993 ARTICLE DE REVUE MIG Une maladie dangereuse aux symptômes non spécifiques Insuffisance surrénalienne Dr méd. Stefan Fischli Abteilung für Endokrinologie, Diabetologie und Klinische Ernährung, Departement Medizin, Luzerner Kantonsspital Dans la pratique clinique quotidienne, il est fréquent de passer à côté du diagnostic d’insuffisance surrénalienne en raison des symptômes souvent non spécifiques. En l’absence de traitement, cette maladie est potentiellement fatale. En fonction de sa cause et de son évolution (aiguë ou chronique), elle se manifeste par différents symptômes et anomalies. Cet article de revue a pour objectif de fournir un aperçu actuel et pertinent pour la pratique de la physiopathologie, des causes, du diagnostic et du traitement de l’insuffisance surrénalienne. Introduction Plus de 160 ans après la première description de l’insuffisance surrénalienne primaire par Thomas Addison et 66 ans après l’attribution du prix Nobel à Kendall, Reichstein et Hench pour leur découverte et première utilisation clinique de la cortisone, la substitution surrénalienne est encore pratiquée, avec des préparations pratiquement inchangées depuis des décennies. Des données récentes montrent l’influence de la maladie et de son traitement sur la morbidité et probablement aussi la mortalité et révèlent qu’avec les modalités thérapeutiques actuelles, nous sommes encore bien loin d’un traitement de substitution le plus physiologique possible face à un système complexe et hautement dynamique. Physiologie et physiopathologie de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (fig. 1) est sécrétée de manière pulsatile et circadienne. La sé- Stefan Fischli Physiologie crétion d’ACTH et donc aussi de cortisol atteint son Le système hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe maximum tôt le matin et son minimum aux alentours corticotrope) joue un rôle essentiel dans l’adaptation de minuit. Le caractère pulsatile de la sécrétion d’ACTH de l’organisme aux situations de stress. L’activation de semble jouer un rôle central dans toutes les actions l’axe du cortisol entraîne la mise à disposition de subs- médiées par l’ACTH [2]. L’ACTH est soumise au contrôle trats énergiques, une rétention hydrique, l’élévation de de plusieurs facteurs sécrétagogues, tels que la cortico- la pression artérielle et du débit cardiaque, ainsi qu’un libérine («corticotropin-releasing hormone», CRH) ou contrôle de la réponse immunitaire. Seule l’intégrité l’hormone antidiurétique (ADH). La liaison de l’ACTH de l’ensemble de l’axe, de pair avec le système nerveux aux récepteurs de la mélanocortine de type 2 des cellules sympathique, garantit une «réponse au stress» adéquate adrénocorticales entraîne la stimulation de la synthèse et assure ainsi le maintien des fonctions corporelles et de la sécrétion de cortisol et exerce des effets tro- ­essentielles à l’homéostasie [1]. phiques sur le tissu surrénalien. L’hormone de contrôle centrale de l’axe corticotrope L’axe corticotrope peut également être stimulé par des est l’adrénocorticotrophine (ACTH) hypophysaire, qui facteurs indépendants de l’ACTH. En font partie les SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 994 Article de revue MIG Rythmique Facteurs de stress CRH Hypothalamus ADH Glucocorticoïdes exogènes Angiotensine II Potassium sérique Hypophyse Cellules immunitaires Zone glomérulée Aldostérone ACTH TNF-α IL-6 Zone interne Zone fasciculée/réticulée DHEA/S-DHEA Cortisol MC2-R Adipokines Adipocytes TR Glande surrénale Tissu périphérique Cortisol libre Toxines Pathogènes 11β-HSD2 5α-réductase 5β-réductase Dégradation CBG GR CBG CBG Cortisol lié aux protéines Effets Figure 1: Physiologie/physiopathologie de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et du métabolisme périphérique du cortisol. Les flèches vertes ­indiquent les mécanismes pouvant stimuler l’axe corticotrope indépendamment de l’ACTH. CRH: corticolibérine; ADH: hormone antidiurétique; ACTH: adrénocorticotrophine; MC2-R: récepteur de la mélanocortine de type 2; TR: récepteur de type Toll; GR: récepteur des glucocorticoïdes; CBG: transcortine; 11βHSD2: 11β-hydroxystéroïde déshydrogénase 2; TNF-α: facteur de nécrose tumorale α; IL-6: interleukine 6. cytokines, les adipokines, les substances endothéliales, néphrotique, insuffisance hépatique sévère, malnutri- les toxines bactériennes et virales, ainsi que l’inner­ tion) abaissent la concentration de CBG. vation neuronale directe [1, 3]. L’aldostérone produite dans la zone glomérulée est régu- Le cortisol circulant dans le plasma est lié aux proté- lée de façon primaire par le système rénine-angioten- ines à env. 95% (à la transcortine [«corticosteroid-­ sine-aldostérone et de façon secondaire par d’autres binding globulin», CBG] et à l’albumine); seuls env. 5% facteurs tels que le potassium sérique. Les androgènes se trouvent sous forme libre et peuvent déployer des surrénaliens déhydroépiandrostérone (DHEA) et sulfate effets par liaison au récepteur hormonal. Différents de déhydroépiandrostérone (S-DHEA) proviennent de la états peuvent augmenter ou abaisser la concentration zone interne (zone fasciculée/réticulée) de la glande de protéines de liaison, ce qui entraîne également des surrénale, sont soumis au contrôle de l’ACTH et sont modifications des concentrations hormonales totales influencés par l’âge et le sexe. déterminées en laboratoire: des concentrations accrues de CBG sont retrouvées en cas de concentrations élevées Physiopathologie d’œstrogènes (par ex. grossesse, prise de contraceptifs Comme d’autres maladies endocriniennes, l’insuffisance oraux) ou en cas d’hyperthyroïdie. A l’inverse, l’hypo- surrénalienne est classifiée, en fonction du site touché, thyroïdie et les déficits en protéines (par ex. syndrome en primaire (glande surrénale), secondaire (hypophyse) SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 995 Article de revue MIG et tertiaire (hypothalamus). Les deux dernières formes ­incluent l’influence des cytokines pro-inflammatoires sont également désignées par le terme insuffisance sur- sur les r­ écepteurs de l’ACTH et des glucocorticoïdes, les rénalienne centrale. Dans la forme primaire, l’ensemble ischémies critiques dans le système hypothalamo-­ de la glande surrénale est touchée, affectant ainsi la hypophysaire et la glande surrénale, la suppression des ­sécrétion de glucocorticoïdes, de minéralocorticoïdes effets trophiques en raison de faibles taux d’ACTH, les et de DHEA/S-DHEA. En cas de surrénalite auto-immune, déficits de substrats en raison d’un faible taux de cho- la déficience des différentes hormones est soumise à lestérol et le stress oxydatif [13]. une séquence temporelle. La zone glomérulée produi- La crise addisonienne, en tant que forme extrême du sant l’aldostérone est d’abord touchée et la maladie se déficit absolu en glucocorticoïdes, illustre remarqua- caractérise initialement par un faible taux d’aldosté- blement l’absence d’actions majeures des glucocorti- rone, des valeurs élevées de rénine, mais une sécrétion coïdes en cas de réaction au stress [14], notamment la intacte de cortisol [4]. La sécrétion de DHEA est elle disparition des effets permissifs et suppressifs. aussi limitée dès le stade préclinique [5]. En cas d’insuf- L’effet permissif sur l’action des catécholamines est fisance surrénalienne centrale, un déficit en CRH ou médié par différents mécanismes: les glucocorticoïdes ACTH entraîne rapidement une atrophie de la glande augmentent la concentration de catécholamines cir­ surrénale. La sécrétion de cortisol et des androgènes culantes par induction de l’enzyme clé de la synthèse surrénaliens s’en trouve perturbée, mais la sécrétion d’adrénaline (phényléthanolamine N-méthyltransfé- d’aldostérone reste toujours intacte. Dès lors, de faibles rase, PNMT) ou inhibition des enzymes responsables taux de DHEA/S-DHEA constituent également une ano- de sa dégradation (par ex. catéchol-O-méthyltrans­ malie typique chez les patients souffrant d’insuffisance férase, COMT) et par des actions directes sur les récep- surrénalienne centrale [6, 7]. teurs adrénergiques (par ex. augmentation de la capacité de liaison ou de l’affinité) ou l’influence de La crise addisonienne illustre remarquablement l’absence d’actions majeures des glucocorticoïdes en cas de réaction au stress. mécanismes post-récepteurs [14]. La suppression de ces effets permissifs entraîne une résistance aux catécholamines et ainsi une hypotension. Cette dernière est renforcée par une déplétion hydrosodée (en raison Les affections très graves, telles que le sepsis, repré- d’un déficit en minéralocorticoïdes, de vomissements sentent une situation extrême pour l’axe corticotrope ou de diarrhées). et elles n’affectent pas uniquement la régulation, mais L’effet suppressif des glucocorticoïdes empêche une ré- également le métabolisme du cortisol et l’action hor- ponse immunitaire excessive, par ex. par inhibition de monale dans les tissus périphériques et au niveau du la sécrétion et de l’action de cytokines inflammatoires récepteur. Des données récentes montrent que chez les (TNF-α, IL-1 et IL-6) et antagonisme de la résistance aux malades critiques, la production de cortisol est unique- glucocorticoïdes médiée par les cytokines au niveau ment augmentée de façon minime, voire pas du tout du récepteur [15]. Outre la première manifestation [8, 9]. Au cours des premiers jours, la concentration d’une insuffisance surrénalienne, les infections (avant d’ACTH est accrue, puis elle diminue (phénomène ap- tout gastro-intestinales), les opérations, le stress émo- pelé dissociation ACTH-cortisol) [10]. L’un des princi- tionnel ou la non-prise/non-augmentation du traite- paux mécanismes qui assure des concentrations éle- ment par glucocorticoïdes constituent les déclencheurs vées de cortisol sérique dans de telles situations est la d’une crise addisonienne les plus fréquents [16, 17]. réduction rapide et drastique de la dégradation du cortisol par inhibition des enzymes prévues à cet effet (11β-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2, 5α- et Causes (tab. 1) 5β-réductases) [8]. En outre, d’autres mécanismes adaptatifs assurent une disponibilité accrue du cortisol en Insuffisance surrénalienne primaire périphérie (diminution de la concentration de CBG A l’heure actuelle, la surrénalite auto-immune constitue avec élévation du cortisol libre, augmentation de l’affi- la cause la plus fréquente de l’insuffisance surrénalienne nité du récepteur des glucocorticoïdes pour le cortisol primaire en Europe [18]. Avec une incidence de 4,4–6/ par les cytokines) [11]. L’existence d’une insuffisance sur- 1 million d’habitants/an, il s’agit d’une maladie rare, rénalienne relative chez les malades critiques («critical qui est toutefois diagnostiquée de plus en plus fré- illness-related corticosteroid insufficiency», CIRCI), quemment [19]. La surrénalite auto-immune constitue une définition homogène de ce concept et les méca- une maladie auto-immune «classique». Des méca- nismes sous-jacents restent toujours sujets à contro- nismes immunitaires cellulaires provoquent une des- verse dans la littérature [12]. Les hypothèses émises truction de l’ensemble de la glande surrénale. La mala- SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 996 Article de revue MIG die survient de manière isolée ou dans le cadre d’un hypocorticisme primaire [21] et elle doit être considé- syndrome polyglandulaire auto-immun [20] (fig. 2a et rée en tant que diagnostic différentiel chez les patients tab. 1). originaires de ces pays. Dans les pays en développement, la tuberculose surré- La cause monogénique la plus fréquente d’insuffisance nalienne (fig. 2b) reste toujours la principale cause d’un surrénalienne primaire est le syndrome adréno-génital Tableau 1: Causes de l’insuffisance surrénalienne. Cause Remarques Insuffisance surrénalienne primaire Surrénalite auto-immune (maladie d’Addison) – Isolée (30–40%) Associée à HLA-DR3/-DR4 – Syndrome polyglandulaire auto-immun de type 1 (5–10%) Transmission autosomique récessive; mutations du gène AIRE (gène de la régulation auto-­ immune); maladies associées: hypoparathyroïdie, candidose mucocutanée chronique, in­ suffisance ovarienne précoce, diabète sucré de type 1, dystrophies des tissus ectodermiques (ongles, émail des dents), alopécie areata, hépatite auto-immune, anémie pernicieuse – Syndrome polyglandulaire auto-immun de type 2 (60%) Associé à HLA-DR3/-DR4; maladies associées: hypo-/hyperthyroïdie, insuffisance ovarienne précoce, diabète sucré de type 1, anémie pernicieuse, maladie cœliaque, vitiligo, alopécie areata Infectieuse – Tuberculose surrénalienne Cause principale d’une insuffisance primaire dans les pays en développement – Associée au VIH – Infections fongiques (par ex. histoplasmose, cryptococcose) Avant tout chez les patients immunodéprimés Maladies génétiques – Syndrome adréno-génital Transmission autosomique récessive, le plus souvent, déficit en 21-hydroxylase – Adrénoleucodystrophie Transmission liée à l’X Hémorragie surrénalienne bilatérale/ infarctus surrénalien Thrombopénie, syndrome de Waterhouse-Friderichsen, anticoagulation orale, syndrome des antiphospholipides Infiltration surrénalienne Métastases (par ex. carcinome bronchique, mammaire ou colique), amylose, sarcoïdose Antécédent de surrénalectomie bilatérale Insuffisance surrénalienne centrale Glucocorticoïdes exogènes Principale cause d’une insuffisance centrale (anamnèse!) – A ntécédent de traitement d’un syndrome de Cushing hypophysaire ou surrénalien Tumeurs hypothalamo-hypophysaires Défaillance d’autres fonctions hypophysaires (hypopituitarisme), évtl. signe de croissance tumorale locale (dégradations du champ visuel) – Adénome hypophysaire Cause la plus fréquente – Craniopharyngiome – Méningiome – Métastases (rares) Rares; le plus souvent, carcinome bronchique, mammaire ou colique Hypophysite – Lymphocytaire Isolée, en cas de syndrome polyglandulaire auto-immun, rare – Traitement par inhibiteurs de point de contrôle immunitaire Anticorps anti-CTLA-4 (par ex. ipilimumab, jusqu’à 15%), anticorps anti-PD-1 / anti-PD-L1 (par ex. pembrolizumab, jusqu’à 6%) Apoplexie hypophysaire Adénome préexistant, traitement médicamenteux (par ex. analogues de la GnRH) – Syndrome de Sheehan Survenue en péripartum (hypotension et perte de sang importante) Maladies infiltratives Sarcoïdose, histiocytose langerhansienne, hémochromatose, granulomatose de Wegener, tuberculose Traumatisme cranio-cérébral Antécédent de radiothérapie Latence possible de plusieurs années avant la survenue Causes monogénétiques rares Chute isolée d’ACTH ou chute combinée de plusieurs hormones hypophysaires Insuffisance surrénalienne d’origine médicamenteuse Glucocorticoïdes (voir ci-dessus) Inhibiteurs de point de contrôle immunitaire (voir ci-dessus) Inducteurs du CYP3A4: ↑ dégradation du cortisol Mitotane, rifampicine, phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine, oxcarbazépine, topiramate Inhibiteurs de la synthèse des hormones stéroïdes ­surrénaliennes: ↓ production de cortisol Mitotane, kétoconazole, fluconazole, itraconazole, métyrapone, étomidate SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 997 Article de revue MIG (SAG) à transmission autosomique récessive, qui est Insuffisance surrénalienne centrale dans la plupart des cas causé par un déficit en 21-hy- Le traitement par glucocorticoïdes exogènes constitue droxylase. la cause la plus fréquente d’insuffisance surrénalienne L’adrénoleucodystrophie est une affection liée à l’X rare centrale [22]. Même un traitement oral de courte durée caractérisée par un défaut au niveau de la biosynthèse entraîne déjà une insuffisance surrénalienne, généra- des stéroïdes, avec une accumulation d’acides gras à lement passagère, chez plus de 40% des patients [23]. très longue chaîne («very long chain fatty acids», Outre les caractéristiques inhérentes à la substance, VLCFA) principalement dans la glande surrénale et le telles que la demi-vie ou l’activité glucocorticoïde, ce système nerveux central (SNC). Elle touche essentielle- sont avant tout la durée et la dose cumulative qui sont ment les hommes, les femmes étant des conductrices déterminantes pour le développement d’une insuffi- de la maladie. Le plus souvent, des symptômes de l’at- sance surrénalienne iatrogène [24]. Tous ces facteurs teinte du SNC (troubles comportementaux, déficits sont toutefois uniquement corrélés de manière impré- neurocognitifs allant jusqu’à l’évolution démentielle) cise avec le risque de développer effectivement un se manifestent déjà à un âge jeune. ­hypocorticisme [25]. Une insuffisance surrénalienne Figure 2: Observations en cas d’insuffisance surrénalienne primaire et centrale. A: Patient avec syndrome polyglandulaire auto-immun de type 2: hyperpigmentation cutanée et vitiligo typiques. B: Tuberculose surrénalienne: glandes surrénales calcifiées des deux côtés visibles à la radiographie abdominale. C: Hyperpigmentation de la muqueuse buccale en cas de maladie d’Addison. D: Hypophysite associée à l’ipilimumab: hypertrophie sphérique de l’hypophyse avec épaississement du pédicule (flèche). SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 998 Article de revue MIG peut survenir avec tout mode d’application (topique ou Tableau clinique (tab. 2) systémique), bien qu’elle soit plus rare en cas d’appli­ cation locale (inhalée, intranasale, dermique) qu’en cas Un déficit en cortisol provoque souvent des symptômes d’administration orale ou parentérale [24]. non spécifiques et la présentation clinique diffère se- Les tumeurs dans la région hypothalamo-hypophy- lon que le déficit se manifeste en situation aiguë (crise saire sont les causes les plus fréquentes d’insuffisance addisonienne) ou sous forme d’insuffisance chronique. surrénalienne secondaire [26]. Elles provoquent une Il n’est pas rare que les patients se voient initialement défaillance de la sécrétion de CRH ou d’ACTH. Dans la poser un diagnostic psychiatrique ou gastro-entérolo- plupart des cas, d’autres déficits hormonaux peuvent gique erroné ou se voient poser le bon diagnostic seu- en plus être mis en évidence (hypopituitarisme). L’hypo- lement après une période de latence [29]. Les symp- physite lymphocytaire auto-immune est une affection tômes typiques d’un déficit en cortisol sont la fatigue, très rare. Depuis quelques années, les hypophysites se l’humeur dépressive, la perte de poids, l’anorexie, les rencontrent toutefois à nouveau plus fréquemment: troubles abdominaux (vomissements, nausées ou diar- les nouvelles immunothérapies oncologiques (inhi­ rhées), les arthralgies ou les myalgies [30]. Il arrive que biteurs de point de contrôle immunitaire, par ex. ipi­ de la fièvre avec une élévation des paramètres inflam- limumab) sont assez souvent responsables d’effets matoires s’y ajoute, imitant alors le tableau d’infection ­indésirables endocriniens immuno-médiés [27], et no- aiguë. Celui-ci doit d’autant plus être remis en question tamment d’une hypophysite (fig. 2d). Cette affection si l’éosinophilie typique de l’hypocorticisme est égale- survient chez jusqu’à 15% des patients traités et elle ment présente. provoque également des défaillances d’autres fonc- Le déficit en aldostérone dans le cadre de l’insuffisance tions antéhypophysaires (insuffisance thyroïdienne et surrénalienne primaire est responsable d’une hyper­ insuffisance de l’axe gonadique) [28]. Le tableau 1 pré- kaliémie et d’une acidose métabolique en raison de la sente d’autres causes de l’insuffisance surrénalienne. sécrétion tubulaire réduite de potassium et d’ions H+. Tableau 2: Manifestations cliniques de l’insuffisance surrénalienne. Symptômes Causes Fatigue, humeur dépressive Déficit en glucocorticoïdes, déficit androgénique (femmes) Vertiges (en station debout) Déficit en glucocorticoïdes, déficit en minéralocorticoïdes Perte de poids Déficit en glucocorticoïdes Nausées, vomissements, douleurs abdominales Déficit en glucocorticoïdes, déficit en minéralocorticoïdes Troubles musculo-squelettiques (myalgies, arthralgies) Déficit en glucocorticoïdes, évtl. hypothyroïdie concomitante (en cas de syndrome polyglandulaire auto-immun) Sécheresse cutanée (femmes) Déficit androgénique Baisse de la libido (femmes) Déficit androgénique Observations Causes Hyperpigmentation cutanée (forme primaire uniquement) ↑ produits de clivage de la POMC Pâleur cutanée (forme secondaire uniquement) Déficit en POMC, évtl. anémie (par hypogonadisme, hypothyroïdie en cas d’hypopituitarisme) Perte de la pilosité secondaire (femmes) Déficit androgénique Hypotension Déficit en glucocorticoïdes, déficit en minéralocorticoïdes Fièvre Déficit en glucocorticoïdes Résultats de laboratoire Causes Hyponatrémie Déficit en glucocorticoïdes, déficit en minéralocorticoïdes, SIADH (en raison du déficit en glucocorticoïdes) Hyperkaliémie (forme primaire uniquement) Déficit en minéralocorticoïdes Acidose métabolique (forme primaire uniquement) Déficit en minéralocorticoïdes Hypoglycémie (surtout les enfants) Déficit en glucocorticoïdes Eosinophilie, lymphocytose Déficit en glucocorticoïdes Elévation de la TSH Déficit en glucocorticoïdes, évtl. maladie thyroïdienne auto-immune Hypercalcémie Déficit en glucocorticoïdes POMC: pro-opiomélanocortine, SIADH: syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 999 Article de revue MIG Ces deux conditions surviennent toutefois de manière d’une phase prolongée avec des symptômes non spé­ inconstante [18, 31, 32]. Le déficit en minéralocorticoïdes cifiques du déficit en cortisol. La crise se développe le peut également contribuer à la déplétion hydrosodée plus souvent en l’espace de quelques heures et, en l’ab- rénale et provoquer une hypotension orthostatique en sence de traitement, elle menace le pronostic vital des plus d’un déficit en sodium. Bien que légèrement plus patients. rare, l’hyponatrémie est également présente en cas d’insuffisance surrénalienne centrale [33, 34]. La principale cause en est la sécrétion accrue d’ADH en raison Diagnostic (fig. 3) d’un taux élevé de CRH [35], d’un déficit volémique ­intravasculaire ou de la suppression de l’inhibition de Concentrations hormonales basales la sécrétion de cortisol en réponse à la sécrétion Les dosages du cortisol sérique sont souvent peu fiables d’ADH [36]. en raison des fluctuations circadiennes. Il convient de Le déficit en DHEA donne lieu à des manifestations cli- noter que les tests mesurent le cortisol total, qui est in- niques uniquement chez les femmes (éventuellement fluencé par la concentration de la protéine de liaison perte de la pilosité secondaire, sécheresse cutanée et (CBG). Comme mentionné ci-dessus, les contraceptifs perte de libido). L’hypoglycémie survient avant tout oraux augmentent la CBG et ainsi le cortisol sérique et chez les enfants; toutefois, chez les adultes avec dia- ils peuvent simuler une fonction surrénalienne nor- bète de type 1 concomitant (syndrome polyglandulaire male [38]. D’une manière générale, une concentration auto-immun), elle peut par ex. se manifester par un de cortisol basal matinal (8h00) inférieure à 80 nmol/l ­besoin réduit en insuline et par une tendance aux hy- est évocatrice d’une insuffisance surrénalienne, tandis poglycémies. En fonction de l’étiologie sous-jacente, qu’une valeur supérieure à 400–500 nmol/l permet d’autres symptômes et anomalies peuvent s’observer: largement d’exclure une insuffisance surrénalienne signes de l’insuffisance hypophysaire en cas d’insuffi- [39, 40]. Contrairement à la DHEA, le S-DHEA a une plus sance surrénalienne centrale ou autres manifestations longue demi-vie sérique, il n’est pas soumis à un d’un syndrome polyglandulaire auto-immun (tab. 1). rythme circadien et il est déjà abaissé au stade précli- Un signe spécifique et exclusif de la forme primaire est nique ou relatif d’insuffisance surrénalienne [5] et dans l’hyperpigmentation, qui se manifeste au niveau de la la forme primaire et secondaire [6, 7, 41]. Le dosage du peau et des muqueuses (par ex. dans la cavité buccale), S-DHEA basal constitue dès lors un paramètre utile en particulier au niveau des zones exposées au soleil dans la pratique clinique quotidienne. Une valeur nor- ou soumises à des contraintes mécaniques (chevilles, male de S-DHEA, c.-à-d. comprise dans les limites de taille) (fig. 2a/c). Elle résulte de la stimulation accrue ­référence pour l’âge et le sexe, rend une insuffisance des récepteurs de la mélanocortine de type 1 dans la surrénalienne très improbable [42]. Il convient de sou- peau en raison de la concentration élevée d’ACTH cir- ligner que la concentration de S-DHEA reste abaissée culante et d’autres produits de clivage de la pro-opiomé- durant une période prolongée après la prise d’un trai- lanocortine (POMC) hypophysaire [37]. A l’inverse, la tement par glucocorticoïdes et que la prise de prépara- peau n’est pas hyperpigmentée en cas d’insuffisance tions orales à base de DHEA (par ex. «produits anti-­ surrénalienne secondaire. Ce sont précisément les pa- vieillissements») se traduit par des valeurs faussement tients avec hypopituitarisme qui présentent souvent élevées. une pâleur cutanée (teinte albâtre). Les patients victimes d’une crise addisonienne se pré- Tests dynamiques sentent avec une hypotension sévère ou un choc hypo- Bien souvent, les concentrations hormonales basales volémique (réfractaire au traitement). Le plus souvent, ne permettent pas de tirer des conclusions définitives les patients présentent des symptômes gastro-intesti- et des tests dynamiques sont nécessaires. Le test à la naux tels que nausées, vomissements, diarrhées allant métyrapone et le test d’hypoglycémie insulinique per- jusqu’à la pseudo-péritonite, ainsi qu’une altération de mettent d’évaluer la fonction et l’intégrité de l’en- la conscience (somnolence ou coma). Tout comme la semble de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, fièvre ou les vomissements concomitants, les symp- mais ils ne sont pratiqués que dans des cas exception- tômes peuvent être le reflet de l’hypocorticisme ou du nels dans la pratique quotidienne en raison de leurs facteur déclenchant sous-jacent (par ex. infection gas- contraintes et possibles effets indésirables. Le test de sti- tro-intestinale). Les analyses de laboratoire peuvent mulation à l’ACTH s’est imposé comme un test simple, ­révéler une hyponatrémie/hyperkaliémie, une acidose qui peut être réalisé à tout moment de la journée [43]. Il métabolique et parfois une hypoglycémie. Il est fré- consiste à administrer sous forme de bolus i.v. 1 µg ou quent que la décompensation aiguë ait été précédée 250 µg de tétracosactide (ACTH1–24 ­[Synacthène®]) et à SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 1000 Article de revue MIG Suspicion d’insuffisance surrénalienne Cortisol sérique basal à 8h00¹ Cortisol <80 nmol/l Cortisol <400 nmol/l Cortisol >400 nmol/l S-DHEA normal² S-DHEA S-DHEA faible Insuffisance surrénalienne confirmée Pic de cortisol <500 nmol/l Insuffisance surrénalienne exclue Test de stimulation à l’ACTH Pic de cortisol >500 nmol/l ACTHĹ ReninĹ Insuffisance surrénalienne primaire Examens supplémentaires (par ex. anticorps anti-21-hydroxylase) ACTH n/Ļ ReninQ Insuffisance surrénalienne secondaire Examens supplémentaires (fonction hypophysaire, IRM) ACTH Rénine Figure 3: Diagnostic en cas d’insuffisance surrénalienne. 1 Le cortisol basal sérique dépend de la concentration de CBG et est faussement élevé en cas de concentrations accrues de CBG (par ex. œstrogènes, grossesse, hyperthyroïdie) et faussement faible en cas de faibles concentrations de CBG (par ex. cirrhose hépatique, syndrome néphrotique, hypothyroïdie). 2 L’adjectif «normal» désigne des concentrations de S-DHEA comprises dans les limites de référence pour l’âge et le sexe. doser le cortisol après 20 [44] ou 30 minutes (test avec physiologique. En cas d’insuffisance surrénalienne 1 µg) ou après 30 et/ou 60 minutes (test avec 250 µg). centrale, avant tout au stade aigu et avant le dévelop- Une concentration de cortisol stimulé (valeur maxi- pement d’une atrophie surrénalienne, le test au Synac- male) ≥500–550 nmol/l exclut une insuffisance. Dans thène peut dès lors se révéler faussement négatif [47]. le test avec 250 µg, le moment de la prise de sang joue Dans de telles situations, le test avec 1 µg présente une un rôle dans la mesure où la concentration de cortisol sensibilité légèrement meilleure que le test avec 250 µg peut encore augmenter davantage à 60 minutes [45]; [48–50]. Pour un diagnostic de localisation plus poussé, ainsi, certains patients peuvent à tort être considérés l’ACTH et la rénine sont déterminées. La mise en évidence comme présentant une insuffisance si seule la valeur à d’anticorps anti-21-hydroxylase, qui sont retrouvés dans 30 minutes est prise en compte [46]. jusqu’à 85 à 100% des cas [18, 51] et sont dirigés contre Il convient de noter que le test de stimulation à l’ACTH une enzyme clé de la biosynthèse des stéroïdes surré- permet à proprement parler uniquement de vérifier la naliens, confirme le diagnostic de surrénalite auto-im- réaction de la glande surrénale à l’ACTH exogène et que mune. En fonction de l’étiologie, des examens supplé- la dose administrée correspond à un stimulus supra- mentaires sont ensuite réalisés: fonction hypophysaire SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 1001 Article de revue MIG et imagerie de l’hypophyse par IRM crânienne en cas traitement devrait être réduit progressivement jusqu’à de forme centrale, recherche d’autres manifestation une dose d’entretien (par ex. 5 mg de prednisone/jour). d’un syndrome polyglandulaire auto-immun (par ex. Dans le cadre du diagnostic, il convient de garder à fonction thyroïdienne). ­l’esprit qu’outre l’hydrocortisone, la plupart des glucocorticoïdes synthétiques (par ex. prednisolone, mé- Situations diagnostiques particulières thylprednisolone) entraînent une réaction croisée au L’évaluation de la fonction surrénalienne avant l’arrêt test de détermination du cortisol, ce qui fausse les ré- d’un traitement chronique par glucocorticoïdes peut sultats [52, 53]. A cet égard, les glucocorticoïdes inhalés s’avérer difficile. Si la maladie sous-jacente le permet, le semblent faire exception et ne pas provoquer d’interactions cliniquement pertinentes [54]; de même, la dexa- Tableau 3: Traitement de l’insuffisance surrénalienne. Thérapie de substitution de glucocorticoïdes Hydrocortisone (hydrocortisone Galepharm®): – D ose: 15–25 mg/jour (en règle générale, dose légèrement plus élevée en cas de forme primaire) – Evtl. uniquement dose de stress (10–20 mg) en cas de résultat tout juste normal au test au Synacthène (pic de cortisol >450 nmol/l) en cas d’insuffisance secondaire – D ose répartie en 2-3 prises (2 ⁄3 le matin, 1⁄3 en fin d’après-midi) – L’hydrocortisone à double libération (Plenadren®, prise 1x/jour) est disponible, mais pas autorisée en Suisse – Les autres préparations (prednisone, dexaméthasone) ne devraient être utilisées qu’exceptionnellement et pour des indications spéciales (par ex. syndrome adréno-­ génital) – En cas de vomissements, il est impératif de passer à une administration parentérale (SoluCortef ® i.v., i.m., s.c.) – Adaptation dans les situations avec besoin accru en cortisol (tab. 4) Surveillance: – Paramètres biochimiques (cortisol basal ou cortisol dans les urines de 24 heures) ­insuffisamment fiables – Indices d’hypo-substitution: symptômes (par ex. fatigue, nausées, myalgies), perte de poids, hypotension – Indices d’hyper-substitution: prise de poids, hypertension, stigmates d’hypercorticisme (par ex. vergetures), hypokaliémie, hyperglycémie méthasone n’est pas prise en compte dans les tests ­immunologiques disponibles dans le commerce. D’un autre côté, la prednisone, la prednisolone et dexaméthasone influencent la valeur de cortisol durant au moins 48 à 72 heures en raison de leur demi-vie. Dans la pratique, il s’est dès lors avéré judicieux de passer au préalable à l’hydrocortisone de courte durée d’action et de déterminer le cortisol basal/stimulé après un arrêt du traitement de 24 heures [20]. L’évaluation par analyses de laboratoire de la fonction surrénalienne chez les malades critiques est difficile: les mesures du cortisol total ne sont pas fiables en raison de la plus faible concentration de CBG et la réponse de la glande surrénale à la stimulation par ACTH est ­altérée par différents facteurs (par ex. cytokines). Un test de stimulation à l’ACTH n’est pas recommandé en raison de l’absence de limites diagnostiques uniformes et de l’imprécision diagnostique [12, 55]. Thérapie de substitution de minéralocorticoïdes (uniquement en cas d’insuffisance surrénalienne primaire) Fludrocortisone (Florinef ®) – D ose de 0,05–0,2 mg/jour en prise unique le matin – Une thérapie de substitution de minéralocorticoïdes n’est nécessaire qu’à partir de doses de glucocorticoïdes de ≤50 mg d’hydrocortisone/jour Surveillance: – Paramètres biochimiques: rénine (objectif: tiers supérieur de la plage de référence), sodium/potassium sériques – Indices d’hypo-substitution: hypotension orthostatique (chute de la pression artérielle systolique en station debout ≥20 mm Hg), hyperkaliémie, hyponatrémie, rénine ↑ – Indices d’hyper-substitution: œdèmes, hypertension, hypokaliémie, rénine ↓ Traitement de substitution androgénique (DHEA) – Aucune préparation autorisée ou fabriquée sous contrôle pharmaceutique disponible en Suisse – Préparations disponibles partout sur internet, mais non recommandées (ATTENTION: qualité pharmaceutique et composition!) – L a substitution provoque une possible amélioration du bien-être et de la qualité de vie Crise addisonienne – 100 mg d’hydrocortisone (SoluCortef ®) comme bolus i.v., suivi de 100–200 mg/24 h i.v. (en glucose 5%) – E xpansion volémique par NaCl 0,9% (initialement 1l/heure, sous surveillance adéquate) – Recherche/traitement d’un éventuel déclencheur (par ex. infection) – Traitement de soutien: surveillance médicale intensive, évtl. intubation, prophylaxie des thromboses Autres points – D élivrance d’une carte d’urgence et d’une brochure patient – Formation régulière du patient et des proches: règles pour l’adaptation des ­glucocorticoïdes (tab. 4), déclencheurs/symptômes d’une crise addisonienne – Vérification des interactions médicamenteuses qui réduisent le taux d’hydrocortisone (tab. 1) – En cas de surrénalite auto-immune: le cas échéant, recherche d’autres affections ­auto-immunes, taux de TSH et évtl. de vitamine B12 annuellement SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 Traitement (tab. 3) Le traitement de l’insuffisance surrénalienne doit permettre une supplémentation en glucocorticoïdes physiologique et adaptée au rythme circadien, tout en minimisant au maximum le risque d’effets indésirables associés au traitement. En dépit du traitement de substitution, les patients souffrant d’insuffisance surrénalienne ont une qualité de vie détériorée. Ils sont plus souvent atteints de troubles affectifs et présentent un risque accru d’incapacité de travail [56–59]. Les causes en sont multiples, mais elles s’expliquent notamment par le fait que malgré le traitement par hydrocortisone «physiologique», la rythmicité circadienne de la sécrétion endogène ne peut être reproduite que de façon ­approximative [60]. Une dose trop élevée de glucocorticoïdes a un impact négatif sur les facteurs de risque cardiovasculaire (par ex. poids, pression artérielle, lipides), est associée à une diminution de la densité osseuse et augmente le risque de fracture. Une dose de 20 mg d’équivalent hydrocortisone/jour a une influence nulle sur les paramètres cardiovasculaires [61] et osseux [62]. A l’inverse, une trop faible dose de cortisol en situations aiguës expose 1002 Article de revue MIG Tableau 4: Adaptation de la glucocorticothérapie dans des situations particulières. Degré Stress léger Exemples – Refroidissement – Fièvre 38–39 °C – Fièvre 37,5–38 °C –A ctivité sportive marquée – Activité sportive faible (par ex. randonnée de plusieurs (par ex. 30–60 min. de jogging) heures) – Petites interventions médicales – Interventions médicales (par ex. gastroscopie) moyennes (par ex. excision sous – Stress psychique anesthésie locale) (par ex. examen) –F ièvre >39 °C –O pération sous anesthésie générale – Accouchement –M aladie grave (par ex. pneumonie) Adaptation1 1,5 à 2 fois la dose journalière 3 à 4 fois la dose journalière, le cas échéant administration parentérale2 1 2 Stress modéré 2 à 3 fois la dose journalière Stress élevé ’adaptation s’effectue en multipliant la dose journalière (prise par voie orale) ou par la prise d’une dose supplémentaire par ex. avant les activités L physiques. Après des interventions ou maladies, la dose est progressivement réduite au cours des jours qui suivent jusqu’à retrouver la dose initiale. L’administration parentérale doit toujours être effectuée rapidement en cas de gastro-entérite avec vomissements +/- diarrhée et en cas de maladies graves ou d’opérations: 50–100 mg de SoluCortef ® comme bolus i.v. et en cas d’initiation d’une narcose, suivi de 100–200 mg/24 h par voie i.v.; réduction et retour à la forme orale par la suite, en fonction des signes cliniques. au risque de crise addisonienne. Avec une incidence de trale et elle doit être régulièrement répétée. A côté des 5–10 épisodes/100 patients-années [16, 17, 63], la crise aspects généraux sur la maladie et son traitement, addisonienne est une complication relativement fré- cette formation englobe la remise d’une carte d’ur- quente et probablement l’une des raisons de la mortalité gence et la vérification régulière des règles relatives à accrue des patients atteints d’insuffisance surrénalienne l’ajustement de la dose et de la capacité d’auto-admi- primaire [64–66] ou centrale [67]. L’hypercorticisme et nistration parentérale d’hydrocortisone (par ex. par l’hypocorticisme liés au traitement influencent dès voie sous-cutanée [72]). En 2015, la Société Suisse d’En- lors la morbidité et probablement aussi la mortalité docrinologie et de Diabétologie (SSED) a publié une [68, 69]. Par conséquent, il convient d’appliquer la règle brochure en trois langues à l’intention des patients [73], suivante: la dose de glucocorticoïdes dans le cadre du qui s’est avérée être une aide utile pour la formation traitement de substitution chronique doit être aussi des patients (fig. 4). élevée que nécessaire et aussi basse que possible; en ­situations aiguës, la dose doit toutefois être adaptée rapidement et être suffisamment élevée. La production quotidienne de cortisol s’élève à env. 5–6 mg/m2 de surface corporelle [70]. En tenant compte des différences interindividuelles au niveau du métabolisme, cela correspond à une dose journalière d’hydrocortisone orale d’env. 10–12 mg/m2 ou 15–25 mg/ jour. Dans toutes les situations impliquant un besoin accru en cortisol, la dose doit être augmentée et, le cas échéant, être administrée par voie parentérale (tab. 4). Les préparations de glucocorticoïdes à action prolongée, telles que la prednisone, sont uniquement utilisées dans des situations exceptionnelles (par ex. problèmes d’adhérence thérapeutique), car ils peuvent donner lieu à des effets indésirables [62]. Une substitution minéralocorticoïde est exclusivement nécessaire en cas d’insuffisance surrénalienne primaire. A cet effet, la fludrocortisone (Florinef®) à une dose journalière de 0,05–0,2 mg est administrée. Outre les paramètres cliniques, la surveillance de ce traitement implique la détermination de paramètres de laboratoire, tels que les valeurs de sodium, de potassium et de ­rénine, en visant une valeur dans la limite supérieure de la normale pour ce dernier paramètre [71]. L’éducation des patients atteints d’insuffisance surrénalienne et de leurs proches revêt une importance cen- SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 Figure 4: Brochure patients lors d’insuffisance surrénalienne. 1003 Article de revue MIG Correspondance: Dr méd. Stefan Fischli Leitender Arzt Traitement par glucocorticoïdes chez les ­malades critiques cations ou en raison d’une insuffisance surrénalienne aiguë (par ex. syndrome de Waterhouse-Friderichsen). Chez les malades critiques, un traitement par glucocor- Les données disponibles ne permettent toutefois pas logie, Diabetologie und ticoïdes est indiqué dans tous les cas où il y a une sus­ de répondre clairement à la question de savoir si et à Klinische Ernährung picion d’insuffisance absolue, c.-à-d. chez les patients quelle dose une insuffisance relative chez des patients avec insuffisance surrénalienne primaire ou secon- en situation de soins intensifs, en particulier ceux avec daire préexistante, chez les patients sous traitement un choc septique, doit être traitée et si le traitement chronique par glucocorticoïdes pour d’autres indi­ permet de réduire la mortalité. La plupart des experts Abteilung für Endokrino­ Departement Medizin Luzerner Kantonsspital CH-6000 Luzern 16 stefan.fischli[at]luks.ch préconisent un traitement en cas de choc septique sévère avec hypotension prolongée malgré une prise en charge adéquate par expansion volémique et vasopres- L’essentiel pour la pratique seurs [55]. Sur la base de données plus récentes, qui in- • Une fonction surrénalienne intacte garantit l’adaptation de l’organisme augmentation de la demi-vie du cortisol [8], des doses diquent une dégradation nettement amoindrie et une aux situations de stress. L’intégrité de l’ensemble du système hypotha- quotidiennes ≥200 mg d’hydrocortisone semblent tou- lamo-hypophyso-surrénalien est indispensable pour une réponse cor- tefois trop élevées dans ce contexte. recte au stress. • La cause la plus fréquente d’insuffisance surrénalienne primaire est la surrénalite auto-immune; dans les pays en développement, il s’agit de la tuberculose surrénalienne. L’insuffisance surrénalienne centrale est le plus souvent imputable à un traitement par glucocorticoïdes exogènes. • Des paramètres cliniques (hyperpigmentation) et biochimiques (potassium sérique, rénine, ACTH) permettent de faire la distinction entre la forme primaire et la forme secondaire. Les concentrations de cortisol Remerciements Je remercie chaleureusement le Docteur R. Eberhard, spécialiste FMH en médecine interne générale, de Lucerne, et le Prof. C. Henzen, ­spécialiste FMH en endocrinologie/diabétologie, de Lucerne, pour leur relecture critique du manuscrit et leurs suggestions constructives. Disclosure statement L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts financier ou personnel en rapport avec cet article. basal peuvent être peu fiables et elles sont influencées par des facteurs Littérature recommandée qui altèrent la concentration de CBG (par ex. œstrogènes). La valeur dia- – Bancos I, Hahner S, Tomlinson J, Arlt W. Diagnosis and management of adrenal insufficiency. Lancet Diabetes Endocrinol. 2015 Mar;3(3):216–26. – Bornstein SR. Predisposing Factors for Adrenal Insufficiency. N Engl J Med. 2009 Mai;360(22):2328–39. – Boonen E, Bornstein SR, Van den Berghe G. New insights into the controversy of adrenal function during critical illness. Lancet Diabetes Endocrinol. 2015 Oct;3(10):805–15. – Broersen LHA, Pereira AM, Jørgensen JOL, Dekkers OM. Adrenal Insufficiency in Corticosteroids Use: Systematic Review and Meta-Analysis. J Clin Endocrinol Metab. 2015 Jun;100(6):2171–80. – Øksnes M, Ross R, Løvås K. Optimal glucocorticoid replacement in adrenal insufficiency. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab. 2015 Jan;29(1):3–15. – Allolio B. Extensive expertise in endocrinology. Adrenal crisis. Eur J Endocrinol Eur Fed Endocr Soc. 2015 Mar;172(3):R115–24. gnostique peut être augmentée par le dosage supplémentaire du S-DHEA. Un test de stimulation (test à l’ACTH) est toutefois souvent nécessaire. • En cas d’insuffisance surrénalienne chronique, le traitement de substitution fait appel à l’hydrocortisone. Une supplémentation par fludrocortisone (un minéralocorticoïde) est uniquement indiquée dans la forme primaire. La dose d’hydrocortisone doit être aussi faible que possible en cas de traitement de substitution chronique (réduction du risque d’effets indésirables). Dans les situations aiguës, la dose doit être adaptée rapidement et être suffisamment élevée. • La crise addisonienne est une complication potentiellement fatale de l’insuffisance surrénalienne. La formation régulière des patients et de leurs proches joue un rôle essentiel dans la prévention et dans le traitement correct. SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2016;16(46):993–1003 Références La liste complète et numérotée des références est disponible en ­annexe de l’article en ligne sur www.medicalforum.ch LITERATUR / RÉFÉRENCES Online-Appendix Références 1. Bornstein SR, Chrousos GP. Clinical review 104: Adrenocorticotropin (ACTH)- and non-ACTH-mediated regulation of the adrenal cortex: neural and immune inputs. J Clin Endocrinol Metab. 1999 May;84(5):1729–36. 2. Spiga F, Waite EJ, Liu Y, Kershaw YM, Aguilera G, Lightman SL. ACTH-dependent ultradian rhythm of corticosterone secretion. Endocrinology. 2011 Apr;152(4):1448–57. 3. Bornstein SR. Predisposing Factors for Adrenal Insufficiency. N Engl J Med. 2009 Mai;360(22):2328–39. 4. Betterle C, Scalici C, Presotto F, Pedini B, Moro L, Rigon F, et al. The natural history of adrenal function in autoimmune patients with adrenal autoantibodies. J Endocrinol. 1988 Jun;117(3):467–75. 5. 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