« Le seul livre dangereux »
C’est en ces termes qu’un critique du début du xxe siècle, André Suarès, pré-
sente le chef-d’œuvre de Laclos. Sulfureux, scandaleux, libertin, immoral,
tous ces adjectifs sont liés au roman dès sa parution en 1782.
L’œuvre connaît alors un succès de scandale, et devient très vite célèbre
dans toute l’Europe. On dit que la reine Marie-Antoinette possédait le roman
dans sa bibliothèque mais qu’elle avait demandé que le titre et le nom de l’auteur
disparaissent de la couverture. Certains aristocrates refusaient même de recevoir
l’écrivain dans leur salon. Que reprochait-on à Laclos ? Une peinture trop réaliste
des mœurs de son époque, un récit immoral où les personnages vertueux, Cécile
et Mme de Tourvel, étaient ridiculisés et perdus, une représentation trop élogieuse
des libertins, Valmont et Merteuil, rusés et pervers.
Le roman soulève des débats parmi les critiques. Certains mettent en avant
le caractère moral des mésaventures de Cécile. Laclos ne fait que mettre en garde
contre une mauvaise éducation des jeunes lles. Les laisser dans l’ignorance peut
être dangereux.
Au xixe siècle le roman est condamné à plusieurs reprises par la justice et n’est
pas réédité. Seuls des connaisseurs le lisent et tentent de le réhabiliter. Il fau-
dra attendre la n du xxe siècle pour que Les Liaisons dangereuses fasse l’objet
d’une thèse universitaire, et que les prestigieuses éditions de La Pléiade l’ac-
cueillent dans leur collection.
Aujourd’hui le succès du roman ne se dément pas. Le couple Merteuil-Valmont
séduit par son goût pour les intrigues, sa maîtrise du langage et des passions.
Le public aime Les Liaisons dangereuses. On peut même aller jusqu’à dire
qu’il est fasciné.
L’intérêt
de ce roman réside
dans sa profonde
ambiguïté. De quel côté
se place l’auteur ?
Celui des victimes ?
Des manipulateurs ?
Qui le lecteur doit‐il aimer ou
prendre pour modèle ? Qui
sont en réalité
Merteuil et Valmont
qui ne cessent de masquer
leur identité ?
Les origines