Techniques neuromusculaires appliquées au membre supérieur

1 )-
© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
L’approche thérapeutique manuelle est es-
sentiellement empirique et de nombreuses
théories, expliquant le mode d’action, sont
avancées, mais leur évaluation se heurte à la
difficulté de réaliser une technique placebo
au sein d’une étude en double aveugle sans
contact corporel.
Actuellement, il est admis que les techniques
cutanées font intervenir les structures ner-
veuses du derme et de l’hypoderme, comme
la plupart des réflexothérapies telles que
l’acupuncture dont la stimulation des points,
qui ont une réalité physique et histologique
(complexe neurovasculaire), met en jeu des
récepteurs spécialisés intervenant dans la ré-
gulation du message nociceptif (gate control
de Melzac et Wall) mais aussi entraîne la pro-
duction de neuromédiateur comme l’ont dé-
montré les expériences de transfert sérique
de l’analgésie acupuncturale.
En ce qui concerne les techniques tendino-
musculaires, la connaissance du mode de
fonctionnement de la contraction musculaire,
tant aux niveaux des capteurs spécialisés que
des voies et des centres, apporte un certain
nombre de réponse aux interrogations posées
par les résultats de techniques pratiquées
(réflexe myotatique, inhibition réciproque,
boucle gamma…).
Nous abordons dans ce chapitre les techni-
ques neuromusculaires appliquées à la pa-
thologie mécanique du membre supérieur
rencontrée en Médecine du sport.
L’étirement post-isométrique s’applique pré-
férentiellement à un muscle douloureux et
hypo-extensible. Si cette technique est indis-
pensable en regard des muscles du squelette
axial ou du membre inférieur, qui sont en ma-
jorité toniques, elle est relativement moins
utilisée au niveau du membre supérieur
prédominent des muscles phasiques.
La pression glissée le remplace très souvent,
agissant sur la peau, le fascia, l’aponévrose et
les fibres musculaires.
Le raccourcissement musculaire est indis-
pensable, d’autant qu’il s’applique essentiel-
lement sur un muscle douloureux et normo-
extensible, situation la plus fréquemment
rencontrée au niveau du membre supérieur,
en l’absence de pathologie articulaire ou ten-
dineuse associée.
Le décordage tendineux est utile, son action à
proximité de l’insertion osseuse est en faveur
d’une sollicitation des organes neurotendi-
neux de Golgi.
Techniques neuromusculaires appliquées
au membre supérieur
D. Bo n n e a u
Service de Gynécologie-Obstétrique - CHU Carémeau - 30029 Nîmes cedex 9
Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle - 23, avenue des Lierres - 84000 Avignon
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Médecine du sport et thérapies manuelles
-( 2
PRINCIPES DES TECHNIQUES
NEUROMUSCULAIRES
Elles reposent sur les mécanismes de régula-
tion de la contraction musculaire.
RAPPEL SUR LA RÉGULATION DE
LA CONTRACTION MUSCULAIRE
[5, 19]
“Le muscle crie la douleur de l’articulation qui
souffre”.
Il est doté d’un capteur de longueur et plus pré-
cisément de raideur, le fuseau neuromusculaire
dont l’étirement est le stimulus privilégié.
À son extrémité se positionne un capteur de
force, l’organe neurotendineux de Golgi, qui
analyse les efforts transmis au levier squelet-
tique sur lequel il se fixe.
Le muscle est un activateur unidirectionnel
qui ne possède pas de marche arrière. Cette
situation nécessite, pour assurer la réversibi-
lité de l’action, de lui adjoindre un muscle
antagoniste. Mais ce dernier ne se contente
pas de réaliser cette rétroaction, car il contrô-
le aussi la bonne marche du mouvement pro-
grammé se réservant à tout moment la possi-
bilité de freiner ce dernier.
La régulation de ce système dépend donc de
la boucle Gamma et son fonctionnement fon-
damental, le réflexe myotatique, est quoti-
diennement utilisé par tout médecin dans la
recherche des réflexes ostéo-tendineux.
Le muscle possède quatre états :
- Deux physiologiques, qualifiés d’intrinsèques
car ils sont sous la dépendance du contrôle
conscient de la motricité volontaire :
. l’état contracté,
. l’état relâché.
- Deux états, dits extrinsèques, imposent la
mise en jeu d’une force extérieure, celle du
thérapeute :
. l’état étiré,
. l’état raccourci.
Ce sont ces deux derniers états qui sont privi-
légiés en thérapeutiques manuelles, car ils
permettent, de manière élective, une réinitia-
lisation des capteurs musculaires.
En effet, lors de l’étirement, la stimulation du
fuseau neuromusculaire est optimale, alors
que, durant le raccourcissement maximal, il
est mis totalement au repos.
Le fonctionnement de l’innervation récipro-
que permet de comprendre que la mise en
raccourcissement d’un muscle a un effet po-
tentialisé par la mise en étirement maximal
de l’antagoniste. Le facteur temps est pri-
mordial, potentialisant l’effet. La position de
raccourcissement maximal est maintenue
90 secondes.
L’ÉTIREMENT POST-ISOMÉTRIQUE
[1, 6, 8, 12, 20]
Appelée aussi myotensif, cette méthode dé-
rive du contracter-relacher, emploen réé-
ducation. Le but est d’étirer et décontracter le
muscle spasmé.
Cette technique s’applique en priorité à une
pathologie musculaire douloureuse associée
à une restriction de mobilité en rapport avec
la contracture musculaire.
L’application la plus classique est le syndro-
me myo-fascial qui se caractérise par une
douleur projetée, le plus souvent dans les
dermatomes correspondant aux racines mo-
trices du muscle en cause. Cette particularité
la distingue de la douleur strictement uni-mé-
tamérique témoin d’une dysfonction segmen-
taire vertébrale.
Techniques neuromusculaires appliquées au membre supérieur
3 )-
© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Le praticien réalise un examen programmé
régional à la recherche d’une limitation d’am-
plitude articulaire d’origine musculaire.
Ce qui sous-entend d’éliminer une cause
ostéo-cartilagineuse dégénérative, inflam-
matoire ou traumatique par l’imagerie et la
biologie.
Le contexte post-traumatique oriente vers
une cause cicatricielle d’origine capsulo-liga-
mentaire.
En pratique, après avoir identifié le muscle ou
le plus souvent un groupe de muscles agonis-
tes, on demande au patient d’effectuer une
contraction isométrique (sans déplacement
des leviers articulaires), dont l’intensité de la
force est faible.
Il est inutile que le patient développe une
force importante, l’objectif est de mettre en
jeu la boucle neuromusculaire et non de “fati-
guer” le muscle.
Une résistance manuelle est appliquée sur le
segment mobile par le thérapeute. Le vecteur
de cette résistance est directement appliqué
dans le sens inverse du mouvement provoqué
par le muscle que l’on veut étirer. Cette contrac-
tion est maintenue durant six secondes.
Au terme de cette contraction, après un temps
mort d’une à deux secondes, nécessaire au
relâchement de l’ensemble des fibres mus-
culaires, le muscle est amené à la position
d’étirement identifiée par la perception d’une
résistance appelée barrière motrice. Cet éti-
rement est maintenu une douzaine de secon-
des, sans à-coup (fig. 1).
Une nouvelle contraction est demandée, sui-
vie d’un étirement, puis renouvelée jusqu’au
gain d’amplitude désirée.
Les variantes sont nombreuses et se différen-
cient par le nombre de cycles et leur durée.
On peut utiliser la respiration en demandant
au patient d’inspirer lentement durant la
contraction isométrique et de souffler durant
la période d’étirement.
PRESSION GLISSÉE
Il est parfois utile d’associer en fin de l’étire-
ment post-isométrique une pression glissée
en regard du muscle traité.
Cette mauvre associe une action superficielle
cutanée, proche du massage réflexe, et une
action profonde sur la contracture musculaire.
Fig. 1 : Étirement post-isométrique de l’élévateur de la scapula : Position de départ à gauche et d’arrivée à droite
Médecine du sport et thérapies manuelles
-( 4
La réalisation de cette manœuvre s’effectue
selon le protocole suivant : Après avoir palpé
en profondeur le ou les muscles péri-articu-
laires de l’articulation lésée et mis en éviden-
ce une zone contracturée douloureuse (après
avoir pris soin d’éliminer par échographie, en
cas de doute une autre atteinte tel un héma-
tome récent), le muscle est mis en position
d’étirement et le praticien exerce des pres-
sions glissées profondes, dans le sens des
fibres, en insistant sur la zone de contracture,
jusqu’à l’obtention de l’atténuation objective
de la contracture. L’amélioration subjective
par le patient est parfois vécue comme une
“douleur qui fait du bien” !
LE DÉCORDAGE [7, 16]
Le décordage interépineux
Il s’applique en regard du segment rachidien
impliqué dans le territoire d’innervation du
membre supérieur, soit de C8 à T7 pour l’in-
nervation neuro-végétative (tractus intermé-
dio-latéralis, centre du système nerveux sym-
pathique) et C4-T1 pour l’innervation somatique
(plexus brachial).
La réalisation de cette technique est précédée
d’un diagnostic palpatoire, doux et léger, à la
recherche d’une modification de la structure
du tissu sous-cutané traduisant un dysfonc-
tionnement sous-jacent. On recherche la vertè-
bre qui “sort” témoin, au niveau cervical, d’une
attitude antalgique en rectitude avec perte de
la lordose physiologique. L’efficacité étant ap-
préciée par la modification de la texture du
conjonctif sous-cutané et, bien entendu, de la
perception de la vertèbre “rentrée”, due à la
restauration de la lordose physiologique.
La technique demande beaucoup de dextéri-
té, le geste utilise soit l’inter-phalangienne
proximale de l’index soit la pulpe distale des
doigts dans les zones plus “sensibles”.
Dans un premier temps, on repère le proces-
sus-épineux et sa face latérale (la droite pour
le praticien droitier) sur laquelle on applique
la base de la deuxième phalange de l’index, la
métacarpo-phalangienne est en extension les
inter-phalangiennes en flexion. Tout en main-
tenant une pression sur la face latérale de
l’épineuse on remonte crânialement jusqu’à
la perception de l’espace interépineux et son
environnement cutanéo-tendino-musculaire.
À ce moment-là, on majore la pression de
droite à gauche, perpendiculairement à l’axe
rachidien, on met en tension trois secondes et
on accentue brièvement la pression pour pas-
ser en “pont” dans l’espace en réalisant le -
canisme sec d’une lame de canif qui se replie.
L’acquisition du doigt “canif requiert une
pratique quotidienne, permettant en outre
l’obtention d’un cal dorsal interphalangien
proximal (fig. 2).
Le décordage musculaire
Comparable au précédent, il consiste à la réa-
lisation d’un étirement transversal, bref et
rapide du tendon musculaire, le plus proche
possible de l’insertion osseuse.
Cette technique peut se moduler selon la pa-
thologie incriminée :
Fig. 2 : Décordage interépineux du rachis cervical
Techniques neuromusculaires appliquées au membre supérieur
5 )-
© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
- Le décordage métamérique : Dans les pa-
thologies radiculaires séquellaires, en effet
cette méthode est fortement déconseillée
dans les radiculites aiguës, on “décorde” les
muscles dépendant de l’étage métamérique
en cause.
- Le décordage péri-articulaire : Dans les pa-
thologies articulaires périphériques, on dé-
corde certains des tendons des muscles
moteurs de l’articulation atteinte.
LE POSITIONNEMENT OU LE
RACCOURCISSEMENT MAXIMAL [9]
Cette technique dérive de la méthode décrite
par L.H.J. Jones : Strain and counterstrain. La
technique originale découle de l’examen os-
téopathique. La mise en évidence de la lésion
définie par la restriction de la mobilité articu-
laire est complétée par la recherche palpa-
toire manuelle d’un point sensible appelé par
l’auteur “tender point”. Une fois le point loca-
lisé, le thérapeute recherche la position de
confort maximal qui permet de faire disparaî-
tre la douleur du point ou de l’atténuer des
2/3 de son intensité. Cette position de confort
est maintenue durant 90 secondes, sans
aucune participation du patient.
La technique que nous proposons ne s’appli-
que pas à une lésion ostéopathique mais ex-
clusivement à un point douloureux musculaire.
Cette méthode s’utilise préférentiellement en
cas de douleur sans limitation articulaire, si-
tuation que l’on rencontre fréquemment en
fin de séance, après avoir réalisé un étirement
post-isométrique.
Le choix du muscle à traiter repose sur l’exa-
men clinique et la mise en évidence de points
sensibles, du repérage des cordons myalgi-
ques, en respectant soigneusement lors de la
réalisation de la technique, la direction des
fibres musculaires.
Après repérage du point douloureux muscu-
laire, tout en maintenant la pression digitale,
on recherche la position idéale de raccourcis-
sement du muscle en cause. Cette position
doit apporter une diminution nette de la dou-
leur (au moins des deux tiers). On conserve la
position de sédation durant 90 secondes. Le
retour doit être totalement passif et réalisé
avec lenteur et douceur (fig. 3).
Un contrôle immédiat de la sensibilité du
point, qui doit avoir diminué au moins des
deux tiers de son intensité, permet de juger
de l’efficacité de la technique.
APPLICATION DES TECHNIQUES
NEUROMUSCULAIRES AU MEMBRE
SUPÉRIEUR [6-10, 12, 15, 16, 18, 20]
Comme nous l’avons écrit dans l’introduction,
la technique en raccourcissement prédomine
sur l’étirement post-isométrique.
Ainsi, nous ne décrivons que les muscles qui
tirent le plus de bénéfice de l’étirement.
ÉTIREMENT POST-ISOMÉTRIQUE
Après présentation de chaque muscle, rappe-
lant ses insertions proximales et distales, son
innervation et son action, nous illustrons la
Fig. 3 : Positionnement du muscle supinateur
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