I- La rencontre de l`autre ou la naissance de la diaspora : Les Juifs

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La rencontre de l'autre ou la naissance de la diaspora : Les Juifs, entre
domination et premiers exils (-597 à -282) (- = Avant Jésus christ)
Lemprise sur les Juifs ne date pas des Lagides ; cette brève introduction relate la naissance
de la diaspora juive et les vagues successives de son installation en Egypte ptolémaïque.
A- la domination pré- hellénique (-597 à -332)
Les Juifs sont, déjà, dominés avant les Perses, à partir de -597, par les Assyriens et
Babyloniens; Nabuchodonosor II fit détruire le Temple de Jérusalem en -586 et déporte les
Israélites à Babylone, c'est la première Diaspora. Ces derniers s'acquittaient d’un tribut,
manifestation de leur assujettissement. Cette emprise marque le début de l’interaction entre
culture du peuple dominant et culture du peuple dominé. En 539, les Perses s’emparent de
la Mésopotamie et autorisent les Juifs à revenir sur leur territoire. Toutefois, une partie d'entre
eux demeurent en exil notamment à Babylone.
En contrepartie d'un tribut, les Perses reconnaissent la Loi des Juifs comme législation de
l’ethnos (Loi de Moïse écrite et commentaires oraux rajoutés par les scribes) ainsi que
l’organisation autour du Temple et du Grand Prêtre. Toutefois, cet acquit peut être remis en
question à tout moment par le souverain.
1- Les premières relations entre Juifs et Grecs (-332 à -282)
Fondateur d'une dynastie d'origine grecque (macédonienne) qui régna pendant trois cents ans,
le général Ptolémée reçoit l'Egypte, après la mort d'Alexandre le Grand en -323, et le
démantèlement de l'empire. En fait, le premier flux migratoire (-586, première destruction du
Temple) s'intensifie après la conquête d’Alexandre le Grand. En -332, le Macédonien boute les
Perses hors d'Égypte puis procède à l’édification de la ville d'Alexandrie et octroie aux Juifs
une relative liberté. Il meurt à Babylone en 323 avant J.-C. sans jamais revoir l'Égypte.
Ptolémée I, quant à lui, était bien disposé à l'égard des Juifs par calcul politique; ils sont un
atout dans une plus grande emprise de la Judée.
le pays est soumis à la domination des Ptolémée de -320 à -198; une partie des captifs servait
dans l'armée dans de hauts postes; la diaspora était sollicitée comme élément de coercition de
la population égyptienne. Par conséquent, non seulement, l'Egypte comptait une nombreuse
communauté juive, mais la Judée dépendait politiquement de l'Egypte.
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2- Les Juifs dominés : entre judéité et hellénisation
En Judée, la tolérance a pour base les rapports d’un ethnos qui verse un tribut (voir les
achéménides) afin que sa Loi soit effective. En fait, les Lagides et les Séleucides (à l’exception
d’Antiochos IV) poursuivent et pérennisent la politique perse.
L'administration de la Judée vise deux objectifs : garantir la sécurité et accroître les revenus.
Les Juifs sont, donc, un ethnos tributaire, dispensés de garnisons militaires et de forteresse,
vivant selon les préceptes de Moïse. Ils s'acquittent de divers impôts : capitation, coronaire,
sel, péages, octrois.
Le Grand Prêtre verse un tribut personnel. La classe dirigeante réside essentiellement à
Jérusalem. L'aristocratie s'hellénise sans pour autant être dans l'obligation d'abandonner sa
personnalité juive, tout en profitant des opportunités politiques ou sociales (des familles juives
telle les Tobiades dirigent la ferme générale des impôts…).Les Juifs, majoritairement de
condition très modeste, travaillent la terre et paient une taxe au souverain. Les Grecs
introduisent des innovations techniques (charrue, moulins à grains, presses à olives,…)
favorisant une relative amélioration économique. Nulles contraintes religieuses ou culturelles
ne pèsent sur les Juifs pieux. Ce contexte, exempt de persécutions, conforte la paix et la
stabilité.
A partir de -208, après avoir conquis les satrapies supérieures, Antiochos III megas, en
position de force, tente de soumettre la Judée (ou Coelé Syrie). Le royaume lagide, quant à lui,
est déstabilisé par une grave crise de succession à la mort de Ptolémée IV (- 205) et des
révoltes indigènes. A Jérusalem, les aristocrates se divisent en partisans des séleucides et
des lagides (Flavius Josèphe). Simon II, nouveau Grand prêtre, rejoint la coalition séleucide,
devenue majoritaire. La prise de la Judée par Antiochos III en -198 (victoire de Panion sur les
forces lagides) fut rude. La résistance lagide a pour conséquence la ruine (le temple est
endommagé, la chora (territoire de la polis) saccagée donc une production agricole fragilisée,
une Judée et Jérusalem dépeuplées, une vie économique entièrement bouleversée).
Le soutien militaire et logistique des Juifs à Antiochos III fut décisif. Il leur exprime sa gratitude
confortant ainsi la position de Simon II. Une charte, négociée entre les deux parties, est
conclue. En fait, la "philanthropia" d'Antiochos III reprend les modalités de l'organisation
antérieure (autonomie de l’ethnos, Loi de Moïse reconnue comme politéïa) assortie d'une
consolidation de l'emprise de la caste sacerdotale, de l'élite jérusalémite et de la Loi mosaïque,
préservation de la pureté rituelle de la ville et du temple. Dans le domaine financier, le
souverain fait preuve de largesse : argent pour rebâtir les parties endommagées du temple et
exemption des taxes et dons en argent ou en nature (les hommes continuent à s'acquitter de
la taxe au temple); les dirigeants de l’ethnos, les membres de la gerousia, les prêtres, les
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scribes du temple (codificateurs de la Loi), les chantres (musiciens du temple) sont libérés de
la capitation, de l’or coronaire, de l’impôt sur le sel, le tribut de l'ethnos baisse du tiers, les Juifs
revenant vivre à Jérusalem ne versent pas de taxe pour une durée de trois ans. (Flavius
Josèphe). Ces allègements destinés au repeuplement de Jérusalem et à la relance
économique de la Judée interviennent dans un climat général propice. Quelques années plus
tard, le contexte géopolitique change; désormais Rome s'immisce dans le monde
hellénistique; la paix d’Apamée épuise les finances séleucides; Antiochos III à la recherche
d'argent pille les sanctuaires; il est assassiné, dans un de ces derniers, en Elymaïde (dans
l'actuel Iran).
Séleucos IV règne à partir de -187 mais l'affaire d’Héliodore (vers -180) ébranle les relations
avec le Grand Prêtre Onias III. Le Basileus veut abroger les mesures fiscales de son
prédécesseur, ranimant les dissensions à intérieur de l’ethnos et de l’aristocratie jérusalémite
(Oniades, pro-lagides, et Tobiades, pro-séleucides). Un Tobiade, nommé Simon, briguant une
charge, est à l'origine de la discorde; contrarié, par le veto du Grand Prêtre Onias III, il instruit
le stratège de Coelé Syrie de la grande richesse du temple alors que les subsides royaux
pourvoyaient aux besoins sacrificiels et qu'il ne devait pas thésauriser. Séleucos IV, en mal
d'argent, profita de l'aubaine; il dépêcha Héliodore, son chargé d’affaire, non le stratège
Apollonios, pour mener des investigations (origine de cet excédent inespéré, le loyalisme du
Grand Prêtre, l'état des forces des pro-séleucide) et de subtiliser le précieux trésor. Onias III, à
l'autorité chancelante, se rend à Antioche solliciter de Séleucos la consolidation de la paix
civile à Jérusalem, en proie à l'agitation, la "stasis" (-180 et -175). Héliodore assassine son
souverain en -175 ; Antiochos IV lui succède cette même année. Cet environnement troublé
(stasis persistante à Jérusalem, crise du pouvoir séleucide) ainsi que l'attitude bienveillante de
Grands Prêtres hellénistes (Jason en -175, Ménélas en -172) encouragent l'intrusion brutale
d’Antiochos IV qui suspend tous les privilèges des Juifs, qu'ils jugent légalement révocables.
Jason, frère d’Onias III, brigue la charge de Grand Prêtre qu'il veut monnayer en versant un
tribut plus grand au roi. Oniade et descendant de la caste légitime des Sadocites, il est,
néanmoins, très hellénisé. Ce geste est un précédent par l'ingérence du souverain dans la
nomination contre paiement de la charge. L'objectif de Jason est de réformer la société, de la
moderniser, d'adapter l'application de la Loi mosaïque, et engager l'hellénisation de Jérusalem.
Dans cette cité désormais grecque (Antioche de Judée), une infime minorité de Juifs
hellénisés reçoit la paidéïa (éducation- formation selon les Grecs) et forme le corps des
citoyens. Le reste des habitants, bien que libres, ne possèdent aucun droit politique et sont
soumis à une plus grande pression fiscale. Jason envisage de bâtir un gymnase, symbole de
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l’hellénisme, à proximité du temple, dote la cité d’une politéïa (organisation politique de la cité-
citoyenneté), créé une éphébie (instruction militaire des jeunes), participe à des jeux
Jason n'entendait pas tout bouleverser, bien que ses coreligionnaires plus pieux dénoncent la
trahison et l'apostasie. En effet, concilier judaïsme et hellénisme se révèle une entreprise
ardue et emplie d'embûches.
Ménélas, successeur de Jason qu'il spolie (-172 à -162) n'est pas Oniade et ne peut verser
l'augmentation de tribut promise à Antiochos IV. Afin d'honorer cet engagement, non
seulement, il cède des objets appartenant au Temple, mais fait assassiner Onias III, un des
derniers membres de la caste Sadocite. Alléguant le recouvrement des arriérés de tributs et
avec le consentement du Grand Prêtre, Antiochos IV pille le Temple (-169).
Ces évènements font naître à nouveau la stasis dans Jérusalem, dans l'affrontement entre
hellénistes et Juifs pieux, et entre hellénistes radicaux (Ménélas) et hellénistes modérés
(Jason revenu combattre Ménélas). Antiochos IV, défait par Rome dans les faubourgs
d’Eleusis à Alexandrie, brise la subversion à Jérusalem par un massacre, rase les murailles,
asservit et exproprie au profit de païens et de Juifs hellénisés une partie de la population
(40 000 personnes), confirme Ménélas dans sa charge, et fixe une garnison militaire séleucide
dans la ville. L'édit royal de fin -168 impose la déjudaïsation dans l'ensemble de la Judée et
des cités proches: abrogation de la Loi juive du corpus législatif royal, les Juifs sont sommés
de prendre la nomina hellenica, interdiction du Ioudaïsmos (shabbat, sacrifices…), adoption
des coutumes grecques (autels dans la cité, sacrifices royaux dans le Temple qui sera dédié à
Zeus Olympien …). Le mouvement insurrectionnel, appelé révolte des Maccabées (vers -167)
est dirigé contre les Juifs apostats et les Séleucides. Il aboutit à un Etat indépendant et de
religion juive en -142, mais qui encore trop hellénisé.
3- La diaspora d'Egypte entre intégration et acculturation
Ces Juifs de la diaspora sont immergés peu à peu dans un environnement culturel et
linguistique grec et universaliste et sont séparés politiquement des Juifs de Judée.
Cependant, ils ne sont pas à l'abri des soubresauts politiques (guerre de Coelé Syrie).
a- Statut et condition des Juifs d'Egypte
Ptolémée II collabore d'abord avec son père Ptolémée Ier Sôter (à partir de -284) jusqu'à la
mort de ce dernier (-282) puis règne sur le royaume lagide (jusqu'à -246). Entre -279 et -274, il
épouse en seconde noce sa demi-sœur Arsinoé II, veuve de Lysimaque. A sa mort (-270),
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Ptolémée lui accorde des honneurs divins ; l'épithète Philadelphos, "celle qui aime son frère",
passe de la défunte reine au roi "qui aime sa sœur".
Bien qu'il doit faire face à de nombreux conflits : première guerre de Syrie (- 276 à -271),
révolte de Magas à Cyrène (-274), intervention de la flotte dans la guerre opposant Athènes et
Sparte à la Macédoine (-266 à -261), deuxième guerre de Syrie (achevée en -252), le roi est,
toutefois, moins belliqueux que son père et préfère s'intéresser aux affaires internes du
royaume et lance des réformes, secondé par son diœcète (ministre des finances) Apollonios :
instauration de monopoles royaux, modernisation de l'agriculture (mise en valeur des terres
dans le nome Arsinoïte, le Fayoum actuel), réorganisent l'administration, les finances, l'armée,
la sécurité du commerce (promulgation de décrets et ordonnances "diagrammata et
prostagmata"); il inscrit, aussi, la réalité ethnique et culturelle de l'Egypte dans l'organisation
judiciaire (tribunaux "dicastères" dans les cités grecques et dans les campagnes et "laocrites"
ou "juges du peuple" pour les autochtones). Cependant ces instances sont subordonnées à
une justice royale que le monarque exerce seul ou par l'entremise de ses chrématistes
(enquêteurs et juges à la fois et expéditifs). Souverain le plus cultivé des rois hellénistiques
(élève du poète Philétas de Cos, du grammairien Zénodote et du physicien Straton de
Lampsaque), il est protecteur des arts et des lettres (développe le Musée et la Bibliothèque
d'Alexandrie), il porte un grand intérêt à la géographie et aux sciences naturelles.
Quant au destinataire de la lettre, écrite par Ptolémée II,Éléazar le Grand Prêtre de Jérusalem,
il est issu de la dynastie des Sadocites, fils d'Onias et frère de Simon dit le juste auquel il
succèdera à la direction du Temple, qu'il administre en collaboration avec sa gerousia
(conseil).
Ptolémée II (-308 et -246) aurait libéré plus de 100 000 prisonniers, témoignage de concorde
et de respect.
Les Juifs, peut-être 300 000 personnes, se fixent dans les centres urbains du Delta à
Eléphantine, en Basse Egypte (2 colonies militaires à Léontopolis et Péluse), en Haute Egypte
(Thèbes, Edfou) et bien entendu à Alexandrie, dans le quartier Delta (au Nord-est) qui peu à
peu devient le quartier juif de la capitale. Les Juifs sont la plupart soldats des lagides veillant à
la défense et la sécurité du pays. Ils vivent dans des colonies militaires ou des clérouquies
(peu à peu les propriétés deviennent héréditaires, créant des "dynasties" de soldats juives,
fidèles serviteurs des lagides). Cet élément est accentué par leur spécificité (restrictions
alimentaires, trêve du Shabbat…) donnant naissance à des bataillons, soldats et généraux
exclusivement juifs. Ils sont aussi serviteurs de l’Etat en incorporant l’administration royale; ils
occupent divers postes (scribes, collecteurs, policiers royaux, officiers du palais…)
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