3
Le temps industriel ou la temporalité à la base des entreprises trouve sa
justification par la primauté de l'économie sur les autres dimensions de la société. Cette
temporalité se caractérise par une conception du temps qui est linéaire et cumulative,
orientée vers le futur et régie par le progrès, qui est importante pour l'innovation des
entreprises. On veut innover et planifier. Le futur devient donc quelque chose à édifier et
à conquérir, tout en étant source d'une forte dynamique de changement. « Le changement
est devenu la règle des sociétés modernes » (MERCURE, 1995, 6). Ainsi, la temporalité
dominante de nos sociétés est façonnée par les grandes organisations et la conception
dominante du temps est celle des grandes entreprises. « C'est le temps de l'entreprise au
sens fort du terme » (MERCURE, 1995,43).
Mercure consacre la deuxième partie de son livre aux études empiriques des
représentations de l'avenir. Il présente tout d'abord son étude sur les principaux types de
représentations de l'avenir propres aux acteurs sociaux de différentes catégories socio-
économiques. Cette étude menée dans cinquante et une familles québécoises a pour
objectif de voir si les représentations de l'avenir changent selon la position sociale des
individus. Mercure propose une typologie des représentations de l'avenir comportant
deux dimensions : la perspective dominante d'avenir et le plan de vie. L'auteur montre
que les représentations de l'avenir sont liées soit aux conditions d'existence, soit aux
classes sociales. Les positions sociales déterminent donc la possibilité de s'approprier un
avenir.
L'auteur poursuit sa réflexion sur les représentations de l'avenir en examinant les
études portant sur les cheminements de carrière. Il posera un regard critique sur la
typologie des cheminements de carrière, qui ne rend pas compte de la complexité des
parcours professionnels des travailleurs actuels. Mercure va reprendre cette grille
d'analyse pour en dégager la structure logique et dimensionnelle en la reconstruisant de
façon plus systématique et dynamique, afin de rendre compte des changements de
carrière et de la dynamique de ces changements.
Finalement, Mercure fait un retour sur les fondements théoriques des catégories
d'analyse employées dans les études sur les temporalités sociales. Après avoir pris
connaissance de la plupart de ces recherches, l'auteur fait un examen critique de ces
catégories d'analyse. Selon lui, les chercheurs vont étudier les temps vécus de certains
groupes à partir d'une conception dominante du temps : un temps linéaire et cumulatif
soit le temps à la base des instances économiques. Cette conception ne rend pas compte
du vécu réel de ces groupes et elle est peu appropriée pour comprendre les temporalités
singulières, notamment celles des femmes dont les trajectoires de vie sont caractérisées
par des discontinuités et des ruptures multiples (par exemple un retour au travail après
l'éducation des enfants).
Après avoir fait un survol des études sur les temporalités sociales, Mercure
constate qu'il existe un écart entre la temporalité dominante et la temporalité réellement
vécue. C'est ce qui va l'amener, en conclusion, à examiner la place du futur dans la
société moderne. Pour se rendre compte que le projet de la modernité qui est d'ériger
l'avenir sur le mode du futur, n'est qu'une illusion. Le progrès, qui est le fondement de la