1 7 9 6 ➞La Presse Médicale 23 octobre 1999 / 28 / n° 32
que les autres, mais ils ne sont pas mieux trai-
tés pour leur dépression pour cela [14].
Actuellement, une controverse existe autour
de la clinique de la dépression du sujet âgé : sa
méconnaissance par les médecins est-elle liée à
une spécificité de la sémiologie où à d’autres
facteurs [6, 12]? Même si on peut reconnaître
une part de spécificité à la clinique, il y a aussi
l’attitude les médecins face au vieillissement
qui ont tendance à assimiler tristesse à
vieillesse, surtout après 80 ans. En effet, si la
douleur morale est moins souvent exprimée sur
le mode de la culpabilité, les signes import a n t s
de la dépression que sont le ralentissement, le
repli, l’apragmatisme sont trop souvent et à tort
mis sur le compte du grand âge. Même les
idées suicidaires après 80 ans ont elles aussi
tendance à être considérées comme banales,
alors que le taux de suicide dans cette tranche
d’âge est le plus élevé. Une étude [15] a eu le
mérite de montrer qu’après 85 ans les idées
suicidaires ne sont pas banales et qu’elles sont
f o rtement corrélées avec l’existence d’un syn-
drome dépressif. Enfin, la question des
t r o u b les cognitifs et leur importance dans le
syndrome dépressif ne doit pas faire oubl i e r
l’association fréquente de ce trouble avec les
syndromes de « d é t é r i o r a t i o n».
Les autres pathologies
psychiatriques du sujet âgé
Les troubles bipolaires de l’humeur ne sont
pas rares chez les sujets âgés, et ils sont par-
fois d’apparition tardive [16]. Dans ce cadre
il faut aussi noter la fréquence des états
maniaques [17], qu’ils soient symptoma-
tiques d’une affection organique ou qu’ils
s’y intègrent. Leur traitement est spécifi q u e ,
le risque étant le passage à la chronicité ou
l ’ é v olution vers des cycles rapides.
Il y a peu d’études portant sur les troubl e s
anxieux, mais on retrouve un consensus [18]
pour dire qu’ils sont moins fréquents que
chez le sujet jeune, avec une plus grande pré-
valence chez la femme et qu’il s’agit en
général d’anxiété généralisée. Les troubl e s
anxieux plus organisés, troubles obsession-
nels compulsifs (TOC), phobies, apparaissent
rarement de manière primaire chez les sujets
âgés. Par contre, on retrouve une comorbidité
i m p o rtante des troubles anxieux avec le syn-
drome dépressif. Face à ce constat, on ne
peut qu’être songeur devant l’importance de
la prescription des benzodiazepines et la sous
utilisation des antidépresseurs.
Le délire représente un motif important de
prescription des psychotropes et notamment
des neuroleptiques ; cependant, le délire doit
faire l’objet d’une analyse clinique soi-
gneuse. En effet, l’apparition d’un délire
chez le sujet âgé, en dehors des syndromes
démentiels, peut entrer dans des cadres
p a t h o l o giques très différents [19]. Il peut être
associé à une pathologie somatique, à un
syndrome dépressif ou constituer un véri-
t a ble délire tardif. La stratégie thérapeutique
sera bien sur différente suivant les cas et si
les neuroleptiques ont une place, il faut aussi
s avoir utiliser les antidépresseurs ou parfois
s’abstenir de prescrire des psychotropes.
L’ a n a lyse est la même en ce qui concern e
les hallucinations, le syndrome de Charles
Bonnet est un exemple de pathologie bien
i d e n t i fiée où il est totalement inutile de pres-
crire des neuroleptiques, inefficaces pour
traiter ce type d’hallucinations [20].
Les troubles non cognitifs
dans la démence
Les troubles non cognitifs dans la démence
recouvrent l’ensemble des troubles du com-
p o rtements rencontrés chez les patients
d é m e n t s ; avec une certaine ambiguïté
puisque l’on retrouve dans ce cadre aussi bien
des symptômes comme l’agitation, le repli,
que des syndromes comme la dépression.
Il existe de nombreuses études à leur
sujet, surtout dans la maladie d’Alzheimer.
Un consensus émanant de l’American A s s o-
ciation for Geriatric Psychiatry, de l’A l z h e i -
m e r ’s Association, et de l’American Geria-
trics Society, a été publié en 1997 quant à
leur prise en charge [21] et une partie de ses
conclusions a été reprise par un groupe d’ex-
p e rts français en 1998 [22]. Les ex p e rts ont
souligné l’importance de ces troubles dans
l ’ é v olution de la pathologie. En effet, ils sont
une cause importante de souffrance chez les
patients et d’une baisse importante de leur
qualité de vie. Ils augmentent de manière
i m p o rtante le risque d’entrée en institution
et le coût de la prise en charge. Ils sont la
principale cause de l’épuisement, du stress
et de l’apparition de syndromes dépressifs
chez les aidants familiaux du patient dément.
Leur apparition et leur symptomatologie au
cours de l’évolution de la pathologie est très
va r i a ble d’un patient à l’autre. Ils nécessitent
aussi dans leur évaluation un abord conjoint
du patient et de son entourage, leur
approches et leur prise en charge étant diff é-
rentes à domicile ou dans les institutions.
Le fait que la plupart de ces symptômes
soit réve r s i bles doit amener à être attentif à
leur traitement. Ils nécessitent une approche
p h a rm a c o l o gique et une approche non médi-
camenteuse associée. On doit traiter le syn-
drome dépressif avec des antidépresseurs, par
contre en ce qui concerne les autres troubl e s
les avis sont plus nuancés. L’utilisation larg e
des neuroleptiques est maintenant larg e m e n t
discutée et remise en cause, leur effi c a c i t é
s e m b lant limitée. Dans les études récente por-
tant sur leur utilisation chez le sujet âgé dété-
rioré [8, 21-23], les résultats sont modestes,
60% environ des patients sont améliorés,
contre 35 à 40% dans le groupe placebo.
L’amélioration porte surtout sur l’anxiété,
l ’ excitation et l’opposition alors que sur l’hos-
tilité et les idées de préjudice l’action n’est
pas statistiquement différente de celle du pla-
cebo. Par contre, les effets secondaires sont
très importants, notamment pour l’halopéri-
dol qui reste la molécule la plus employ é e .
D’autre stratégies [8, 21, 22, 24] sont pos-
s i bles dans l’agitation du sujet âgé souff r a n t
de démence. Une étude récente [25] port a n t
sur les agressions physiques de la part des
patients déments a montré une relation fort e
avec la dépression. Les auteurs en concluent
de l’intérêt du traitement antidépresseur dans
ce cadre à visée préve n t ive. Par ailleurs, plu-
sieurs études, en ouve rts et critiquables sur le
plan méthodologique, ont suggéré l’intérêt
des antidépresseurs sérotoninergiques chez
les patients déments agités [26].
La clinique des troubles non cog n i t i f s
chez le sujet dément doit encore faire l’objet
d’études plus rigoureuses, notamment pour
d i fférencier derrière la notion trop va g u e
d’agitation l’importance respective du syn-
drome dépressif, de la symptomatologie psy-
chotique et maniaque.
On est donc encore loin d’une recette, la
prescription doit se faire au cas par cas en
tenant compte d’une bonne analyse clinique
et en y intégrant une évaluation de l’entou-
rage et des autres approches non médica-
m e n t e u s e s .
D O SS IE R Médicaments et sujet âgés