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termes qui leur correspondent sont les plus vite accessibles en mémoire. Il
s'agit ainsi de tester expérimentalement qu'il y a bien des
« specific areas of the color space — defined as particular intersections of
the three dimensions hue, value, and saturation — which are the most
codable and the most accurately remembered (both in short and long term
memory) and that it is these areas that form the focal points of basic color
names across languages. » (Rosch, 1972 a, p. 11).
Pour éliminer toute influence imputable à la segmentation par la langue
de ces phénomènes de saillances, Rosch va utiliser des sujets (les Dani de
Nouvelle Guinée) dont la langue est considérée comme ne possédant pas
de termes de couleur. Elle va reprendre le matériel des pastilles de couleur
utilisé par Berlin et Kay pour étudier les dénominations, en le testant sur
des tâches de mémorisation, ou de choix. Pour Rosch, (Rosch 1971) ces
stimuli perceptiblement saillants (perceptually salient stimuli) devenaient
des prototypes naturels (natural prototypes). Ainsi ces expériences
s'inscrivaient d'emblée dans un paradigme de validation de l'hypothèse du
déterminisme de la structure — perçue par l'organisme humain — du
spectre coloré sur la segmentation cognitive et la segmentation
linguistique de ce domaine. À partir des résultats de ces expériences,
Rosch pouvait affirmer que
« the color space, far from being a domain well suited to the study of the
effects of language on thought, appears instead to be a prime example of
the influence of the underlying perceptual-cognitive factors on the
formation and reference of linguistic categories. » (Rosch, 1971a, p. 447).
La couleur était alors présentée comme susceptible d'être un matériel
privilégié d'étude sur la catégorisation cognitive indépendamment du rôle
des langues. D'une part parce que la couleur est considérée comme donnée
dans la nature indépendamment de toute connaissance humaine. D'autre
part parce que, comme réalité physique, elle peut être paramétrée par la
description de la science physique, et reproduite par la technologie
américaine (en l'occurrence la Munsell Color Company). L'article dans
lequel Rosch présentait cette argumentation et qui reprenait les
expériences antérieures sur la population des Dani de Nouvelle-Guinée,
était publié donc sous le titre : Natural categories.
Jusqu'en 1973, la notion de catégories naturelle se limite, de fait, dans
les travaux de Rosch, au domaine des couleurs et des formes. Cette
segmentation psychologique des couleurs est déterminée par les
structures propres à l'interaction entre le système perceptif humain et les
phénomènes physiques, la langue tout comme l'organisation des structures
catégorielles en mémoire reflétant cette segmentation. Ainsi