PHYSIQUE CELLULAIRE FUSION MEMBRANAIRE Rappel des cours précédents Description de l’exocytose (5) Jean-Pierre HENRY 5 Février 2009 Place de la fusion membranaire en biologie cellulaire • Le trafic membranaire et l’exocytose • La fusion virale • Fusion et développement Trafic membranaire et exocytose La fusion virale La fusion cellule-cellule ASPECTS PHYSIQUES DE LA FUSION MEMBRANAIRE Le modèle du pédoncule LA FUSION VIRALE Un modèle « simple » de fusion de membranes biologiques Mécanisme de la fusion induite par le virus de la grippe PHYSIQUE CELLULAIRE FUSION MEMBRANAIRE EXOCYTOSE Jean-Pierre HENRY 5 Février 2009 Exocytose régulée/constitutive • Exocytose constitutive: – Non régulée par Ca2+ – Renouvellement de la membrane cellulaire • Exocytose régulée (schéma) – Déclenchée par une montée de Ca2+ cellulaire – Libération de médiateur pour la communication cellulaire L’exocytose régulée est impliquée dans le fonctionnement de la synapse et dans la libération des hormones hydrosolubles L’exocytose régulée est complexe L’exocytose (sécrétion) comporte des étapes multiples précédant la fusion membranaire, qui rendent l’analyse biochimique (moléculaire) difficile remplissage ? ? vésicule fusion endosome ? bourgeonnement catécholamine (adrénaline) migration migration arrimage ? maturation ? exocytose ? endocytose ? ? membrane extérieur de la cellule Ca2+ Mais, l’étude est facilitée car la fusion est détectable depuis l’extérieur de la cellule (pore de fusion, libération de matériel) Systèmes d’étude: la cellule chromaffine bovine • • • • La cellule chromaffine est le prototype de la sécrétion neuroendocrine Les cellules chromaffines bovines peuvent être cultivées La sécrétion est induite par l’Ach ou les ions K+ Les vésicules (granules chromaffines) sont gros (200 à 300 nm) Les produits de sécrétion sont l’adrénaline et la noradrénaline, l’ATP et des peptides/protéines Description phénoménologique de l’exocytose -1Ce que les méthodes électriques ont amené Patch-clamp: circuit équivalent • En patch-clamp, whole-cell, le scellement entre la pipette et la membrane cellulaire est fort (résistance > 1 Gohm) • La membrane à l’extrémité de la pipette est enlevée: on voit les propriétés de l’ensemble de la membrane plasmique • On impose un potentiel sinusoïdal (800Hz) • On mesure l’admittance du circuit équivalent Circuit équivalent (5) • L’équation de l’admittance se décompose en une partie réelle et une partie imaginaire • Il est possible d’avoir accès à ces 2 parties (ampli lock-in) • Aux temps brefs, la chute de potentiel est surtout ohmique • Aux temps longs, g est infini (Breckenbridge and Almers (1987), Nature 328, 814 Caractérisation du pore de fusion (1) Im Re • (Haut) Evolution de la partie imaginaire Im et de la partie réelle Re de l’admittance • (Bas) conductance du pore de fusion en nS (à gauche) et en nm (à droite) • Le pore apparaît brutalement avec une conductance initiale de 230 pS • Avec des hypothèses raisonnables, le pore aurait un diamètre de ~ 1 nm Résultats obtenus par patch-clamp • L’événement de fusion unique est visible (dans certaines conditions): augmentation de capacité (vésicules de 200 nm ~ qqes fF) • Le pore de fusion est visible: de 100 à 1000 pS (qqes nm) ; il s’ouvre très rapidement; il peut être stable pendant une fraction de s; il peut fluctuer (fermeture/ouverture) • Un pore purement lipidique a des caractéristiques semblables (mais, il y l’hypothèse d’un pore protéique est aussi défendue ) Principe de l’ampérométrie • Certaines cellules neuroendocrines sécrètent des molécules oxydables: cellules chromaffines et adrénaline • On utilise une microélectrode de carbone à un potentiel oxydant (800 mV), placée près de la cellule • La libération de l’adrénaline donne un pic de courant • Pas de filtrage diffusionnel : le pic donne la cinétique de sécrétion Réalisation d’une expérience d’ampérométrie • Une cellule chromaffine (diamètre 20 µm) est stimulée parune micropipette (à gauche) libérant du KCl (55mM) • La microélectrode (fibre de carbone, à droite) est à 800 mV • Sur l’enregistrement du courant, un pic correspond à la libération d’une vésicule Apports des méthodes électriques • Mise en évidence du pore de fusion – Ouverture très rapide – Taille généralement inférieure au nS (gros canal) – Susceptible de fermeture et de fluctuations • L’expansion du pore serait gouvernée par le gonflement de la matrice • Les vésicules synaptiques (diamètre 40 nm) ne semblent pas gonfler, mais la diffusion à travers le pore les vide en quelques ms • Pas d’indication sur l’hémifusion Description phénoménologique de l’exocytose -2Ce que les méthodes optiques ont amené Les techniques développées récemment • Microscopie électronique: – Méthodes sans coloration – Méthodes de tomographie • Méthodes optiques in vivo – – – – Interference reflection microscopy Microscopie biphotonique Microscopie de fluorescence à excitation évanescente (TIRFM) Microscopie STED (stimulated emission depletion) Electron tomographie conique: Hémifusion des vésicules synaptiques « dockées » • Une coupe de cortex frontal a été fixée et examinée en tomographie, avec reconstitution d’image • Les images du centre et à droite suggèrent une hémifusion • En projection sur un plan, cette résolution disparaît (Zampighi et al (2006) Biophys J, 91, 2910)) STED Résolution du mouvement des vésicules synaptique • Neurones en culture, avec un marquage par fluorescence • Même champ observé en confocal et STED • Cette méthode de champ large permet des séquences rapides (30 Hz) et elle est utilisable pour le suivi des vésicules synaptiques à la synapse. (Westphal et al (2008) Science,320, 246) Exocytose vue par Interference Reflection microscopy (IRM) • Cellules chromaffines observées in vivo • En A, empreinte de la cellule au repos, B, stimulation par dépolarisation, C, exocytose, D, récupération (Llobet et al(2003) Neuron,40, 1075) Sécrétion d’une cellule chromaffine • Empreinte de la face basale; calibration 5µ • Les cellules sont stimulées par dépolarisation électrique (point blanc) Suivi des cellules BON par microscopie TIRF cellule épifluorescence z vésicules marquées onde évanescente eau verre épifluorescence I i faisceau laser i > icritique (icritiquẽ 64°) évanescence Les cellules sont marquées par transfection par une construction NPY-GFP. NPY est un peptide exprimé dans les vésicules Description du montage utilisé au laboratoire Montage réalisé au laboratoire faisceau laser (Argon à 488 nm) objectif eau cellule sur la lamelle de verre boite de culture Système de lentilles prisme (verre) déplacement du miroir Ce montage permet l'observation successive d'une même cellule à différentes épaisseurs d'évanescence (comprises entre 80 et 300 nm) Cellules BON stimulées • • • • • Lignée cellulaire dérivée d’une tumeur carcinoïde humaine Cellules de type entérochromaffines (intestin) sécrétant de la sérotonine Stimulation par les ions Ba2+ Profondeur d’évanescence: 150nm Cadence 25 Hz, accéléré 3 fois Cellules BON stimulées par le Ca cagé • • Un composé photosensible complexant Ca2+ incorporé dans la cellule Un flash UV est utilisé pour libérer très rapidement le Ca2+ Observation d’un événement unique: Le « flash » 33Hz, Ralenti 3x Cellule BON transfectée NPY-GFP, stimulation digitonine/Ca2+ Integrated Intensité Intensity intégrée 1900 1700 1500 1300 1100 900 700 2,5 3,5 Tim e (s) Temps (sec) τflash ~ 100 ms 4,5 Origine du flash • Le produit de sécrétion est le NPY-GFP • La fluorescence de la GFP dépend du pH: IF(pH5)<IF(pH7) • la sécrétion change l’environnement de la GFP, de pH5 intravésiculaire à pH7, produisant une augmentation de la fluorescence (x3) • La sécrétion est faite dans un champ évanescent excitateur exponentiel, augmentation de la fluorescence (x3) • Ces deux facteurs rendent compte du pic (x9) • La décroissance est due à la diffusion entre le verre et la membrane basale Observation après marquage de la membrane vésiculaire • Cellules PC-12 (tumeur de la médullo-surrénale de rat) • Marquage par NPY-GFP (protéine soluble, verte) • Marquage par un colorant de type styrène FM-64, rouge et soluble dans les membranes • Le colorant se dilue dans la membrane cellulaire pendant la sécrétion (Taraska et al (2004) PNAS, 101, 8780) Des protéines de la membrane vésiculaire diffusent dans la membrane plasmique, … • Cellules chromaffines bovines transfectées par VAMPGFP • La VAMP est une protéine abondante de la membrane des granules chromaffines (M~30 kDa) • Après la fusion, elle diffuse dans la membrane plasmique (Allersma et al (2004)MolBiolCel, 15, 4658) Vidéo … mais d’autres ne diffusent pas! • Cellules PC-12 transfectées par NPYGFP (soluble, vert) et Phogrine-dsRED (membranaire, 60kDa, rouge) • Après exocytose, la Phogrine diffuse très peu (Taraska et al (2003)PNAS,100, 2070) Conclusions Au moment de l’exocytose, il y a: • Fusion des bicouches: diffusion d’un colorant et de la VAMP • La membrane vésiculaire garde une certaine identité dans la membrane cellulaire En fait, la membrane vésiculaire peut, dans certains cas, conserver sa courbure La concavité, vue par IRM, survit après la sécrétion, vue par TIRFM de FM4-64 • La face basale d’une cellule chromaffine est observée par IRM (interference reflection microscopy) • La sécrétion est suivie par TIRFM (marquage membranaire) • La concavité persiste après l’exocytose (Llobet et al (2003) Neuron, 40, 1075) La concavité, vue par IRM, survit après la sécrétion, vue par TIRFM de FM4-64 (1) • Les « concavités » sont dans le canal vert • Le FM4-64 est vu dans le canal rouge Conservation de la concavité (2): expérience TIRFM • Cellule chromaffine marquée sur la membrane vésiculaire par VAM-GFP • Dans 10% des cas, la fluorescence apparaît comme un anneau • Cette figure est interprétée comme la projection d’une concavité (Allersma et al (2004) MolBiolCell,15, 4658) Conservation de la concavité (3): observation en 2 photons d’un marqueur extracellulaire • • • • On utilise des « agrégats » de cellules chromaffines Un marqueur fluorescent imperméant marque l’espace intercellulaire (sulforhodamine) Une exocytose apparaît comme une croissance de l’espace externe En C, exocytose avec fusion totale; en E, persistance de la concavité (Kishimoto et al (2006) EMBO J, 25, 673) Implications mécanistiques • La conservation de la cavité est inattendue: après les travaux ampérométriques, on attendait une fusion totale • Il faut que la forme soit maintenue de l’intérieur (protéines non sécrétées de la matrice) ou de l’extérieur (rôle de l’actine, voir schéma) • La conservation n’est pas toujours observée (Sukac and Bement (2006) MolBiolCell, 17, 1495) Il n’y a pas de cavité persistante dans les neurones • Observation d’une terminaison nerveuse géante par IRM • Pas de cavités visibles • Augmentation de la surface de l’empreinte • Les systèmes sont différents (taille, matrice, cytosquelette) (Lobet et al (2003) Neuron,40, 1075) Exocytose séquentielle: une vésicule peut fusionner sur une concavité Expérience sur cellule BON, en TIRFM !t !z I0 I1 • La fluorescence disparaît en deux temps • La deuxième vésicule étant plus loin, elle a une intensité plus faible (Tran et al (2007) Eur Biophys J, 37, 55) Exocytose séquentielle (2): imagerie en 2 photons de l’espace extracellulaire • L’espace extracellulaire est marqué par la sulfoRhodamine B • Après stimulation, la fluorescence ne diminue pas, mais augmente par exocytose de nouvelles vésicules (Kishimoto et al (2006) EMBO J, 25, 673) Utilisation de l’imagerie par 2 photons avec un marqueur polaire extracellulaire • Agrégats de cellules chromaffines, marqueur sulfoRhodamine • Stimulation par KCl, images à 0,5 Hz Si la concavité est conservée, la vésicule peut-elle se refermer? • Pour certains, l’exocytose pourrait être modulable: libération partielle du contenu et fusion membranaire incomplète • C’est l’hypothèse du « kiss-and-run », très développée pour les vésicules synaptiques • Cette hypothèse a aussi été proposée pour les gros granules des cellules neuroendocrines • Toutefois, comment peut on arrêter le gonflement de la matrice? • La « cavicapture »: les vésicules de sécrétion peuvent se refermer après libération de leur contenu Argument en faveur de la « cavicapture » (Taraska et al (2003) PNAS, 100, 2070) • Cellules PC-12: marquage de la phogrine (protéine transmembranaire) • A gauche, marquage de l’extrémité N-terminale (cytosol) • A droite, marquage du C-terminal par l’GFP (sensible au pH) Argument en faveur de la « cavicapture » (2) • L’EGFP est un indicateur de pH: – L’augmentation de IF correspond à l’ouverture de la vésicule (pH7) – La décroissance à l’acidification après refermeture • Si on alcalinise par un pulse de NH4+ (F) pendant la descente, la fluorescence remonte (F,G) • Si on alcalinise une vésicule au repos, même variation de IF • Il y a exocytose, puis refermeture(cavicapture) et acidification (Taraska et al (2003) PNAS, 100, 2070) Mécanisme hypothétique de la cavicapture • L’exocytose (2) permet la libération du contenu • On peut alors avoir persistance de forme (3) • Puis, un mécanisme de type endocytose (4,5) referme la vésicule • La pression de gonflement a été évacuée en cours d’exocytose (Tsuboi et al (2004) J Biol Chem,279, 47115) Conclusions sur les méthodes optiques • Les méthodes optiques permettent l’observation in vivo de l’événement unique • Elles ont permis d’observer le phénomène de persistance de forme, encore incompris • L’exocytose séquentielle (différente de l’exocytose composée) a été mise en évidence • La « cavicapture » est une réalité, le « kiss-andrun », permettant de contrôler l’exocytose est douteux dans les vesicules neuroendocrines • Comme toujours en biologie, il y a des variations au moins quantitatives entre les différents systèmes