TED OU TDAH LE TROUBLE DÉFICITAIRE DE L’ATTENTION/HYPERACTIVITÉ (TDA/H) ET LE TROUBLE ENVAHISSANT DU DÉVELOPPEMENT NON SPÉCIFIÉ (TED/NS) : COMMENT LES DISTINGUER DURANT LA PETITE ENFANCE par Sylvie Tessier, psychologue Commission scolaire de l’Or-et-des-Bois Titre : Differentiating Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder from Pervasive Developpemental Disorder not Otherwise Specified Auteurs : Roeyers, H., Keymeulen, H. et Buysse, A. Source : Journal of Learning, 1998 Quoique reconnus depuis longtemps par les cliniciens et les chercheurs, les enfants TED/NS n’ont pas souvent été l’objet d’études. Ils présentent souvent des symptômes qui peuvent se retrouver dans l’ensemble plus vaste des troubles envahissants du développement. Le terme TED/NS s’applique à des désordres qui sont plutôt similaires à l’autisme, mais dont on ne retrouve pas toutes les caractéristiques requises pour un diagnostic sans équivoque. Même si plusieurs études supportent la validité du concept et offrent certaines indications pour le diagnostic, le terme TED/NS est souvent utilisé de façon inégale, principalement parce qu’il est décrit dans le DSM-III-R de manière essentiellement négative sans offrir de critères diagnostiques explicites. Le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDAH) est utilisé pour caractériser un groupe très hétérogène d’enfants qui sont sujets à un niveau anormalement élevé d’impulsivité, d’inattention et d’agitation motrice. Bien que l’enfant TDA/H se remarque principalement dans la première année de scolarisation parce qu’il ne se conforme pas aux exigences de la classe, tous s’entendent pour dire que ce syndrome peut être clairement identifié durant la petite enfance. D’un point de vue clinique, les deux syndromes semblent avoir une zone commune où les différents symptômes peuvent se retrouver autant chez l’un que chez l’autre, surtout pendant les premières années de vie de l’enfant. Ainsi, distinguer les enfants TDA/H des enfants TED/NS de «haut niveau » est probablement le diagnostic différentiel le plus difficile à établir selon Barkley, principalement parce que les deux groupes d’enfants semblent déficitaires au plan du développement des processus d’analyse de l’information. Les comportements des enfants TDA/H et TED/NS ne sont pas déterminés par le contexte social, mais plutôt par des caractéristiques internes. Toutefois, les différences entre les deux syndromes se précisent avec l’âge. Ainsi, une étude citée par Barkley en 1990 a démontré qu’à l’âge scolaire les comportements des enfants TDA/H sont souvent décrits comme immatures, alors que ceux des enfants TED/NS ne sont jamais considérés comme tel à quel qu’âge que ce soit, mais sont plutôt décrits comme bizarre ou atypique. La présente recherche tente de mettre en évidence les indices cliniques spécifiques qui différencient les enfants TDA/H des enfants TED/NS dans les quatre premières années de vie, afin de vérifier si les deux groupes sont distincts durant cette période de leur vie. Méthode Deux groupes de 27 enfants de niveau primaire ont participé à l’étude, tous diagnostiqués par une équipe multidisciplinaire expérimentée. Le premier groupe se composait d’enfants TDA/H présentant les critères diagnostiques spécifiques décrits dans le DSM-III-R. Le deuxième groupe, celui des TED/NS, se composait d’enfants dont les interactions sociales et les habiletés de communication verbale et non verbale étaient significativement altérées, sans toutefois rencontrer l’ensemble des critères diagnostiques de l’autisme décrits dans le DSM-III-R. Aucun de ces enfants ne présentait d’autre handicap. Procédure Les auteurs ont élaboré un questionnaire rétrospectif s’adressant aux parents des deux groupes d’enfants portant d’abord sur les complications survenues lors de la grossesse et de l’accouchement, mais principalement sur douze aspects du développement de leur enfant : alimentation, sommeil, entraînement à la propreté, niveau d’activité, communication, développement moteur, socialisation, traitement de l’information, comportements problématiques, jeux, comportements stéréotypés et anxiété. Les questions évaluaient six périodes de la vie de l’enfant soient : 0-3 mois, 4-6 mois, 7-12 mois, 13-24 mois, 25-36 mois et 37-48 mois. Résultats 1. Complications durant la grossesse et l’accouchement : aucune différence significative entre les deux groupes ; 25% des mères ont rapporté des problèmes durant la grossesse ; une proportion significativement plus élevée d’enfants TDA/H a démontré des cris et pleurs très intenses après la naissance. 2. Symptômes reconnus par les parents entre 0 et 4 ans : les parents des enfants TED/NS reconnaissent plus tôt (environ 13 mois) qu’il y a quelque chose d’anormal chez leur enfant, alors que ceux des enfants TDA/H le reconnaissent environ vers l’âge de 38 mois ; le diagnostic final du TED/NS prend beaucoup plus de temps (environ 48 mois après la première consultation) que celui du TDA/H (environ 20 mois) mais l’âge moyen auquel chaque groupe d’enfants est diagnostiqué est à peu près similaire (5ans 2mois vs 6 ans) ; entre 0 et 3 mois, les symptômes reconnus ne sont pas significativement discriminants pour prédire dans lequel des groupes seront diagnostiqués les enfants. Cependant une large proportion d'enfants TDA/H de cet âge montre des signes de réactions négatives aux stimuli sociaux ; entre 4 et 6 mois, 77,8% des enfants pourraient être classés correctement dans l’un ou l’autre des groupes. Les TED/NS présentent davantage de comportements problématiques en comparaison avec les TDA/H, principalement parce qu’une plus grande proportion d’entre eux ne répondent pas aux stimulations sociales ; entre 7 et 12 mois, 87% des enfants pourraient être classés avec succès dans l’un ou l’autre des groupes. Les enfants TDA/H démontrent davantage de comportements hyperactifs dans la deuxième moitié de leur première année de vie. Comme précédemment, une plus large proportion d’enfants TED/NS ne répondent pas aux stimuli sociaux et ce symptôme est évident pour la majorité des enfants TED/NS avant leur premier anniversaire ; entre 13 et 48 mois, les symptômes reconnus ne sont pas significativement discriminants bien que les deux groupes diffèrent significativement sur certains items ; entre 13 et 24 mois, les enfants TED/NS répondent moins aux stimuli sociaux et il y a significativement plus d’enfants TED/NS qui souffrent de tics moteurs, d’anxiété, de difficulté de compréhension des gestes et des émotions et qui démontrent une pauvreté dans le jeu symbolique. Quant aux enfants TDA/H, on retrouve chez eux davantage de comportements de témérité et d’insouciance ; entre 25 et 36 mois, les mêmes différences significatives sont remarquées entre les deux groupes, mais s’ajoute le fait qu’une plus grande proportion d’enfants TED/NS aient peu ou pas de contacts avec les pairs ; entre 37 et 48 mois, on remarque les mêmes différences significatives entre les deux groupes telles que décrites précédemment ; à partir de l’âge de 13 mois, les enfants TED/NS deviennent de plus en plus actifs ; à partir de trois ans, 60% d’entre eux ont du mal à rester assis calmement, et à partir de quatre ans, les comportements hyperactifs sont très présents et ne sont plus significatifs pour distinguer les deux groupes d’enfants. Conclusion La reconnaissance des premiers symptômes et leur évolution chez les enfants TED/NS et TDA/H revêt une importance capitale. Parce que les deux désordres ont des parcours de développement différents, un mauvais diagnostic entraîne des conséquences fâcheuses car il peut contribuer à créer des attentes inappropriées chez les parents et à augmenter leur niveau de stress et de culpabilité si leur enfant ne répond pas bien au traitement proposé. La médication (psychostimulant) qui a un effet positif chez les TDA/H va au contraire exacerber les symptômes des enfants TED/NS. Par contre, un diagnostic juste aide la famille à comprendre et à prendre du contrôle, et donne l’opportunité aux intervenants de planifier un traitement particulier spécifique à chacun des troubles. Les résultats de cette étude peuvent contribuer à une meilleure distinction entre le TED/NS et le TDA/H durant la petite enfance. Ils ont mis en lumière certaines différences dans la symptomatologie des deux troubles et sont des points de départ intéressants pour les recherches futures qui viseront à détailler davantage les différents indices nécessaires au diagnostic différentiel.