4
pouvoir financier, la finance de marché surtout qui en constitue la
partie la plus dynamique, est le premier pouvoir, et pour l’instant le
seul, dans l’histoire de l’humanité à (s)’être globalisé [2].
Or, l’une de ses caractéristiques majeures, et rarement présentée
comme telle, réside dans le fait que ce pouvoir est l’un des plus mal
connus parmi les grands pouvoirs de portée planétaire (en voie de
globalisation comme en voie de mondialisation) ; et peut-être le plus
mal connu d’entre eux si l’on songe que la science financière qui trouva
sa source principale en Mésopotamie figure aujourd’hui parmi les plus
indigentes des sciences contemporaines. Aux dires même des
impétrants régulateurs de ce pouvoir, on avance dans ce monde à
tâtons, sans connaissance, face à des acteurs auxquels échappent, sinon
leurs propres mobiles individuels et collectifs, du moins l’essentiel de
la compréhension des modus operandi et des effets de leurs actes,
souvent trop innovants pour souffrir quelque validation théorique et
même pratique. Un travail de connaissance des pratiques concrètes et
des techniques des acteurs financiers dont la virtuosité ingénieuse a été
remarquable depuis quelques dizaines d’années, autrement dit un
travail approfondi et patient de recherche, devra constituer, à
l’évidence, l’effort de base d’une refondation de cette science.
Bref, le hiatus est abyssal entre la capacité inégalée des pratiques
financières sur les faits et événements sociaux et humains dans le
monde, et l’incapacité à peine concevable des sciences financières à
expliquer et à comprendre, donc à prévoir et à anticiper ! Pour l’instant,
on commence à comprendre que l’activité financière supposée servir le
développement de l’activité économique a construit un nouveau socle
épistémologique et pratique, voilà 50 ans environ, autour d’une
autonomie logique qui a conféré à la notion même de promesse, cœur
de son métier, un nouveau statut ; et qu’elle l’aurait construit en initiant
une instrumentalisation des temporalités différentes de celles qui ont
inspiré toute l’époque historique moderne [3] ! Il semble que l’on ne
sache pas, en revanche, si le forçage de l’outil temporel aurait procédé,
ou non, d’une intention de modifier en profondeur la notion même de
promesse, objet central, on vient de le dire, de la transaction dans
l’activité financière. Il semble enfin que l’hypothèse soit encore mal
explorée selon laquelle le forçage de l’outil temporel résulterait
de l’effet conjugué des caractéristiques des deux puissants
quasi-équivalents généraux contemporains que sont la monnaie d’une
part, l’informatique d’autre part, conférant à l’activité financière
globalisée une performativité sans égale.
Aussi, peu ou prou, se contente-t-on aujourd’hui de constater que
« la finance » dans son ensemble produit d’innombrables promesses
(trente fois plus en moyenne, dit-on quelquefois, que ce que l’activité
économique réelle des hommes en réclamerait), d’une durée de plus en