«Eléments pour une approche de la subsidiarité temporelle », Colloque de l’Institut Confiances, 2 et 3 décembre 2013, Ecole Militaire

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Eléments pour une approche de la subsidiarité temporelle
Idées et pistes à explorer pour le débat CONFIANCES du 3 décembre 2013
CONTEXTE
La performativité de nos équipements intellectuels,
scientifiques, techniques et pratiques
« Nos sociétés sont engagées dans une logique performative ». Autrement dit,
elles se font plus sensibles à la force de prophéties auto-réalisatrices de certains
acteurs, et communautés d’acteurs, dotés d’ECITP puissants. Les mots anticipateurs
potentialisent beaucoup les actes. Les actes, même anodins, portent une puissance
d’agir insoupçonnée et la réactivité des acteurs est à fleur de peau. Parmi les
vecteurs globaux d’une telle sensibilité, les pouvoirs financier et médiatique sont au
premier plan. Ceux-ci jouent un important rôle d’orientation anticipatrice par la
mobilisation d’outils nouveaux (numériques) qu’ils se sont donné (ordres et
information servis en continu), lesquels autorisent une dynamique globalisante par
la circulation qu’elle engendre. De fait, ils instrumentalisent excessivement le temps.
Ils deviennent des créateurs, des producteurs de court terme (contrairement aux
vieux pouvoirs religieux, militaires ou politiques, et même au pouvoir économique
moderne). Ils déstabilisent donc, dans les intentions et les volontés des acteurs,
l’ancien équilibre sur lequel nous vivions il y a encore 50 ans entre court, moyen et
long terme. Impulsivité, amnésie, concurrences inter-individuelles et collectives
exacerbées, engagements fragilisés. Cette instrumentalisation excessive du
temps mine la confiance des acteurs entre eux dont les capacités de projection
sont déboussolées.
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* *
Parmi les mots anticipateurs en voie d’universalisation : la performance
économique.
Si, dorénavant, on prenait comme seule boussole la recherche de la performance
économique dans des délais toujours plus courts et sur des territoires toujours plus
vastes, alors, face à cet objectif pour tous, nos actes deviendraient prévisibles,
automatisables, et la décision inutile. Depuis peu, c’est d’ailleurs cette voie qu’illustre
l’acte financier. L’avantage d’un tel monde bâti sur des « systèmes en pilotage
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atemporel », c’est de nous épargner la défiance qu’inspirent nos décisions, et donc
les conflits qui accompagnent l’acte social (travail, responsabilité, engagement,…),
l’acte économique (investissement, formation, dialogue,…) ou encore l’acte politique
d’arbitrage. Mais ce monde-là a un coût : il ne prépare pas les avenirs possibles,
mais un destin. Car négocier entre générations, protéger la biodiversité, créer ou
faire évoluer une entreprise, aménager un espace public,… impose de faire vivre par
le débat la variété des choix, la diversité de leurs temporalités et le règlement des
désaccords qu’ils engendrent. Bref, armer la confiance, c’est d'abord résister à
la logique de l’objectif unique et atemporel et de son vecteur, l’automate.
Déciderait-on encore si volens nolens nous soumettions tous nos choix à un
indicateur d’efficience (la performance économique dans les délais les plus brefs
possibles) et à un lieu de leur exercice (l’étendue de la globalisation planétaire)
uniques et permanents ? Plus tout à fait, n’est-ce pas ? Comme l’arbitrage
deviendrait factice dans un monde qui n’appellerait plus que l’automatisation des
actes - à l’instar de l’acte financier aujourd’hui - , de fait, l’acte politique serait
définitivement superflu, l’acte social - travail, responsabilité, engagement, contrat,… serait menacé, tout comme l’acte économique – investissement, formation, dialogue . Et l’individu serait agi, et non plus auteur ou acteur. Enfin, délivré de ces sources de
défiance qui découpent le temps pour prétendre déterminer les efforts à consentir
entre générations, de la gestion de biodiversité, les priorités d’un espace public, au
profit d’un système d’indicateurs, de lieux, de taux,… en pilotage automatique… qui
s’acquitterait de ces tâches bien mieux que nous, sans dissensus parce qu’en temps
continu !!!!!!
Imaginons de soumettre tous nos choix à un indicateur d’efficience (la performance
économique dans les délais les plus brefs possibles) associé à un lieu d’exercice
(l’étendue planétaire de la globalisation), uniques et permanents. Prévisibles, nos
actes seraient alors automatisables, à l’instar de l’acte financier aujourd’hui. Bref, les
décisions seraient rares ou introuvables. De fait, l’acte social - travail, responsabilité,
engagement,…- serait menacé, tout comme l’acte économique – investissement,
formation, dialogue,…-. L’acte politique, d’arbitrage, serait, lui, superflu. Un tel monde
fait de « systèmes en pilotage atemporel » nous épargnerait tant de conflits ! Mais à
quel prix se délivre-t-on de ces sources de défiance que sont nos décisions :
négocier entre générations, protéger la biodiversité, monter une entreprise,
aménager un espace public,… pour faire émerger des avenirs? Du prix de la
diversité, de la chronodiversité des choix dont elles procèdent ! L’enjeu, pour ne pas
perdre confiance, est bien de découper ensemble le temps puis conjuguer ses
expressions sans redouter les nécessaires désaccords ou céder à la tentation de
l’automate.
JPK
L’incarnation/désincarnation/automatisation/déhumanisation/animalisation/
déhominisation
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La spéculation
Le champ de la calculabilité progresse. Et là où il progresse, si l’on n’y prend
garde, le champ de la parole recule. Autrement dit, la performance technique et
économique bouffe la formance convivialiste.
Il n’est pas identique de construire le monde à venir plutôt autour du progrès ou
plutôt autour de la promesse ou plutôt du pari. Or, la prégnance de la spéculation
sans frein pousse la construction du monde à répondre toujours davantage selon
une logique de pari !
Il y a concurrence entre spéculation et investissement, concurrence entre pari et
promesse de progrès.
Les 2 taux d’actualisation : l’un économique, l’autre écologique ! Réconciliation,
reconstruction de la confiance, ou bien divorce ?
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Décision et crise dans les sociétés
Pour mémoire la société civique est un espace de confrontation de nos visions
du futur qui ambitionne de réunir différents acteurs volontaires qui appartiennent
autant à la société civile, à l’univers des média, du politique, des syndicats, des
entreprises… qui souhaiteront réfléchir ensemble aux alternatives à faire émerger.
C’est un espace de gestion de la diversité et d’apprentissage de nos désaccords
qu’il nous appartient d’identifier, et de rendre féconds et constructifs.
La confiance mutuelle, l’attention à l’autre, la réciprocité, et « la curiosité de l’autre » jouent
un rôle clé dans ce processus.
La crise serait sans fin parce que la décision serait sans fin, autrement dit sans
objectif. L’automatisation des actes et des décisions – juge unique et opposable dissoudrait la défiance.
Par ses caractéristiques, l’acte financier tend aujourd’hui à préfigurer ce monde.
Pourtant, nous prenons des milliards de décisions
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Nous arbitrons en permanence pour décider. Du moins le croyons-nous ! Sauronsnous demain encore comment nous procédons, ou comment nous sommes amenés
à procéder quand nous décidons ? Et ce que l’on engage ? Pas sûr !
Depuis quelques dizaines d’années, la régulation de la vie individuelle et sociale par
l’économie marchandisée et internationalisée s’est renforcée. Partout. Elle a
engendré une logique de comparabilité généralisée qui impose une
concurrence par la recherche de performance dans des délais de temps de
plus en plus brefs. Les pratiques et techniques des marchés financiers travaillant
en « instant continu » l’ont favorisée. Dans un univers à indicateur, lieu et instant
uniques et permanents, l’arbitrage tend à devenir factice. La décision est sans fin,
comme la crise !
La décision et la crise ont partie liée. La crise dure, elle est peut-être durable, et
même sans fin, comme l’imagine Myriam Revault d’Allonnes. On ne dirait pourtant
pas que la décision est sans fin, qu’elle puise dans la continuité.
Ce faisant, l’économie a prospéré via la formation d’innombrables marchés, lesquels
tout en s’affranchissant de limites territoriales se livrent à une concurrence qui a pris
une forme unique : la recherche de performance dans des délais de temps de plus
en plus brefs. Du coup, certains de nos actes quand ils sont les fruits de trop longs
détours – culture, éducation, formation, recherche, innovation – se voient affectés
d’un risque d’échec élevé au point d’en être dépréciés ou même découragés. La
recherche de la performance – gestion, marketing, finance – s’est passée des
conditions de sa permanence (les moyens de la formance), atténuant globalement la
préférence pour le futur. La notion d’effort, de travail, de responsabilité,
d’engagement sont alors menacés.
La pratique du temps continu appuyée sur des modèles et des technologies qui la
favorisent a engendré non une mondialisation, mais bien une globalisation des actes
médiatiques et surtout financiers – le 24h sur 24 synchronisé d’emblée sur la planète
entière – laquelle joue de fait un rôle, mal connu encore, dans cette baisse
tendancielle de préférence pour le futur, dans ce « présentéisme ».
Au point que le monde est engagé sur la voie d’une automatisation généralisée des
décisions sur lesquelles l’acte politique d’arbitrage, privé d’espace public, n’a plus de
prise possible
Arbitrer Développement durable : individu, économique, social, environnemental
(différentes temporalités, indicateurs à différencier et à articuler ; stocks et flux) est
devenu impossible
Long terme = reconstitution
Formance- performance
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(reconstituer le stock halieutique des fonds marins, de la capacité de résilience de la
cité, de la formation culturelle des hommes ou de leur disponibilité nerveuse, du
capital technique ou financier,…).
Il s’agit bien d’une reconstitution et non d’une restauration, ou d’une
conservation, ou d’un respect, ou d’une remédiation,… Donc on parle
physique !
Fonctions d’acculturation, d’attention, d’appréciation, d’arbitrage, de
médiatisation, d’évaluation, de transmission, sont négligées ou bien sont
rapportées à des indicateurs comparables, et uniques.
La gestion du risque et la cohésion de nos sociétés
Les sociétés financiarisées refuseraient de faire « monde commun »
permanent, fonctionnant de plus en plus dans une dynamique d’aléa moral
généralisé. Les règles du jeu ne sont pas connues de tous les acteurs.
Dans la spéculation sans frein réside le fantasme de la dissolution radicale du
risque. Démarche idolâtre majeure ! Cela permet d’en nier les effets et de prétendre
à un droit inconditionnel et non solidaire aux bénéfices de la performance. Si la
concurrence joue à l’intérieur de ce monde-là, celui-ci n’estime pas devoir rendre des
comptes au monde non spéculatif dont il s’est détaché, et dont il soutire les fruits de
la performance.
Ce sont des appels non-dits à des mondes séparés où ces « puissances d’agir » ne
sont plus que les fourriers d’un radical et inacceptable principe de précaution
qui consiste, encore une fois, à prendre un risque sans mesure puis à fantasmer sa
dissolution pour pouvoir en privatiser les effets positifs et en transférer sur d’autres
secteurs, collectifs si nécessaire, les effets indésirables.
Et ce principe de précaution-là, porté par une logique de pari, décourage tout
risque d’engagement !
Plus de « common decency » (d’éthique minimale commune).
Le technomarché.
De fait, là où l’exercice de la technoscience tenait d’un contrat moral et social,
renouvelable sous conditions, d’une temporalité glissante de l’ordre de 10 à 50 ans
illustrée par des cycles économiques, celui du technomarché s’arroge le droit à une
puissance d’agir, non contrôlable, de l’ordre de 1 à 5 ans. C’est donc le marché
même – et ses fondements moraux et sociaux – qui s’étiole.
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La question du « faire société » : de la co-responsabilité à la « séparation » en
passant par la « responsabilité limitée » car Sociétés de marchés financiers,
sociétés d’aléa moral total
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La question temporelle
Subsidiarité temporelle,
temporalités »
articulation
des
« lieux
d’émergence
des
Paradoxalement, quand on réinscrit l’action à caractère public ou général dans le
territoire (production/tradition) local, régional, national, mondial, vous lui donnez de la
profondeur temporelle, et de sa diversité.
Le flux en temps réel, c’est la technologie du temps continu. Elle supprime les
discontinuités, donc les récits. Elle crée alors sinon de la répétition, en tout cas, elle
ne distingue plus l’émergence de la continuité. Tout est mouliné dans le même filtre,
ultra-rapide, sans
Le temps continu défait toute valeur
- Celle de l’info (media). Une info chasse l’autre, certes ! Mais sans la moindre
possibilité de vérification possible
- Celle de l’ordre financier (finance). Un ordre succède à un autre. Mais sans le
moindre engagement possible.
Ni vérif, ni engagement. Aucun accord commun. Aucun monde commun.
Pour ré-incarner le temps, crééer un courant de chronodoules pour mettre fin à
la prohibition des temporalités.
Pour des représentations temporalisées des processus de l’action des
hommes
Biodiversité culturelle, biodiversité temporelle
Aider les chronodoules à combattre les chronoclastes.
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Où est passée la violence ? Dans l’instrumentation excessive du temps,
excessive parce que non discutée, imposée.
Pour conjuguer court, moyen et long terme,
Il faut mettre d’accord des individus dans leur multitude, et des collectivités
dans leurs objectifs, divers, communs et uniques, et ce, à des moments et des
lieux différents De fait, il y a concurrence entre les innombrables situations
ainsi possibles.
Encore faut-il qu’il y ait un « monde commun » qui puisse se reconnaître dans ces
distinctions-là et que ces distinctions-là puissent prendre des expressions identiques
(parler de long terme à un trader et à un anthropologue, et vous verrez !). C’est bien
là que le bât blesse ! Monde commun, cause commune, biens communs, sont en
crise et, en tout cas, en question.
Notre monde est-il suffisamment commun, autrement dit le nourrissons-nous
suffisamment de causes communes et de biens communs ?
On a quelquefois le sentiment qu’il est porté à poursuivre un « objectif commun »
(l’objectif pour tous, comme on dit aujourd’hui) qui tend à devenir un « objectif
unique » : la performance économique (dans les délais les plus brefs possibles
et sur le lieu physique exercice le plus étendu possible) ?
Ce passage-là de « commun » à « unique » est délétère.
Prenons en effet la question du long terme. Si on devait le faire répondre à cet
objectif commun qui tend à devenir unique : la performance économique, il ne serait
que la succession de termes de plus en plus courts.
Raisonner par l’absurde
1/ On pourrait s’arrêter là, et se mettre d’accord entre nous que le long terme – que
nous ne connaissons pas - ne saurait être autre chose qu’une succession de termes
de plus en plus courts pour répondre à cet objectif commun/unique : la performance
économique.
2/ Après tout, qui connaît le long terme ? Personne. C’est quand même récemment
que l’on a commencé à dire que « à long terme, nous serons tous morts » (donc,
pourquoi s’en occuper ?). Et la question des générations futures ? « Pourquoi faire
qq chose pour les générations futures ? En effet, qu’ont-elles fait pour moi ? »
Cette individualisation des regards, des comportements et des projets, elle apparaît
non maîtrisée du fait d’un effet performatif des du rôle fait aux technologies et à
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l’économie. Elle s’accompagne d’une responsabilité limitée. Elle conduit à une
concurrence entre tous (la concurrence est l’attachement obsessionnel à
l’obstacle que représente le rival tout à la fois vénéré et haï – citation de JPD).
En effet, on n’imagine plus qu’un futur et non plus des futurs, donc, un destin, au
fond ! Et un futur individuel plus qu’un futur collectif. Aussi, s’imagine-t-on vivre
demain des juxtapositions de destins individuels ! Cet affaiblissement de la
préférence collective pour les futurs trouve sa source dans cette
représentation-là de l’avenir qui conditionne notre comportement actuel de
sentiment d’une crise sans fin ! (MRA).
3/ Or, cette question est devenue un problème depuis que nous connaissons un peu
le long terme par la dose de déterminisme que les hommes lui ont administré depuis
peu de temps (100 siècles, 5 siècles, 2 siècles, 50 ans, peu importe). Plus le temps
passe, plus nous avons des problèmes avec nos biens communs (naturels : le
réchauffement climatique et perte de la biodiversité ; anthropiques : nos villes
et mégalopoles) parce que nous en connaissons mieux la projection dans le
temps, lesquels appellent des solutions si l’on veut que notre monde commun
soit vivable
Comment s’en occuper autrement que par des débats intergénérationnels pour que
les choix et les décisions à prendre (aujourd’hui, demain, après-demain) et à ne pas
prendre soient débattus ?
Jacques ATTALI / L’économie positive
L’économie positive est fondée sur la prise en compte du long terme. L’économie
positive vise à orienter le capitalisme vers la prise en compte des enjeux du long
terme. L’économie positive rassemble, par définition, toutes les entités qui
produisent des biens et des services, marchands ou non marchands, privés ou
publics, et qui souhaitent être utiles aux générations suivantes.
L’altruisme envers générations futures y est un moteur plus puissant que
l’individualisme animant aujourd’hui l’économie de marché. Un altruisme
rationnel, intéressé.
La crise actuelle s’explique justement très largement par le caractère non
positif de l’économie de marché : la domination du court terme a envahi toutes
ses sphères, et en premier lieu la finance.
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L'INDICE
DE
POSITIVITE
:
PROPOSER
DE
NOUVEAUX
REFERENTIELS
THE POSITIVE ECONOMY INDEX, CREATING NEW FRAMES OF REFERENCE
L'objectif de l'indice est de suivre les progrès accomplis, mais aussi d’orienter l’action de toutes les
parties prenantes pour une meilleure intégration de l’altruisme et du long terme dans le
fonctionnement de l’économie. Il est réalisé en partenariat avec Nomadéis et La Fabrique Spinoza.
The objective of the index is to track carried out progress but also to guide stakeholders' actions to
better implement altruism and long-term thinking in the economy. The index is made in partnership
with Nomadeis and La Fabrique Sp
La croissance du PIB fait partie des 29 indicateurs qui constituent cet indice.
Un 2è indice : le « Ease of Doing Positive Economy Index »
45 propositions pour agir vite et fort, dont 10 sont piliers :
-
Modifier la définition juridique de l’entreprise (économique, social et
environnemental) et définir des indicateurs positifs extra-financiers, refondre
les normes comptables
-
Repenser l’architecture de la fiscalité autour des externalités positives
ou négatives, afin de valoriser ou de défavoriser certains comportements
-
Réformes institutionnelles (CESE, grand texte international sur les
responsabilités universelles définissant les devoirs des générations présentes
à l’égard des générations futures)
Autotranscendance et choix calviniste (Jean-Pierre Dupuy).
La crise. La crise, c’est une crise des anticipations. Ce qui fait que le présent,
l’avenir, et même le passé sont brouillés. Mais la crise des anticipations est-elle une
crise cognitive (on ne sait pas bien interpréter ce que nos anticipations nous
renvoient) ou bien une crise politique (on ne peut plus anticiper, et on ne comprend
pas pourquoi) ?
L’avenir dépend contrefactuellement du présent, c’est-à-dire qu’il dépend en partie
de ce que nous faisons maintenant. Mais la description de l’avenir est un déterminant
de l’avenir. L’épistémique et l’ontologique se bouclent l’un sur l’autre. C’est là un trait
objectif des affaires publiques.
Le cas où tous les agents coordonnent leurs actions autour d’une même image
autotranscendante de l’avenir résout le problème … mais en faisant appel à un
deus ex machina nommé « Ethique » de la confiance et de l’ouverture indéfinie
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de l’avenir. Le prophète cherche le point fixe du problème, ce point où le
volontarisme accomplit cela même que dicte la fatalité.
L’avenir vue par le prévisionniste (il croit trop en une science déterministe ; il est
donc un expert, « homme qui a cessé de penser puisqu’il sait ») et par le
prospectiviste (il croit trop dans le libre arbitre humain). Le prophète se situe qq part
entre les deux extrêmes. Le Plan, c’est la posture prophétique laïque. A la Massé, il
« obtient par la concertation et l’étude une image de l’avenir suffisamment optimiste
pour être souhaitable et suffisamment crédible pour déclencher les actions qui
engendreraient sa propre réalisation » (J-PD). Sa parole rend possible ce miracle
d’une coordination générale autour d’une image de l’avenir telle que son anticipation
auto-réalisatrice se boucle sur sa production causale.
Le mécanisme d’auto-transcendance est un point de repère (point fixe endogène)
que tous contribuent à constituer mais que chacun tient pour guide venu de
l’extérieur. C’est la production endogène d’une extériorité.
La question de l’attente, celle qui précède une catastrophe dont la survenue est
inévitable, mais pour laquelle nous ne connaissons ni l’heure ni le jour. Le temps qui
nous reste est une pure inconnue. La catastrophe, vue par le type de distribution de
probabilités que l’on choisit, a subi une réévaluation conceptuelle : si des amplitudes
immenses ont une probabilité faible, mais non infiniment petite, la catastrophe
majeure, bien qu’improbable, va peser d’un poids très lourd dans ce à quoi il faut
s’attendre…. Bref, les événements extrêmes y acquièrent une probabilité
considérablement accrue. Ainsi, les phénomènes de spéculation sont régis par une
loi fractale.
Paradoxe de Thiel : c’est la perspective apocalyptique qui a été en dernière instance
la cause de la montée aux extrêmes dans l’optimisme. En définitive, la montée aux
extrêmes de l’optimisme procède d’un catastrophisme diffus, non réfléchi, et justifie
en retour un catastrophisme rationnel.
Il suffit de naturaliser les termes de la question morale pour la faire disparaître
complètement.
Par ailleurs, la vie statistique est doublement absente du monde des hommes : on
n’a jamais vu d’homme moyen ; et cet homme est virtuel. Or, ce sont les écarts à la
dissolution complète de l’identité personnelle dans la statistique et le virtuel qui
expliquent, sinon justifient, les différences énormes constatées dans le coût que l’on
renonce à supporter pour sauver une vie supplémentaire selon les secteurs (ratios
pouvant aller de 1 à 10000 selon JPD)
La question de l’engagement par Max Weber rapporté par J-PD.
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Comme il n’y a que damnés et élus selon la Réforme, normalement, il y a fatalisme
des hommes puisque prédestination. Et pourtant, ils font le choix de l’engagement
dans l’action. Il faut mériter son salut, c’est le choix calviniste paradoxal ou même
irrationnel (puisque normalement, l’élection divine règle tout par avance et qu’il est
un devoir de se considérer comme élu). Mais prédestination et libre arbitre ne sont
pas en contradiction logique selon J-PD parce que, pour les élus, c’est par le refus
même du fatalisme qu’ils se prouvent leur élection. Bref, le choix puritain d’œuvrer à
son salut est un choix prédestiné et cependant libre.
La coordination par l’avenir possède des traits remarquables : elle fonde la rationalité
et la stabilité des promesses et des contrats, elle fait disparaître les paradoxes de la
menace et de la dissuasion. Elle ouvre l’avenir et réconcilie l’éthique de la confiance
avec la rationalité. (J-PD). … La coordination par l’avenir : c’est même la condition de
possibilité d’une économie morale et politique… (J-PD).
On ne peut pas agir causalement sur le passé. Je viens défendre l’idée que l’on
peut agir contrefactuellement sur lui. C’est un « problème de Newcomb » avec
cause commune. Le problème de Max Weber relève de cette catégorie. Une même
cause, le décret divin, cause mon élection et le fait que je me comporte comme un
élu. Si je ne me comportais pas comme un élu, et que le décret divin ne m’aurait pas
été favorable et que je serais damné (JP-D).
L’éthique de la promesse et de la confiance qui ouvre l’avenir en directions
d’horizons collectifs suffisamment désirables et crédibles pour donner à chacun
l’imagination, l’intelligence et l’énergie pour les faire advenir, ce n’est pas quelque
adjuvant qui viendrait se rajouter à une rationalité défaillante, celle de la théorie
économique du choix rationnel qui sacralise le principe de la stratégie dominante,
c’est la raison économique même…Cette économie-là peut à bon droit être dite
économie
politique
et
morale
(JP-D).
Bref, le « choix calviniste », c’est la simultanéité d’un acquiescement au destin et
d’une autoproduction de ce destin.
« la défiance généralisée ferme l’horizon temporel et empêche l’économie de s’autotranscender ».
Le temps du projet. La grande masse des gens ordinaires se situent spontanément
dans la métaphysique du temps du projet où la nécessité est rétrospective.
Dans la métaphysique du temps du projet, la coordination entre le passé et l’avenir
s’y réalise sur une image de l’avenir capable d’assurer le bouclage entre une
production causale de l’avenir et son anticipation auto-réalisatrice.
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