Question 2 : Vous étudierez la théâtralité dans Les Liaisons dangeureuses de Choderlos de
Laclos et facultativement dans le film de Stephen Frears.
Être protéiforme, le libertin peut endosser toutes les apparences que réclame la
situation. Ainsi Valmont qui, comme il s'est laissé aller à goûter sa charité feinte (lettre 21),
se prend à être « amoureux et timide » (lettre 57) ou simule dans ses lettres à Mme de
Tourvel un amour passionné (lettre 70). Aussi Mme de Merteuil, dont la duplicité sait
jouer tous les rôles avec un plaisir cynique, trahit Cécile (lettre 63) et se délecte de voir
qu'on la prend pour un guide consolateur et secourable (ibid.). Comédien accompli, le
libertin se joue dans des lettres qui permettent d'apprécier toutes ses facettes. Ainsi, ses
lettres « d'amour » à Mme de Tourvel (lettre 68) sont confrontées au commentaire vrai
qu’il en fait pour Mme de Merteuil (lettre 70). Les poses étudiées de Mme de Merteuil
pour Prévan (lettre 85) sont démasquées par le récit, faussement outré et vertueux, qu’elle
livre à madame de Volabges, de l'aventure (lettre 87). Metteur en scène, le libertin agit sur
les événements et tire les ficelles (notons à ce propos les compliments que la marquise de
Merteuil s'adresse dans la lettre 81 : « Je commençais à déployer sur le grand théâtre les talents que
je m'étais donnés »). Les lettres 71, 79 et 85 sont de vrais récits enchâssés de ses
machinations sournoises. Valmont n'est pas en reste, et agit avec ruse pour faire de Cécile
sa complice (lettre 73) et préparer son entrée dans sa chambre (lettre 84). Les conseils de
Mme de Merteuil à Valmont sont d'ailleurs ceux d'un régisseur à un acteur (lettre 63) et la
« gaieté » (lettre 74) qu'elle ne peut se refuser dans la mystification, accentue cet aspect de
réprésentation.
Les personnages appartiennent à un microcosme aristocratique peuplé de gens à la
mode toujours en représentation et en quête d’applaudissements. Il s’agit là d’un veritable
théâtre social qui obéit à des règles strictes, qui possède ses conventions et ses
bienséances. S’y joue une tragi-comédie où chacun incarne un rôle : Merteuil et Valmont
tiennent le devant de la scène, Mme de Tourvel figure au second rang et le couple Cécile-
Danceny au troisième. C’est dans cet univers que se font et se défont les réputations,
qu’on gagne ou qu’on perd tout crédit ; ainsi le machiavélisme de la marquise détruira-t-il
à jamais le renom de Prévan aux yeux du monde auquel il appartient (Lettre 85). On saisit
mieux dès lors pourquoi Mme de Merteuil a soigneusement préparé son entrée sur ce
« grand théâtre » (Lettre 81) où évolue le « société » de l’époque. Les salons, les cerclesà la
mode réclament de ceux qui les fréquentent des talents de comédien, des aptitudes à
l’hypocrisie, un goût si prononcé du masque et du mensonge que toute spontanéité
disparaît au profit d’une « seconde nature » factice. La personne et le personnage ne font
plus qu’un. Dans la lettre 63, Mme de Merteuil s’adresse à Valmont en ces termes : « C’est
de vos soins que va dépendre le dénouement de cette intrigue. Jugez du moment où il faudra réunir les
acteurs. » On perçoit clairement, à ce stade du roman, les remarquables talents de metteur
en scène des deux roués qui feront jouer à leurs pitoyables victimes, manipulés comme