Livre XXIV de l`Odyssée : le dialogue d`Agamemnon et d`Achille

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Livre XXIV de l’Odyssée : le dialogue
d’Agamemnon et d’Achille dans les traductions de
Frédéric Mugler et Maria Grazia Ciani
Séminaire de traductologie:
Mythes Littéraires
Sheila Mancini
Université de Bologne
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Sommaire
Introduction
Quelques mots sur le choix du fragment p.4
L’Odyssée de Frédéric Mugler p.6
La confrontation avec l’original p.13
L’Odyssée de Maria Grazia Ciani p.17
La confrontation avec l’original p.22
Conclusions : le commentaire simultané p.26
Bibliographie p.28
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Introduction
Traduit plusieurs fois depuis lAntiquité, en prose, en vers, intégralement ou par extraits, souvent
adaptée pour la scène ou pour la lecture, l’Odyssée semble être vraiment destinée à illustrer la
discussion esttique concernant la traduction. Comme le dit bien Borges, cela est peut -être lié « à
cette circonstance qui doit être particulière à Homère : la difficulté catégorique de savoir ce qui
appartient au poète et ce qui appartient à la langue. » « L’état présent de ses œuvres est » en fait
« semblable à celui d’une équation compliquée qui pose des relations précises entre des quantités
inconnues. Rien ne possède autant de virtuelle richesse pour les traducteurs. » et c’est donc « à cette
heureuse difficulté que nous devons la possibilide tant de versions, toutes sincères, authentiques
et divergentes »1.
Je vais à présent considérer le sort fait à un même texte homérique. Je m’arrête en particulier sur un
fragment du chant XXIV de l’Odyssée en proposant une comparaison entre l’ ‘original’ et les
traductions française de Frédéric Mugler et italienne de Maria Grazia Ciani. Elles sont en fait les
traductions les plus récentes du poème, la première étant parue aux éditions de La Différence en
1991, la deuxième aux éditions Marsilio Editori en 1994. Le texte critique à la base des deux
versions n’est pas le même. La traduction de Mugler repose sur le texte grec établi par Paul von der
Mühll (B.G.Teubner, Stuttgart,1984), tandis que celle de Ciani repose sur le texte établi par Thomas
W. Allen (OCT, 1917). Pourtant, cela ne sera pas d’obstacle dans notre analyse car les deux
éditions critiques sont presque coïncidentes.
Nos propositions méthodologiques se dégagent du travail de Inès Oseki-Dépré2 à propos de
l’Eneide de Virgile et consistent à conduire une analyse sur les textes des traductions en deux
parties, la première qui est constituée d’une lecture du texte dans son autonomie esthétique, la
seconde, qui a comme objet la comparaison avec l’original proprement dite et qui tentera de
mesurer la distance qui existe entre le texte de la traduction (Ta) et le texte d’Homère (Ts) en tenant
compte des apports, modifications, particularités propres aux traducteurs.
1 Borges. La Pléiade, p. 290-295
2 Théories et pratiques de la traduction littéraire, Armand Colin, Paris, 1999
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Quelques mots sur le choix du fragment
Puisque on doive choisir pour notre analyse une partie seulement du poème homérique, le Chant
XXIV nous est semblé particulièrement indiqué grâce à une certaine autonomie qu’il présente dans
l’Odyssée. Les 624 derniers vers du poème en fait rendent un son très différent du reste : la
narration court, la poste sur des points essentiels (le conflit avec les familles des prétendants [XXIV
413-548]) alors qu'elle s'étend très au long sur des détails moins immédiatement cruciaux (l'arrivée
des âmes des prétendants aux Enfers [XXIV, 1-204], scène qui interrompt brutalement l'action) ; le
style est beaucoup différent que partout ailleurs, souvent on y trouve aussi des mots nouveaux ou
employés dans des sens non homériques. Dans un débat extrêmement complexe et technique,
nombre d'homéristes ont donc considéré, à l’instar des grammairiens d'Alexandrie, que le poème
authentique s'achève avec le vers XXIII 296, qui évoque sobrement les retrouvailles charnelles des
deux époux et que tout ce qui suit a été ajouté postérieurement, comme le chant X de l'Iliade (la
Dolonie). Toutefois, comme le dit bien Irene J. F. Jong3, les scènes finals de l’Odyssée sont
indispensables. Elles entrainent en fait la clôture nécessaire de l’histoire dans les façonnes
suivantes :
la ring- composition avec le but du poème : on a une autre assemblée des gens d’Ithaque (XXIV
420-66 ; cf. II 1-259) et un autre concile des divinités (XXIV, 472-88, cf. I, 26-95) ;
Un thème important de lOdyssée, la comparaison des destins des différents vétérans de la guerre de
Troie, est achevé ;
L’action qui a été souvent orageuse s’apaise et il y a beaucoup de motifs conclusifs, comme les
funérailles (d’Achille pour le paset des prétendants pour le présent), et la résolution du conflit
entre Ulysse et les gens d’Ithaque par Athéna.
C’est donc sur un extrait du Chant XXIV que portera notre comparaison, à savoir son but, du
vers 1 au vers 100. On y peut distinguer deux parties : la première, qui relève du récit, à la troisième
personne, met en scène Hermès qui conduit aux Enfers les âmes des prétendants ; la deuxième,
mimétique, selon le sens platonique du terme, dans la quelle on assiste à la conversation entre
Achille et Agamemnon sur le déroulement de leur sort, le pendant de la violente querelle du premier
Livre de l’Iliade.
3 A narratological commentary on the Odyssey, Cambridge University Press 2001
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Texte du fragment
Ἑρµῆς δψυχὰς Κυλλήνιος ἐξεκαλεῖτο
ἀνδρῶν µνηστήρων· ἔχε δὲ ῥάβδον µετὰ χερσν
καλὴν χρυσεην, τῇ τ᾽ ἀνδρῶν ὄµµατα θέλγει
ὧν ἐθέλει, τοὺς δ᾽ αὖτε καὶ ὑπνώοντας ἐγείρει·
τῇ ῥ᾽ ἄγε κινήσας, ταὶ δὲ τρίζουσαι ἕποντο. 5
Ὡς δ᾽ ὅτε νυκτερίδες µυχῷ ἄντρου θεσπεσίοιο
τρίζουσαι ποτέονται, ἐπεί κ τις ἀποπέσῃσιν
ὁρµαθοῦ ἐκ πέτρης, ἀνά τ᾽ ἀλλήλῃσιν ἔχονται,
ὣς αἱ τετριγυῖαι ἅµ᾽ ἤϊσαν· ἦρχε δ᾽ ἄρα σφιν
Ἑρµείας ἀκάκητα κατ᾽ εὐρώεντα κέλευθα. 10
Πὰρ δ᾽ ἴσαν Ὠκεανοῦ τε ῥοὰς καὶ Λευκάδα πέτρην,
ἠδὲ παρ᾽ Ἠελίοιο πύλας καὶ δῆµον ὀνείρων
ἤϊσαν· αἶψα δ᾽ ἵκοντο κατ᾽ ἀσφοδελὸν λειµῶνα,
ἔνθα τε ναίουσι ψυχαί, εἴδωλα καµόντων.
Εὗρον δὲ ψυχὴν Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος 15
καὶ Πατροκλῆος καὶ ἀµύµονος Ἀντιλόχοιο
Αἴαντός θ᾽, ὃς ἄριστος ἔην εἶδός τε δέµας τε
τῶν ἄλλων ∆αναῶν µετ᾽ ἀµύµονα Πηλεΐδαο
ὣς οἱ µὲν περὶ κεῖνον ὁµίλεον·γχµολον δὲ
ἤλυθ᾽ ἔπι ψυχὴ Ἀγαµέµνονος Ἀτρεΐδαο 20
ἀχνυµένη· περὶ δ᾽ ἄλλαι ἀγηγέραθ᾽, ὅσσαι ἅµ᾽ αὐτῷ
οἴκῳ ἐν Αἰγίσθοιο θάνον καὶ πότµον ἐπέσπον.
Τὸν προτέρη ψυχὴ προσεφώνεε Πηλεωνος·
« Ἀτρεΐδη, περµέν σ᾽ ἔφαµεν ∆ιὶ τερπικεραύνῳ 24
ἀνδρῶν ἡρώων φίλον ἔµµεναι ἤµατα πάντα, 25
οὕνεκα πολλοῖσίν τε καὶ ἰφθίµοισιν ἄνασσες
δήµῳ ἔνι Τρώων, ὅθι πάσχοµεν ἄλγε᾽ Ἀχαιοί.
Ἦ τ᾽ ἄρα καὶ σοὶ πρῶϊ παραστήσεσθαι ἔµελλεν
µοῖρ᾽ ὀλοή, τὴν οὔ τις ἀλεύεται ὅς κε γένηται.
Ὡς ὄφελες τιµῆς ἀπονήµενος, ἧς περνασσες, 30
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