Pr Raymond Sayegh Chef de service de Gastro-Entérologie Hôtel-Dieu de France Faculté de médecine , Université Saint Joseph Clostridium difficile: Diarrhées consécutives à une prise d'antibiotiques colites pseudo-membraneuses 1ère cause de diarrhées nosocomiales chez les adultes infectieuses survenant volontiers sous forme d’épidémies services à risque (réanimation, maladies infectieuses, hématologie, gériatrie) Incidence hospitalière: 1 à 10 pour 1 000 admissions. Augmentation de l’incidence des ICD durant les dernières années Augmentation de la sévérité des formes cliniques Evolution liée à l’émergence et à la dissémination rapide sous forme épidémique d’un clone particulièrement virulent de C. difficile, dénommé 027 en référence à son profil par PCR-ribotypage. Au Liban : même impression ? Bacille gram+ anaérobie sporulée très répandu dans l’environnement surtout hospitalier Spores: inactives métaboliquement, résistantes à la chaleur, à l’acidité et aux antibiotiques, responsables des récidives Dans le colon, les spores se transforment en formes végétatives: Souches toxinogènes (pathogènes): Production des toxines A (entérotoxine) et/ou B (cytotoxine); Production simultanée mais un faible pourcentage des souches ne produisent que la toxine B Souches non toxinogènes (non pathogènes) Bactérie non invasive Les toxines A et B produites par la bactérie: - pénètrent dans l’entérocyte inactivent les protéines de la superfamille Rho désorganisation du cytosquelette et altération des jonctions serrées intercellulaires - induisent la production de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL1, IL6…) lésions de colite de gravité variée Souche «NAP1» ou «027» hypervirulente Caractérisée par: Délétion au niveau du gène régulateur négatif TcdC responsable d’une hyperproduction des toxines A et B Production d’une 3ème toxine appelée toxine binaire Résistance aux fluoroquinolones La diffusion de ce nouveau variant s’est traduite par une fréquence et une sévérité accrues des ICD, une moindre sensibilité aux antibiotiques et un taux de rechutes particulièrement élevé Dupuy B : J Med Microbiol 2008 Jun;57:685-9. Porteurs sains: Asymptomatiques (souches non toxinogènes? Formation d’anticorps anti-toxine?) En milieu communautaire: 3 à 8 % En milieu hospitalier: 20 à 40 % Ils représentent un réservoir de germes qui peut contribuer à leur dissémination dans l'environnement Le traitement antibiotique des porteurs sains n’est pas indiqué Infection symptomatique: Administration d’antibiotiques +++ : induisent un déséquilibre de la flore intestinale. Importance du risque en fonction des antibiotiques: Hospitalisation: caractère prolongé ou répété de l’hospitalisation densité et la promiscuité des patients Age > 65 ans Comorbidités Prise d’IPP: risque augmenté d’ICD (1.4 à 2.75 fois plus que chez les sujets ne prenant pas d’IPP) Nutrition entérale Chirurgie gastro-intestinale Chimiothérapie et greffe de moelle Contamination La par voie oro-fécale transmission personne de personne s’effectue directement par manuportage à partir de l’environnement contaminé à -Très forte dissémination des souches dans l’environnement des patients ayant une ICD -Résistance élevée et la persistance prolongée des spores de C. difficile sur des supports inertes, l’environnement constituant ainsi un réservoir très important - Promiscuité des patients - Pression de sélection par les antibiotiques, - Retard à la mise en place de mesures de prévention de sa dissémination Porteurs asymptomatiques Diarrhée bénigne: modérée, sans fièvre, sans douleur abdominale. Lésions de colite associées peu probables Diarrhées de sévérité moyenne: diarrhée liquidienne profuse, coliques abdominales, fièvre, leucocytose. Colite possiblement associée Colite pseudol’endoscopie Complications: mégacôlon toxique, perforation digestive, choc septique Récidives: 20 % (reviviscence > nouvelle contamination) membraneuses: aspect typique à Diagnostic endoscopique Sensibilité accrue de la coloscopie totale. Diagnostic Culture Toxines bactériologique Culture sur milieu sélectif: Méthode très sensible mais peu spécifique: caractère toxinogène ? En cas de culture positive, le pouvoir toxinogène de la souche isolée doit être recherché longue procédure Test dépistant un antigène spécifique de C difficile (glutamate deshydrogénase): valeur prédictive négative > 99% utilisé comme méthode de dépistage rapide les selles positives devant être confirmées par un test dépistant les toxines Test de cytotoxité des selles: gold standard. Le plus sensible (94-100%) et spécifique (99%) mais cette méthode est longue (48h), délicate et coûteuse Recherche de toxines A et B (EIA): spécifique (> 90%) et sensibilité moyenne de 80%. Risque d’avoir des faux négatifs. Méthode rapide, simple, peu chère examen de choix. Il faut rechercher les toxines A et B car certaines souches ne produisent que la toxine B PCR dans les selles: rapide, sensible et spécifique commence à être de plus en plus adopté Prévention de la colonisation par C difficile (prévention de la transmission croisée des infections à C difficile) Prévention de la survenue d’ICD chez les patients déjà colonisés (prévention primaire) Surveillance: Les ICD doivent être détectées et classées en 3 catégories: 1) Établissement de soins de santé (ESS)Apparition, ESS associés 2) Apparition communautaire, ESSassociés 3) communautaire -associés Précautions « contact »: S’appliquent aux patients symptomatiques et non aux porteurs sains: isolement géographique en chambre seule désinfection quotidienne des locaux par l’hypochlorite de sodium à 0,5% de chlore actif (eau de Javel diluée au 1/5e) avec un temps de contact minimum de 10 minutes port de gants systématique pour tout contact avec un patient infecté ou son environnement proche et désinfection des stéthoscopes Renforcement de l’hygiène des mains au retrait des gants (lavage à l’eau et au savon suivi d’une friction hydroalcoolique) : l’étape de lavage est importante pour enlever une partie des spores de C difficile par un effet mécanique et l’étape de friction permet d’agir de manière plus efficace sur les autres bactéries potentiellement manuportées maintien des précautions « contact » pendant toute la durée de la diarrhée Précautions « contact »: En salle d’endoscopie: Port d’un tablier ou d’une surblouse à manches longues et de gants pour tout contact avec le patient Lavage des mains à l’eau et au savon, puis, après séchage complet, désinfection des mains par friction hydro-alcoolique Lavage des sols et des surfaces par de une solution d’hypochlorite de sodium à 0,5 % de chlore actif (eau de javel diluée au 1/5e) après passage du patient en salle d’examen Concernant le traitement des endoscopes utilisés chez des patients suspects d’infection à Clostridium difficile, aucune mesure particulière n’est requise La prévention primaire repose avant tout sur une politique raisonnée de l’antibiothérapie La réduction de l’utilisation de certains antibiotiques à risque (clindamycine, céphalosporines, fluoroquinolones) a été corrélée en milieu hospitalier à une diminution significative de l’incidence des infections à C. difficile Si possible, retrait de l’antibiotique responsable Formes non sévères: Efficacité équivalente du métronidazole et de la vancomycine comme il faut limiter l’utilisation de la vancomycine pour éviter la sélection d’entérocoques résistants aux glycopeptides, le traitement des formes non sévères repose sur le métronidazole per os (dose: 4 fois 125-250 mg ou 3 fois 500 mg par jour pendant 10-14 jours) Le Métronidazole IV peut être utilisé si la voie po est impossible grace a l’élimination biliaire du produit actif et son exsudation à travers les lésions coliques (biodisponibilité dans la lumière colique peu différente de la voie orale) Amélioration clinique et biologique dans les 72 h Formes sévères: Présence d’au moins 2 des éléments suivants: âge > 60 ans, fièvre > 38,4°C GB > 15 ooo albuminémie < 25 G/L, créatininémie>200μmol/L ET/OU choc septique ET/OU présence d’une ascite ou d’une dilatation colique aiguë ET/OU présence de pseudomembranes ou d’ulcères profonds en endoscopie Formes sévères: Réponse thérapeutique supérieure de la vancomycine (97%) par rapport au métronidazole (76%) il est recommandé, en cas de non réponse au métronidazole ou d’emblée dans toutes les formes sévères, d‘utiliser la vancomycine per os (dose: 125 mg x 4/jour pendant 10 à 14 jours) En cas d’iléus, la vancomycine peut être administrée via une sonde naso-gastrique ou par lavements, mais il est prudent d’y associer du métronidazole par voie intraveineuse Il n’est pas recommandé de faire une coproculture de contrôle pour confirmer l’efficacité d’un traitement car environ 30% des patients restent positifs (toxines guérison clinique et/ou culture), malgré la 20% des colites à C difficile récidivent (récidive vraie ou réinfection), que le métronidazole ou la vancomycine aient été utilisés, typiquement 4 semaines après la 1ère infection Après un 2ème épisode, le risque de 3ème épisode est de 40%. Il atteint 60% après 3 épisodes Les malades qui récidivent ont une réponse immunitaire humorale (en particulier un taux d’IgG sériques anti toxine A) insuffisante à la 1ère infection Facteurs de risque de récidive: - Age > 65 ans - Comorbidités - Traitement antibiotique prolongé Traitement de la 1ère récidive: reprendre l’antibiotique utilisé pour traiter le 1er épisode (les résistances acquises du germe sont exceptionnelles) Traitement de la 2ème récidive: Traitement intermittent par vancomycine Vancomycine et rifaximin Fidaxomicin ( Dificid, Dificlir) Saccharomyces boulardii (probiotique) Immunisation passive répétée (perfusions d’immunoglobulines humaines) Vaccination Transplantation de flore (administration d’un échantillon de selles d’un proche après y avoir vérifié l’absence de pathogènes)