Douleur de l`homme, douleur de l`animal

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Daniel Le Bars
INSERM UMRS-975
Pitié-Salpêtrière, Paris
Douleur de l’homme,
douleur de l’animal
Pablo Picasso : Guernica
Douleur et physiologie sensorielle
Zao Wouki
1
Nociception, douleur
et systèmes sensoriels
• ensemble de neurones capables d’analyser un stimulus
• au travers de quatre attributs élémentaires
• les qualités (ex : la brillance ou la couleur dans la vision)
• l'intensité
• la durée
• la localisation
Nociception, douleur :
sensation et perception
• perception sensorielle : la sensation s’intègre dans un
processus cognitif à l’origine d’une expérience subjective plus
élaborée qui prend en compte
• le contexte,
• l'histoire antérieure,
• les apprentissages,
• etc....
2
Nociception, douleur :
sensation et perception
• Toutes les informations sensorielles ne sont pas perçues :
• contrôle des mouvements
(proprioception, équilibration)
• les grandes fonctions vitales (intéroception)
• cas pathologiques (ex : « aveugles voyants »)
Nociception, douleur :
La transduction
• L'interface entre l'énergie physique du stimulus et le système
sensoriel est constitué de structures cellulaires spécialisées
appelées « récepteurs sensoriels »
mètres
10-12
10-11
10-10
Rayons γ
Rayons X
10-9
10-8
Rayons ultraviolets
10-7
Lumière visible
10-6
10-5
Rayons infrarouges
10-4
Ondes submillimétriques
10-3
10-2
Micro-ondes
10-1
Ondes radio
1
3
Nociception, douleur :
La somesthésie
• Les fonctions extéroceptives
(cutanée, musculo-squelettique, viscérale)
– sensibilité mécanique (mécanoréception),
• tact,
• pression
• vibrations
– sensibilité thermique (thermoréception)
– sensibilité à des stimulus nocifs (nociception).
• Les fonctions proprioceptives
• Les fonctions intéroceptives (PA, CO2,...)
Nociception, douleur :
La somesthésie : exemple : la peau
4
Nociception, douleur :
La somesthésie : exemple : la peau
vibrations
déplacement
sur la peau
formes,
textures
mouvement
Du poil
Nociception, douleur :
la transduction
100 µm
epidermis
dermis
Capacité calorifique
Conductivité calorifique
Nolano et al., 1999
5
Nociception, douleur :
La somesthésie
• L’ensemble de notre corps est tapissé de récepteurs
• Le cerveau « ausculte » sans relâche notre corps.
• Une représentations mentale inconscientes de la réalité
physiologique du soi.
• schéma postural
• schéma corporel
• image corporelle
Nociception, douleur :
Le stimulus « nociceptif »
• Une grande variété de forme d'énergie
• mécanique
• Électromagnétique
• électrique,
• Calorifique
• chimique…
• • • • Le stimulus « algogène »
Les douleurs spontanées
L’allodynie
L’hyperalgésie
6
Définition de la douleur (IASP)
« La douleur est une sensation désagréable et une expérience émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle,
ou décrite en ces termes »
7
En résumé :
les dimensions de la douleur
sensation
douleur
cognition
émotion
La douleur est une
variable « latente »
- Séméiologie
variables « observables »
(signes ou mesures clinique ou paraclinique)
- Symptômes
rapportés par le patient
EVA
maximum
de douleur
imaginable
absence
de douleur
RECTO
VERSO
0
100
8
douleur
douleur
émotions
émotions
La douleur est une
variable « latente »
nociception
EVA
nociception
maximum
de douleur
imaginable
absence
de douleur
RECTO
VERSO
0
100
9
C’est bien dans le cerveau
Illusions d’optique
10
Illusions d’optique
L’illusions de la grille
11
L’illusions de la grille
L’illusions de la grille
12
Douleur utile, douleur inutile
• Les systèmes sensoriels : informer le cerveau sur l'état de
l'environnement et du milieu intérieur de l'organisme
• La douleur : un signal d'alarme qui protège l'organisme
(nociception, douleur physiologique)
• Son abolition ne procure aucun avantage
• Ce système peut être atteint par la maladie : lors de douleur
chronique, l'effet protecteur physiologique fait place à un état
pathologique inutile mais aussi délétère
3 types principaux de douleurs
• « physiologique » (la nociception)
• « inflammatoire »
« excès de
• « neuropathique »
nociception »
• « idiopathiques » ou « essentielles »
• « psychogènes »
13
Propriétés déterminantes des fibres Aδ et C
nocicepteurs polymodaux
- proportion relative :
15
fibres C (82 %)
%
fibres Aδ : 9 %
fibres C : 82 %
10
nocicepteurs polymodaux
- Vitesse de conduction :
5
fibres Aδ (9 %)
0
0
5
10
fibres Aβ (9 %)
µm
15
fibres Aδ : 4-30 m/s
fibres C : 0,4-2 m/s
- Seuil :
fibres Aδ : ~ 45°C
(Ochoa and Mair, 1969)
fibres C : ~ 40°C
Un double système d’alarme
Propriétés déterminantes des fibres Aδ et C
nocicepteurs polymodaux
- proportion relative :
15
fibres C (82 %)
%
fibres Aδ : 9 %
fibres C : 82 %
10
nocicepteurs polymodaux
- Vitesse de conduction :
5
0
0
5
10
fibres Aβ (9 %)
µm
(Ochoa and Mair, 1969)
fibres Aδ : 4-30 m/s
fibres C : 0,4-2 m/s
La
double
douleur
- Seuil
:
15
intensité de
la douleur
fibres Aδ (9 %)
fibres
Aδrapide
: ~ 45°C
douleur
douleur lente
fibres C : ~ 40°C
Un double système d’alarme
stimulus bref
temps
14
Douleur de l’animal
Zao Wouki
Définition de la douleur (IASP)
« La douleur est
une sensation désagréable et une expérience émotionnelle
en réponse à une atteinte tissulaire réelle ou potentielle,
ou décrite en ces termes »
Dans le cas des animaux, cette définition est complétée de la façon
suivante
« La douleur est
une expérience sensorielle aversive
déclenchée par une atteinte réelle ou potentielle
qui provoque des réactions motrices et végétatives protectrices, conduit à
l’apprentissage d’un comportement d’évitement
et peut modifier le comportement spécifique de l’espèce y compris le
comportement social »
15
La douleur chez l’animal
• L'absence de communication verbale
• La question de la douleur animale ne peut donc être abordée qu’avec des
références anthropomorphiques.
• Des différences existent vraisemblablement avec l'Homme, en rapport avec
les particularités de la structure cérébrale (exemple de la lobotomie
préfrontale)
• Face au polymorphisme de la douleur décrite par l'homme en tant que
sensation, celle de l'animal n'est estimée que par l'examen de ses
réactions
Sensation vs réaction
Les réactions déclenchées par
un foyer « douloureux » chez l’animal sont de deux ordres,
correspondant à
des niveaux différents de complexité
16
Niveau 1 de complexité
• réponses motrices élémentaires (retrait, sursaut, contractures,...)
• réactions neurovégétatives
– tachycardie
– hypertension artérielle
– hyperpnée
– mydriase
• vocalisations
Niveau 1 de complexité
• animal décérébré
• anesthésie
• « réflexes pseudoaffectifs » (Sherrington)
17
Niveau 2 de complexité
• réponses motrices conditionnées
• apprentissage
• modifications du comportement
– Social
– Alimentaire
– Sexuel
– cycle veille sommeil
– etc
La douleur chez l’animal
• Il n ’existe pas de « marqueur de la douleur »
• Les signes de douleur chez l'animal n'ont pas de valeur univoque
• Chaque espèce exprime la douleur à sa manière au travers de son
« répertoire comportemental »
– activité spontanée
– attitudes
– réactions somatiques simples ou conditionnées
– vocalisation
– modifications neurovégétatives
– comportements intégrés
18
Un danger : lʼanthropomorphisme
Les oiseaux et le piment
Capsaïcine
+
H
TRPV-1
Ca
+ + +
Na
19
Deux écueils :
Lʼanthropomorphisme
Bien définir le niveau de complexité
auquel on sʼadresse
Le réductionisme
Capsaïcine
+
H
TRPV-1
+
Na
++
Ca
Douleur et mémoire :
l’apprentissage dans le « hot-plate test »
20
Douleur et mémoire :
l’apprentissage dans le « hot-plate test »
20
25
s
s
20
15
15
10
10
5
5
0
1
5
jours
(Lai and Chan, 1982)
10
0
1
5
semaines
(Sandkühler et al., 1996).
21
Que mesurer chez l’animal ?
Zao Wouki
Que mesurer chez l’animal ?
La vocalisation
Zao Wouki
22
Stimulus électrique (bref)
analyse des vocalisations
1 seconde
Stimulus électrique (bref)
analyse des vocalisations
1 seconde
1er cri
dB
36
24
12
0
0
10
20
kHz
23
Stimulus électrique (bref)
analyse des vocalisations
1 seconde
2ème cri
1er cri
36
36
24
24
12
12
0
0
dB
dB
10
20
kHz
0
0
10
20
kHz
Stimulus électrique (bref)
analyse des vocalisations
1 seconde
2ème cri
plainte
1er cri
36
24
24
24
12
12
10
20
kHz
0
0
dB
36
36
0
0
dB
dB
12
10
20
kHz
0
0
10
20
kHz
24
Stimulus électrique (bref)
analyse des vocalisations
1 seconde
2ème cri
ultrasons
plainte
1er cri
10
20
kHz
0
0
36
24
24
12
12
12
12
10
20
kHz
0
0
dB
36
24
24
dB
36
36
0
0
dB
dB
10
20
kHz
0
0
10
20
kHz
Que mesurer chez l’animal ?
Un comportement
Zao Wouki
25
Injection intradermique
test au formol (« formalin test »)
• solution de formaldéhyde
• comportement « douloureux » coté sur une échelle à quatre niveaux
Injection intradermique
test au formol (« formalin test »)
• solution de formaldéhyde
• comportement « douloureux » coté sur une échelle à quatre niveaux
– (0) posture normale
– (1) la patte reste au sol sans soutenir l'animal
– (2) la patte est franchement relevée
– (3) la patte est léchée, mordillée, secouée
0
1
2
3
26
Douleur et mémoire :
l’apprentissage dans le « hot-plate test »
Douleur et mémoire :
l’apprentissage dans le « hot-plate test »
20
25
s
s
20
15
15
10
10
5
5
0
1
5
jours
(Lai and Chan, 1982)
10
0
1
5
semaines
(Sandkühler et al., 1996).
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Mais la douleur
s’inscrit dans la mémoire du corps
La douleur s’élabore au sein d’un cerveau imprégné par son passé.
les événements somesthésiques antérieurs,
qu’ils soient ou non douloureux,
sont intégrés dans l’élaboration de la douleur présente.
Le schéma corporel
De concert avec la proprioception et l’équilibration,
l’ensemble de ces événements permet de construire
son schéma corporel
processus progressif
processus inconscient
étape essentielle de l’édification biologique du soi
concourt à la construction d’une « mémoire » du moi physique.
28
Le schéma corporel
Les expériences antérieures
neutres,
agréables (les caresses, …)
désagréables (les « bobos », …)
concourent ensembles à bâtir cette mémoire.
Le schéma corporel
Sa consolidation (progressive)
Sa restructuration (incessante)
peuvent être remises en cause par
de nombreux facteurs biologiques et psychologiques.
29
Le schéma corporel
les distorsions les plus spectaculaires sont d’origine neurologique :
membre fantôme des amputés
syndrome d’Anton-Babinski (hémiasomatognosies)
syndrome de Gerstmann (agnosies digitales)
etc.
Le schéma corporel
On peut faire l’expérience de la distorsion de ce schéma
de façon bien plus ordinaire,
Le prurit (« impérieux »)
Les viscères d’ordinaire discrets :
Le besoin pressant d’uriner
Le besoin pressant de déféquer
(qualifiés d’ailleurs aussi « d’impérieux »)
Leur satisfaction est vécue
non seulement comme une délivrance
mais bien souvent aussi comme un véritable plaisir.
30
Le schéma corporel
L’anesthésie locale effectuée par un dentiste
ne provoque pas la sensation d’un « trou » dans la mâchoire
Gerard Dou L’arracheur de dents
Le schéma corporel
Le schéma corporel se situe dans un « interland » lâche
entre l’inconscient et le conscient.
Tapi dans la monotonie du « normal »,
Il est dilué dans l’inconscient
mais
Il ne demande qu’à se « réveiller » à la moindre occasion,
soit vers le plaisir soit vers la douleur.
31
Douleur et schéma corporel
Les douleurs intenses,
les douleurs qui durent,
les douleurs qui évoluent vers la chronicité
perturbent le schéma corporel :
elles construisent le « corps douloureux »
en focalisant l’attention sur une partie du corps
au détriment des autres.
Le schéma corporel se dégage de l’inconscience relative
en se déformant par une « sur-représentation » du foyer douloureux.
Douleur et schéma corporel
Un rôle pour les neurones de la moelle épinière
200 Hz
1 min
tactile stimulus
41°C
43°C
46°C
48°C
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Douleur et schéma corporel
Un rôle pour les neurones de la moelle épinière
Un rôle pour les Contrôles supraspinaux
33
Mécanismes supraspinaux
stimulus
non nociceptif
douleur
50 Hz
42°C
30 s
formation
réticulée
bulbaire
CIDN
45°C
stimulus
nociceptif
50°C
fibres
Aδ & C
quadrant
antérolateral
34
35
Le schéma corporel
Le schéma corporel
36
Source : Marie-Claude Defontaine-Catteau (CETD Lille)
Du schéma corporel à l’image corporelle
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38
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