GENVA, reconstitutions et recherches archéologiques
L’équipement du légionnaire républicain
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Ce que l’on peut dire de l’aspect du pilum
C’est donc à partir principalement de ce passage de Polybe et des trouvailles
archéologiques que l’on peut tenter d’établir une description un peu plus précise de ce pilum
et de formuler quelques principes généraux.
Pris au sens premier, les chiffres donnés par Polybe rendent l’image d’une arme
impressionnante ; un diamètre d’une palme, soit la largeur d’une main, mesure fixée à 7,7
centimètres et une longueur de 2,79 mètres
. On obtient ainsi une arme plus proche du pieu
que du fin javelot trop souvent représenté dans l’iconographie moderne, à l’image d’Astérix.
Citant les premiers commentateurs de Polybe
, Paul Couissin démontre qu’une traduction
littérale avec une épaisseur constante de la hampe ne correspondrait « qu’à un énorme pieu
dont le poids avoué […] serait de onze livres mais doit être, en réalité, encore plus
considérable. »
. Les soldats romains ont beau avoir une constitution physique sans doute
hors du commun d’un point de vue moderne, on a peine à croire à l’utilisation d’un javelot de
près de six kilos.
Dans un article ancien mais dont la pertinence reste tout à fait à propos, Joseph
Quicherat interprète ces chiffres pour leur donner un autre sens ; il s’appuie notamment sur
l’étymologie du mot pilum, contraction de pisillum ou pistillum, qui désigne l’instrument que
nous appelons un pilon
. Il en déduit que l’arme a du y ressembler
et que la hampe ne
devait pas avoir dans son ensemble la largeur décrite par Polybe mais être fine au pied pour
enfler progressivement au milieu du bois, ce qui permettait précisément d’y emboîter le fer,
diminuant également la taille
. Il faut donc revoir la longueur à la baisse, ce qui nous donne
dans ce cas une arme d’environ, 2,07 mètres
. Ce chiffre est plus vraisemblable pour une
arme qui comme je l’ai mentionné plus haut, sert aussi bien au lancer qu’au combat au corps à
corps ; on imagine en effet mal un légionnaire manœuvrer habilement d’une main une arme
de près de trois mètres pour affronter un ennemi muni d’une épée.
Chiffres donnés par QUICHERAT, Joseph, Le pilum de l’infanterie romaine, Paris, Imprimerie générale de
Ch. Lahure, 1866, pp. 10-11 (extrait du XXIXe volume des Mémoires de la Société impériale des Antiquaires de
France).
Notamment Rüstow, Köchly et Dahm.
COUISSIN, 1926, op. cit., p. 203.
L’étymologie du terme pilum est débattue ; on peut également le rattacher à une racine pig- ou pik., pour
« piquer, percer ». Voir COUISSIN, 1926, op. cit., p. 22. À mon sens, les deux ne sont pas incompatibles.
QUICHERAT, 1866, op. cit., p. 8.
Idem, pp. 11-12.
FEUGÈRE, 1993, op. cit., p. 101.