L’ÉVOLUTION AVANT DARWIN
Compte rendu du livre!:
EVOLUTIONISM IN EIGHTEENTH-CENTURY FRENCH THOUGHT
de Mary Efrosini Gregory
Peter Lang, 2008, 350!p., 52,20 euros
Combien de fois ne lit-on pas que Charles Darwin a découvert
l’évolution!? Cette thèse est fausse, bien sûr. Darwin n’est pas le
Christophe Colomb de l’évolution. On trouve des traces d’une pensée
évolutionniste dans l’Antiquité, à la Renaissance puis tout au long de
l’époque moderne. D’ailleurs, à défaut de connaître le nom de plusieurs
grands évolutionnistes ayant précédé Darwin, tout le monde — ou presque
— sait qu’au début du XIXe siècle le chevalier de Lamarck a, lui aussi,
proposé une théorie de l’évolution. Pourquoi donc, en sachant que c’est
faux, toujours répéter que Darwin a découvert l’évolution!? Pour résoudre
cette énigme, il n’est pas inutile de se demander d’où vient l’idée
d’évolution avant Darwin.
Dans Creationism and its Critics in Antiquity (University of California
Press, 2008), David Sedley a récemment étudié son émergence dans
l’Antiquité à travers les débats entre ceux qui estimaient que le monde est
l’œuvre d’un designer et ceux qui imaginaient qu’il s’est assemblé tout seul.
De façon très stimulante, cet auteur montrait comment ces débats font
directement écho aux querelles actuelles entre évolutionnistes et
créationnistes.
Dans le livre que voici, Mary Efrosini Gregory analyse quant à elle la
pensée évolutionniste en France au XVIIIe siècle. L’intérêt de cette
perspective est qu’elle fait bien comprendre que l’évolution fut avant tout un
schème explicatif répondant à deux besoins. D’abord, sur un plan plutôt
abstrait, il servait à donner à la question de nos origines une réponse autre
que celle d’inspiration religieuse. Ensuite, il permettait d’ordonner, à
travers une explication apparemment plus cohérente, la multiplicité de
données empiriques concernant les êtres vivants. À l’époque des Lumières,
la tâche n’était pas aisée. Par exemple, Benoît De Maillet et Julien Offray
de La Mettrie étaient transformistes, mais en considérant que les
différentes espèces proviennent de germes distincts. Le comte de Buffon
s’approcha de l’idée d’évolution pour finalement ne lui attribuer qu’un
caractère limité. C’est surtout avec Pierre Louis Moreau de Maupertuis et
Denis Diderot que l’on arrive à une véritable pensée de l’évolution, même si
celle-ci n’atteint pas le degré de maturité qu’elle aura chez Darwin.
En lisant cette présentation très méthodique de différents auteurs
confrontés à l’idée d’évolution, on prend du plaisir à suivre les
tâtonnements de la pensée évolutionniste. Or, c’est justement ces premiers