surplus collectif possible, c’est-à-dire le plus grand bien-être collectif.
Sur le marché des biens et services, l’offre émane des producteurs et la demande des consommateurs.
Les producteurs cherchent à maximiser leur profit sous contrainte de leurs coûts de production. Par conséquent, ils
produisent jusqu’à ce que le coût marginal soit égal à la recette marginale (c’est-à-dire le prix en CPP) ; dit
autrement tant que le prix que rapporte une unité supplémentaire vendue est supérieure à son coût. L’offre
alimente le marché tant que la production est rentable (c’est-à-dire qu’elle augmente le profit).
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Les consommateurs cherchent à maximiser leur utilité totale (leur satisfaction totale) sous contrainte de leur
budget. Les consommateurs consomment donc jusqu’à ce que leur utilité marginale soit égale au prix du marché,
c’est-à-dire tant qu’ils considèrent que l’utilité retirée de la consommation d’une unité supplémentaire est
supérieure à la désutilité liée à la perte de revenu. La demande répond à l’offre sur le marché tant la satisfaction
marginale des consommateurs augmente.
Pour déterminer le surplus collectif, il faut alors partir du prix de marché, qui est fournit en CPP par le creusement
des droites d’offre et de demande : P* dans notre schéma.
Le surplus du consommateur correspond à l’écart entre le prix payé à l’équilibre de marché (P*) et le prix
maximal que les agents demandeurs étaient prêts à payer. Par exemple pour une quantité inférieure à la quantité
d’équilibre, on observe sur le graphique que chaque quantité demandée par le consommateur l’est à un prix
supérieur au prix qui sera celui de l’échange. Les consommateurs réalisent donc un gain que l’on peut mesurer par
l’aire de la surface C sur le graphique : le triangle situé au dessous de la droit de demande et au dessus du prix
d’équilibre.
Le surplus du producteur désigne la différence entre le prix reçu à l’équilibre et le prix minimum que les agents
offreurs avaient envisagé. Les producteurs font donc un gain égal à l’air de la surface P du graphique pour la vente
d’un volume de biens qu’ils étaient prêts à payer moins cher. Ce triangle correspond à la surface située au dessus
de la droite d’offre et au dessous du prix d’équilibre.
Le surplus total = surplus du producteur + surplus du consommateur. Il représente le gain à l’échange réalisé à
l’équilibre en CPP par l’ensemble des agents présents sur le marché.
Document 9 : l’équilibre général en CPP
A l’équilibre de marché, la quantité de biens demandée par les consommateurs est égale à la quantité offerte par
les entreprises. Les marchés du travail et du capital atteignent l’équilibre selon un processus similaire. Sur le
marché du travail, l’offre et la demande de travail s’égalisent pour un niveau de salaire d’équilibre. A l’équilibre,
l’offre de travail des ménages est égale à la demande de travail des entreprises. Sur le marché du capital,
l’équilibre est obtenu par des ajustements du taux d’intérêt. A l’équilibre, l’offre de travail des ménages est égale
à la demande de travail des entreprises. Sur le marché du capital, l’équilibre est obtenu par des ajustements du
taux d’intérêt. A l’équilibre, le montant de l’épargne offerte par les ménages est égal au montant des emprunts des
entreprises. Quand les trois marchés sont à l’équilibre, les grandes questions de base « que produit-on ? Comment
produire ? Et pour qui produire ? » sont résolues par l’interaction des ménages et des entreprises sur le marché.
Quand tous les principaux marchés d’une économie ont atteint leur équilibre de cette façon, les économistes
disent que l’économie est à l’équilibre général.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200
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2.3 L’optimum de Pareto
Document 10 : l’optimum au sens de Pareto
L’argument selon lequel les marchés concurrentiels assurent l’efficacité au sens de Pareto peut être reformulé de
façon simple comme suit : une réallocation des ressources ne peut être avantageuse que pour ceux qui l’acceptent
de leur plein gré. A l’équilibre concurrentiel, les individus ont déjà procédé d’eux-mêmes aux échanges qu’ils
comptaient effectuer : étant donné les prix en vigueur, personne ne souhaite produire ni demander plus ou moins.
L’efficacité au sens de Pareto ne veut pas dire qu’il n’existe aucun moyen d’améliorer le sort d’une ou de
plusieurs personnes. Il est en effet toujours possible de retirer des ressources aux uns pour les donner aux autres,
et d’améliorer ainsi le bien être de ces derniers. Mais cela se fait au détriment des premiers.
Source : J.Stiglitz « Principes d’économie moderne », De Boeck, 2008, p. 200
Document 11 : de l’équilibre partiel à l’équilibre général
Sur un marché
Offre
Demande
Calculs des offreurs et des demandeurs qui
optimisent leurs choix en fonction de leurs
contraintes
Equilibre de marché =
situation où les surplus des offreurs et les
surplus des demandeurs sont les plus élevés
possible (il n’est pas possible d’augmenter le
surplus des demandeurs sans baisser celui des
offreurs). C’est la situation optimale définie
par Pareto
En cas de déséquilibres, le marché est autorégulateur (flexibilité des prix)
L’équilibre partiel = la meilleure situation
individuelle et collective possible. Le bien être
individuel se confond avec le bien être collectif
(le marché est « guidé » par une main invisible
pour réaliser l’intérêt général alors que cet
objectif n’est pas ce qui motive les décisions
individuelles)
Sur tous les marchés
Les variations des prix relatifs permettent
l’équilibre simultané de tous les marchés
En cas de déséquilibres, les marchés sont
auto-régulateurs
L’équilibre général =
la meilleure situation individuelle et collective
possible.
Le bien être individuel se confond avec le bien
être collectif.
Le marché est « guidé » par une main invisible
pour réaliser l’intérêt général alors qu’il n’est
que l’agrégation des décisions individuelles.
De l’équilibre partiel à l’équilibre général :
ce qui est vrai pour un marché est également
vrai pour tous les marchés
Document 12 : le premier théorème de l’économie du bien être
La formalisation mathématique de la « main invisible » se poursuit avec les travaux de Kenneth Arrow et de
Gérard Debreu (Existence of an Equilibrium for a Competitive Economy, 1954). A la suite d’une démonstration
mathématique, ils proposent un théorème du bien-être qui s’énonce de la façon suivante : tout équilibre général
en concurrence pure et parfaite est un optimum de Pareto.
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Ainsi, en présence d’un « système complet de marché » (ce qui suppose l’existence d’un marché pour tous les
biens qui puissent satisfaire les consommateurs), un équilibre de marché en situation de concurrence pure et
parfaite suffit pour atteindre un optimum de Pareto.
Le théorème du bien-être stipule donc qu’une économie parfaitement concurrentielle permet d’atteindre le bienêtre social le plus élevé possible – puisqu’il n’est pas possible d’améliorer le bien-être d’un individu sans qu’un
autre souffre de ce changement. Autrement dit, des agents soucieux de maximiser leur intérêt individuel
conduisent à une allocation des ressources pareto-optimale (ou la plus efficace d’un strict point de vue
économique). Tous les échanges mutuellement avantageux se réalisent. Ce théorème du bien-être propose
finalement une formulation moderne de la « main invisible » d’Adam Smith : lorsqu’il fonctionne de façon
parfaite, le marché est l’institution qui « produit » la situation collective la plus enviable.
Document 13 : l’intervention économique de l’Etat dans le domaine de l’allocation des ressources
Action de l’Etat sur
l’allocation des ressources ?
Les préférences sociales
conduisent l’Etat à intervenir
(il n’est pas nécessaire de
justifier cette intervention par
la présence de défaillances)
Les caractéristiques du
marché réduisent l’efficacité
de l’allocation
Les comportements des acteurs
présents sur le marché doivent être
encadré
L’Etat intervient pour
compenser les défaillances
de marché car certains B&S
sont trop ou pas assez
produits
Politique de la concurrence
Régulation /supervision de certains
secteurs
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3. Les caractéristiques du marché produisent des « défaillances » : l’analyse de ces
défaillances de marché dans le cadre de l’approche néoclassique traditionnelle
Document 14 : L’action économique de l’Etat dans le cadre de l’allocation des ressources = réaliser l’intérêt
général (rapprocher les actions individuelles de l’intérêt général)
La vision classique de l’économie, depuis le début du 20ième siècle (…) retient donc que les défaillances du
marché appellent l’intervention publique de façon à améliorer la régulation d’ensemble de l’économie. L’Etat est
ainsi implicitement investi du souci de l’intérêt général (…). Pour les économistes, ce souci de l’intérêt général se
décline de deux façons. La puissance publique doit d’abord assurer la meilleure allocation des ressources
existantes pour la collectivité, et ce dans une perspective intertemporelle. Les ressources doivent être utilisées de
façon efficiente, en particulier en ce qui concerne la production des biens non marchands et la gestion des
externalités. Cela requiert des investissements publics et nécessite qu’on se soucie de la protection et du bien-être
des générations futures.
Source : Hubert Kempf « Les fondements théoriques de la politique économique » in Les notices de la
documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.10
3.1 La structure des coûts empêche la concurrence : le monopole naturel vs les consommateurs
3.1.1
L’apparition du monopole naturel et ses conséquences sur le surplus du consommateur
Document 15 : le monopole naturel et l’abus de position dominante
Quand, étant donné la taille du marché du bien considéré, la production est réalisée à moindre coût par une seule
entreprise, la structure industrielle qui émarge naturellement est le monopole. En effet, (dans ce cas), la rentabilité
d’une entreprise augmente en même temps que son échelle de production (elle connaît des rendements d’échelles
croissants). L’entreprise la plus importante est alors en mesure d’éliminer ses concurrents. (…) Ce (..) cas résulte
généralement d’importants coûts fixes (que l’augmentation de la production permet de répartir sur davantage
d’unités, ce qui pousse à la baisse le coût moyen), comme on l’observe traditionnellement dans des secteurs tels
que le transport ferroviaire, les télécommunications, la distribution d’eau, de gaz et d’électricité. Si, dans ce type
de situation, les mécanismes de marché permettent de sélectionner la structure industrielle qui est optimale du
point de vue de la collectivité (la structure monopolistique est en effet ici celle qui minimise le coût de
production), ils conduisent en effet à un niveau de production sous-optimal.
La position de monopole confère en effet à l’entreprise un pouvoir sur les prix (elle est price maker) dont elle
cherchera à tirer parti pour accroître son profit. Cela se traduira par le choix du niveau de production dont le coût
marginal s’égalise à la recette marginale alors que l’optimalité parétienne requiert l’égalisation du coût marginal
au prix de la demande (c’est-à-dire à la disposition marginale à payer).
Source : Y.Croissant et P.Vornetti « Les motifs de l’intervention publique » in Cahiers Français n°313, 2003, p. 5
Document 16 : émergence du monopole naturel
On trouve cette structure de marché dans les secteurs qui réclament d’importants coûts fixes au départ (comme les
réseaux de transports, de télécommunications, ou encore de distribution d’eau, de gaz ou d’électricité). Le
monopoleur doit s’accaparer de l’ensemble de la demande disponible afin de rentabiliser ses investissements
initiaux conséquents (les coûts fixes sont très élevés pour produire la première unité). La première entreprises
entrée sur le marché est en mesure d’emporter tout le marché et de conserver son monopole, on parle de « winner
takes all » ou de « first advantage mover »
Or, rappelons qu’en concurrence pure et parfaite, les agents doivent être « price takers » : en raison de l’atomicité,
aucun d’entre eux ne doit être en mesure d’influencer le niveau des prix. La difficulté vient de ce que dans le cas
du monopole naturel, cette situation ne s’observe pas. Le monopole naturel est « price makers ». Si un acteur
privé s’empare de ces marchés, il risque de se servir de son pouvoir de marché pour fixer des prix trop élevés (afin
d’accroître) pour que tous les consommateurs intéressés puissent acquérir les services produits. Par conséquent, le
niveau de production risque d’être sous optimal. Ainsi, si les mécanismes de marché permettent de sélectionner la
structurelle industrielle la plus efficace pour la collectivité – le monopole –, ils ne conduisent pas à l’optimum
social. Comme les monopoles naturels se situent sur des marchés qui ne sont pas contestables – compte des
importants coûts fixes initiaux qui constituent une barrière à l’entrée –, la concurrence ne peut être rétablie pour
faire baisser les prix.
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3.1.2
L’intervention publique en situation de monopole naturel : du monopole public à la
dérégulation du marché
Document 17 : nationalisation ou subvention à une entreprise privée
Une solution consiste à nationaliser les monopoles naturels (de façon à ce que ce ne soit pas un acteur privé qui
puisse bénéficier de cette rente de situation). Si l’Etat se charge de ces productions – par le biais d’entreprises
publiques.
Mais il existe d’autres moyens de lutter contre la défaillance du marché provenant d’un monopole naturel. L’Etat
peut déléguer le marché à une entreprise privée (avec l’obligation de respecter un cahier des charges et un prix
praticable). L’obligation de respecter ce « prix plafond » (« price cap ») est intéressant car il oblige l’entreprise à
réaliser des gains de productivité pour augmenter son profit.
Document 18 : évolutions technologiques, industrie de réseau et disparition du monopole naturel
Les caractéristiques technologiques (que nous avons décrites pour l’eau), à savoir des rendements croissants et des
investissements initiaux irréversibles, se retrouvent à des degrés divers dans de nombreuses industries de réseaux,
comme la poste, le gaz, l’électricité, les télécoms, le rail, les transports urbains. De fait, ces industries ont
longtemps été structurées et régulées comme des monopoles naturels. En France, elles ont même été longtemps
gérées par des monopoles publics que nous connaissons tous : PTT, GDF, EDF, France Telecom, SNCF. A
l’échelle mondiale, les soixante-quinze premières années du 20ième siècle ont été marquées par une très forte
régulation de ces secteurs, en interdisant généralement l’entrée pour éviter des effets de compétition destructrice
et consolidant souvent des monopoles locaux pour bâtir des monopoles nationaux.
Depuis le milieu des années 1970, la notion de monopole naturel s’est vue attaqué par les économistes et les
politiques. Cela a fait suite à des évolutions technologiques qui ont diminué l’importance des rendements
croissants (…). Dans certaines des industries de réseau, comme les Télécom, le principe du monopole national a
été abandonné. Dans d’autres, les régulations ont été modifiées pour ouvrir à la concurrence des segments
potentiellement compétitifs du secteur. Par exemple, pour l’électricité, la production (dont les rendements ne sont
pas « trop » croissants) a été ouverte à la concurrence, tandis que le transport par les lignes haute tension (qui lui
représente de forts rendements croissants) restait régulé comme un monopole. De même, le monopole du réseau
ferré reste intact, mais des transporteurs privés peuvent maintenant y accéder et concurrencer la SNCF.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.29-38
Document 19 : le traitement du monopole naturel
Production à coûts fixes
importants pour mettre en place
réseau de distribution
Séparation activité de réseau et
activité de fourniture du service :
rendre le marché contestable
(ouvert à la concurrence)
Monopole naturel
Pour éviter abus position dominante
dominante
Nationalisation :
monopole public
Délégation de service
public : l’Etat n’est pas
producteur mais il régule le
marché
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Activité de réseau = monopole
public
Fourniture du service =
entreprises privées en concurrence
Disparition du monopole public et
prix de marché de concurrence
dans le cadre de la fourniture de
service
3.1.3
L’exemple de la fourniture de l’eau
Document 20 : le monopole naturel, le cas de la fourniture d’eau
L’eau du robinet est en France, comme presque partout dans le monde, un monopole. A un moment donné, et à un
endroit donné, un seul prestataire peut amener l’eau jusqu’à votre robinet. L’eau étant un produit de première
nécessité, le régulateur doit protéger le consommateur face à un monopole dont il est tout bonnement forcé d’être
le client. Mais commençons par le début. Comment se fait-il que malgré les injonctions de la concurrence,
certains secteurs comme l’eau finissent presque automatiquement dans les mains d’un monopole ? (…) Les
mécanismes qui font que la concurrence directe n’est pas possible dans certains secteurs ont trait à la technologie
en place, ils sont donc littéralement une contrainte physique qu’on ne peut éliminer par décret. (…) La
distribution d’eau n’est pas un exemple choisi au hasard. C’est même l’un des seuls domaines où un consensus
existe chez les économistes pour parler de monopole naturel. Si l’on peut qualifier de naturel le monopole de l’eau
du robinet, c’est parce que la duplication de l’infrastructure de distribution d’eau serait très coûteuse : il faudrait
rajouter tout un réseau parallèle de canalisations, ce qui représente un coût fixe très élevé. Par exemple, pour la
Ville de Paris, le réseau actuel compte plus de 3000 kilomètres de canalisations. (…) Pour l’eau, ce sont des
contraintes physiques qui font qu’une seule entreprise dessert votre robinet. Lorsque l’on essaie de généraliser cet
exemple pour circonscrire les situations où les contraintes technologiques conduisent naturellement au monopole,
on s’aperçoit que ce sont les coûts de production d’un produit en fonction de la quantité produite qui sont au cœur
du problème. On parle de rendements croissants (…). Quand les rendements sont croissants, le monopole géant
écrasera toujours un petit entrant, car sa technologie lui permet de produire à un plus faible coût. (…) Au fond ce
n’est pas une mauvaise nouvelle puisque cela reflète la possibilité de faire des économies en rassemblant les
consommateurs comme clients d’une entreprise unique.
Mais comment faire en sorte que le consommateur bénéficie de ces économies d’échelle ? Réguler les prix est-il
le seul moyen d’y parvenir ? (…) Certains économistes ont soutenu l’idée que tant que le monopole est
« contestable », les prix resteront raisonnables. Si le monopole commence à faire des profits importants, un autre
« géant » peut venir le remplacer et « rafler » le monopole en proposant des prix plus faibles. Il n’y aurait donc
pas lieu de réguler les prix. (…) Il est facile de voir que cette théorie (du monopole contestable) ne fonctionne pas
dans le cas de l’eau, car l’investissement initial en canalisations, nécessaire pour devenir un distributeur est
énorme ; mais une fois cet investissement réalisé, le « coût marginal » (celui de servir un client supplémentaire)
est quasi nul. Résultat : si deux distributeurs d’eau sont en position de servir les consommateurs, une guerre des
prix sans merci sera inévitable. Celle-ci se terminera par la faillite du concurrent le plus faible et un retour à la
situation de monopole. Au final, l’entrepreneur qui envisage de contester le monopole anticipe cette séquence
infernale et décide simplement de ne rien faire. Il n’y a pas de contestabilité véritable sur ce marché.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.29-38
Document 31 : monopole naturel privé et délégation de service public
(Il n’y a pas de contestabilité véritable sur ce marché) Il faut donc dans pareille situation un régulateur pour
contrôler les prix et s’assurer que le monopole ne prend pas en otage les consommateurs.
En fait, le régulateur devra contrôler non pas seulement les prix mais aussi « l’entrée » en désignant le monopole
et en s’engageant à ce qu’il ne soit pas contesté pendant un certain temps. (…) En effet, laisser le monopole
émerger naturellement risque de conduire soit au sous-investissement (personne n’entre), soit à du surinvestissement suivi d’une compétition destructrice pour décider du gagnant. (…) Comme cela s’est produit à
Londres au début du 19ième siècle. Flechter décrit en 1845, le résultat désastreux dans certains quartiers :
chaussée publique devenue infranchissable, faillites d’entreprises et interruption de services pour leurs
consommateurs, instabilité des prix et problèmes sanitaires débouchant sur des épidémies meurtrières.
Reconnaissant que le principe de concurrence ne s’appliquait pas à l’approvisionnement en eau, le Parlement
resserrera progressivement les régulations, politique culminant en 1902 avec la municipalisation intégrale des
compagnies privées, c’est-à-dire l’instauration d’un monopole public. (…) En France, bien que
l’approvisionnement en eau ait été très tôt délégué à des entreprises privées, le principe de monopole naturel a été
tout de suite acquis. (…) Cette longue tradition de délégation de service public de l’eau ne se verra jamais remise
en cause. Aujourd’hui, seulement ; 20% du volume d’eau distribué relève d’une gestion directe par les communes.
Le reste du marché est partagé par trois grands acteurs privés. (…) Si le rôle du privé est prépondérant, il ne faut
pas s‘y tromper, il n’y a pas compétition directe mais compétition pour devenir le monopole local pendant une
certaine période. Autrement dit la police du marché est bien là ; elle institue et contrôle le monopole naturel. (…)
En échange de leur position de monopole pour une durée donnée, les entreprises privées, doivent respecter une
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grille tarifaire, dont l’évolution est négociée à l’avance, et un cahier des charges, qui inclut des contraintes sur la
qualité, l’entretien des installations … (…)
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.29-38
3.2 La nature de certains biens rend l’allocation marchande sous-optimale
3.2.1
Sur-consommation de biens communs et sous-production de biens collectifs
Document 21 : typologie des biens
Caractéristiques des biens
Non excluabilité
Excluabilité
Biens collectifs (public goods)
Biens de club
Non rivalité
Biens communs
Biens privés
Rivalité
Critère d’excluabilité : il est possible d’exclure des AE de l’accès à un bien ou service ; conséquence : seul les
AE qui « paient » le bien ou service peuvent y accéder ;
Critère de rivalité : l’utilisation du bien ou service par un AE prive les autres AE de l’utilisation de ce bien ;
conséquence : à chaque fois qu’un AE utilise un bien ou service, la quantité disponible pour les autres AE
diminue ;
Document 22 : distinguer biens collectifs et biens communs
Cas d’un bien non – excluable
Le producteur ne peut pas contrôler l’accès à la
consommation par les AE de son bien / service
Les consommateurs sont incités à adopter une
stratégie de passager clandestin : ils ne
paient pas pour consommer
Conséquence : les producteurs ne sont pas
incités à produire ce type de bien =
le bien est sous-produit
Le bien est rival
Le bien est non-rival
Chaque consommation réduit le stock
Chaque consommation n’affecte pas le stock
- D’un côté, aucun producteur n’est incité à
produire ;
- De l’autre côté, aucun consommateur
n’est incité à limiter sa consommation
puisqu’il n’en paie pas le prix
- D’une part, il peut consommer sans payer, ce
qui n’incite pas les producteurs à produire ;
- D’autre part, chaque consommation ne
réduit pas le stock total = que le bien soit
produit pour un AE ou pour tous les AE, le
coût de production est le même
Situation de sur-consommation : la
consommation dépasse l’effort de
production
Situation de sous-production : aucun
producteur ne veut produire un bien/service
qui est accessible à tous « gratuitement »
Tragédie des « communs » (Hardin)
Biens collectifs
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Document 23 : la sur-consommation des biens communs, « la tragédie des communs »
Une ressource renouvelable est en effet intermédiaire entre bien privé et bien public (ou bien collectif). Elle
partage avec le premier son caractère rival qui fait que sa consommation par un agent l’interdit aux autres, et elle
possède comme le second la difficulté d’exclusion de son usage. La capture d’un poisson supplémentaire par un
pêcheur entraîne une diminution de la taille de la population (de poisson), donc de sa taille future, et conduit à
rendre plus difficiles et donc plus coûteuses les captures ultérieures. On est là en présence d’une externalité de
production, où l’activité d’un pêcheur a des conséquences sur l’ensemble des exploitants (on entend ici par
externalité l’existence d’une différence entre le coût privé pris en compte par le pêcheur dans sa décision de
capture et le coût social supérieur qui sera supporté par la collectivité du fait de sa décision). La combinaison de
ces deux facteurs, externalité d’exploitation et accès libre, conduit à la « tragédie des biens communs » analysée
par Hardin.
Source : Gilles Rotillon « Economie des ressources naturelles », La découverte, 2010, p.53
3.2.2
Résoudre les problèmes d’allocation des biens communs et la « tragédie des communs »
Document 24 : privatiser, nationaliser ou réglementer
Pour lutter contre la surexploitation des biens communs, plusieurs options sont possibles :
La privatisation des biens communs est une première option : l’Etat décide de distribuer des droits de propriété et
de laisser faire le marché. On peut citer l’exemple historique des enclosures en Angleterre. Comme le bien
commun devient payant, son usage doit être limité. Cette possibilité se rapproche du théorème de Coase : les
acteurs qui font usage des biens communs se paient les uns les autres de manière à ne pas surexploiter la
ressource.
La nationalisation des biens communs est une seconde option : l’Etat devient propriétaire de la ressource
surexploitée et décide de son utilisation (soit directement par le biais d’entreprises publiques, soit en confiant cette
gestion à une entreprise privée).
Document 25 : réglementation et quota
La réglementation imposée par l’Etat – qui veille également à son application. Les pouvoirs publics limitent
l’accès à la ressource de type bien commun en édictant des normes. La restriction d’accès peut prendre des formes
très différentes : limitation des dates durant laquelle l'exploitation est autorisée (périodes de chasse par exemple),
règles sur les moyens employés (à l’instar des tailles maximum des filets de pêche), ou interdiction complète
(dans le cas, par exemple, des espèces en péril ou protégées).
Pour éviter la surpêche de certains poissons, des quotas peuvent être mis en place (ce qui est une autre forme de
réglementation). Sur le graphique ci-dessous, on perçoit bien les effets d’un quota sur un marché : en imposant
une quantité maximale, la quantité échangée est inférieure à la quantité d’équilibre (Qquota <Q*) ; cela génère
une perte sèche – qui correspond à la baisse du surplus total suite à la réduction de la quantité échangée.
Les effets du quota sur un marché :
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Document 26 : la coopération et la gestion collective des biens collectifs (Elinor Ostrom)
Dans Governing the Commons : The Evolution of Institutions for Collective Action (1990), Elinor Ostrom, Prix
Nobel d’Economie en 2009, démontre qu’il est possible de sortir de l’alternative entre l’Etat et le marché pour
bien générer les biens communs. Des acteurs locaux mettent en place des institutions, sous la forme d’autoorganisation, afin d’entretenir une exploitation raisonnée des biens communs (limitation de l’usage pour qu’ils
existent à long terme). Ces stratégies d’autogouvernance collective sont respectées car chacun sait que cela lui
permettra de profiter des ressources plus longtemps (et de les léguer à ses enfants). Les cas étudiés par Elinor
Ostrom sont tous des communautés de petites échelles, dans lesquelles chaque membre a une parfaite
connaissance des règles existantes. La coordination des hommes par le biais de ce mécanisme institutionnel
conduit généralement à l’optimum social. Ce n’est ni la loi marchande, ni l’intervention de l’Etat qui permettent
l’allocation optimale des ressources mais bien la volonté des hommes de se coordonner suivant leurs propres
règles. Dans la plupart des communautés étroites étudiées par Ostrom, les droits d'accès aux biens communs
restent dépendants des droits de propriété personnels. En suisse, dans un village de montagne, le droit d’accès aux
pâturages communaux est proportionnel à la taille de la propriété privée. A Valence, en Espagne, qui se situe dans
une région très chaude où l’eau peut venir à manquer, le système d’accès aux canaux d’irrigation s’appuie sur une
rotation établie à partir de la taille de la propriété personnelle. Même s’il peut exister des logiques de contrôles et
des mécanismes de résolution des conflits – toujours en interne –, c’est d’abord et surtout l’adhésion volontaire et
l’auto-coordination qui autorise la pérennité des règles mises en place et donc des biens communs.
Elinor Ostrom est en désaccord avec l’hypothèse sur laquelle s’appuie Hardin : les hommes ne sont pas
nécessairement des êtres qui cherchent à « maximiser leur profit individuel » ; on peut compter sur le sens
collectif des individus, sur leur responsabilité. Ainsi, à côté de la gestion par l’Etat ou par le marché, il existe une
autre formule pour gérer efficacement le devenir des biens communs : les « arrangements institutionnels » que
décident les hommes entre eux qui, bien souvent, existent depuis très longtemps. Olstrom juge même qu’il s’agit
de la méthode la plus efficace pour atteindre l’optimum social et éviter la tragédie des biens communs.
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3.2.3
L’Etat prend en charge certains biens collectifs pour éviter leur sous-production : ils
deviennent des biens tutélaires
Document 27 : la prise en charge de certains biens collectifs par la puissance publique
L’intervention de l’Etat consiste alors à financer la production de certains biens collectifs. Usant de son pouvoir
de coercition, il prélève des impôts afin de rendre possible la production des services collectifs qu’il juge
indispensable : défense, entretiens des espaces publics, le réseau hertzien, etc ... La défense de la nation est un bon
exemple pratique : chacun a besoin d’être défendu en cas de nécessité mais a aussi intérêt à ne pas subir les coûts
de la mobilisation (qui est risquée) ; par conséquent, les individus bénéficient de l’engagement de certains,
organisé par l’Etat, sans en supporter les conséquences. Ces biens collectifs produits par la puissance publique
sont appelés des biens tutélaires.
Document 28 : certains biens « collectifs » deviennent des biens « tutélaires » (produits par l’Etat)
Les agents privés n’ont généralement pas intérêt à produire des biens collectifs, et ils font donc souvent l’objet
d’une production publique s’ils sont jugés utiles pour la collectivité. C’est le cas des grands services régaliens
(comme la justice ou la défense nationale) mais aussi des services administratifs chargés de représenter et de
défendre l’intérêt général dans chaque domaine d’activité. Différentes administrations publiques interviennent
ainsi dans le processus de gestion de l’eau, comme les directions départementales de la cohésion sociale et de la
protection des populations, chargées notamment de la surveillance sanitaire, elles contrôlent la qualité de l’eau
fournie dans chaque commune.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.206
Document 28’ : des biens collectifs aux biens tutélaires
Biens collectifs
+ Choix politiques
Jugés non nécessaires à la
collectivité
Jugés nécessaires à la
collectivité
Biens tutélaires
Production réalisée par la
puissance publique
Document 29 : attention, des biens collectifs peuvent être produits par des AE privés !
La mise à disposition de certains biens collectifs peut être le fait de l’initiative privée. R.Coase montre (« Le phare
en économie », 1974) que les phares, prototype du bien collectif, se sont en fait développés à partir du 17ième
siècle en Angleterre grâce à l’initiative privée. Il pouvait en effet s’avérer rentable de construire un phare dans une
région puis de réclamer un droit de passage aux navires accostant à proximité. Les modalités de gestion des biens
collectifs restent donc assez plastiques
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.191
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Document 30 : les biens collectifs produits par le privé !
Les biens collectifs : les consommateurs
agissent en passagers clandestins dans le
cadre d’une production dont on ne peut
exclure personne
Première solution : trouver un moyen
technique pour faire payer les
consommateurs
Seconde solution : trouver un second type
de consommateur qui utilise le service et qui
ne peut pas agir en passager clandestin
Exemple du Phare en Angleterre au 17ième
siècle
Exemple : la vente d’espace publicitaire dans
l’audiovisuel
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3.3 La présence d’effets externes provoque une sur-production ou une sous-production de
certains biens (ou services)
3.3.1
Les échanges ont des effets qui ne sont pas pris en compte par le marché : un écart
entre somme des biens êtres individuels et bien être collectif
Document 31 : les externalités ne sont pas prises en compte par les AE participants aux échanges
On parle d’externalité lorsque l’action de consommation ou de production d’un agent a des conséquences sur le
bien-être d’au moins un autre agent sans que cette interdépendance soit reconnue par le système de prix, et donc
sans donner lieu à compensation monétaire.
L’agent émetteur de l’effet externe n’est alors pas conduit à intégrer dans son calcul avantages-coûts la nuisance
(en cas d’externalité négative) ou le bénéfice (en cas d’externalité positive) que son comportement engendre pour
autrui.
Par suite, la valeur sociale de son activité diffère de sa valeur privée. S’il n’est pas rémunéré pour sa contribution
au bien-être collectif, l’émetteur d’une externalité positive optera pour un niveau sous-optimal.
Inversement, s’il n’a pas à assumer monétairement la pleine responsabilité des dommages qu’il impose, l’émetteur
d’une externalité négative (d’une pollution par exemple) choisira un niveau d’activité supérieur au niveau
socialement optimal. Notons que la défaillance de marché ne réside pas dans la pollution en tant que telle, mais se
signale par le fait que son niveau est trop élevé. Pallier cette défaillance n’impose donc pas de supprimer la
pollution. Puisque l’obstacle posé à l’efficacité du marché résulte des effets hors marché générés par les actions
individuelles, le moyen d’y remédier consiste à « internaliser » ces effets. Dans cet esprit, l’intervention publique
doit viser à accroître le coût privé de la production ou de la consommation des biens générant des externalités
négatives et de réduire celui des biens à effets externes positifs.
Source : Y.Croissant et P.Vornetti « Les motifs de l’intervention publique » in Cahiers Français n°313, 2003, p. 5
Document 32 : la somme des intérêts individuels s’écartent de l’intérêt collectif
Externalités : des décisions individuelles (prises pour optimiser les intérêts
individuels) ont aussi des conséquences sur des AE qui ne sont pas liés à l’échange
Si elles détériorent la situation des
agents non liés à l’échange
Si elles améliorent la situation des
agents non liés à l’échange
Les bénéfices privés tirés de
l’échange > au bénéfice collectif
Les bénéfices privés tirés de
l’échange < au bénéfice collectif
Externalités
Externalités
Si le marché fonctionnait de manière
optimale : ce type d’échanges
seraient ________nombreux = le
bénéfice collectif augmenterait
Si le marché fonctionnait de manière
optimale : ce type d’échanges
seraient ________ nombreux = le
bénéfice privé augmenterait
Conclusion : les biens qui génèrent
des externalités négatives _________
produits : il faudrait donc
_________ leur production
Conclusion : les biens qui génèrent
des externalités positives
_____________ produits : il faudrait
donc __________leur production
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3.3.2 Réduire les externalités négatives : l’exemple des externalités environnementales
3.3.2.1 La réglementation
Document 33 : des normes qui s’imposent de manière identique à tous les AE
Le recours à la réglementation consiste à définir des normes qui s’imposent à tous les agents, sous le contrôle des
autorités publiques. C’est le principal instrument utilisé actuellement pour réguler les prélèvements d’eaux
souterraines en France. Les prélèvements individuels dans les nappes phréatiques offrent un bon exemple des
problèmes collectifs posés par la gestion d’une ressource commune qui risque de s’épuiser localement ou de se
dégrader, et qui est à l’origine de nombreuses externalités. Une surexploitation d’une nappe phréatique entraîne
par exemple des externalités de coûts de pompage (il faut pomper plus profondément), diminue la possibilité de
s’appuyer sur la nappe phréatique pour faire face aux fluctuations des eaux de surface, et accroît le risque de
dégradation de la ressource (par exemple, une nappe qui se vide au bord des côtes est rapidement polluée par l’eau
de mer qui l’envahit). Les normes en vigueur prévoient par exemple la déclaration obligatoire des forages et la
fixation d’un quota de prélèvements. Dans les périodes de raréfaction de l’eau, les prélèvements sont interdits (…)
de façon à assurer la reconstitution des réserves.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.213
Document 34 : intérêt et limites de la réglementation
Ce type d’instruments est en apparence peu coûteux pour l’Etat contrairement à des subventions par exemple. (…)
Mais en réalité, il se révèle peu efficace (…). Les normes ne valent d’abord que si elles sont appliquées, or plus
elles se révèlent contraignantes et difficiles à vérifier, et plus elles incitent les agents à y échapper. Dans le
Roussillon par exemple, région particulièrement touchées par les risques d’épuisement des eaux souterraines,
seuls 5% à 10% des forages seraient déclarés. Si on accroît les contrôles, les normes seront davantage appliquées,
mais les coûts de surveillance peuvent se révéler très élevés. (…) Les quotas entraînent souvent des effets
distorsifs importants, car une norme qui s’applique uniformément à tous les agents ne tient pas compte du fait que
certains peuvent s’y soumettre plus facilement que d’autres. Ainsi, pour un objectif donné de réduction des
émissions polluantes, il est plus efficace de demander un effort relativement plus important aux entreprises pour
lesquelles le coût de dépollution est moindre. Imposer à toutes les entreprises le même quota d’émissions
polluantes ne permet pas d’atteindre l’objectif à moindre coût, car elles sont toutes obligées de se soumettre au
même objectif alors qu’elles ont des contraintes de coûts très différentes.
(…) Ce type d’instrument est toutefois adapté pour les émissions polluantes dangereuses où une réglementation
stricte est nécessaire car il importe que toutes les entreprises, quelle qu’elles soient et où qu’elles se situent
respectent ces normes, pour des raisons de santé publique.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.213
3.3.2.2 La taxe (ou subvention) : la solution « pigouvienne » pour réduire les externalités
Document 35 : la taxe (subvention), un instrument pour internaliser les externalités
La solution classique au problème des externalités négatives consiste à instaurer une taxe unitaire sur le bien
polluant dont le montant soit égal au dommage marginal. Appuyée sur le principe du pollueur-payeur, cette taxe
« pigouvienne » permet de rétablir la correspondance entre valeurs sociales et valeurs privées. Le remède
pigouvien trouve également à s’appliquer dans le cas d’externalités positives telles que celles engendrées par la
santé, l’éducation, la recherche, les transports … (il correspond alors à une taxe négative, c’est-à-dire une
subvention).
Source : Y.Croissant et P.Vornetti « Les motifs de l’intervention publique » in Cahiers Français n°313, 2003, p. 5
Document 36 : le montant des externalités négatives produites par l’utilisation de la voiture
Le simple fait de prendre sa voiture nuit aux autres automobilistes, car un conducteur supplémentaire sur les
routes accroît mécaniquement la probabilité de carambolage et, dans les agglomérations, provoque des
ralentissements. Une externalité négative induit par la prise de volant existe donc toujours, même si l’on conduit
bien, et sans une goutte d’alcool dans le sang. Au-delà des dommages corporels, le surcroît de dangerosité créé
par chaque automobiliste pour les autres pousse à la hausse des primes d’assurance. La taille financière de cette
externalité est considérable, surtout dans les régions à forte congestion routière. A.Edlin et P.Karaca-Mandic ont
fait le calcul pour les Etats-Unis et trouvent un montant de l’ordre de 220 milliards de dollars par an pour le pays,
dont 66 milliards pour la seule Californie, soit nettement plus que les recettes annuelles de cet Etat. Ce montant
est la taxe qu’il serait nécessaire d’imposer aux automobilistes pour qu’ils prennent en compte l’externalité qu’ils
exercent sur les autres. De manière générale, cette idée de taxer les comportements nuisibles à la mesure des
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dommages est due à l’économiste A.C.Pigou : une taxe pigouvienne sur la circulation en centre-ville existe par
exemple à Londres et à Stockholm. Dans cette dernière ville, le prix payé par les automobilistes dépend de l’heure
à laquelle ils accèdent au centre ville : il est meilleur marché de circuler en dehors des heures de pointe.
L’avantage d’une taxe pigouvienne sur une limitation arbitraire du nombre de voitures autorisées est que ceux qui
ont vraiment besoin d’accéder en voiture au centre ville ne perdent pas cette flexibilité, tandis que ceux qui en ont
la possibilité emploieront un autre moyen ou décaleront leur passage. Le régulateur ne pourrait pas deviner à
priori qui tombe dans chacune de ces deux catégories. Un domaine où la taxe pigouvienne est devenue courante
est celui de la pollution environnementale : on pense bien sur à la taxe carbonne.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.39-43
Document 37 : portée et limites du principe du pollueur-payeur
La taxe pigouvienne présente de nombreux avantages théoriques. Elle conduit d’une part les agents à faire le
choix de pollution optimale et conduit à ce que les pollueurs supportent les coûts sociaux de la pollution : c’est le
principe du pollueur payeur. (…) Cependant la taxe pigouvienne rencontre aussi des problèmes de mise en œuvre
qui conduisent à s’interroger sur son efficacité réelle. Il faut supposer que la puissance publique dispose d’un
excellent niveau d’information, de manière à déterminer précisément les coûts sociaux des externalités, faute de
quoi elle pourrait introduire une taxation ayant plus d’effets perturbateurs que correctifs. D’où la question cruciale
de l’évaluation des externalités. (…) Du point de vue de la taxe pigouvienne, le niveau actuel de la fiscalité sur les
prélèvements des eaux souterraines est clairement insuffisant : la redevance versée à l’Agence de l’eau, que
doivent payer ceux qui prélèvent des eaux souterraines (quand ils sont déclarés et possèdent un compteur d’eau)
est de l’ordre de 0,02 à 0,03 le mètre cube, et les agriculteurs bénéficient en plus d’une décote importante par
rapport à ce prix (…). La taxation n’est pas pensée pour réduire sensiblement les prélèvements, elle sert surtout à
financer certains investissements sur les cours d’eau. Au-delà de cet exemple, l’expérience des dernières années
montre que l’acceptabilité sociale d’une taxation écologique ne va pas de soi, (…) comme le suggère l’abandon de
la contribution climat énergie, qui devait taxer les émissions de carbone associées à un certain nombre de biens.
Elle s’est heurtée en 2009, après son adoption au Parlement, à l’avis négatif du Conseil constitutionnel, qui
s’opposait à la rupture d’égalité devant l’impôt de la taxe en raison des nombreuses exemptions envisagées, or,
ces exemptions avaient précisément été négociées au départ … pour favoriser son acceptabilité.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.216
Document 38 : la taxe pigouvienne
Portée
Limites
3.3.2.3 Les droits à polluer : la solution « coasienne » pour réduire les externalités
Document 39 : les externalités négatives existent car les droits de propriétés sont mal définis
Quand une externalité concerne un petit nombre d’agents, une négociation entre ces derniers est envisageable.
Elle donne la possibilité aux agents d’intégrer les externalités en trouvant un accord privé, fondé sur une
compensation monétaire des coûts et des bénéfices externes. Prenons l’exemple d’un complexe touristique situé
sur un lac et d’une industrie polluante en amont de la rivière qui alimente le lac. Considérons que d’un point de
vue juridique, l’industrie a le droit de polluer la rivière. Le complexe touristique subit une externalité due à la
pollution, dont il peut identifier la cause. S’il est capable d’estimer les coûts du préjudice subi, il a intérêt à
engager une négociation avec la firme afin de trouver un accord dans lequel l’industrie s’engage à réduire la
pollution en l’échange d’une aide financière du complexe touristique. Ce dernier est prêt à payer pour la réduction
d’une unité de pollution tant que le bénéfice qu’il retire de la dépollution est supérieur à l’indemnité qu’il doit
verser à l’entreprise polluante pour qu’elle émette une unité de pollution en moins. Cette dernière va accepter de
réduire sa pollution d’une unité tant que la somme versée pour réduire d’une unité la pollution émise soit
supérieure au coût marginal de dépollution. Cet arrangement les amène à intégrer dans leur prise de décision les
bénéfices et les coûts externes de leur action. Ils vont ainsi négocier un accord tel que le niveau optimal de
pollution est atteint. Le marché n’est donc pas défaillant dans ce cas. Le théorème de Coase stipule ainsi que
quand les coûts de transaction sont nuls, les agents sont capables de trouver une solution efficace pour internaliser
les externalités, sans que l’intervention de l’Etat soit nécessaire. (…) Toutefois, l’hypothèse d’une absence des
coûts de transaction est en fait très restrictive, car les situations d’externalités sont souvent très complexes et
nécessitent des coûts importants pour négocier un accord, vérifier sa mise en œuvre, … R.Coase considérait luimême que ce théorème était peu réaliste, dans la mesure où la présence de coûts de transaction est plutôt la règle.
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Quand la pollution résulte des interactions entre des millions de producteurs et d’usagers, comme c’est le cas pour
la pollution de l’eau par les nitrates, les coûts de transaction liés aux négociations sont très élevés : un ménage
insatisfait de la pollution en nitrates ne peut entamer une négociation avec tous les agriculteurs qui peuvent être à
l’origine de son préjudice. Dans ce cas, le marché est mis en échec et l’intervention de l’Etat est nécessaire pour
internaliser les externalités afin que l’optimum social soit atteint.
Source : M.Navarro et E.Buisson-Fenet « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.203
Document 40 : le cas où l’usine détient les droits à polluer
Quand une externalité concerne un petit nombre d’agents, une négociation entre ces derniers est envisageable.
Elle donne la possibilité aux agents d’intégrer les externalités en trouvant un accord privé, fondé sur une
compensation monétaire des coûts ou des bénéfices externes.
Prenons l’exemple d’un complexe touristique situé sur un lac et d’une industrie polluante en amont de la rivière
qui alimente le lac. Considérons que d’un point de vue juridique, l’industrie a le droit de polluer la rivière. Le
complexe touristique subit une externalité due à la pollution, dont il peut identifier la cause.
S’il est capable d’estimer les coûts du préjudice subi, il a intérêt de trouver un accord dans lequel l’industrie
s’engage à réduire la pollution en échange d’une aide financière du complexe touristique.
Ce dernier est prêt à payer pour la réduction d’une unité de pollution tant que le bénéfice qu’il retire de la
dépollution est supérieur à l’indemnité qu’il doit verser à l’entreprise polluante pour qu’elle émette une unité de
pollution en moins. Cette dernière va accepter de réduire sa pollution d’une unité tant que la somme versée pour
réduire d’une unité de pollution émise est supérieure au coût marginal de dépollution. Cet arrangement les amène
à intégrer dans leur prise de décision les bénéfices et les coûts externes de leur action. ils vont ainsi négocier un
accord tel que le niveau optimal de pollution est atteint. Le marché n’est donc pas défaillant dans ce cas de figure.
Le théorème de Coase stipule ainsi que quand les coûts de transaction sont nuls, les agents sont capables de
trouver une solution efficace pour internaliser les externalités, sans que l’intervention de l’Etat soit nécessaire.
L’internalisation d’une externalité signifie que chacun intègre les coûts et les bénéfices externes de son action
dans sa prise de décision.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.202
Document 41 : le cas où le complexe touristique détient les droits à polluer
Ce résultat est valable quelle que soit la façon dont sont définis les droits de propriété. Reprenons l’exemple
précédent. Le fait que l’industrie polluante rejette ce que bon lui semble dans la rivière sans que le complexe
touristique puisse protester revient à considérer que l’industrie a un droit de propriété sur la rivière puisqu’elle
peut en faire libre usage (le droit d’usage est un des droits liés à la propriété). Supposons à présent que la rivière et
le lac soient la propriété du complexe touristique. Ce dernier peut interdire à l’industrie le rejet de toute émission
polluante. Le complexe subissant un préjudice à la pollution, sans négociation, il ne va pas autoriser l’industrie à
émettre la moindre pollution. Mais cette dernière est disposée à verser une somme au complexe pour la
dédommager de la pollution subie. L’industrie sera prête à payer tant que le bénéfice marginal qu’elle retire de
l’émission d’une unité supplémentaire de pollution (économie des frais de traitement des eaux usées par exemple)
est supérieur à la dépense supplémentaire qu’elle doit engager pour dédommager le complexe. Ce dernier va
autoriser l’industrie à émettre une unité supplémentaire de pollution tant que la somme versée pour autoriser ce
surcroît de pollution compense les coûts qu’elle génère. Au final, la négociation va aboutir à une situation
équivalente au premier cas de figure du point de vue de la quantité d’émission polluante. En revanche, du point de
vue de la répartition des revenus, les deux situations ne sont pas équivalentes.
Dans le premier cas de figure, le complexe touristique verse une somme à l’industrie pour qu’elle réduise sa
pollution alors que dans le second, c’est l’industrie polluante qui indemnise le complexe pour avoir l’autorisation
de polluer.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.202
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Nicolas Danglade
Document 42 : la solution coasienne pour internaliser les externalités
Solution coasienne
Créer un marché où s’échangent des droits à polluer
Admettons par exemple, une firme polluante et un AE pollué qui possède des droits
à polluer qu’il peut vendre à l’entreprise
Décision de la firme polluante ?
Le coût de la dépollution est croissant avec la quantité produite
Elle va alors arbitrer :
Tant que le coût de la dépollution est inférieur au prix du DP, l’entreprise va dépolluer ;
Mais comme le coût de dépollution augmente, il arrive un moment où ce prix devient supérieur au prix du droit à
polluer ; conséquence : l’entreprise achète un droit à polluer et pollue
Internalisation des externalités ?
Le prix du droit à polluer vendu par l’AE pollué donne une valeur à la pollution : il indique le montant de la
compensation que l’AE pollué demande pour la pollution réalisée et il dépend de la technique de dépollution
utilisée par l’entreprise
Le marché n’est plus défaillant ;
En créant des DP = internalisation des
externalités
La somme des intérêts individuels
correspond désormais à l’intérêt
général
Limites à la pollution ?
- Moins la technique de dépollution est onéreuse, moins l’entreprise
a besoin d’acheter un DP (elle préfère dépolluer que polluer) ;
- Plus le prix du droit à polluer est élevé, moins l’entreprise cherche
à acquérir ce droit et préfèrera dépolluer plutôt que polluer
(inversement, moins le prix du droit à polluer est élevé, plus
l’entreprise est incité à l’acheter et moins elle dépollue
Document 43 : les limites de la solution coasienne
Toutefois, l’hypothèse d’une absence de coûts de transaction, nécessaire pour valider le théorème de Coase est en
fait très restrictive, car les situations d’externalités sont souvent très complexes, et nécessitent des coûts
importants pour négocier un accord, vérifier sa mise en œuvre …. R.Coase considérait lui-même que ce théorème
était peu réaliste, dans la mesure où la présence de coûts de transaction est plutôt la règle. Quand la pollution
résulte des interactions entre des millions de producteurs et d’usagers, comme c’est le cas pour la pollution de
l’eau par les nitrates, les coûts de transaction liés aux négociations sont très élevés : un ménage insatisfait de la
pollution de nitrates ne peut entamer une négociation avec tous les agriculteurs qui peuvent être à l’origine de ce
préjudice. Dans ce cas, le marché est mis en échec.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.203
Document 44 : les droits à polluer (Coase)
Portée
Limites
3.3.2.4 Le marché des quotas et le système du « cap and trade »
Document 44 : marché des permis à polluer et quotas
Comme le dysfonctionnement de l’économie liée à la présence d’externalités s’explique souvent par l’absence de
marché qui fixerait un prix à l’externalité, certains économistes ont préconisé la mise en place d’un marché
boursier où les parties concernées pourraient échanger des titres de propriété des ressources environnementales.
L’Etat fixe alors un objectif de pollution, et distribue ou alloue, par exemple aux enchères, le montant
correspondant de droits à polluer à l’entreprise et aux riverains. L’entreprise doit posséder un nombre de droits
égal aux rejets effectués ; si elle en possède plus que nécessaire, elle peut décider de les revendre aux riverains ou,
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Nicolas Danglade
à l’inverse, les riverains diminuent le stock de permis disponible pour les entreprises réduisant d’autant la
pollution. (…)
Dans le cadre du protocole de Kyoto, qui a fixé un objectif de réduction des émissions mondiales de 5% par
rapport au niveau de 1990, l’UE s’est engagée à réduire de 8% entre 2008 et 2012 ses propres émissions de GES,
toujours par rapport à 1990. Pour ce faire, l’UE a lancé en janvier 2005 un marché d’échange des quotas
d’émissions de carbone. Chaque année, les pays élaborent un plan national d’allocation des quotas qui doit être
ratifié par la Commission européenne et qui indique le nombre de quotas accordés à leurs entreprises et la façon
dont ils sont répartis. Les quotas sont alors distribués gratuitement aux installations industrielles concernées.
Celles-ci sont au nombre de 11 400 dans les secteurs de l’énergie, de la production et de la transformation des
métaux ferreux, de l’industrie minérale et de la fabrication de papier et de carton.
Source : P.Bontems et G.Rotillon « L’économie de l’environnement », La découverte, 2008, p.57 et 69
Document 45 : distinction taxe et marché des permis à polluer
Une bonne politique doit être efficace (elle doit permettre de maintenir les émissions sous un certain niveau),
efficiente (elle doit minimiser les coûts à objectif donné) et équitable. Ces critères déterminent les choix entre les
instruments dits « économiques » (taxes, subventions et marché des droits) et les instruments dits
« réglementaires » (normes, interdictions …).
Dans les instruments économiques, on distingue ce que l’on appelle les « politiques de prix » (taxe), qui
permettent un contrôle du prix payé par le pollueur, et les « politiques de quantités », comme les marchés de
permis d’émissions, qui conduisent en principe au contrôle des quantités de pollution émise. A un premier niveau
les choses sont assez simples : pour les économistes, les taxes et les marchés de permis ont des effets à peu près
équivalents sur les quantités, les prix et l’incitation à dépolluer. Si l’on instaure une taxe de 20 euros par tonne sur
le carbone et que le carbone s’échange à 20 euros la tonne sur le marché de permis, l’effet sur les incitations à
réduire les émissions, mais aussi, à la marge, sur les coûts des producteurs qui utilisent du carbone et donc in fine
sur les prix des produits est pour l’essentiel identique : c’est ce que dit la théorie, et cette analyse est largement
corroborée par l’observation. (…)
Mais l’équivalence entre taxe et permis ne s’applique que dans un monde où tout est certain. L’incertitude vient
compliquer singulièrement le résultat, car alors on ne peut plus avoir à la fois de la certitude sur le prix du carbone
et de la certitude sur les quantités de carbone émises. Si vous pensez qu’émettre trop de gaz à effet de serre est le
risque le plus important, alors il faut privilégier les instruments de régulation des quantités, c’est-à-dire les
marchés de permis. (…) En présence d’incertitude, le marché donne de la certitude sur les quantités quand la taxe
en donne en principe sur les prix.
Source : R.Guesnerie et N.Stern « Deux économistes face aux enjeux climatiques », 2012, Le Pommier, p.55
Document 46 : distinguer les avantages de la taxe et des permis à polluer
Politique
Politique de prix
Politique de quantités
Objectif ?
Taxe
Permis à polluer (marché des
quotas)
Prix du droit à polluer d’une tonne
Quelle différence entre les deux Taxe = 20 euros la tonne
est de 20 euros
politiques si :
Univers d’incertitude : le risque à
combattre = limiter l’émission de
GES, quelle politique choisir ?
Univers d’incertitude : le risque à
combattre = avoir un prix du
carbone qui ne soit pas désincitatif,
quelle politique choisir ?
Document 47 : limites du cap and trade
(Dans le cas des politiques environnementales) L’inefficacité de la taxe ou des quotas échangeables ne peut venir
que d’une erreur d’appréciation ex ante des dommages et/ou bénéfices (…). Dans le cas d’une taxe, une erreur
d’appréciation des bénéfices marginaux conduira à une discordance entre le niveau des émissions observé et le
niveau attendu ; dans un système de quotas échangeables, c’est un écart de prix qu’on observera. L’effondrement
du prix du carbone ces dernières années sur le marché européen illustre assez bien ce type d’erreur d’appréciation.
La surévaluation des bénéfices marginaux de pollution a poussé les autorités publiques à fixer un quota total trop
généreux, ce qui explique une partie de la baisse du prix, une autre partie étant dure à la mauvaise conjoncture
économique. (…)
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Nicolas Danglade
Source : Marc Baudry in Cahiers Français « L’environnement sacrifié ? » n°374, juin 2013
Document 48 : l’exemple des émissions de quotas de CO2
En 2005, les pays de l’UE ont émis 2,2 milliards de tonnes de CO2 (1 tonne = 1 quota), et le montant total des
transactions a été estimé à 260 millions de tonnes, soit 12% des allocations initiales. Toutefois, les émissions ont
été inférieures de 44 millions de tonnes par rapport aux quotas fixés. Conséquence de cette surabondance, le prix
du quota qui était de 8,5 euros le 3 janvier 2005 et qui avait atteint 31 euros à la mi-avril 2006 s’est effondré pour
revenir à 8,6 euros en mai 2006
Source : P.Bontems et G.Rotillon « L’économie de l’environnement », La découverte, 2008, p.69
Document 49 : Politique environnementale pour limiter les GES (pollution/externalités négatives)
Objectif à atteindre ?
Le prix du carbone :
Etre certain que les AE vont intégrer dans
leur décision l’impact négatif sur les autres
La quantité d’émissions
Etre certain que les décisions des AE ne
conduisent pas à dépasser un certain seuil
d’émissions de GES
Utiliser l’instrument ?
Utiliser l’instrument ?
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Nicolas Danglade
4. Les caractéristiques du marché produisent des « défaillances » : l’analyse de ces
défaillances de marché dans le cadre de la nouvelle microéconomie
4.1 Sélection adverse et aléa moral produisent des défaillances de marché
Document 50 : l’apport de la théorie des asymétries d’information à la compréhension des défaillances de
marché
Avant le développement de la théorie des asymétries d’information, la plus grande partie de la science
économique se focalisait sur (…) la perte du surplus économique due aux inefficacités allocatives. Le saut
conceptuel fondamental de la littérature économique portant sur les asymétries d’information a été de comprendre
que ces pertes sèches étaient somme toute de faible amplitude, de l’ordre de quelques pour cent de surplus perdus,
et que la majeure partie des inefficacités économiques était d’une autre nature ; elles provenaient des
comportements stratégiques des agents détenant du pouvoir par l’information qu’ils possédaient à titre privé.
La conclusion est donc nécessairement subtile : elle ne peut se résumer à un slogan simple comme « plus de
marché » ou « moins de marché ». En asymétrie d’information, les implications normatives de la discipline sont
parfois contradictoires.
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 448
Document 51 : sélection adverse et aléa moral (définitions)
Lorsque la caractéristique d’un bien (d’un individu ou d’une entreprise) est cachée à certains agents, le
comportement optimal des agents conduira à l’anti-sélection. La raison est qu’en l’absence du dispositif
institutionnel, ce type d’asymétrie d’information peut conduire les agents avec les meilleures caractéristiques à
quitter le marché et à n’y laisser que les agents avec les caractéristiques les moins favorables.
Il y a des situations dans lesquelles, c’est l’action d’un agent qui n’est pas observable par les autres agents (ou
pas vérifiables par un tiers). Ce type d’asymétrie d’information conduira alors à une situation de risque moral ou
aléa moral. Cela conduit l’effort réalisé pour cette action à être sous-optimal. Une manière de présenter le risque
moral est la suivante : c’est un contexte dans lequel un individu agit d’une certaine façon, et cette façon serait
différente s’il était observé par les individus avec lesquels il interagit.
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 400-410
Document 52: le marché fonctionne mal en situation d’asymétrie d’information
Les caractéristiques d’un agent ou d’un bien ne
sont pas connues de l’agent avec qui il échange
Fonctionnement du marché ?
Les actions d’un agent ne sont pas observables
par l’autre agent avec lequel il échange
Fonctionnement du marché ?
Les « bons » agents ou « bons » produits
disparaissent du marché : il ne reste que les
« mauvais » ;
L’effort réalisé par le premier agent est inférieur
à ce qu’il devrait être ;
Le risque que souhaite éviter l’acheteur qui est
victime de l’asymétrie d’information a plus de
chance de se réaliser
Cet agent peut alors avoir un comportement
opportuniste dont les conséquences affectent
négativement l’autre agent
Si cet agent est l’offreur : retrait et disparition
de l’offre sur le marché (crédit bancaire,
refinancement interbancaire)
Si cet agent est le demandeur : retrait et
disparition de la demande sur le marché
(voitures d’occasion)
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4.2 Les effets de la sélection adverse : l’exemple du marché des voitures d’occasion
Activité 53 : asymétrie de l’information et sélection adverse, l’exemple du marché des voitures d’occasion
Dans le modèle concurrentiel de base, on suppose que les ménages et les entreprises sont bien informés. Cela
signifie que les uns et les autres connaissent leur domaine de choix possibles, les produits disponibles et leurs
prix. Ils sont censés connaître les caractéristiques de chaque bien, y compris leur durée de vie. Pour certains
achats, les consommateurs disposent d’une information d’excellente qualité, (…) mais dans la majorité des cas,
pour acheter, nous devons prendre des décisions sur la base d’une information qui est loin d’être parfaite. (…)
Certaines voitures sont de moins bonne qualité que d’autres. Elles possèdent des défauts cachés dont le
propriétaire ne s’aperçoit qu’au bout d’un certain temps d’utilisation. Il s’agit de produit de « mauvaise qualité »
(« lemons » en anglais) qui sont sans cesse en panne. Les propriétaires cherchent à s’en débarrasser en la
revendant à quelqu’un d’autre. En d’autres termes, ceux qui possèdent les produits de mauvaise qualité seront les
plus pressés de les vendre. Quand les prix de l’occasion augmentent, ces premiers vendeurs sont rejoints par les
propriétaires de voitures de meilleure qualité, qui veulent, par exemple, remplacer leur ancien modèle par celui
qui vient de sortir. Inversement, quand les prix baissent, un plus grand nombre de voitures en bon état sont retirées
du marché car les propriétaires décident de les garder (car ils ne veulent pas « brader » leur véhicule dont ils
savent qu’il est de bonne qualité). La qualité moyenne des voitures mises en vente diminue sur le marché. On dit
qu’il y a « sélection perverse » ou « sélection adverse ».
Source : Stiglitz, Principes d’économie moderne, 2007, De Boeck, p.230 et 316
Activité 54 : la forme des fonctions d’offre et de demande
Quand le prix augmente, le nombre de voitures offertes à la vente sur le marché s’accroît.
La courbe de demande a quant à elle une forme particulière. Elle est croissante à certains moments, et
décroissante à d’autres. La demande ne dépend pas seulement du prix, elle dépend aussi de la qualité. Si la qualité
se dégrade rapidement quand le prix baisse, alors la quantité demandée diminue avec la baisse des prix. Les
acheteurs ne sont pas en mesure de faire le tri entre ceux qui ont une raison légitime de vendre leur voiture, et
ceux qui veulent s’en débarrasser car ils possèdent un « lemon » (c’est-à-dire entre les voitures qui fonctionnent
mal et les voitures en bon état). Plutôt que de prendre un risque, ils préfèrent renoncer à acheter. La demande
baisse donc. Plus la demande est faible, plus la proportion de lemons supposés augmente, ce qui fait encore fuir
les acheteurs potentiels, entraînant un cercle vicieux. Il résulte de cette situation d’asymétrie de l’information que
les acheteurs et les vendeurs ont des chances d’être moins nombreux qu’en situation d’information parfaite ; on
dit que les marchés sont plus « étroits » ; lorsque la demande disparaît complètement, on parle de marchés
incomplets.
Source : Stiglitz, Principes d’économie moderne, 2007, De Boeck, p.230 et 316
Remplir le tableau suivant :
Prix de marché faible
Prix de marché élevé
Critère sur lequel la demande
prend sa décision : le prix ou
la qualité ?
Réaction de la demande à la
baisse du prix
Relation prix/demande
Pente de la droite de
demande
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Document 55: le marché des voitures d’occasion
Au-dessous d’un certain prix :
Au-dessus d’un certain prix :
La décision est prise en fonction de
la qualité supposée du B/S
La décision est prise en fonction du
prix du B/S
Lorsque le prix baisse, les AE
anticipent une chute de la qualité
Lorsque le prix baisse, la contrainte
budgétaire AE diminue
La défiance augmente = la
demande baisse
La demande augmente
Document 56 : crise de confiance et arrêt du marché
Il est assez illustratif de la façon dont certaines crises de confiance peuvent se produire et s’amplifier ; la crise de
la filière bovine en serait un exemple : il est difficile d’observer la qualité de la viande que l’on achète, car elle
dépend en partie de la qualité de l’élevage dont est issu l’animal. Dans ce contexte, tant que les consommateurs
ont confiance, les prix permettent aux producteurs de qualité de rester sur le marché. Mais la découverte de
pratiques condamnables ou d’élevages intensif diminue cette propension à payer, ce qui affaiblit l’élevage de
qualité ; toute la filière en souffre, avec des baisses de prix qui, de temporaires, peuvent devenir durables si la
qualité a baissé. Les marchés où ce type de mécanisme peut jouer son nombreux : la qualité d’un vin est
inobservable dans un rayon de supermarché, la qualité des titres d’un portefeuille titrisé de crédits immobiliers
aussi.
Dans chacun de ces exemples, les marchés peuvent être rapidement déstabilisés dès lors qu’un doute apparaît sur
les produits. Une solution possible est de tenter de certifier les produits mis en vente. Les vendeurs ont un intérêt
très fort à rétablir un minimum de transparence et d’information sur le marché (contrôles techniques, guides de
qualité, labels, …).
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 400-410
Document 57 : de la sélection adverse à la disparition du marché
Une caractéristique du bien / d’un agent n’est pas connue par le co-échangiste
Sélection adverse
Le fonctionnement du marché conduit les agents qui n’ont pas l’information a se retirer
du marché
Le marché « disparaît »
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Nicolas Danglade
4.3 Réduire les asymétries d’information : révéler l’information pour réduire la sélection
adverse
4.3.1 Réduire l’asymétrie d’information du côté de l’offre
Document 58 : révéler l’information du côté de l’offre
Une solution possible (…) est de tenter de certifier les produits mis en vente. En effet, les vendeurs ont un intérêt
très fort à rétablir un minimum de transparence et d’information sur le marché, de façon à segmenter en sousmarchés où la qualité est connue, donc où le marché fonctionnera en information complète. La certification (…)
peut prendre plusieurs formes.
Sur le marché des voitures d’occasion analysé par Akerlof, on peut imaginer la mise en place de contrôles
techniques ou que les concessionnaires s’engagent sur une garantie pièces et main d’œuvre. Sur le marché du vin,
des intermédiaires vont éditer des guides de qualité. (…) Les mécanismes des jeux répétés sont une autre façon
d’instaurer une confiance dans le produit vendu : si un vendeur sait qu’il va de façon récurrente rencontrer son
acheteur, il va éviter de lui cacher la qualité du bien, faute de quoi l’acheteur ayant fait une mauvaise affaire ne
reviendra pas. (…) D’autres mécanismes plus subtils, sont une conséquence de ce besoin de répétition des
transactions et de la confiance. Il n’est pas toujours possible de consommer le même bien au même endroit, en
particulier lorsqu’on se déplace. Akerlof conclut son article de 1970 en faisant remarquer de façon astucieuse que
sur les aires d’autoroute, on trouve souvent des entreprises de restauration rapide sous forme de marques
franchisées, alors que les fast-food indépendants, dépourvus de ce label, son en revanche le plus souvent en
marges des quartiers résidentiels. L’interprétation est simple : si l’on peut obtenir de l’information sur la qualité
du restaurant par le bouche à oreille ou la répétition dans son quartier, il n’y a pas besoin d’une marque pour
instaurer la confiance. En revanche, lorsqu’un consommateur est en déplacement, et qu’il est à peu près certain
pour le consommateur comme pour le producteur que la probabilité de revenir au même endroit est très faible,
l’incitation du restaurateur à offrir un service de qualité est plus faible. La présence d’une marque peut alors
établir la confiance. Ici la répétition ne se fait pas dans le temps, mais grâce à la marque.
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 412
4.3.2
Réduire l’asymétrie d’information du côté de la demande
Document 59 : révéler l’information du côté de la demande, le cas de l’assurance
Imaginons que des agents économiques souhaitent se couvrir contre un risque d’accident. Imaginons qu’il existe
deux types d’agents (fort risque et faible risque). (…) En information incomplète, le coût du contrat moyen sera
toujours supérieur à ce que les agents à faible risque sont prêts à payer pour se couvrir. Les individus du groupe
«faible risque » vont se retirer du marché. La compagnie d’assurance va donc voir la fraction du groupe à « haut
risque » augmenter, et donc recalculer ses tarifs à la hausse, ce qui va conduire d’autres personnes du groupe à
faible risque à quitter le marché, et ainsi de suite. L’anti-sélection aura donc joué un rôle déstabilisant pour le
marché.
On pourrait imaginer une solution partielle pour l’assureur : tenter de retrouver « statistiquement » quels sont les
groupes à faible risque et ceux à risque élevé et leur proposer autoritairement des primes d’assurances différentes.
Mais ce type de solution a des limites (qui peuvent être légale et/ou éthique).
Plutôt que d’imposer des contrats différents, les assureurs peuvent par exemple laisser au choix plusieurs contrats
différents, en offrant donc un « menu » de contrats. Les assurés vont alors choisir le contrat qui leur est
personnellement le plus favorable. (…) Cela permettra d’offrir une assurance même aux personnes de faible
risque, qui sinon préféreraient s’auto-assurer contre le risque plutôt que de payer pour les personnes à plus fort
risque.
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 416-417
Document 60 : réduire les asymétries d’information pour réduire la sélection adverse
Asymétrie d’information
Du côté de la demande
Du côté de l’offre
Exemple de l’assurance
Exemple des voitures d’occasions, du
Sélection adverse
Si tous les AE paient la même vin
assurance, les « meilleurs » AE vont Si les AE acheteurs n’ont pas
sortir du marché
confiance dans la qualité du bien, ils
se retirent du marché
Les
acheteurs
d’assurance
vont
Les vendeurs de voitures vont révéler
Conséquence
révéler leurs préférences à l’aide de les informations sur la qualité de leur
menus de contrat
voiture (certification, label …)
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Nicolas Danglade
Document 60b: sélection adverse + préférences sociales, le cas de l’assurance chômage obligatoire
La difficulté d’une assurance privée est un problème d’anti-sélection. Si l’assurance chômage est facultative, seuls
les ouvriers exposés souscriront, à un coût élevé, et les cadres, soumis à un risque moindre, souhaiteront s’assurer
eux-mêmes ou dans un système différent. Dans ce cas, la dimension pertinente pour le risque, la profession, est
observable. On pourrait donc imaginer une segmentation du système : ce serait sans doute inégalitaire puisqu’il
n’y aurait pas de redistribution entre groupes, mais le système pourrait fonctionner. La difficulté est autre. Le
risque de chômage n’est pas entièrement observable. Il est aussi lié à des dimensions inobservables pour
l’assureur : la santé financière réelle de l’entreprise, l’adéquation du travailleur à son emploi, la qualité de sa
relation à son chef de service, son sérieux, entre autres. Les individus moins sérieux, ayant de moins bonnes
relations avec leur chef de service, bref, anticipant un risque de chômage, souscriront plus volontiers à une
assurance chômage. En poussant la logique à l’extrême, l’assureur risque de n’assurer que ceux qui vont
effectivement être au chômage, à un coût qui sera très certainement très élevé. La solution est donc (…) d’imposer
une assurance obligatoire et collective, donc des cotisations chômage obligatoires et gérées par un organisme à but
non lucratif, en l’occurrence en France une gestion paritaire entre syndicats et organisations patronales. La logique
de l’assurance maladie est similaire. Le risque de maladie est difficile à connaître, et a priori encore plus pour
l’assureur que pour l’assuré, sauf à imposer des tests très poussés. Pour éviter que les gens en bonne santé s’autoassurent et que les gens en mauvaise santé ne puissent plus s’assurer sauf à des taux très élevés, on oblige tout le
monde à cotiser à la Sécurité sociale, ce qui est un transfert de fait entre les assurés sociaux : on mutualise les
risques, et on évite la dérive d’un secteur privé de l’assurance qui tenterait de segmenter les cotisations en
fonction des caractéristiques observables (âge, sexe …).
En revanche, comme la demande de santé est hétérogène dans la population (certaines familles veulent
parfaitement être assurées, avoir des conditions d’hospitalisation meilleures, des soins plus complets), une partie
de l’assurance de santé est laissée au secteur privé ou à des mutuelles complémentaires.
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 416-417
Document 60c : le cas de l’assurance obligatoire, l’asymétrie de l’information conduit à la production
publique (bien privé tutélaire)
Les individus doivent s’assurer contre un risque : chômage, maladie
Situation d’asymétrie d’information : l’assureur ne connaît par la « qualité » de l’assuré
Risque : segmentation entre les « bons » assurés qui s’auto-assurent à faible coût et les
« mauvais » assurés qui s’assurent à coût plus élevé
Si on considère que certains risques sont des « risques sociaux » (qui dépendent moins des
individus que la collectivité / c’est un choix collectif exprimé politiquement) :
la protection des individus doit être sociale et non individuelle
Mise en place d’une assurance obligatoire et publique : mutualisation collective des risques =
bien privé tutélaire
4.3.3
Les effets de l’aléa moral
Document 61 : l’aléa moral et le modèle « principal/agent »
L’aléa moral ne résulte pas d’une information cachée sur la nature d’un agent, mais sur ses actions.
Les situations sont très courantes. On peut en énumérer certains. L’entreprise (principal) et le salarié (agent) sont
dans une relation entachée d’aléa moral, car le soin, la qualité ou la quantité d’effort mis par un salarié ne sont pas
directement observables. (…) Le second exemple, c’est la relation d’agence au sein de la firme. Le principal est
représenté par l’actionnaire, l’agent est cette fois le dirigeant d’entreprise. Le principal veut que le dirigeant
prenne les meilleures décisions possibles pour l’entreprise. Mais le dirigeant (agent) peut avoir son propre agenda,
différent de la stricte maximisation du profit. L’action cachée est la gestion courante de l’entreprise, les choix
effectués, les stratégies retenues. Des parents qui font garder leurs enfants du matin au soir ne savent pas ce qui se
passe pendant la journée, ne serait-ce que pour des choses aussi banales que le temps consacré à l’enfant : sera-t-il
stimulé ou le laissera-t-on livré à lui même pendant quatre heures ? L’agent (l’assistante maternelle) sera parfois
tenté de se conduire différemment s’il sait que le principal (les parents) n’ont pas de pouvoir de contrôle.
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Nicolas Danglade
Un assureur (le principal) réfléchit à accepter un contrat assurant le centre sportif qui emmène des clients
étrangers au sommet du Mont Blanc. Idéalement, il aimerait que l’agent (le guide) prenne toutes les précautions,
vérifie le matériel, annule la randonnée si la météo est variable, … mais du point de vue du guide, suivre à la lettre
ces consignes, à supposer que l’on puisse même en écrire le détail, est coûteux, nécessite du temps et peut même
lui faire perdre des clients s’il est exagérément prudent par rapport à ses concurrents. L’assureur n’a pas de moyen
direct de vérifier si les précautions ont été prises directement, car l’information précise est trop coûteuse à
collecter. L’effort inobservable est ici la prudence du guide et son professionnalisme.
Le même exemple se retrouve pour l’assurance automobile : le principal, la compagnie d’assurance, souhaite que
les conducteurs roulent prudemment, fassent des pauses, ne doublent pas imprudemment, mais ne pourra jamais le
vérifier complètement. La prudence de la conduite de l’agent n’est pas observable directement par l’assureur. (…)
Le client d’un garage (le principal) délègue à un agent (le garagiste) la réparation d’une voiture : celui-ci prétend
avoir passé 6 heures à la réparer (action invérifiable, a changé une pièce qu’il n’était pas nécessaire de changer,
prétend qu’il faut changer telle autre pièce dans les deux mois …
l’aléa moral a ainsi été défini de diverses façons ; on pourrait dire pour résumer que l’aléa moral est une situation
dans laquelle un agent agit différemment selon qu’il est ou non observé dans les actes qui entrent dans le cadre de
sa relation avec le principal. (…)
Dans plusieurs contextes, l’observabilité ne suffit pas (…). Dans ces cas, il faudra mettre en œuvre des solutions
imaginatives pour obtenir le meilleur effort possible de l’agent.
Source : Etienne Wasmer « Principes de microéconomie », Pearson, 2010, p. 432
Document 62 : aléa moral et comportement opportuniste
Problème dans la situation du « principal »/ « agent »
Les actions d’un agent ne sont pas observables par un autre :
le « principal » ne peut pas contrôler ce que fait « l’agent »
« L’agent » peut alors modifier son comportement et ne pas
respecter les engagements de son contrat avec le « principal » :
il adopte un comportement opportuniste
Exemple : l’assuré avec l’assureur, le salarié avec l’employeur, le
PDG avec les actionnaires, le garagiste avec le client, …
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Document 63 : les solutions adoptées par les AE pour réduire les conséquences des asymétries
d’information peuvent elles aussi réduire l’efficience des marchés, l’exemple du marché du travail
Asymétrie d’information : l’employeur ne contrôle
pas la productivité du salarié
Il a peur d’avoir à faire à un comportement
opportuniste de tire au flanc
Il décide alors de le payer au-dessus du prix
d’équilibre (prix de marché)
Pour faire augmenter le coût d’opportunité en cas de
licenciement (théorie des contrats implicites)
Pour le stimuler et faire augmenter sa
productivité (théorie du salaire d’efficience)
Conséquence commune : le salaire réel se fixe au-dessus du salaire d’équilibre
= rigidité sur le marché du travail qui provoque du chômage involontaire
4.3.4
Réduire l’aléa moral : le rôle des contrats incitatifs
Document 64 : les contrats incitatifs
Pour limiter le risque d’aléa moral, il faut réduire l’asymétrie d’information, mais tout contrôle a un coût et il est
impossible de les supprimer complètement. Plutôt que de chercher à les contrôler, certains économistes proposent
de concevoir des contrats incitants les individus à en respecter les termes et à renoncer à adopter des
comportements opportunistes. On parle de contrats incitatifs. La théorie des contrats incitatifs (développée par
J.J.Laffont et .Tirole) vise à élaborer des modèles pour déterminer quelles sont les structures des contrats les plus
efficaces pour inciter les agents à suivre l’objectif fixé. La plupart des banques proposent par exemple aujourd’hui
à leurs clients des contrats d’assurance automobile auxquels sont associés des systèmes de bonus et malus. Un
tarif de base de l’assurance est défini entre la banque et son client et en cas de mauvais comportements, le tarif à
payer pour s’assurer va augmenter. A l’inverse, si la personne n’a pas d’accidents pendant un certain temps, elle
verra son bonus augmenter et paiera des cotisations moins élevées. Un tel mécanisme incite les individus à ne pas
être imprudents même s’ils sont assurés.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.175
Document 65
Asymétrie d’information : aléa moral
Risque : comportement opportuniste
Comment réduire ce risque ?
Contrat incitatif : exemple
les bonus/malus …
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Contrat révélateur : menus de
contrat, système d’enchères, …
4.4 Les asymétries d’information et les crises financières
4.4.1
Frictions de crédit et disparition des marchés (marchés incomplets)
Document 66 : les marchés sont incomplets
L’optimalité de l’équilibre de marché repose sur l’existence de marchés pour un ensemble de transactions à des
horizons plus ou moins lointains. Si certains marchés sont absents ou défaillants, l’équilibre de marché n’est plus
nécessairement optimal au sens de Pareto.
Par exemple, faute de collatéral sur lequel gager l’emprunt, il est très difficile d’emprunter pour financer ses
études. C’est en outre risqué, car le choix d’une spécialisation professionnelle est difficilement prévisible. La
quasi-absence d’un marché du crédit sur lequel les jeunes pourraient emprunter pour financer des investissements
dans leur propre capital humain tend à limiter l’accès à l’éducation supérieure, en particulier dans les pays en
développement. En l’absence d’intervention publique, l’investissement privé en capital humain est donc sousoptimal, ce qui nuit à la croissance.
Cet argument fournit une justification à l’intervention publique quand les marchés sont incomplets. Dans
l’exemple ci-dessus, c’est l’efficacité économique qui motive le financement des études par des bourses et l’offre
de service d’éducation public. Cependant, les gouvernements peuvent aussi créer des nouveaux marchés : dans les
années 1990, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont introduits des prêts aux étudiants conditionnés au revenu,
dont le remboursement dépend du revenu futur du bénéficiaire du prêt. Un certain nombre de pays, comme le
Chili, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud et la Thailande ont par la suite suivi cette voie. Ce type de réforme est
fréquemment introduit en contrepartie d’une augmentation des frais de scolarité. Robert Shiller (2003) a proposé
d’aller au-delà de ce système en développant des produits financiers spécifiques qui protègeraient les étudiants
contre le risque de dévalorisation de leur capital humain, lié à des évènements économiques.
Source : Agnès Bénassy-Quéré, B.Coeuré, Pierre Jacquet & Jean Pisani-Ferry, « Politique économique », De
Boeck,
Document 67 : le marché du financement des études
Etudiants qui ont besoin de
financer leur formation
Incertitude sur le devenir
professionnel de chaque étudiant
Les banques refusent de prêter : pas de financement
Intervention de l’Etat
bourses
sert de garantie
Réglemente le marché des prêts étudiants :
prêts étudiants conditionnés aux revenus
Document 68 : la disparition des marchés lorsque l’information est imparfaite, le cas du marché des crédits
Incertitude sur l’évolution future des
caractéristiques d’un co-échangiste
Sélection adverse
Perte de confiance : les banques rationnent le crédit
car elles ne peuvent pas déterminer la qualité des
emprunteurs ; plus les taux augmentent, plus les
meilleurs emprunteurs partent, moins les banques ont
confiance dans les AE à besoin de financement = une
friction de crédit = crise financière
Les banques ne savent pas si les emprunteurs
pourront rembourser plus tard leurs crédits
étudiants : elles ne financent pas ce type de
crédit
Blocage du marché des crédits
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Nicolas Danglade
4.4.2
Aléa moral et crises bancaires
Document 69 : aléa moral et comportement opportuniste
Un agent adopte un comportement opportuniste s’il ne tient pas ses engagements ou dissimule volontairement des
informations qui pourraient jouer en sa défaveur. Le risque d’aléa moral survient quand une des parties prenantes
adopte un comportement opportuniste à la suite d’une transaction entre elles, du fait qu’il ne peut être contrôlé
parfaitement. Il s’agit d’un risque ex post alors que le risque de sélection adverse a lieu ex ante. Une banque peut
craindre que le client auquel elle a octroyé un crédit n’utilise pas la somme pour l’usage prévu et accroisse ainsi
son risque de défaut. (...) Le risque d’aléa moral existe dans de nombreuses situations et son importance dépend
pour beaucoup de l’environnement institutionnel. A.Landier et D.Thesmar ont ainsi montré que la libéralisation
du secteur bancaire dans les années 1980 a privé les banques du filet de sécurité étatique les conduisant à être
beaucoup plus soucieuses de la qualité des crédits octroyés, les banques n’étant plus systématiquement renflouées
en cas de difficultés financières, liées notamment à des défauts de paiement. Le changement de la législation a
rendu moins intéressant pour les banques l’adoption d’un comportement risqué en matière de crédit. (Cependant)
L’aléa moral reste fort car les banques centrales viennent souvent en aide aux banques de grande taille lorsqu’elles
sont en difficultés pour éviter une crise systémique. Les banques importantes sont couvertes par le principe du too
big to fail : elles sont tentées d’adopter des comportements risqués car en cas de réussite, elles bénéficient de
gains substantiels alors qu’en cas de perte, elles sont aidées par la puissance publique, qui estime que leur faillite
ferait courir un risque trop grand à l’ensemble des agents. (…) Pour D.Marteau, le concept d’aléa moral est
indispensable pour comprendre la crise économique qui a débuté en 2007 et ce pour deux raisons majeures.
Tout d’abord, les banques sont incitées à être peu regardantes sur la qualité des crédits qu’elles octroyaient car
elles pouvaient les céder à des investisseurs à travers des opérations de titrisation. Les banques ne supportaient
ainsi pas le risque découlant des prêts octroyés. Le sommet du G20 à Pittsburgh en 2009 a conclu qu’il fallait
réduire l’aléa moral sur les marchés financiers. Une des propositions du sommet est que les banques à l’origine
d’une opération de titrisation conservent une fraction des prêts accordés les plus risqués. L’idée de cette mesure
est que les banques seraient incitées à être attentives à la qualité des créances titrisées car elles seraient concernées
par une éventuel défaut de paiement. D’autre part, le système de rémunération des opérateurs de marché au sein
des banques leur attribue souvent des primes en cas d’opérations réussies mais aucune sanction en cas de perte.
D’ou le risque élevé d’aléa moral, car ce système incite les opérateurs à prendre des risques excessifs pour
augmenter leurs primes, quittes à user de dissimulation ou de mensonges.
Source : M.Navarro et E.Buisson « La microéconomie en pratique », A.Colin Cursus, 2012, p.174
Document 70 : l’allocation sous optimale des ressources sur les marchés lorsque l’information est
imparfaite, le cas des marchés des capitaux
Les transferts de risques entre
agents produit de l’aléa moral
et augmentent le risque
systémique
Les banques rationnent le
crédit aux emprunteurs lorsque
les taux d’intérêt montent
(sélection adverse)
Les banques rationnent le crédit
aux agents dont les revenus futurs
sont incertains (étudiants, jeunes
entreprises ou innovantes)
L’allocation des ressources sur les marchés des capitaux est sous-optimale
4.4.3
Les défaillances de marché pour expliquer les difficultés de financement des
investissements « verts »
Document 71 : un nouveau cycle long d’innovation (« innovation séculaire ») basé sur l’environnement
L’investissement dans la maîtrise du changement climatique a le potentiel de renouveler profondément le régime
de croissance dans le sens du développement durable. La transition énergétique, liée au changement climatique et
pas seulement à la rareté à venir des sources d’énergie fossile, n’est pas qu’un processus de substitution des
sources d’énergie renouvelables à des non renouvelables. C’est une transformation d’ensemble de la production
dans le sens de l’efficacité énergétique à laquelle l’efficacité carbone est étroitement corrélée. En ce sens, on peut
qualifier cette transformation de vague d’innovation séculaire.
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Nicolas Danglade
Les innovations séculaires nourrissent l’accumulation du capital sur de longues périodes parce qu’elles
bouleversent la vie des sociétés. (…) Les grandes vagues d’innovation peuvent se chevaucher, la crise
d’adaptation d’un type d’innovation coexistant avec l’émergence du suivant. C’est ainsi que l’organisation
taylorienne du travail développée dans les chaînes intégrées de production de l’industrie lourder a essaimé dans la
production de masse des biens durables de consommation, fer de lance de la vague d’innovations suivante. En
recoupant les informations sur les dates des révolutions industrielles et sur les déclenchements des crises
financières majeures, puis sur l’étude de l’époque dite fordiste, on peut dresser le tableau suivant complété par des
connaissances parcellaires sur les révolutions en cours des technologies de l’information et de l’environnement.
Ce tableau décrit le déploiement de ces innovations qui scandent les époques historiques du capitalisme depuis la
première révolution industrielle. Elles sont bien au-delà des politiques économiques. Toute la société des pays
qu’elles transforment est concernée, soit directement, soit par les répercussions de la mobilité du travail sur les
secteurs plus traditionnels. Toutefois, ces innovations requièrent une complémentarité des investissements publics
et privés. C’est ainsi que l’automobile a remodelé entièrement les villes. Elles se déploient en phases successives.
Les investissements structurants jouant un rôle majeur dans leur expansion parce qu’ils induisent des flux
d’investissement qui réalisent le paradigme de l’innovation majeure dans l’ensemble de l’économie. c’est le lien
entre l’innovation générique qui révolutionne le progrès technique et transforme le mode de vie et les innovations
incrémentales qui la réalisent concrètement dans les entreprises.
La possibilité d’une vague d’innovations radicales fondées sur l’environnement n’est pas reconnue par tous. Si
l’on fait remonter l’événement inaugural à l’avertissement du Club de Rome en 1972, la phase d’émergence est
particulièrement longue. Même le sommet de la terre à Rio en 1992, et les conférences internationales qui ont
suivi n’ont pas véritablement lancé la phase de diffusion. Celle-ci est en effet la phase où le principe qui porte
l’innovation séculaire considérée devient dominant dans les choix d’investissement des pays leaders dans les
technologies qui concrétisent cette innovation. Même si de plus en plus d’acteurs économiques et de
gouvernements sont convaincus de la réalité du changement climatique et de son origine humaine, le lien financier
qui déclenche les investissements massifs de l’entrée en phase de diffusion n’a pas encore été noué.
Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 288
Document 72 : quelles difficultés pour l’investissement vert ?
Ainsi, les politiques énergétiques en Europe sont-elles chaotiques et contradictoires (…). L’incertitude politique et
l’inaptitude des marchés financiers pour investir dans les infrastructures environnementales constituent un double
handicap. (…) Les investissements verts ont des handicaps supplémentaires. Le plus rédhibitoire est l’inexistence
ou l’inadéquation du prix du carbone déterminé sur le marché des droits à polluer. (…) Sans une valorisation
crédible suffisante du carbone, garantie par les gouvernements et croissante dans le temps, et sans arrêt des
subventions aux énergies fossiles, ces investissements sont dominés par les infrastructures existantes. Pour
rediriger l’épargne dans les investissements bas carbone, il faut abaisser les profils de risque des projets pour les
investisseurs sans surcharger les contribuables.
Source : M.Aglietta « Sortir de la crise et inventer l’avenir », Michalon, 2014, p. 288
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Document 73 : les difficultés du financement des investissements « verts »
Investissements « carbones »
Faibles coûts / forte rentabilité
Financement élevé
Investissements « vert »
Forts coûts / forte incertitude
Financement faible
Chemin de dépendance en faveur des investissements
« carbones » plutôt que « décarbonés »
Document 74: rôle du prix du carbone pour développer le financement de la transition énergétique (lien
entre défaillance de marché par externalité et défaillance de marché par incertitude)
Investissements « carbones »
Transition énergétique
Externalités négatives
Si taxe carbone et prix du carbone identiques
et élevés sur le marché des quota à polluer
Hausse du coût relatif des
investissements carbonés
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Développement marché du financement
des investissements décarbonés
Baisse du prix relatif des investissements
décarbonés
5. Les justifications de l’intervention de l’Etat sur l’allocation des ressources : au-delà des
situations de défaillances de marché
5.1 L’existence et le fonctionnement des marchés s’appuient toujours sur un cadre légal :
définition des droits de propriété et respect des contrats
Document 75 : l’établissement et le respect des droits de propriété
Si les marchés peuvent difficilement exister sans Etat, c’est parce que les transactions marchandes impersonnelles
sont rarement viables en dehors d’un cadre institutionnel permettant de faire respecter les termes de l’échange. En
effet, lorsqu’une transaction économique implique de nombreuses personnes anonymes et porte sur un bien aux
caractéristiques complexes, chacun a intérêt (individuellement mais pas socialement) à ne pas respecter totalement
le contrat implicite de la transaction : un individu refusera de payer le prix consenti, un autre fournira un travail de
piètre qualité, un troisième vendra un bien défectueux … ces possibilités nuisent à la viabilité des transactions,
alors même qu’il existe un gain à l’échange : les intérêts personnels vont à l’encontre du bien-être social qui
nécessite l’existence d’un marché.
Un cadre légal qui définit des droits, est nécessaire pour faire émerger le marché. (…)
La définition de ce cadre institutionnel passe en priorité par l’établissement et la protection des droits de propriété.
En effet, en l’absence de tels droits, le fruit d’une activité marchande peut être saisi par quiconque, réduisant les
incitations à s’engager dans l’échange de biens ou de services. les droits de propriété sont par ailleurs nécessaires
au développement du marché du crédit, dans la mesure où l’octroi d’un prêt exige souvent la mise en gage d’un
bien qui ne peut être assurée que si le propriétaire du bien est clairement identifié. L’établissement des droits de
propriété par l’Etat suppose la vérification des titres de propriété, l’enregistrement des actes de vente, etc…
La protection de ces droits est quant à elle dévolue aux institutions étatiques chargées de faire respecter la loi et
l’ordre public (tribunaux, police, armée…). L’incapacité de l’Etat à faire respecter les règles nécessaires au bon
fonctionnement des marchés constitue un obstacle majeur au développement économique : en particulier,
l’éclatement du pouvoir entre différents entités (clans, mafias …) nuit à la création de richesses parce que le
morcellement du pouvoir coercitif ne permet pas de garantir efficacement la protection des droits de propriété. A
l’inverse, un Etat « prédateur » peut abuser de son pouvoir coercitif pour exproprier certains agents économiques,
entraînant par là même une diminution de la richesse produite. L’intervention de l’Etat peut être bénéfique à la
réalisation des gains à l’échange marchand, mais elle contient aussi en germe des dysfonctionnements.
Source : ss direction de Bozio et Grenet « Economie des politiques publiques », La découverte, 2010, p. 11
Document 76 : le respect des contrats
Un fondement plus subtil de l’intervention publique résulte du constat que les marchés présupposent des droits de
propriété reconnus et convenablement assignés à des individus ou à des organisations, des contrats dont le nonrespect est puni. La transaction marchande elle-même, aussi simple soit-elle, peut être assimilée à un contrat et
celui-ci doit avoir force légale pour obliger les parties prenantes à des actes spécifiés par le contrat. Enfin, en cas
de contentieux, il est nécessaire qu’il soit tranché par une instance d’arbitrage incontestée car prévue par le contrat
lui-même. En d’autres termes, les marchés ne peuvent fonctionner sans la loi, et donc sans l’intervention
législative de la puissance publique : la loi est faite pour garantir la viabilité des contrats et des échanges. La
difficulté vient du fait qu’il n’y a pas une forme contractuelle, ni une organisation sociale qui s’impose avec la
force de l’évidence et de l’objectivité, et que la loi se contenterait de mettre en pratique. La loi elle-même définit
la forme contractuelle et l’organisation sociale. La loi fait la société autant que la société fait la loi. Ainsi, par le
pouvoir législatif, la puissance publique est en mesure d’orienter en profondeur le devenir économique d’une
société.
Source : Hubert Kempf « Les fondements théoriques de la politique économique » in Les notices de la
documentation française « La politique économique et ses instruments », 2010, p.10
Document 77 : les marchés ne peuvent fonctionner sans la loi
Les marchés ne peuvent
fonctionner sans la loi
Création de marché : définir
les droits de propriété
ESH ECE2 Camille Vernet 2016-2017
Nicolas Danglade
Respecter des droits de
propriété
Faire respecter les contrats /
arbitrer en cas de contentieux
5.2 Le respect des règles de la concurrence : lutte contre les comportements déloyaux et
maintien d’un degré de concurrence potentielle
Document 78 : concurrence imparfaite et politique de la concurrence
En règle générale, l’origine de l’insuffisance de la concurrence provient du faible nombre d’acteurs qui participent
à un marché. Les situations les plus couramment rencontrées sont celles qui voient un grand nombre d’acheteurs
faire face à un seul vendeur (monopole) ou à un petit nombre de vendeurs (oligopoles). L’inefficacité économique
de ces deux formes de concurrence imparfaite provient du fait que les entreprises en position de monopole ou
d’oligopole bénéficient d’un pouvoir de marché qui leur permet d’augmenter leur prix de vente au-dessus du
niveau qui prévaudrait si les marchés étaient parfaitement concurrentiels. Les entreprises en oligopole peuvent en
particulier tenter de créer une entente et maintenir des prix élevés. Ce type de pratique non seulement nuit aux
consommateurs, en renchérissant les prix, mais réduit également l’activité totale du secteur, en limitant les
quantités vendues. La mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles par les entreprises en monopole ou en
oligopole justifie la régulation des marchés par la puissance publique. Pour favoriser le fonctionnement
concurrentiel des marchés, l’Etat dispose d’un éventail de moyens d’action : (…) l’adoption de lois anti-trust, le
contrôle des concentrations, la mise en place de sanctions financières en cas d’abus de position dominante.
Source : ss direction de Bozio et Grenet « Economie des politiques publiques », La découverte, 2010, p. 18
5.3 Protéger les agents économiques (consommateurs) contre les biais cognitifs, l’incohérence
temporelle et l’incomplétude de l’information en réglementant les marchés
Document 79 : les apports de l’économie comportementale (importance des biais cognitifs et de
l’incohérence temporelle dans les décisions des agents)
Les apports de l’économie comportementale ont, au cours de la dernière décennie, permis d’élargir
significativement l’éventail des justifications de l’intervention publique. (…) Cette justification de l’intervention
publique ne doit pas être trop rapidement assimilée à une forme de « paternalisme » qui voudrait que l’Etat puisse
faire le bonheur des individus « malgré eux ». (…) L’économie comportementale distingue deux types
d’imperfection qui fausse la décision des agents : les biais cognitifs et l’incohérence temporelle.
La prise de décision individuelle est souvent limitée par l’incapacité des agents à mobiliser toute l’information
nécessaire pour effectuer des choix éclairés. Ceci est particulièrement vrai en matière d’épargne, de crédit (…). La
complexité et l’incertitude de ces décisions économiques obligent les agents à chercher à trouver des solutions
raisonnables plutôt que de chercher à comparer l’ensemble des alternatives possibles. (…) Les biais cognitifs
expliquent que la manière dont sont présentés les choix peut influencer de manière significative la prise de
décision individuelle. (…) La puissance publique doit donc s’efforcer de les prendre en compte pour éviter que les
agents n’effectuent des choix sous-optimaux.
L’incohérence temporelle constitue une seconde dimension de la rationalité limitée. Un individu cohérent dans le
temps agit demain comme il le prévoit aujourd’hui. (…) L’incohérence temporelle permet par exemple
d’expliquer que les individus n’épargnent pas suffisamment pour leur retraite : les personnes soumises à ce type
de comportement ajourneront continuellement leur résolution d’épargner davantage dans le futur. (…) Par
exemple, l’obligation faite aux citoyens par l’Etat de consacrer une partie de leur salaire au financement des
retraites peut s’interpréter comme une manière de les aider à résoudre leur problème d’incohérence temporelle
sans pour autant aller à l’encontre de leur volonté.
Source : ss direction de Bozio et Grenet « Economie des politiques publiques », La découverte, 2010, p. 20
Document 80 : les individus victimes de biais cognitifs
Les économistes du comportement se sont attachés à montrer que les individus sains, même quand ils sont en
pleine possession de leurs moyens, sont sujets à des forces psychologiques qui peuvent les conduire à prendre des
décisions contraires à leur intérêt et donc à justifier une intervention publique. Autrement dit, dans certaines
situations nous ne sommes pas les meilleurs avocats de notre propre volonté ; la régulation peut nous aider à
limiter les dégâts, et elle est d’autant plus nécessaire que des entreprises commerciales peuvent chercher à
exploiter systématiquement ces failles psychologiques. (…)
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p. 61-75
ESH ECE2 Camille Vernet 2016-2017
Nicolas Danglade
Document 81 : la rationalité limitée des agents pousse l’Etat à simplifier les contrats
Presque tous les jours, nous sommes conduits à cocher la case « j’accepte » lorsqu’un site Internet nous demande
de consentir à un contrat d’usager. En général nous le faisons sans trop y penser, et avouons-le, sans lire les
détails du contrat. Si l’on pouvait nous faire signer n’importe quoi, ce comportement serait pure folie. Nous
n’oserions pas alors signer sans le soutien d’un avocat ou de longues heures de lecture patiente. Si nous le faisons
sans trop de souci, c’est parce que nous savons que des clauses excentriques ne seront pas valides. (…)
L’homogénéité que l’Etat impose dans les contrats est en un sens une perte de liberté, mais elle évite aux
individus un état d’esprit paranoïaque et leur permet de ne pas avoir à acquérir une expertise technologique pour
toutes les questions de la vie courante : par exemple, seuls les casques de moto « certifiés » peuvent être vendus.
Les normes en vigueur ont été déterminées par des spécialistes pour assurer que le casque joue son rôle protecteur
en cas de choc, ce qui évite aux motards de se spécialiser dans la physique des solides. Quand l’Etat considère que
la compétence moyenne des individus sur un sujet n’est pas suffisante pour permettre une décision rationnelle, il
impose l’intervention d’un expert. C’est pour cette raison que les médicaments puissants doivent être prescrits par
un médecin, tandis que l’aspirine ou les crèmes solaires sont en vente libre. Dans un autre registre, certains
produits financiers complexes ne sont pas accessibles à une clientèle jugée non qualifiée, et la publicité pour ce
genre de produit est interdit. (…) Parfois, pour que les choix des individus soient éclairés, l’Etat impose des règles
strictes sur l’information qui leur est fournie. (…) Pour éviter les malentendus, le régulateur « standardise » aussi
le langage que les vendeurs peuvent utiliser sur les emballages. (…) L’Etat nous protège lorsque des contrats nous
engagent à notre insu ou tirent parti de notre manque d’information. cela permet d’éviter un excès de méfiance
inutile dans les transactions que nous faisons tous les jours.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat bienveillant », Fayard, 2010, p. 61-75
Document 82: les entreprises aussi utilisent les résultats de l’économie comportementale pour orienter les
décisions des agents
Les économistes et l’Etat sont loin d’être seuls à s’intéresser à la psychologie des décisions économiques. comme
le note Ian Ayres, parce qu’il y a de l’argent à gagner en utilisant l’économie comportementale, « le monde du
business a pris une longueur d’avance sur les Etats dans l’usage de ces technologies ». (…) La récente crise des
subprimes est pour partie le symptôme de ces dérives perverses du marketing : de nombreux ménages pauvres ont
été persuadés de s’endetter pour acheter leur maison car les paiements initiaux étaient faibles et cachaient des
paiements futurs bien plus élévés, que beaucoup d’entre eux étaient condamnés à ne pas pouvoir honorer.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat bienveillant », Fayard, 2010, p. 61-75
Document 83 : biais psychologique et faiblesse de l’épargne des ménages
L’économiste Dick Thaler, l’un des pionniers de l’économie comportementale, s’est depuis longtemps inquiété de
la trop faible épargne des ménages américains, qui est selon lui une des conséquences du conflit temporel interne
aux individus. dans ce pays où les pensions du système de retraite par répartition est faible, les ménages sont
censés épargner tout au long de leur vie pour financer leurs retraites. Ce calcul, qui nécessite de réfléchir à notre
espérance de vie, au salaire que nous pouvons espérer dans le future, au coût d’une maison de retraite et des soins
médicaux dont nous aurons alors besoin n’est ni facile ni particulièrement plaisant à effectuer. Selon Thaler plus
des deux tiers de la population considèrent devoir épargner plus … mais ne le font pas et reportent indéfiniment à
plus tard un changement de comportement. En 2005, le taux d’épargne des ménages américains est même devenu
négatif. L’Etat conscient du problème, donne pourtant un avantage fiscal important à l’épargne. pour aller plus
loin, Thaler propose un système qui a l’avantage de « guérir » les conséquences de la schizophrénie temporelle
sans pour autant attenter aux libertés et est beaucoup plus efficace qu’un coup de pouce fiscal. Tout d’abord,
Thaler suggère que les individus soient automatiquement inscrits par leur employeur sur des plans d’épargne, tout
en ayant le droit de se désinscrire s’ils le souhaitent. (…) Il suggère aussi la mise en place de l’approche
« épargner plus demain » qui propose aux individus d’augmenter automatiquement leur taux d’épargne future, au
fur et à mesure qu’ils obtiendront des augmentations de salaire. Cela rend l’épargne plus attractive parce que la
perspective d’une augmentation de l’effort d’épargne est éloignée dans le temps, donc relativement indolore du
point de vue du moi présent. Cette approche a rencontré un vif succès aux Etats-Unis ; elle a été adoptée par
environ 40% des grandes entreprises américaines. (…) Dans un ouvrage coécrit avec le professeur de droit Cass
Sunstein (…) il propose de ne pas restreindre la liberté et la responsabilité des individus, mais de les aiguiller vers
des choix plus efficaces pour eux-mêmes en créant des « options par défaut » qui guident les décisions
rationnelles. (…) il s’agit de faire du gouvernement l’architecte des choix des individus sans pour autant les
contraindre.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p. 61-75
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Nicolas Danglade
Document 84 : une illustration de l’incohérence temporelle des agents économiques
Un (des multiples) biais psychologiques (…) est ce que les économistes appellent « l’actualisation hyperbolique »
ou, la schizophrénie temporelle. L’idée est simple : nous avons parfois tendance à céder dans l’instant à des
impulsions qu’avec un certain recul dans le temps nous voudrions éviter. Pour être concret, si on vous donne
aujourd’hui le choix entre recevoir un pain au chocolat dans un an ou deux pains au chocolat dans un an et un
jour, vous choisirez bien évidemment la seconde offre. Mais si dans un an on vous confronte au même arbitrage, à
savoir une viennoiserie gratuite tout de suite, ou bien deux demain, il est plus que probable que vous céderez à la
tentation de la gratification immédiate. L’anecdote est triviale, mais ses conséquences sont lourdes, car elle
signifie que nous sommes en conflit interne avec nous-mêmes. La rationalité de notre moi actuel est en lutte avec
l’impulsivité de notre moi futur. Pour résoudre ce conflit, la solution naturelle est de « se lier les mains ». C’est ce
que fait Ulysse, qui choisit d’être ligoté au mât de son bateau pour résister au chant des sirènes. (…) Les
neurosciences montrent que lorsque nous sommes confrontés à une tentation, deux zones de notre cerveau entrent
en conflit. La première correspond à un système planificateur et rationnel, la seconde à un système instinctif, sorte
de pilote automatique, qui pousse à l’action réflexe (…) sans prendre en compte les conséquences. Parfois nous
pouvons donc préférer être exposés à moins de choix plutôt que plus. Pour cette raison, le fait que les cigarettes
sont fortement taxées, ne sont pas en vente partout et que leur publicité est interdite est une politique que certains
fumeurs eux-mêmes soutiennent car elle peur permet de « garder le contrôle ». Pour la même raison, les cercles de
jeu et les casinos sont en nombre limité.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p. 61-75
Document 85 : la rationalité limitée des agents les pousse à faire des choix sous-optimaux
La manière dont est présentée l’information
conditionne les choix effectués par les AE
Il y a un écart entre ce que les AE prévoit de faire dans
le futur et ce qu’ils vont réellement faire
Biais cognitifs :
Les AE NINJA se sont endettés sans pouvoir
supporter une hausse des taux ;
Les AE ont intérêt à préserver leur santé mais ils
achètent des cigarettes ;
Incohérence temporelle - schizophrénie temporelle
Les AE ont intérêt à épargner pour augmenter leurs
revenus futurs, mais ils reportent toujours la décision
d’épargner (préférence pour la gratification immédiate)
Problèmes :
- choix individuellement sous optimaux
- risque de duperies et de fraudes
Solutions :
- l’Etat doit aiguiller davantage vers les « bons » choix sans
contraindre les AE dans leur décision ;
- l’Etat doit réglementer certaines activités
Document 86 : l’Etat « paternaliste » interdit certains types d’échanges
Depuis la rentrée scolaire 2005, les distributeurs de boissons et de snacks sont interdits dans les collèges et lycées.
Cette interdiction est destinée à prévenir l’obésité juvénile, qui a augmenté de 17% en vingt ans en France. Le
surpoids touche près de 20% des enfants. (…) La raison théorique de les contraindre est que leurs capacités
physiques, cognitives et psychologiques (le contrôle de soi) sont insuffisantes pour leur permettre d’exercer en
toute responsabilité ces activités. Mais où placer la limite de cet argument ? La simple évolution au cours du
temps de l’âge de la majorité, passé de 21 ans à 18 ans en 1974, montre bien les hésitations sur cette question.
(…) et le surpoids et l’alcoolisme sont loin d’être exclusivement des questions de pédiatrie …La puissance
publique doit-elle aussi être paternaliste avec les adultes, les empêcher de se faire du mal quand il y a lieu ? Dans
les faits, il s’agit d’un motif de régulation qui ne nous est pas étranger. On peut penser immédiatement à
l’interdiction de consommer de la drogue, ou de faire de la publicité pour le tabac.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p. 61-75
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5.4 Protéger les agents économiques contre les crises du système financier : la supervision
financière
Document 90 : les banques et assurances tiennent une place particulière dans l’économie
Les établissements qui participent au financement de l’économie, qui récoltent les dépôts des ménages et des
entreprises et assurent la gestion de l’épargne des ménages tiennent une place particulière dans l’économie. si une
entreprise fait faillite, cela aura des répercussions sur ses créanciers, mais si une banque fait faillite ces créanciers
sont une multitude de déposant et d’autres banques avec laquelle elle a des dettes croisées. Une faillite bancaire a
des conséquences bien plus importantes qu’une faillite d’une entreprise du secteur « réel ». C’est pour cette
raison, qu’ont été développés des instruments de supervision des établissements dans le cadre des accords de Bâle
1, 2 et 3. Il existe des discussions sur la portée et les limites de la supervision microprudentielle mais, au-delà de
cela, il faut avoir en tête que la supervision encadre les pratiques des établissements « régulés ».
Document 91 : il ne faut pas opposer Etat et Marché
Le débat public oppose souvent le partisan du marché au partisan de l’Etat ; tous deux considèrent le marché et
l’Etat comme concurrents. Et pourtant, l’Etat ne peut faire vivre (correctement) ses citoyens sans marché ; et le
marché a besoin de l’Etat : non seulement pour protéger la liberté d’entreprendre et de sécuriser les contrats au
travers du système juridique, mais aussi pour corriger ses défaillances. L’organisation de la société
traditionnellement (et implicitement) repose sur deux piliers :
- la main invisible du marché concurrentiel (…) ;
- l’Etat corrige les (nombreuses) défaillances du marché (…).
L’Etat définit les règles du jeu et responsabilise les acteurs, qui peuvent et (même doivent !) alors rechercher leur
intérêt propre. (…) Cette analyse monte que le marché et l’Etat ne sont pas des alternatives, mais qu’ils sont au
contraire, mutuellement dépendants. Le bon fonctionnement du marché dépend du bon fonctionnement de l’Etat.
Inversement, un Etat défaillant ne peut ni contribuer à l’efficacité du marché, ni lui offrir une alternative.
Cependant, tout comme les marchés, l’Etat est souvent défaillant.
Source : Jean Tirole « Economie du bien commun » 2016, p.200-220
Document 92
Même dans une économie de marché, l’Etat et ses émanations sont au cœur de la vie économique d’au moins 6
manières.
A travers les marchés publics, il est acheteur et organise donc la concurrence entre les fournisseurs : construction
d’édifices publics, concessions de transport (autoroutes, ferroviaire, urbain), fournitures pour hôpitaux et autres
collectivités, …
Législateur et pouvoir exécutif, il octroie des autorisations d’ouverture de supermarchés ou de voitures de
tourisme avec chauffeur, attribue droits d’atterrissage aux compagnies aériennes et fréquences aux opérateurs de
télécommunications, de radio et de télévision, et donc influe indirectement sur les prix que vont payer les
consommateurs pour leurs courses, leurs trajets, leurs appels, leurs émissions préférées.
Arbitre des marchés, il veille à la concurrence, garante d’innovation et de produits abordables pour le
consommateur. Il définit les règles du jeu par le droit à la concurrence, et il œuvre à travers les autorités de la
concurrence contre les abus de position dominante et interdit les ententes et les fusions qui feraient monter les
prix.
Régulateur des télécoms, de l’électricité, des services postaux et ferroviaires, il assure que des marchés en
monopole ou très concentrés ne se traduisent pas par l’exploitation des utilisateurs par l’opérateur historique.
Superviseur financier, il assure que les banques ou compagnies d’assurances ne prennent pas trop de risques pour
accroître leur profit au détriment des épargnants, des détenteurs de polices d’assurance, ou, le plus souvent, du
Trésor public en cas de renflouement de l’institution financière.
Signataire de traités internationaux, il détermine l’exposition des secteurs à la concurrence étrangère.
Source : Jean Tirole « Economie du bien commun » 2016, p.468
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Document 93 : l’Etat intervient sur l’allocation des ressources
Les marchés
nécessitent
Un cadre légal et
un respect des
droits de propriété
Les marchés produisent des
biens et services
L’Etat prend en charge
certains biens et services :
les biens tutélaires
Le respect des
règles de la
concurrence
Production de certains
biens/services
Protéger les consommateurs :
biais cognitifs, incohérence
temporelle, information
limitée, paternalisme
= réglementation
Protéger les consommateurs :
supervision des acteurs financiers
L’allocation marchande est
déficiente : le bien être collectif
s’écarte de la somme des biens
être individuels = il existe des
défaillances de marché
Quelles sont les interventions de
l’Etat ?
Réglementation, quota,
taxes, subvention
Apparition de nouveaux
droits de propriété
Régulation des entreprises
privées
L’Etat intervient dans l’allocation sans qu’il
y ait de défaillances de marché : pour créer le
marché et protéger certains de ces membres
L’Etat intervient dans l’allocation en réponse aux
défaillances du marché pour éviter que certains biens
soit trop ou pas assez produits
5.5 L’allocation marchande est affectée par d’autres interventions de l’Etat
Document 94 : les institutions ont des rôles différents pour faire fonctionner les marchés
La plupart des travaux récents sur les institutions et la croissance économique insistent sur l’importance d’un
groupe particulier d’institutions, à savoir celles qui protègent les droits de propriété et qui garantissent l’exécution
des contrats. On pourrait les appeler institutions créatrices de marchés, puisqu’en leur absence, les marchés
n’existent pas ou fonctionnent très mal.
Mais le développement économique à long terme exige plus qu’une simple stimulation de l’investissement et de
l’esprit d’entreprise. Il faut aussi mettre en place trois autres types d’institutions pour soutenir la dynamique de
croissance, renforcer la capacité de résistance aux chocs et faciliter une répartition des charges socialement
acceptable en cas de chocs.
On pourrait parler d’institutions :
• de réglementation des marchés, qui s’occupent des effets externes, des économies d’échelle et des
informations imparfaites. Ce sont, par exemple, les organismes de réglementation des télécommunications, des
transports et des services financiers.
• de stabilisation des marchés, qui garantissent une inflation faible, réduisent au minimum l’instabilité
macroéconomique et évitent les crises financières. Ce sont, par exemple, les banques centrales, les régimes de
change et les règles budgétaires.
• de légitimation des marchés, qui fournissent une protection et une assurance sociales, organisent la
redistribution et gèrent les conflits. Ce sont, par exemple, les systèmes de retraite, les dispositifs d’assurance
chômage et autres fonds sociaux.
Source : Dani Rodrik et Arvind Subramanian « La primauté des institutions », Finances et développement, 2003,
p.34
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Document 95 : le rôle des institutions dans l’économie de marché (D.Rodrik)
Spécifique à chaque pays car résultent des différences
historiques, géographiques et politico-économiques
Institutions
De création de marché :
définissent et protègent les
droits de propriété et
garantissent l’exécution
des contrats
De réglementation des
marchés : s’occupent des
effets externes, des
économies d’échelle et des
informations imparfaites.
De légitimation des marchés :
fournissent une protection et une
assurance sociales, organisent la
redistribution
De stabilisation des
marchés : s’occupent des
déséquilibres
macroéconomiques
Document 96 : les solutions institutionnelles adoptées par chaque pays
Chaque fonction des institutions peut prendre diverses formes. Quel système juridique un pays doit-il adopter —
droit coutumier, droit civil ou un système hybride? Quel est le juste équilibre entre concurrence et réglementation
dès lors qu’il s’agit de surmonter certaines défaillances standards des marchés? Quelle est la taille appropriée du
secteur public? (…) Malheureusement, l’analyse économique n’est guère utile pour répondre à ces questions, ce
qui peut paraître étonnant.
En fait, il est de plus en plus évident que les dispositifs institutionnels souhaitables sont largement influencés par
des spécificités contextuelles qui résultent de différences historiques, géographiques et politico-économiques,
entre autres conditions initiales.
Ceci expliquerait pourquoi les pays en développement qui obtiennent de bons résultats combinent presque
toujours des politiques conventionnelles et non conventionnelles. L’Asie de l’Est a combiné une politique orientée
vers l’extérieur et une intervention dans l’industrie. La Chine a greffé une économie de marché sur une économie
planifiée plutôt que d’éliminer totalement la planification centrale. L’île Maurice a mis en place des zones
franches industrielles plutôt que d’opérer une libéralisation générale. Même le Chili a combiné une réglementation
des mouvements de capitaux et une politique économique plutôt conventionnelle par ailleurs.
Ces variations pourraient aussi expliquer pourquoi des différences institutionnelles majeures — dans le rôle du
secteur public, la nature des systèmes juridiques, le gouvernement d’entreprise, les marchés de capitaux, le
marché du travail et les dispositifs d’assurance sociale, entre autres — persistent dans les pays avancés
d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale, ainsi qu’au Japon.
En outre, il se peut que des choix institutionnels qui donnent de bons résultats dans un pays soient inappropriés
dans un autre qui ne dispose pas des normes d’accompagnement et des institutions complémentaires. En d’autres
termes, les innovations institutionnelles ne s’exportent pas nécessairement bien.
Source : Dani Rodrik et Arvind Subramanian « La primauté des institutions », Finances et développement, 2003,
p.34
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Document : l’intervention de l’Etat modifie l’allocation des ressources
1) Tout marché s’appuie sur des règles qui
créent le marché et protègent les
participants :
L’Etat établit le cadre légal des échanges
L’Etat fait respecter les droits de propriété
L’Etat fait respecter les règles de la
concurrence
L’Etat réglemente les marchés pour protéger
les consommateurs : sur les marchés des biens
et sur les marchés financiers (superviseur)
3) Les conséquences de l’intervention de
l’Etat pour stabiliser les grands agrégats
macroéconomiques : politique monétaire,
politique budgétaire, politique de change,
politique commerciale ; les variations de taux
d’intérêt, des dépenses publiques, de la
fiscalité, des accords commerciaux, des taux
de change ont des conséquences sur l’offre et
la demande de biens échangés
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2) L’Etat intervient pour répondre aux
défaillances de marché :
il traite de la question des monopoles naturels,
des externalités, des asymétries d’info, des
biens collectifs et communs ; il rapproche le
résultat des échanges du bien être collectif
(évite la surproduction ou la sous production
de certains biens)
4) Les conséquences de l’intervention de
l’Etat pour redistribuer les revenus
primaires :
l’Etat répond à la question de la légitimité que
les agents accordent au marché dont le
fonctionnement s’accompagnent d’inégalités et
de pauvreté ; la présence de prélèvements
obligatoires, de revenus de transferts, d’un
salaire minimum affecte l’offre et la demande
(notamment sur le marché du travail)
6. Les limites de l’intervention publique dans le domaine de l’allocation des ressources
Document 97
Action économique de l’Etat
Question :
Est-on sûr que l’intervention économique de l’Etat
améliore l’efficacité dans l’utilisation des
ressources ?
Existe-t-il des difficultés pratiques à l’action
publique ?
L’Etat est-il « efficient » ?
Question :
Est-on sûr que l’intervention économique de l’Etat
vise l’intérêt général ?
L’Etat est-il « bienveillant » ?
6.1 Les limites de l’Etat à agir efficacement : l’Etat « inefficient »
6.1.1 L’Etat, un agent économique victime d’asymétries d’information
Document 98 : les asymétries d’information touchent aussi la puissance publique
L’hypothèse traditionnelle fait du chef de gouvernement ou de ses ministres les maîtres d’un Etat sans défaut qui,
tout à la fois, leur fournit l’information et transmet, sans biais aucun, leurs instructions du haut en bas de la
hiérarchie. Analogue da ns son principe aux représentations caricaturales de l’économie planifiée. (…)
La prise en considération de l’imperfection de l’information et du comportement stratégique des services ou
agences de l’Etat a conduit les économistes à une vision plus nuancée des objectifs poursuivis dans les faits par
l’administration publique.
L’économie publique a d’abord mis en évidence combien l’imperfection de l’information conduit à modifier la
représentation et la conception des politiques publiques. En effet, lorsque des agents, publics ou privés, disposent
d’une information privilégiée et en font un usage stratégique, le décideur central, tributaire pour ses propres
décisions de la révélation de cette information, est en situation d’infériorité et ses décisions peuvent en être
biaisées. (…)
L’Autorité de régulation des communications (l’ARCEP) doit veiller à ce que les opérateurs tarifient au juste prix,
mais ce sont ceux-ci qui connaissent l’état de la technologie et les comportements des consommateurs ; les
collectivités territoriales passent des contrats de fournitures d’eau avec des entreprises privées, mais elles leur
concèdent du même coup l’exclusivité de quantité d’informations sur l’état du réseau ou les comportements des
usagers ; le ministère de la Santé voudrait sanctionner les médecins qui encouragent la surconsommation des
soins, mais ce sont les praticiens qui connaissent les pathologies des patients.
Source : A.Bénassy-Quéré, B.Coeuré, P.Jacquet et J.Pisani-Ferry « Politique économique », De Boeck, 2009,
p.101-102
6.1.2
L’Etat possède une information imparfaite qui lui fait commettre des erreurs :
l’exemple du fonctionnement du marché des quotas d’émission
Document 99 : la régulation des externalités, le cas des politiques environnementales
(Dans le cas des politiques environnementales) L’inefficacité de la taxe ou des quotas échangeables ne peut venir
que d’une erreur d’appréciation ex ante des dommages et/ou bénéfices (…). Dans le cas d’une taxe, une erreur
d’appréciation des bénéfices marginaux conduira à une discordance entre le niveau des émissions observé et le
niveau attendu ; dans un système de quotas échangeables, c’est un écart de prix qu’on observera. L’effondrement
du prix du carbone ces dernières années sur le marché européen illustre assez bien ce type d’erreur d’appréciation.
La surévaluation des bénéfices marginaux de pollution a poussé les autorités publiques à fixer un quota total trop
généreux, ce qui explique une partie de la baisse du prix, une autre partie étant dure à la mauvaise conjoncture
économique. (…)
Source : Marc Baudry in Cahiers Français « L’environnement sacrifié ? » n°374, juin 2013
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Document 100: l’exemple des émissions de quotas de CO2
En 2005, les pays de l’UE ont émis 2,2 milliards de tonnes de CO2 (1 tonne = 1 quota), et le montant total des
transactions a été estimé à 260 millions de tonnes, soit 12% des allocations initiales. Toutefois, les émissions ont
été inférieures de 44 millions de tonnes par rapport aux quotas fixés. Conséquence de cette surabondance, le prix
du quota qui était de 8,5 euros le 3 janvier 2005 et qui avait atteint 31 euros à la mi-avril 2006 s’est effondré pour
revenir à 8,6 euros en mai 2006
Source : P.Bontems et G.Rotillon « L’économie de l’environnement », La découverte, 2008, p.69
Document 101 : l’Etat victime d’informations imparfaites
Asymétrie d’information
Délégation de services
publics à une entreprise
privée (exemple :
fourniture de l’eau)
Etat régulateur sur
certains marchés : par
exemple, le marché des
télécommunications
Information incomplète
Difficulté pour internaliser
certaines externalités : déterminer
le montant d’une taxe et des
quantités de droits à polluer
Asymétrie d’information
Découvrir l’information détenue par l’agent : menus de
contrat / enchères
6.1.3 L’allocation des ressources par la puissance publique peut renforcer le déséquilibre des
marchés
Document 102 : lorsque la régulation a des effets pervers (protection du contrat de travail et dualisation du
marché du travail)
A la racine de la segmentation de notre marché du travail se trouve la définition du licenciement économique. (…)
Notre droit du travail et sa jurisprudence sont devenus, au fil des ans, des sources d’incertitude considérable à la
fois pour les employeurs et pour les salariés. Un licenciement sur cinq fait l’objet d’un contentieux. Dans les
entreprises, le licenciement économique est devenu un tel repoussoir qu’elles font tout pour l’éviter. Elles gèrent
l’essentiel de leurs mouvements d’effectifs à l’aide de CDD.
Source : Y.Algan, P.Cahuc et A.Zylberberg « La Fabrique de la défiance », 2012, p.143
Document 103 : lorsque la régulation devient contre-productive, l’exemple du logement
Le contrôle des loyers répond à la volonté a priori louable d’empêcher les propriétaires d’exploiter les locataires
en augmentant les loyers (…).A la sortie de la seconde guerre mondiale (…), la puissance publique institue un
contrôle sur l’augmentation des loyers de tous les logements. (…) Les capitaux se détournent de l’investissement
résidentiel et les propriétaires cessent d’entretenir leurs propriétés. Mais le plus grave est qu’en pénalisant
l’investissement le gel des loyers repousse aussi hors du système les entrants (jeunes, couples avec enfants)
puisque ce sont tous les ménages qui ont déjà un logement qui en profitent. Au bout du compte, le contrôle des
prix s’avère être à la longue une régulation contre-productive qui pèse sur l’offre de nouveaux logements. (…)
Pour pallier, la pénurie de logements de l’après-guerre qu’elle avait elle-même en partie déclenchée avec le
contrôle des prix, la puissance publique a dû accroître l’offre de logements sociaux. Aujourd’hui, celle-ci
concerne 17% de résidences principales, soit près de 1 locataires sur 2. (…) Malheureusement, ce dispositif a été
largement détourné de sa fonction initiale, car il ne bénéficie pas uniquement aux ménages qui ne pourraient pas
se loger sans aide publique. Une étude de l’Insee révèle qu’en 2002 plus de 20% des locataires d’HLM se situent
dans la moitié supérieure de l’échelle des revenus.
Le troisième pilier de la politique du logement , l’aide directe aux personnes, a pour objectif de mieux cibler les
dépenses de l’Etat vers les ménages pauvres. l’aide personnalisée au logement (APL) est la plus connue et la plus
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importante. (…) L’avantage de l’aide personnalisée est qu’elle vient directement aider les ménages les plus
pauvres, car elle est versée sous condition de ressources. Cependant, cette mesure n’est pas parfaite, car les
locataires subventionnés étant rendus plus riches, les propriétaires ont tendance à augmenter les loyers et
récupèrent ainsi pour leur compte une partie de la subvention. On pense typiquement aux studios loués aux
étudiants dans les villes universitaires où l’espace est rare.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.76-88
Document 104 : les réglementations peuvent renforcer les déséquilibres de marché
Marché du travail
Marché du logement
Règles : distinction nature des contrats de
travail et coût du licenciement
Règles : Contrôle des loyers + aide aux
personnes
Préférence des entreprises pour les contrats à
durée déterminée
Désincitation à la construction de nouveaux
logements ;
Hausse des loyers dont les AE sont
concernés par les aides
Dualisation du marché du travail et frein à la
dynamique de destruction créatrice (Cahuc)
Frein à l’offre + hausse des prix
Document 105 : la production publique n’atteint pas son objectif de redistribution
Le problème majeur de la redistribution par le biais de l’opérateur public est que, le plus souvent, elle n’effectue
de fait que peu de transferts réels à destination des plus nécessiteux. Nous avons vu que, dans le cas des HLM, un
certain nombre de ménages aisés continuent de bénéficier de leur logement bien qu’ils n’en aient plus besoin.
Dans le cas de l’assistance publique ou de l’école publique, la redistribution se fait presque à l’envers. Les enfants
des classes moyennes et supérieures font des études plus longues et coûteuses. Ils forment l’essentiel des étudiants
des universités et des grandes écoles, qui sont pourtant souvent gratuites. Lorsqu’ils vieilliront, ils vivront plus
longtemps, utiliseront davantage le système de santé (gratuit) pendant leur vieil âge.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.76-88
Document 106 : la redistribution « à l’envers » de l’école publique
Une caractéristique de l’école publique : sa gratuité
Objectif : réduire l’impact des inégalités de
revenus sur la durée des études
Deux constats
Les enfants des milieux populaires
sont ceux qui font les études les
plus courtes : la gratuité n’agit donc
pas comme un incitateur au
rallongement des études
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L’école est une dépense publique :
il y a donc une redistribution des
richesses des plus riches … vers les
plus riches
6.2
La critique de l’Etat « bienveillant »
6.2.1 L’action de l’Etat ne vise pas l’intérêt de tous : le paradoxe de Condorcet
Document 107 : le gouvernement n’est pas « une machine sans fiction »
Les arguments qui viennent d’être énoncés ne mettent pas en cause les objectifs des autorités publiques : ces
dernières sont supposées servir l’intérêt collectif (…). Les arguments critiques recensés jusqu’ici soulignent
seulement les limites de leur capacité à agir efficacement (notamment) lorsque les agents privés adoptent à leur
égard des comportements stratégiques, ou dans un environnement risqué. (…)
Tout autre est la critique qui met en doute la capacité, voire la volonté des autorités à servir le bien public. Prenant
appui d’un côté sur la théorie économique des institutions publiques, de l’autre sur l’économie publique
contemporaine, un ensemble de travaux se sont attachés à remettre en cause la vision par trop naïve de la décision
publique (…). Comme l’écrivait Jean-Jacques Laffont au sujet de la France, « le système étatique et administratif
repose sur une conception idéaliste du pouvoir politique et de la vie démocratique, sur un postulat général de
bienveillance des hommes politiques, de l’administration et de tous les fonctionnaires et personnels assimilés ».
J.J.Laffont observe que l’idée selon laquelle le comportement des politiques peut être décrit comme maximisation
d’une fonction de bien être social, relève d’une conception rousseauiste selon laquelle le gouvernement est « une
machine sans friction » et un simple « instrument de mise en œuvre de la volonté du peuple » , sans existence
propre.
Source : A.Bénassy-Quéré, B.Coeuré, P.Jacquet et J.Pisani-Ferry « Politique économique », De Boeck, 2009,
p.108-109
Document 108 : le paradoxe de Condorcet montre que le choix politique laisse une partie des citoyens
insatisfaits
Les individus qui composent une société ont des vues différentes en matière de politiques publiques. Face à cette
infinie variété des préférences individuelles, l’Etat doit trouver le moyen d’agréger de manière cohérente les
préférences individuelles afin d’aboutir à un choix collectif optimal. Mais un tel mécanisme existe-t-il ? dans la
plupart des pays développés, le problème de l’agrégation des préférences individuelles est résolu au moyen du
vote à la majorité. Les élections identifient les préférences individuelles au moyen du bulletin de vote et
fournissent une règle simple de majorité. Malheureusement, ce mécanisme n’est pas parfait car il ne permet pas
toujours d’agréger les préférences individuelles de manière cohérente. Cet écueil du système démocratique peut
être compris à partir du paradoxe de Condorcet. (…) Parce qu’elles sont susceptibles de produire des résultats
incohérents, les élections à la majorité ne constituent qu’un mécanisme très imparfait pour guider les choix
collectifs. (…) L’Etat même s’il est capable d’identifier les préférences des individus, est condamné à ne pouvoir
en déduire une préférence collective cohérente.
Source : ss direction de Bozio et Grenet « Economie des politiques publiques », La découverte, 2010, p. 25
Document 109 : le paradoxe de Condorcet
Supposons que les préférences des électeurs se répartissent de la manière suivante :
Un tiers (groupe 1) préfère A à B et B à C ;
Un tiers (groupe 2) préfère B à C et C à A ;
Un tiers (groupe 3) préfère C à A et A à B ;
(si les choix des agents se font par pairs) Le paradoxe de Condorcet mis en évidence est qu’il est parfaitement
possible que le candidat A soit préféré au candidat B par une majorité d’électeurs et que le candidat B soit
également préféré au candidat C par une majorité d’électeurs, sans pour autant que la majorité des électeurs
préfère A à C. Parce qu’elles ne sont pas transitives, les décisions prises à la majorité peuvent ne pas être
cohérentes avec les préférences individuelles des agents.
Source : ss direction de Bozio et Grenet « Economie des politiques publiques », La découverte, 2010, p. 25
Document 110 : l’incohérence des préférences dans le paradoxe de Condorcet
Raisonnement par paires
Groupe 1: A>B
Groupe 3 : A>B
Donc A>B recueille la majorité ;
Groupe 1 : B>C
Groupe 2 : B>C
Donc B>C recueille la majorité
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Conclusion : si les choix des individus des trois groupes étaient cohérents on devrait avoir le classement A>B>C.
Or, on constate pour C est préféré à A par deux groupes sur trois ! Un seul groupe préfère A à C (le groupe 1).
Les choix sont donc incohérents.
Document 111 : les problèmes du marché à mener à l’intérêt général concerne aussi la puissance publique
Par le marché (régulation marchande)
Par l’Etat (régulation politique)
Les actions individuelles conduisent à des
situations sous-optimales : défaillances
Les décisions individuelles conduisent à des
situations incohérentes
Dans ce cas, le marché, ne conduit pas à
l’intérêt général
Dans ce cas, l’expression politique ne
conduit pas à l’intérêt général
L’expression des décisions individuelles soit par le
marché, soit par l’Etat ne conduit pas à l’intérêt général
6.2.2 Il existe aussi des « défaillances de l’Etat » : cycle politico-économique, capture du
régulateur et lobbies
Document 112 : les sources de défaillances de l’Etat
Premièrement, les gouvernements démocratiques responsables sont particulièrement sujets aux problèmes de
crédibilité et de l’incohérence temporelle. Par nature, ils arbitrent constamment entre différents objectifs ; ils
doivent réagir aux attaques de leurs opposants et aux inquiétudes de l’opinion ; ils cherchent à être réélus, ce qui
raccourcit leur horizon. (…)
Deuxièmement, les gouvernements subissent en permanence la pression d’intérêts constitués. (…) George
Stigler (1971) accorde une place centrale à la question de la « capture du régulateur » par les intérêts qu’il est en
charge de surveiller.
La troisième défaillance a pour origine la politisation des décisions. Dans un régime démocratique, un
gouvernement peut se conduire de manière opportuniste et chercher à maximiser ses chances de réélection en
baissant les impôts juste avant le scrutin, en augmentant les dépenses ou en repoussant les décisions difficiles. Si
les électeurs sont myopes et ne perçoivent pas les conséquences futures des décisions publiques, ce type de
comportement donne naissance à un cycle des affaires politiques. L’Insee a ainsi mesuré que, toutes choses
égales par ailleurs, L’investissement augmente en moyenne de 6% dans les administrations locales sur les deux
années précédant une élection municipale et baisse de près de 5% sur les deux années suivant l’élection. Ce type
de comportement peut également déboucher sur des choix intertemporels systématiquement défavorables aux
générations à venir, qui ne votent pas (encore).
Quatrièmement, (…) sachant qu’en cas d’alternance la priorité politique va changer, un parti incertain de sa
réélection va fortement inciter à surinvestir dans le domaine qu’il privilégie, et au contraire à freiner les dépenses
de son successeur en lui léguant une dette publique élevée. Plus le pays est divisé et l’alternance fréquente,
plus élevée sera la dette publique. Le problème vient ici de ce que chaque camp est persuadé de conduire une
politique conforme à l’intérêt général, mais que la division idéologique du pays conduit à un excès de dépense et
d’endettement. De fait, l’endettement public est positivement corrélé au degré d’instabilité politique.
Cinquièmement, l’existence de fortes divisions entre régions, ethnies ou groupes sociaux, peut conduire à
une allocation inefficace de la dépense publique. Chaque fraction a intérêt à obtenir du gouvernement des
bénéfices tangibles, tandis que les coûts macroéconomiques correspondants sont répartis sur l’ensemble de la
population.
Source : A.Bénassy-Quéré, B.Coeuré, P.Jacquet et J.Pisani-Ferry « Politique économique », De Boeck, 2009,
p.108-109
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Document 113 : les apports de l’école du Public Choice
Pour les fondateurs de l’école des choix publics, James Buchanan et Gordon Tullock (The Calculus of consent.
Logical foundations of Constitutionnal democracy, 1962), l’Etat n’est pas bienveillant : contrairement à ce que
l’on postule généralement, les pouvoirs publics ne cherchent pas toujours à favoriser l’intérêt général.
L’Etat – ou plutôt les acteurs qui l’animent – a aussi ses intérêts propres, ce qui le conduit à prendre des décisions
qui l’éloignent l’allocation optimale des ressources : son intervention peut se faire au profit des dirigeants
politiques, des cercles de pouvoirs (élargis aux intérêts économiques des grandes firmes) ou des groupes de
pression.
Les théoriciens du choix public considèrent qu’il existe un marché politique. L’offre politique (incarnée par les
dirigeants politique) cherche à y maximiser sa satisfaction. Ainsi, des décisions peuvent être prises pour des
intérêts opportunistes ou électoralistes. Par exemple, des choix de court terme sont privilégiés à des mesures de
long terme bien que ces dernières soient plus efficaces car il s’agit avant d’être réélu. Il s’agit donc d’obtenir les
votes (demande politique) sans nécessairement tenir compte de l’intérêt général.
Dans The Political Business Cycle (1975), William D. Nordhaus explique justement que certains choix en matière
de politiques conjoncturelles traduisent l’existence d’échéances électorales. Les politiques au pouvoir ont
tendance à mener des politiques de relance budgétaire (par la hausse des dépenses publiques) quelques temps
avant une élection afin s’attirer la bienveillance des électeurs (et rester au pouvoir) ; puis, à mener des politiques
de rigueur (afin de lutter contre l’inflation) une fois l’échéance électorale passée et remportée.
James Buchanan et Gordon Tullock (1962) expliquent que les dirigeants politiques ne peuvent aucunement
satisfaire l’ensemble des préférences des électeurs. Il devient donc rationnel de choisir de satisfaire en premier
lieu les revendications des groupes de pression (lobbies). Il s’agit d’une facilité qui est rentable sur le plan
électoral : le lobby avantagé perçoit très distinctement l’aide qui lui a été apporté alors que le coût supporté par la
collectivité suite à cette décision est beaucoup plus diffus. Les électeurs ne vont donc pas saisir que l’Etat n’est
désintéressé.
L’influence des groupes de pression sur les hommes politiques peut être analysé d’une façon. En 1971, dans « The
Theory of Economic Regulation », Georges Stigler montre qu’il existe un marché de la réglementation : les
offreurs sont les dirigeants politiques et les hauts fonctionnaires qui décident des normes en vigueur ; les
demandeurs sont les responsables des grandes firmes qui souhaitent que la réglementation n’entrave pas leur
volonté de profit. Stigler considère que les entrepreneurs font pression sur les autorités politiques grâce à leurs
moyens financiers conséquents (versement de fonds lors des campagnes électorales) et leur potentiel d’emplois (et
donc de chômage).
L’Etat devrait normalement satisfaire l’intérêt général mais, ainsi placée sous pression, il peut être amené à
prendre des décisions qui servent les intérêts privés des grandes firmes. Les groupes de pression capture ainsi la
réglementation pour qu’elle leur soit favorable, et ce, au détriment du bien-être collectif (des consommateurs, de
l’environnement etc.) ;
Enfin, les théoriciens du choix public se sont intéressés au comportement des fonctionnaires. Dans Bureaucracy
and Representative Government (1971), William A. Niskanen explique que les « serviteurs de l’Etat » possèdent
également des intérêts propres qui peuvent se révéler en contradiction avec l’intérêt général. Il explique ainsi
qu’un Etat se donnant pour mission de trouver l’optimum collectif serait vraisemblablement entravé dans sa quête
par le développement de coûts bureaucratiques. En dépit de leur mission de service public, les fonctionnaires ont
en effet tout intérêt à ce que la taille de l’Etat augmente (ce qui se traduit par une hausse des prélèvements
obligatoires) : ils défendent leur champ d’activité, obtiennent des hausses de budget et augmentent ainsi les
dépenses publiques. Pourquoi les fonctionnaires obtiennent-ils gain de cause ? En raison d’une asymétrie
d’information. La tutelle de l’administration est toujours éloignée et l’Etat ne maitrise pas aussi bien les attentes
du secteur concerné que les fonctionnaires. Il faut également tenir compte du fait qu’il est presque toujours
impossible pour les pouvoirs publics de s’adresser à une autre entreprise et de faire jouer la concurrence
(monopoles publics). En fait, l’Etat aurait même tout intérêt à toujours augmenter le budget de ses administrations
puisque les fonctionnaires représentent une force électorale non-négligeable. Il est donc plus intéressant qu’ils
soient plus nombreux (et redevables) que le contraire. Dès lors, la bureaucratie ne peut cesser de grandir : plus
l’Etat augmente les budgets de ses services administratifs, plus les administrations ont un poids important dans les
décisions publiques, plus elles se font entendre et obtiennent des rallonges budgétaires etc.
Document 114 : les cycles politiques et la critique de l’homme politique désintéressé
Dans presque toutes les démocraties, les impôts ont tendance à baisser avant les élections, et les ajustements
fiscaux douloureux ont lieu juste après. Ces cycles, il est évident que ce n’est pas la logique économique mais le
processus politique qui les engendre. Car les hommes politiques sont des citoyens qui font leur métier, dont une
grande partie consiste à se faire élire et réélire. (…) Les politiques ne sont ni des saints ni des salauds : comme
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tout un chacun, ils optimisent leurs carrières. Ce faisant, ils obéissent aux incitations que les institutions
démocratiques leur donnent, et font ce qu’il faut pour ne pas perdre leur emploi. Le court-termisme,
l’électoralisme qu’incarne le marketing politique sont inévitables. Ils ne sont pas une dégénérescence mais une
donnée du problème de gouvernance qui accompagne toute véritable démocratie représentative. (…)
Le fait que l’on accède au pouvoir en séduisant une majorité peut conduire à la mise en place de politiques
publiques néfastes. En effet, une majorité peut vouloir dépouiller une minorité, sans considération pour le coût
imposé à la minorité. (…) De fait, l’homme politique « rassembleur » est un mythe que nous a légué le Général
De Gaulle. Les politiques en campagne ne cherchent jamais à satisfaire l’ensemble des électeurs. Ils se battent
pour convaincre une catégorie spécifique d’individus, les indécis, qui peuvent faire basculer le scrutin d’un côté
ou de l’autre ; plus que la majorité, ce sont alors ces indécis, que les politologues appellent « l’électeur médian »,
qui sont les arbitres du jeu politique et déterminent son « agenda ». (…)
Les effets pervers de cette mythologie de l’homme politique désintéressé sont particulièrement nombreux dans
notre pays, et pour certains, uniques au monde : cumul des mandats, avantages en nature, rémunérations
relativement basses, faiblesse endémique des autorités de contrôle, juridiction d’exception pour l’Etat, négation
des conflits d’intérêts.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.131-144
Document 115 : groupes de pression et lobbies
Les hommes politiques ne sont pas les seuls à orienter l’intervention publique de manière à satisfaire leurs propres
intérêts. il existe en effet une myriade d’autres acteurs qui cherchent à modifier l’action de l’Etat pour en retirer
des profits personnels. Les groupes de pression, ou de lobbies, ont pour but d’influencer les hommes politiques
car ils informent les gouvernements sur les problèmes que ces derniers pourraient ignorer. En France, cette
fonction a par exemple été consacrée lors du processus dit du Grenelle de l’environnement qui a réuni en 2007 le
gouvernement, des ONG environnementales et des groupements professionnels. Le rôle des lobbies s’avère en
revanche plus discutable lorsqu’il consiste à récompenser des hommes politiques en leur accordant des faveurs
pour les inciter à mettre en œuvre des politiques qui ne profitent pas à la société dans son ensemble. Cette menace
est importante parce qu’il est d’autant plus facile pour un groupe d’individus de se constituer en lobby que ce
groupe est petit et donc moins représentatif.
Source : ss direction de Bozio et Grenet « Economie des politiques publiques », La découverte, 2010, p. 31
Document 116 : la capture du régulateur par les intérêts privés
Le premier dysfonctionnement qui peut miner la police du marché est le danger d’une connivence entre le régulé
et le régulateur, qui inactive de fait la fonction de ce dernier. Dans quelles circonstances faut-il s’inquiéter le plus
de cette capture potentielle ? Comment peut-on minimiser le risque ? (…) Difficile de dire qu’en France, les
régulateurs du transport aérien sont à l’abri du conflit d’intérêt. D’une part, la direction générale de l’Aviation
civile (DGAC) dépend directement du ministère des Transports, lui-même actionnaire du transport française, Air
France. L’Etat est donc à la fois régulateur et régulé. D’autre part, le Cohor (association chargée d’allouer les
créneaux horaires aux différentes compagnies aériennes) n’a pas le statut d’autorité indépendante (comme le
régulateur des télécoms ou celui de l’électricité), mais d’association dont Air France est un membre fondateur.
Son directeur général est en détachement d’Air France, et encore rémunéré par la compagnie. Son conseil
d’administration est composé, sur six membres, de trois filiales d’Air France. Pour verrouiller l’ensemble, un
représentant du ministre chargé de l’aviation civile siège au conseil d’administration et à l’assemblée générale de
l’association. Il est évidemment impossible de prouver que la DGAC, les aéroports ou le Cohor ont
intentionnellement cherché à favorisé Air France. (…) Mais les suspicions ne sont pas levées, et ne le seront
jamais tant que le système plongera les hommes qui le font fonctionner dans des situations de conflits d’intérêts.
(…) Le régulateur peut être capturé par les intérêts privés qu’il est censé réguler.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.91-99
Document 117 : les conséquences de la capture du régulateur (exemples)
Quelles faveurs ces intérêts privés peuvent-ils attendre ? (…) Fréquentes sont les subventions indirectes. Les plus
évidentes sont les subventions de type « prime à la casse » où l’on verse une aide d’Etat à ceux qui remplacent
leurs automobiles, mais dont le but est de soutenir temporairement les producteurs. La filière automobile, en
difficulté pendant les crises, obtient typiquement de telles subventions en menaçant de licencier massivement. On
peut aussi penser aux déductions fiscales accordées aux ménages qui investissent dans le logement locatif. (…)
Au-delà des subventions, la capture du régulateur permet aussi de se prémunir contre la concurrence, soit par des
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barrières à l’entrée, soit au moyen de prix réglementés. Le rapport écrit en 2004 par P.Cahuc et F.Kramarz
fourmille d’exemples de professions, qui, au fil du temps, ont hérissé des barricades pour éviter la concurrence.
(…) En 2008, il y a à Paris 16 000 licences de taxis, contre 14 000 en 1937. (…) Comme nous l’avons vu, la
fixation des prix par la puissance publique peut tout à fait se comprendre en présence d’un monopole naturel dont
la tentation est de fixer des prix trop élevés. Mais dans un secteur concurrentiel comme celui des taxis, cela est
beaucoup moins évident. En fait, la réglementation des prix a pour seul et unique but, dans un secteur
concurrentiel, d’empêcher les producteurs de baisser leurs prix et de se faire concurrence. C’était par exemple, la
raison d’être de l’interdiction de rémunération des dépôts bancaires jusqu’en 2004. (…) Après les subventions et
les protections contre la concurrence, la proie favorite des groupes d’intérêts est la protection du consommateur.
(…) En 2004, G.Bush a tenté de rendre les contrats de prêts immobiliers plus transparents et plus simples, pour
éviter aux ménages peu avertis de s’endetter excessivement. Il en a été empêché par le Congrès ; au cœur de la
manœuvre, on trouve des parlementaires proches des courtiers spécialisés dans l’octroi des prêts immobiliers aux
ménages pauvres, comme Countrywide.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.91-99
Document 118 : l’exemple des liens entre finance et pouvoir politique aux Etats-Unis
Dans les démocraties développées, la capture du régulateur prend une forme plus discrète, mais n’en existe pas
moins. L’ancien chef économiste du FMI Simon Johnson dénonce le « coup d’Etat silencieux » organisé par le
secteur financier sur les administrations Bush et Clinton, grâce aux nombreuses passerelles qui existent entre Wall
Street et les hautes sphères du pouvoir. Ces passerelles fonctionnent dans les deux sens : les régulateurs qui
s’apprêtent à partir pour le secteur privé ne veulent pas fâcher leurs futures employeurs. On a pu établir par
exemple que, dans le secteur de l’électricité aux Etats-Unis, les membres des commissions de régulation dont le
mandat arrive à échéance ont tendance à voter pour des prix de l’électricité plus élevés. Au terme du mandat, on
devient donc significativement plus sensible aux préoccupations des producteurs, ce qui suggère que la transition
du public vers le privé a un impact sur l’impartialité du régulateur. (…) Après l’élection de G.Bush, R.Rubin qui
avait bâti sa fortune chez Goldman Sachs avant de devenir ministre (secrétaire d’Etat au Trésor) à rejoint
Citigroup comme conseiller du président. (…) Depuis 2005, Alan Greenspan (gouverneur de la Fed) travaille pour
Pimco, l’un des plus grands gestionnaires de fonds obligataires du monde. Lawrence Summers est de retour à la
Maison Blanche et œuvre à la régulation d’un système financier en déroute … après avoir travaillé pendant
plusieurs années pour le fonds spéculatif D.E.Shaw & Co. Sans faire peser aucun soupçon de corruption directe,
ces parcours traduisent la proximité très forte des protagonistes de la régulation des années 1990 avec la haute
finance américaine.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.100-112
Document 119 : la capture du régulateur, le cas français
En France, les groupes d’intérêts ne capturent pas le régulateur : ils sont installés au sein même de l’appareil
public, ils organisent la version française du coup d’Etat silencieux avec l’accord tacite d’une fraction de la
fonction publique. (…) A tous les niveaux de l’Etat, les groupes d’intérêts influencent officiellement le politique
et l’administration ; ils obtiennent subventions, produits de nouvelles taxes, restrictions concurrentielles,
obligations d’achat et règlements dérogatoires. (…) Il faut d’abord se pencher sur une particularité historique qui
est spécifique à notre pays : le corporatisme. Le mouvement corporatiste, né dans les années 1930, avait pour
ambition de déléguer l’organisation de l’économie aux associations professionnelles. (…) Dans la France de
l’après-guerre, l’Etat fait le choix d’impliquer les syndicats professionnels dans l’organisation de la
reconstruction. (…) Les représentants professionnels sont impliqués dans la rédaction des règlements, mais se
chargent aussi de recouvrer les impôts et de faire respecter certaines règles. Par exemple, dans l’agriculture, l’Etat
suspend son rôle de planificateur en 1960, et délègue à partir de ce moment le soin à la profession de lever l’impôt
et de distribuer les subventions. On voit très vite les effets pervers du corporatisme : installés directement au cœur
de l’Etat, dotés d’un statut quasi officiel, ces lobbies qui ne disent pas leur nom font office de fonction publique
bis. (…) Le deuxième élément typiquement français de la capture du régulateur est le lien très fort qui unit la
haute fonction publique et le monde des affaires ; depuis l’après-guerre, cette osmose s’est formée par le transfert
de plus en plus fréquent des hauts fonctionnaires vers le secteur privé. (…) En 2009, sur l’ensemble des directeurs
généraux des entreprises du CAC 40, 11 étaient issus de l’ENA, 13 des grands corps d’Etat et 9 avaient été
membres de cabinet ministériels. Toutes les banques sont dirigées par d’anciens inspecteurs des finances. (…) La
France ne fait pas exception : chez nous comme ailleurs, les groupes de pression ont appris à prendre le contrôle
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du régulateur. L’impartialité de la fonction publique ou la bonne volonté des associations professionnelles sont
des mythes néfastes qui entretiennent notre pays dans un corporatisme coûteux.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.100-112
Document 120 : les défaillances de l’Etat
cycle politico-économique
lobbies
capture du régulateur
L’action de l’Etat défend des intérêts particuliers
Défaillances de l’Etat
Document 121 : des défaillances du marché aux échecs de l’Etat
L’allocation marchande est en échec pour atteindre
l’optimum collectif dans certains cas
La réponse à ces échecs du marché peut être l’action de l’Etat :
l’Etat intervient dans l’allocation des ressources
Mais l’intervention publique, elle aussi, ne garantie pas que
l’optimum collectif soit atteint
L’Etat n’est pas « efficient »
L’Etat n’est pas « bienveillant »
Est-il possible de réduire ces « échecs » de la puissance
publique ?
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Nicolas Danglade
6.3
Comment réduire les limites et contraintes qui pèsent sur l’action publique ?
Document 122 : les réponses aux limites de l’intervention publique
On peut distinguer trois types de réponses aux limites de l’intervention publique.
Les réponses qui s’attaquent aux problèmes posés par les asymétries d’information : comme l’on montré JeanJacques Laffont ou Jean Tirole (Economie du bien commun, 2015) il est possible pour la puissance publique de ne
pas subir de comportements opportunistes de la part des entreprises avec lesquelles elle est en situation de
principal/agent. par exemple, les mairies qui utilisent des services d’entreprises privées pour la gestion de l’eau
peuvent chercher à découvrir le « vrai » prix du service en jouant sur un menu de contrats.
Les réponses qui s’attaquent aux problèmes posés par l’inefficacité de l’action publique. Les pouvoirs publics
doivent se doter d’outils d’évaluation des politiques publiques afin d’éviter des erreurs de politiques économiques.
Les réponses qui s’attaquent aux problèmes posés par les défaillances de l’Etat. C’est sans doute le point sur
lequel la France aujourd’hui a le plus de retard par rapport à d’autres PDEM. Les défaillances de l’Etat
correspondent aux situations où l’intérêt général est confisqué par des intérêts particuliers : intérêt des hommes
politiques qui « optimisent » leur carrière politique, intérêt des lobbies qui influencent les décisions, intérêt des
régulés eux-mêmes qui peuvent capturer l’organisme chargé de leur propre régulation (ce sont les syndicats
agricoles qui gèrent par exemple la distribution des subventions de la PAC .... aux agriculteurs), collusion entre
les hommes politiques, les entreprises et les citoyens dans les situations de corruption de fonctionnaires ou d’élus
(Pierre Lascoumes « Une démocratie corruptible », 2011).
6.3.1
Répondre aux problèmes des asymétries d’information : les travaux de Tirole et
Laffont
Document 123 : le système des enchères pour révéler l’information
Les enchères dans le cas des licences téléphoniques sont un exemple de contrat qui incite l’ « agent » à révéler au
« principal » l’information dont il dispose. (…) Pour être incitatif, le contrat concède généralement à l’entreprise
une partie de la rente. (…) La portée de cette analyse est très vaste : délégation de service public d’une collectivité
territoriale à une régie ou à une entreprise privée, comme il est d’usage en France pour le traitement et la
distribution de l’eau, partenariat privé-public (PPP) avec un entrepreneur chargé de construire des routes, des
hôpitaux, des prisons, relation entre l’Etat et une entreprise publique, comme les chemins de fer.
Source : A.Bénassy-Quéré, B.Coeuré, P.Jacquet et J.Pisani-Ferry « Politique économique », De Boeck, 2009,
p.102-104
Document 124 : l’apport des travaux de Jean Tirole et Jean-Jacques Laffont, contrôler la délégation de
service public (asymétrie d’information)
Depuis le milieu des années 1980, les nouvelles théories de la régulation, dont les économistes française JeanJacques Laffont et Jean Tirole ont été les pionniers, mettent en exergue l’importance des incitations et des
asymétries d’information pour une régulation optimisée des monopoles naturels. Le contrat avec une entreprise
concessionnaire d’un monopole naturel doit lui donner des incitations à réduire ses coûts de production et à
entretenir les infrastructures efficacement. Il faut donc laisser à ces entreprises la possibilité de faire des profits.
Elles ont alors un intérêt financier à gérer mieux. En négociant avec elles, le régulateur doit chercher à inférer
leurs coûts véritables pour éviter des gonflements artificiels et limiter les profits concédés. Il peut le faire en
invitant à choisir parmi un « menu » de contrats, dont chacun spécifie l’enveloppe fournie à l’entreprise pour
couvrir les coûts de sa prestation et la règle de partage en cas de profits et de dépassement des coûts. Laffont et
Tirole insiste aussi sur l’avantage d’utiliser les enchères pour détecter le producteur le plus efficace et celui de
« benchmarker » leur performance par les coûts observer sur des marchés similaires. (…) L’exemple de l’eau, ou
le monopole est institué à l’échelle de la commune et non du pays, est à ce titre éclairant. Du fait de cette structure
locale, on compte plus de 15 000 contrats de délégation différents dans les pays, ce qui préserve une émulation
technologique entre les prestataires et une possibilité de comparer finement leurs coûts et donc de diminuer la
note des consommateurs.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.29-38
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Document 125 : la production de l’eau
Production eau
Monopole naturel
Monopole public ou délégation de service public ?
Avantage de la production privée par
rapport à la production publique
Mais inconvénient de la production privée
Comment réduire l’asymétrie d’information et le
risque de comportement opportuniste ?
Travaux de Laffont et Tirole
6.3.2
L’importance de l’évaluation des politiques publiques
Document 126 : Comment sortir des situations de défaillances de l’Etat ?
Tout d’abord, il est nécessaire de développer davantage d’évaluations indépendantes (du pouvoir politique en
place) des politiques économiques. Il existe véritablement un retard français en matière d’évaluation des
politiques publiques. Cette évaluation indépendante commence à se développer mais elle reste embryonnaire. En
outre, le pouvoir politique a pour habitude de ne pas évaluer ex ante (avant de la mettre en place) les résultats
potentiels d’une politique économique. Les politiques choisies sont donc souvent des orientations idéologiques
plus que des choix pragmatiques permettant de répondre à une situation donnée.
Document 127 : le rôle de l’évaluation des politiques publiques
Même lorsque le régulateur est animé des meilleures intentions possibles, le dispositif peut ne pas fonctionner.
Les acteurs ne sont pas des robots : ils adaptent leur comportement aux nouvelles règles, ce qui souvent limite
l’effet attendu, voire rend le changement contre-productif. Parfois, ce type de contournement survient de manière
indirecte, et est donc difficile à prévoir. Par exemple aux Etats-Unis, l’un des effets imprévus de l’interdiction de
fumer dans les bars a été …. une augmentation très forte des accidents de la route. (…) Pour pouvoir accompagner
leur bière d’une cigarette, les fumeurs qui vivent dans un comté prohibitionniste doivent faire plus de route. Le
chemin du retour est plus long, ce qui accroît le risque d’accident, surtout lorsqu’on a bu. (…) La réglementation,
visant à protéger le consommateur, grandissante depuis les années 1970, a donné d’autres exemples d’effet de
contournement inattendus (comme par exemple la hausse des accidents de voiture avec l’introduction des
airbags). (…) Parce que l’effet des politiques publiques est difficile à prévoir, il faut pouvoir les expérimenter et
les évaluer à posteriori. (…)
Il faut admettre que les modèles dont disposent les économistes actuellement permettent rarement de prédire
quantitativement la réaction des agents. Les comportements humains se traduisent moins bien en équations que le
mouvement d’un fluide autour d’une paroi (comme dans le cas des souffleries par exemple) : les interactions
économiques sont trop nombreuses, complexes et changeantes, pour être intégralement modélisées. En particulier,
la manière dont les croyances des agents changent reste difficile à appréhender. (…) L’économie n’est pas la seule
discipline à ne pas disposer d’une théorie exhaustive de son objet. Depuis longtemps la médecine fait face au
même problème : la complexité des interactions biologiques et l’importance des phénomènes psychologiques
empêchent les médecins de prédire ce qui arriverait au corps humain en intégrant telle ou telle substance. (…) En
matière d’évaluation, la régulation économique est actuellement dans l’état de la médecine dans les années 1960.
Du côté des régulateurs, l’évaluation en est encore à un stade primitif. (…)
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.199-240
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Document 128: la faiblesse de l’évaluation avant la mise en œuvre des politiques publiques, le cas du RSA
Tous les effets pervers d’une évaluation mal gouvernée se sont manifestés à l’occasion de la mise en place du
revenu de solidarité active. Pour simplifier, l’objectif initial du RSA était de rendre, pour les titulaires du RMI, la
reprise de l’activité financièrement attractive. La mise en place du dispositif prévoyait une phase
d’expérimentation initiale : il s’agit de voir dans quelle mesure remplacer le RMI par le RSA permettait
d’accélérer la reprise de l’emploi. En théorie, l’expérimentation aurait du porter sur un échantillon aléatoire
représentatif de Rmistes, mais cela n’a pas été possible. (…) à la place, (…) la composition des groupes témoins a
été biaisée. (…) les dispositifs étudiés étaient variables, ce qui engendrait de l’aléa dans les résultats des
différentes expériences. (…) En juillet 2008, le comité d’évaluation a remis un rapport d’étape, qui trouvait un
effet favorable du dispositif sur l’emploi, mais très modeste ; il calculait qu’un taux mensuel de 2,9% des Rmistes
« traités par le RSA » retrouvaient un emploi, contre 2,2% des Rmistes « non traités ». Rédigé par des experts en
statistique économique, le rapport insistait sur le caractère peu fiable et prématuré de ces résultats. (…) Mais le
RSA était une mesure phare de la majorité, il permettait de « travailler plus pour gagner plus », ce qui a précipité
le gouvernement à précipiter le processus. Malgré des résultats en demi-teinte, la loi instituant le RSA a été votée
fin 2008. (…) Cinq mois après le vote de la loi instituant le RSA, le comité d’évaluation rendait son rapport final
confirmant l’impact décevant du dispositif ; la loi votée en décembre 2008 est malgré tout entrée en application en
juin 2009, et comme un dernier pied de nez à la logique de l’expérimentation, le montant de l’allocation
effectivement versée a été fixé à un niveau sensiblement plus bas que celui utilisé dans l’expérience. On adonc
versé un RSA inférieur au montant testé, pourtant déjà peu incitatif au retour à l’emploi. (…) L’histoire du RSA a
montré à quel point la classe politique française méprise la notion même d’expérimentation. Expérimenter, c’est
se soumettre aux faits, renoncer au marketing politique, et d’une certaine façon déléguer du pouvoir aux
scientifiques chargés du protocole expérimental. Les hommes politiques n’hésitent pas à la faire lorsqu’il s‘agit
d’expériences médicales, mais c’est plus difficile à accepter sur le terrain de la politique économique. évaluer, ce
n’est donc pas juste une question de méthode, mais aussi une question de gouvernance.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.199-240
6.3.3
Répondre aux défaillances de l’Etat : le rôle de la démocratie
Document 129 : le lien entre démocratie et croissance
L’élaboration de l’action publique (c’est-à-dire l’élaboration d’une politique économique) ne peut être laissée
entre les mains d’experts technocrates. Il est nécessaire que les citoyens puissent, grâce au débat public,
« s’emparer » des questions qui vont conduire à la mise en œuvre de telle ou telle décision politique. Il faut donc
davantage d’information et davantage de participation. On retrouve là l’idée d’une démocratie « délibérative »
dans laquelle finalement l’action publique est le résultat d’un débat argumenté au sein de la société. Dit autrement,
le débat politique ne peut pas s’arrêter une fois les élections passées et les représentants du peuple désignés. Il est
important de « créer » un espace de discussion politique qui ne se limite pas à l’hémicycle de l’Assemblée
Nationale. Les médias ont donc un rôle à jouer dans cette démocratie délibérative, ainsi que tous les acteurs de
l’espace civil (et non pas uniquement « politique »), comme, par exemple, les universitaires qui portent une
connaissance « objective » de la réalité. Le débat public doit finalement ressembler au débat scientifique, où
l’argument le plus pertinent doit pouvoir l’emporter. C’est ainsi que le philosophe allemande contemporain Jurgen
Habermas conçoit l’espace public. Finalement, comme le rappelle Pierre Rosanvallon, la démocratie est bien plus
« complexe » qu’une simple élection. On peut conclure, en rappelant que la démocratie peut aussi être
participative : certaines politiques publiques peuvent être élaborées et décidées conjointement par les élus (ce qui
est normal dans une démocratie représentative) mais aussi par les citoyens. Ainsi à Porto Alegre au Brésil,
l’affectation du tiers du budget municipal est décidée conjointement par les élus et par les citoyens (c’est donc un
mélange entre démocratie représentative et démocratie directe).
La capacité à fournir et faire circuler l’information doit également permettre de lutter contre la corruption et le
clientélisme.
David Thesmar et Augustin Landier insistent sur le fait que plus la démocratie est vivace, plus les formes
délibératives, participatives et représentatives se complètent, plus les défaillances de l’Etat peuvent être réduite.
On retrouve aussi cette idée chez Philippe Aghion (« Repenser l’Etat. Pour une sociale démocratie de
l’innovation » avec Alexandra Roulet en 2012) par exemple lorsqu’il fait le lien positif entre démocratie et
croissance. Le point important est finalement que la société ne laisse pas à quelques-uns la capacité de définir et
de mettre en œuvre les choix publics. D.Thesmar et A.Landier parlent de « société translucide », car ce qui
importe c’est la capacité que la société a à produire de l’information sur elle-même (importance des statistiques,
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Nicolas Danglade
de la recherche et des évaluations des politiques publiques) et, à assurer la communication de ces informations en
son sein, pour permettre des décisions « éclairées » de tous les citoyens.
Document 130 : réduire les échecs de l’Etat ?
Est-il possible de réduire ces « échecs» de la puissance
publique ?
Réduire les asymétries
d’information : travaux de
Laffont et Tirole
Effets pervers et objectifs
non atteints
Des décisions qui favorisent
certains intérêts particuliers
Points faibles en France : faiblesse de l’évaluation des
politiques publics et défaillances de l’Etat
Solution ? « une société translucide » (Thesmar &
Landier) / rôle de la démocratie
Document 131 : l’écosystème de la « société translucide », l’ouverture de l’information à l’ensemble des
citoyens
Comment faire entrer une véritable culture de l’évaluation dans les mœurs politiques et administratives ?
La première étape consiste à privilégier l’évaluation statistique ou expérimentale sur l’évaluation qualitative par
comité d’experts. (…) Pour développer l’analyse statistique, il faut donc former davantage de statisticiens à même
d’évaluer l’action publique. Dans la société de l’information, le secteur privé, de l’Oréal à Google, fait une
utilisation de plus en plus intensive du savoir-faire des statisticiens pour analyser des bases de données toujours
plus nombreuses et plus détaillées. (…) Un Etat qui se veut efficace doit exploiter davantage ces techniques.
La deuxième pièce du puzzle est la formation d’un corps d’évaluateurs indépendants, capables de mettre au point
des protocoles d’expérimentation, formés à la statistique, et à l’abri des pressions provenant des politiques comme
de ceux qui sont évalués. (…) Un Insee rendu formellement indépendant du ministère de l’Economie serait à
même de jouer ce rôle en France en partenariat avec la Cour des comptes. (…) Mais il serait erroné de ne compte
que sur un tel institut national de l’évaluation pour surveiller l’action publique. Si la politique est l’art du choix,
l’évaluation statistique doit être son guide, et l’opinion publique son cerbère. C’est l’opacité et le doute qui
permettent le maintien des systèmes inefficaces : c’est pourquoi il faut mettre au grand jour les informations et
faire appel à toutes les bonnes volontés et pas seulement aux évaluateurs internes à l’administration ou à leurs
sous-traitants. Il faut donc faire appel à l’intelligence collective. (…)
Pour rendre l’action publique sa force et sa flexibilité, il faut briser le monopole de l’expertise, et s’appuyer pour
évaluer et faire évoluer la régulation sur ces experts externes que sont les universitaires, les journalistes, les
associations et les citoyens informés. Pour être efficace, le régulateur doit faire le pari de l’intelligence collective.
(…) Un véritable écosystème d’analystes critiques existe au sein de la société civile, il faut y recourir. (…)
Comment impliquer les citoyens plus directement dans l’action publique ? La première approche, évidente pour
un économiste, consiste à en appeler à leurs intérêts financiers plutôt qu’à leur civisme. (…) Aux Etats-Unis, les
actions collectives auprès des tribunaux sont une technologie citoyenne redoutable. Pour l’instant, les projets de
class actions à la française sont étouffés par les groupes d’intérêts. (…) Heureusement, la Commission
européenne met la pression : tôt ou tard, la France devra autoriser les actions de groupe. (…) Pour ce qui est de la
surveillance des entreprises et de leurs dirigeants, certains investisseurs jouent aussi un rôle de vigile intéressé. Ils
digèrent des informations financières complexes, positionnent leurs investissements, puis cherchent à convaincre
l’opinion. (…) Le gérant de portefeuille David Einhorn a ainsi révélé au printemps de 2008, soit 6 mois avant le
désastre final, le « pot aux roses » sur la banque Lehman Brothers, en expliquant par le détail pourquoi des
chiffres en apparence rassurant présentés par la banque n’étaient qu’une habile entourloupe. (…) En accord avec
ses convictions, Einhorn était à l’époque vendeur du titre Lehman Brothers. (…) A côté des citoyens, les
universitaires constituent une deuxième classe d’experts externes. (…) L’avantage des universitaires est d’être au
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fait des dernières technologies statistiques et expérimentales, d’être capable d’adapter ces méthodes aux
problèmes de régulation et d’avoir le temps de le faire. (…) Parce qu’ils misent leur carrière sur l’innovation et la
reconnaissance à long terme, ils ont les incitations adéquates pour mettre en place ces protocoles et poser les
questions qui dérangent en faisant fi du marketing politique. (…) A coté des universitaires, le secteur associatif
constitue une deuxième classe d’experts externes issus de la société civile. Certaines ONG globales, parmi les
mieux connues, agissent comme des agences de notation. (…) Les think tanks, ou instituts politiques, sont eux
aussi des relais charnière de la société civile, à la frontière du monde universitaire, du politique et des médias. (…)
Dernière composante du système de surveillance : les médias. Certains journalistes font profession de dénicher
des scandales et misent leur carrière sur des scoops. (…) Le régulateur doit maintenant apprendre à fonctionner en
architecture ouverte, sur le modèle des programmes informatiques « open source », dont le code, en perpétuelle
évolution, est ouvert à l’usage et aux contributions de tous. (…) Les conditions de l’action publique participative
sont simples. Aucun citoyen, aucune entité ne doit être en situation de monopole sur l’information ou la
production d’idées. L’ouverture est la clé du dispositif de surveillance par des experts extérieurs ; c’est l’antidote
aux illusions de groupe et à la capture des gardiens du secret par les intérêts privés.
Source : Augustin Landier et David Thesmar « La société translucide. Pour en finir avec le mythe de l’Etat
bienveillant », Fayard, 2010, p.199-240
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