Naissances prématurées Rôles de l’inflammation et du polymorphisme génétique Les mises bas prématurées demeurent la cause de morbidité périnatale et de mortinatalité la plus fréquente. Leur prévention est impossible du fait de l’absence des connaissances physiopathologiques expliquant leur pathogénie et de l’inexistence d’outils diagnostiques prédictifs et de thérapeutiques. Cependant, les études cliniques, épidémiologiques et expérimentales ont montré que les infections génitales jouaient un rôle important dans l’étiologie de ces naissances prématurées. La prématurité reste le problème central de la médecine néonatale. Les complications de la prématurité sont les hémorragies cérébrales et les dommages cérébraux que celles-ci provoquent (leucomalacie péri-ventriculaire et paralysie cérébrale spastique) et la dysplasie broncho-pulmonaire. Dernièrement on a démontré que le risque pour le nouveau-né de présenter ces problèmes cérébraux était significativement augmenté lors d’inflammation placentaire et d’avantage encore lorsque cette inflammation touchait également le cordon et le fœtus. De nombreuses publications confirment les effets neurotoxiques des endotoxines bactériennes et des cytokines pro-inflammatoires sur le cerveau fœtal. La substance blanche péri-ventriculaire et celle des régions subcorticales est particulièrement touchée. L’inflammation induit une sensibilisation du cerveau à l’hypoxie. De plus, l’infection réduit la régulation cardio-vasculaire, ce qui contribue significativement à la morbidité périnatale. Ainsi l’injection intra-veineuse d’endotoxines à des brebis gestantes entraîne une diminution transitoire de la circulation placentaire, ce qui contribue à provoquer une hypoxie chronique, une hyper perfusion pulmonaire et une diminution de l’oxygénation cérébrale. Aucune étude n’a, jusqu’à présent, démontré la relation entre l’importance de l’infection vaginale et/ou cervicale pendant la gestation et la parturition prématurée, ni celle de l’effet bénéfique et/ou protecteur d’un traitement pendant la gestation de ces infections vaginales sur les naissances prématurées et leurs complications. L’identification des « juments à risques », l’étude de leur flore bactérienne vaginale et la mise en place d’un traitement adapté permettraient probablement de prévenir certaines naissances prématurées. Les mécanismes physiopathologiques qui provoquent l’induction du travail et la dilatation du col lors d’infections ascendantes ont été étudiés in vitro et in vivo. La présence de bactéries induit la libération de cytokines pro-inflammatoires, telle l’interleukine-1 (Il-1) et le facteur de nécrose tumorale (TNF) par les macrophages, l’amnios, l’endomètre et le myomètre. Il-1 et TNF-α, comme les endotoxines libérées par les bactéries à Gram négatif, induisent une production élevée de prostaglandines et de corticostimuline (CRH) par les cellules de l’endomètre, du trophoblaste et de l’amnios. Ces prostaglandines et l’endothéline provoquent des contractions utérines. De plus, la production placentaire de prostaglandines est stimulée par la corticostimuline (CRH). Par ailleurs, Il-1 et TNF-αinduisent la libération de Il- 6 par les cellules de l’endomètre et les cellules trophoblastiques. Il-6 augmente la production trophoblastique de prostaglandines et d’endothéline. Il-1 et TNF-α stimulent également la production par les cellules trophoblastiques et cervicales de protéinases (MMP). Ces protéinases induisent la déstructuration de la matrice extra cellulaire du myomètre et du col, ce qui favorise la réponse inflammatoire. La texture des tissus utérins est réduite, le col s’amollit et sous l’effet de l’augmentation de pression utérine, se dilate. Il-1 entraîne également une libération de Il-8 par les cellules de l’endomètre, trophoblastiques et cervicales. Ce qui provoque le recrutement de granulocytes qui libèrent une forte concentration d’élastase. Cette élastase est également responsable de la déstructuration de la matrice extra cellulaire du myomètre et du col. Cette pathogénie est confirmée par de nombreuses études cliniques.(fig.1) Fig.1 : Représentation schématique des mécanismes pathogéniques induisant le travail et l’ouverture du col lors d’une infection ascendante du tractus génital. Depuis de nombreuses années la prédisposition génétique aux infections est discutée et étudiée. Plusieurs enquêtes ont démontré la réalité de cette prédisposition. Ainsi dans une étude danoise les enfants biologiques de parents morts avant l’âge de 50 ans d’une infection ont près de 6 fois plus de « chance » de mourir d’infection que les autres. De même, des mères nées avant terme ont un plus grand risque de mise bas prématurée. Un antécédent de mise bas prématurée multiplie par trois le risque d’une autre naissance prématurée lorsque le père est le même. Si le géniteur mâle est différent ce risque est réduit d’un tiers. Ces observations ont conduit à rechercher des polymorphismes dans des gènes candidats pouvant intervenir dans la pathogénie de la mise bas prématurée. Ont particulièrement été étudiés les gènes régulant la réponse immunitaire maternelle durant la gestation, ceux provoquant une réponse immunitaire inadéquate au stimulus infectieux. Ainsi, la sécrétion de TNF-α par les monocytes montre une très grande variabilité entre individus, variabilité probablement due au polymorphisme génétique. De fait, plusieurs polymorphismes fonctionnels dans la région du promoteur de TNF-α ont été décrits. Un polymorphisme spécifique dans la position –308 de la séquence nucléotidique (allèle TNF2) est associé, dans l’espèce humaine, à une production accrue de TNF-α en réponse à une stimulation. Les individus porteurs de l’allèle TNF2 présentent des concentrations sériques en TNF-α plus élevées que les autres, ils sont plus fréquemment atteints de septicémies et ont une mortalité quatre fois plus élevée lors de celles-ci que les porteurs de l’allèle TNF1. Un fœtus de génotype TNF2 aura un risque 3 fois plus élevé de naissance prématurée. Et ce risque est augmenté par la présence d’une infection vaginale. Lors de ces naissances prématurées la concentration amniotique en TNF-α est toujours plus élevée que lors de naissance à terme. Cette association est indépendante du génotype maternel. Le risque de naissance prématurée est plus important lorsque le génotype fœtal est homozygote TNF2 qu’hétérozygote pour cet allèle, il n’est cependant pas nul alors. C’est donc bien une inflammation due à une réponse immunitaire inadéquate qui est responsable de l’induction prématurée du travail. Des résultats similaires sont observés avec d’autres cytokines pro-inflammatoires (Il-6, Il-1β…). Dans ces études un accroissement significatif du risque de prématurité est observé lors de polymorphisme induisant une réponse immunitaire exagérée. A l’inverse, un polymorphisme conduisant à une réponse immunitaire réduite du fait d’une production moindre de Il-6, est protectrice et est liée à un risque moindre de naissance prématurée. (Fig.2) Fig.2 : Morbidité périnatale et mortalité due à une réponse inflammatoire inadéquate à une infection.