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CLOSTRIDIUM DIFFICILE
Clostridium difficile est un bacille à Gram positif,
anaérobie strict, sporulé. Il est responsable de 15 à
25 % des diarrhées post-antibiotiques, de plus de 95 %
des colites pseudomembraneuses (CPM) et est la
première cause des diarrhées infectieuses
nosocomiales de l’adulte. Il convient de distinguer les
souches toxinogènes (pathogènes) et les non
toxinogènes (non pathogènes).
Formes cliniques
Vingt-cinq à 80 % des enfants de moins de 2 ans et 2 à
5 % des adultes (mais 10 à 20 % à l’hôpital) sont
porteurs sains. Les infections à C. difficile (ICD) peuvent
présenter des degrés de sévérité variables allant de la
diarrhée simple (sans atteinte de la muqueuse),
modérée, sans signes généraux, à la colite
pseudomembraneuse (7 à 9 % des diarrhées à
C. difficile), caractérisée à l’endoscopie par l’apparition
de pseudomembranes tapissant la lumière colique, et
pouvant se compliquer en mégacôlon toxique avec
risque d’évolution vers une perforation ou un choc
septique. La mortalité est de 0,6 à 3 % dans les formes
simples et atteint 35 à 50 % en cas de colite
pseudomembraneuse (CPM). Enfin, ces infections
récidivent dans environ 20 % des cas.
Compte tenu de la gravité de ces infections, la
Direction générale de la santé a donné en 2006 la
définition d’une Infection à C. difficile sévère
(circulaire DHOS/DGS du 04 septembre 2006).
Un patient atteint d’une ICD qui réunit un ou plusieurs
des critères suivants :
- si d’origine communautaire, admission dans un
établissement de santé pour traitement de l’ICD,
- admission en réanimation pour traitement de l’ICD ou
de ses complications (choc nécessitant le maintien des
fonctions vitales),
- hyperleucocytose (≥ 20 000/mm
3
),
- chirurgie (colectomie) pour mégacôlon, perforation
ou colite réfractaire,
- décès imputable à C. difficile dans les 30 jours qui
suivent le début des symptômes.
Physiopathologie des ICD
Plusieurs étapes sont nécessaires pour la survenue
d’une ICD :
1)
une modification de la flore intestinale avec
rupture de l’effet de barrière
2)
l’implantation d’une souche de C. difficile à l’aide
de facteurs d’adhésion
3)
la production des facteurs majeurs de virulence
que sont les toxines A et B
4)
une immunité dirigée contre C. difficile
insuffisante.
Trois grands groupes de souches peuvent être
identifiés :
-
souches Tox A-, Tox B- : non pathogènes
-
souches Tox A+, Tox B+ : pathogènes
-
souches Tox A- (protéine tronquée), Tox B+ :
pathogènes (2 % des souches)
De plus, une troisième toxine a été décrite, la toxine
binaire, composée de deux sous-unités cdtA et cdtB
dont le rôle dans la virulence n’a pas été démontré à
ce jour.
Transmission de C. difficile
Elle est soit d’origine endogène, à partir d’un
portage intestinal, soit, essentiellement, d’origine
exogène par dissémination de spores présentes
dans l’environnement de malades et de porteurs
sains, sur les surfaces, le mobilier, le matériel médical
et sur les mains du personnel médical et
paramédical. Les spores peuvent persister plusieurs
mois sur des surfaces inertes et la diffusion peut être
très rapide dans un service.
Nouveaux aspects des ICD
Le début des années 2000 se caractérise par :
1)
Augmentation de l’incidence et de la sévérité
des ICD : incidence multipliée par 3 au Canada et
aux USA entre 1991 et 2003 et fréquence des
complications augmentée (de 7 % en 1991-1996 à
18,2 % en 2003).
2)
Echecs de traitement au métronidazole (MTZ) :
taux d’échec x 2,5 entre 1991 et 2003.
3)
Cas d’ICD communautaires : incidence de ces
cas passée de 1 cas/100 000 habitants (1994) à
22 cas/100 000 habitants (2004) au Royaume Uni.
Une ICD communautaire se définit par les quatre
critères suivants :
- patient symptomatique (troubles gastro-
intestinaux),
- diarrhée à l’admission ou apparaissant dans les
48 h après l’hospitalisation,
- toxine(s) positive(s) dans les selles,
- pas d’hospitalisation dans les 3 à 12 mois
précédents.
4) Emergence des ICD dans les populations à
faible risque
CLOSTRIDIUM DIFFICILE
DEFINITION ET SYNONYMES
BIOPATHOLOGIE
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CLOSTRIDIUM DIFFICILE
5) Rôle de l’animal : hypothèse d’un transfert de
souches animales à l’homme.
6) Rôle de l’alimentation : au Canada, 10 à 20 % de lots
de viandes destinées à la consommation humaine
(bœuf, veau, porc, dinde) sont contaminés.
Emergence d’une souche épidémique 027
La caractérisation moléculaire de cette souche
épidémique hypervirulente a montré des délétions dans
le gène régulateur tcdC, qui pourrait conduire à une
hyperproduction des toxines A (16 fois plus) et B (23 fois
plus). Les autres hypothèses expliquant l’hypervirulence
du clone 027 pourraient être notamment une meilleure
capacité de la toxine B à se fixer sur son récepteur
(modification du domaine C-terminal de TcdB) et une
augmentation de la capacité de sporulation.
Les souches 027 épidémiques sont résistantes aux
fluoroquinolones (CMI à la ciprofloxacine, à la
moxifloxacine et à la gatifloxacine > 32mg/L) par
mutations sur les gènes gyrA, gyrB. Elles sont aussi
résistantes à l’érythromycine (CMI > 256 mg/L) et pour
certaines à la clindamycine, mais restent sensibles au
métronidazole et à la vancomycine.
La souche a diffusé à partir du Canada et des USA et a
touché la France en Janvier 2006 (Nord-Pas de Calais).
Dès mai 2006, l’InVS a publié le “ Guide Raisin ”, pour
aider à la surveillance et au signalement des cas d’ICD
(http://www.invs.sante.fr/raisin). Un réseau de 6
laboratoires experts a été organisé en France (CNR des
anaérobies, CHU Saint Antoine Paris, CHU Nice, CHU
Rouen, CHU Montpellier, CHU Nancy) où peuvent être
envoyées les souches avec une fiche
d’accompagnement, en gélose profonde ou gélose au
sang, sous sachet de type Anaerogen Compact® (Oxoid)
ou Anaerocult P® (Merck).
En pratique : en l’absence de caractéristiques
phénotypiques, les souches 027 ne peuvent être
repérées au laboratoire, mais il faut suspecter leur
présence si une forme sévère de la maladie ou des cas
groupés d’infections à C. difficile sont identifiés. Dans ce
cas, il faut impérativement mettre en culture la selle
pour isoler la souche et l’envoyer pour expertise à un
laboratoire de référence.
Une coproculture spécialisée avec recherche de
C. difficile et des toxines A et/ou B doit être réalisée en
cas de diarrhée au cours ou décours d’une
antibiothérapie, d’une CPM, d’un contexte
épidémiologique évocateur, et d’une diarrhée chez tout
patient hospitalisé depuis au moins 3 jours. L’enfant de
moins de 2 ans est souvent porteur sain, y compris de
souches toxinogènes. Si une telle souche est isolée, elle
peut être responsable de la diarrhée ou juste
colonisatrice… (à discuter avec le pédiatre).
PRELEVEMENT
La recherche de C. difficile est réalisée sur des selles
diarrhéiques. Des biopsies coliques peuvent aussi
être utilisées pour la culture, mais la recherche de
toxines A et B sur un broyat de biopsie colique n’est
pas recommandée par manque de sensibilité.
L’écouvillonnage rectal est à proscrire.
QUESTIONS A POSER AU PATIENT
Interroger le patient sur d’éventuels facteurs de
risque d’acquisition d’une ICD. Ce sont
principalement une antibiothérapie (plus à risque
per os que par voie parentérale), souvent les bêta
lactamines, la clindamycine et plus récemment les
fluoroquinolones à large spectre qui sont devenues
un facteur de risque majeur ; occasionnellement, les
tétracyclines, sulfamides, macrolides ; rarement, les
aminosides, le métronidazole, la vancomycine, le
chloramphénicol. D’autres thérapeutiques ont
également été incriminées : chimiothérapie
anticancéreuse, inhibiteurs de pompe à protons,
laxatifs, lavements. Les autres facteurs en cause sont
une hospitalisation (surtout si de longue durée et/ou
en service de réanimation et long séjour), l’âge > 65
ans, des manoeuvres gastro-intestinales
(endoscopie, sonde naso-gastrique, chirurgie gastro-
intestinale).
CONSERVATION ET TRANSPORT
La mise en culture du prélèvement doit être rapide.
Si la recherche de toxines par EIA doit être différée,
les selles peuvent être conservées pendant 72 h à
+ 4 °C (mais il est préférable de faire la recherche le
plus rapidement possible car si le résultat est positif,
des mesures d’isolement et de prise en charge du
patient seront prises). Les selles peuvent être
congelées à 20 °C si les toxines sont
recherchées par EIA, mais pas si un effet
cytopathique est recherché (destruction de l’activité
cytotoxique de la toxine B à la congélation).
Détection d’antigène : mise en évidence de la glutamate
déshydrogénase (GDH)
Elle s’effectue directement sur les selles, par
méthode immunoenzymatique. Sa valeur prédictive
positive (VPP) est faible (50-60 %), mais sa valeur
prédictive négative (VPN) est élevée (99,6 %), ce qui
en fait une bonne méthode de dépistage.
Détection des toxines A et B (à privilégier)
Il peut s’agir d’une détection directe dans les selles
ou d’une détection sur culture en cas de recherche
négative sur selles (culture toxigénique).
RECOMMANDATIONS PREANALYTIQUES
INDICATIONS DE LA RECHERCHE
METHODES DIAGNOSTIQUES
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CLOSTRIDIUM DIFFICILE
* Détection de la toxine B : test de cytotoxicité (méthode
de référence)
Il consiste en la recherche de l’effet cytopathogène
d’une dilution de selle au 1/10
e
ultrafiltrée sur des
cellules en culture : en présence de toxine B, il apparaît
en 24 h un arrondissement des cellules. La spécificité de
cet effet doit être vérifiée par neutralisation à l’aide d’un
anti-sérum anti toxine B de C. difficile ou anti toxine de
C. sordellii. Ce test n’est pas réalisable en routine par la
plupart des laboratoires.
Le gène de la toxine B peut aussi être recherché par
PCR.
* Détection des toxines A et B : tests immunoenzymatiques
Ce sont des méthodes d’immuno-chromatographie ou
des méthodes de type sandwich avec anticorps
polyclonaux ou monoclonaux. Elles se font en plaques
de 96 puits ou avec des tests unitaires et détectent soit
la toxine A, soit les toxines A et B.
Isolement de C. difficile
Il se fait sur milieux sélectifs : CCFA (milieu de Georges)
= cyclosérine (500 mg/l), céfoxitine (16 mg/l), fructose,
rouge neutre, jaune d’œuf; ou milieux dérivés du CCFA=
cyclosérine (250 mg/l), céfoxitine (8 mg/l), 5 % sang
mouton… (bioMérieux, AES, Biorad, Oxoid…).
Il est possible d’y associer un milieu favorisant la
germination des spores : taurocholate de sodium
(Sigma refT-4009) 0,1% ou lysozyme 5 mg/l, utile pour
récupérer des souches dans des prélèvements avec de
longs délais d’acheminement ou de conservation. Ces
milieux ne sont pas commercialisés et doivent être
préparés au laboratoire.
Il convient d’ensemencer 0,1-0,2 ml de selles
diarrhéiques ou une dilution de selles au 1/10
e
. En ce
qui concerne les milieux favorisant la germination des
spores, il est intéressant d’ensemencer la selle après
choc alcoolique ou thermique pour éliminer les formes
végétatives et ne laisser persister que les spores. La
lecture des milieux est ainsi plus simple.
L’incubation se fait pendant 48 h à 37 °C en
anaérobiose.
Identification de C. difficile
- Aspect macroscopique : sur gélose CCFA + sang, les
colonies sont plates, grisâtres, d’aspect étoilé, sans
hémolyse, avec une fluorescence jaune chartreuse sous
UV (360 nm : lampe de Wood) et un aspect en verre
fritté à la loupe binoculaire.
- Aspect microscopique : bacille à Gram positif, avec
spores subterminales déformantes. L’identification
présomptive repose sur l’aspect des colonies, l’odeur
(crottin de cheval), la fluorescence sous UV ; la
confirmation, sur les caractères biochimiques (pas de
lécithinase, ni lipase, pas de production d’indole,
esculine +, gélatine +, fermentation du glucose,
fructose, lévulose, mannitol) et l’équipement
enzymatique sur Rapid ID32A® bioMérieux (deux
tests positifs : proline arylamidase et leucine
arylamidase).
- Autre méthode développée par Oxoid (C. difficile test®
kit): agglutination sur colonies, à l’aide de particules
de latex sensibilisées par Ac anti C. difficile. La VPN
du test est bonne (96 %), mais il existe des faux
positifs (réactions croisées avec C. sordellii,
C. glycolicum, C. bifermentans).
Un schéma décisionnel peut être proposé :
Selon les recommandations de l’ESCMID (2009), le
diagnostic biologique d’une ICD se fait en deux
temps : recherche de la GHD (par test antigénique)
et des toxines (par test antigénique ou PCR). Le
diagnostic est retenu si les deux tests sont positifs.
En 2010, l’IDSA et la SHEA ont aussi recommandé un
diagnostic en 2 temps : EIA GDH, puis culture avec
recherche de toxine.
Chez les adultes sains, le taux d’isolement varie de 5
à 70 % en fonction des études. Chez les nouveau-nés
sains, le taux d’isolement est inférieur à 3 %. Chez les
patients asymptomatiques sous antibiotique ou
chez les patients hospitalisés, le taux d’isolement est
de 10 à 25 % avec de 5 à 10 % de souches
toxinogènes. En cas de diarrhées post-antibiotiques,
les souches toxinogènes sont trouvées dans 10 à
25 % des cas. Enfin, dans le cadre de colites
pseudomembraneuses confirmées par endoscopie,
le taux d’isolement de C. difficile toxinogène est de
95 à 100 %.
Toutes les souches ne sont pas pathogènes.
Certaines souches toxinogènes vont provoquer des
diarrhées, puis une colite en cas de complication. La
culture n’est donc pas suffisante pour conclure à la
RESULTATS
INTERPRETATION
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CLOSTRIDIUM DIFFICILE
responsabilité de C. difficile dans la manifestation de la
maladie.
En revanche, la mise en évidence des toxines
directement à partir des selles est un excellent
marqueur de la responsabilité de C. difficile. Les tests
avec culture cellulaire sont utiles pour observer l’effet
cytopathogène de la toxine B. Les tests
immunoenzymatiques sont utiles pour rechercher la
présence de la toxine A. La recherche de l’antigène
commun (glutamate déshydrogénase) est insuffisante
pour conclure à l’étiologie de la diarrhée.
En premier lieu, il faut arrêter l’antibiotique responsable
et éviter les traitements antipéristaltiques.
* Premier épisode et forme simple
Métronidazole : 500 mg x 3 / j per os 10 jours ou
vancomycine : 125 mg x 4 / j per os 10 jours.
* Rechute
Nouvelle cure de métronidazole ou vancomycine. On
peut associer un probiotique, par exemple
Saccharomyces boulardii.
* Plus de 1 rechute
Doses décroissantes de vancomycine (per os) :
125 mg/ 6 h pendant 7 jours, puis 125 mg/ 12 h
pendant 7 jours, 125 mg/ 24 h pendant 7 jours, 125 mg
tous les 2 jours pendant 7 jours, 125 mg tous les 3 jours
pendant 14 jours.
* En cas de forme sévère
Vancomycine : 125 mg per os x 4/j pendant 14 jours (voie
IV non recommandée). Pas de contrôle microbiologique
pour évaluer l’efficacité (jugée sur l’amélioration
clinique).
POUR EN SAVOIR PLUS
Barbut F., Petit J.-C., Clostridium difficile, Encyclopédie
médicobiologique.
Poutanen S., Simor A.E., Clostridium difficile- associated
diarrhea in adults, CMAJ, 2004; 171: 51-58.
Decré D., C. difficile. In: Cours de bactériologie
médicale, Faculté de Médecine Saint-Antoine, Université
PARIS VI, 2004. Sur le site www.microbes-edu.org.
.Wilkins T.D., Lyerly D.M., Clostridium difficile Testing:
after 20 Years, Still Challenging, J. Clin. Microbiol., 2003, 41:
531-4.
. Poilane I. Formation médicale continue, laboratoire
Biomnis, janvier 2009.
. Groupe bibliographique de la SPILF. Infection à
Clostridium difficile : faut-il encore utiliser la détection
antigénique des toxines ? Med Mal Infect 2012 ;42 :48-9.
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