18-reperes-12-2008:Mise en page 1 24/11/08 18:41 Page 193 REPÈRES COUP DE SONDE leurs distances même vis-à-vis de propos tenus par Jean-Paul II, en octobre 1996 devant l’Académie pontificale des sciences. Le pape avait alors affirmé que la théorie ou plutôt, précisait-il, les théories de l’évolution devaient être reconnues comme étant « plus qu’une hypothèse », et elles ne peuvent plus être rejetées par les catholiques sous prétexte de matérialisme. Bref, la contestation de l’évolution ou simplement de la vision évolutive du vivant héritée de Darwin n’est plus réservée aux États-Unis ni à de petits groupes réfractaires : elle est devenue un vrai thème de conflit au sein de la société européenne et, en particulier, française. La société française face aux courants créationnistes* En 2009, la communauté scientifique fêtera le deuxième centenaire de la naissance de Charles Darwin et le cent cinquantième anniversaire de la publication de son livre l’Origine des espèces. La théorie que le savant anglais y défend a pris une telle importance dans la compréhension contemporaine du vivant et de son évolution, associée qu’elle est à d’autres découvertes et d’autres champs de la connaissance (de la génétique à l’écologie, en passant par la taxonomie), qu’il paraît difficile, sinon impossible de la récuser. Pourtant, les objections qu’elle a suscitées depuis les années 1860 – jusqu’à donner naissance aux mouvements auxquels est dorénavant accolé le qualificatif de « créationnistes » – n’ont toujours pas disparu. Bien plus, elles paraissent connaître aujourd’hui un nouvel essor et, à travers des mouvances d’origine musulmane, prendre une réelle importance en Europe. Certains milieux catholiques ne sont pas en reste et prennent Une contestation montante Quatre interventions ont rappelé le contexte. En janvier 2007, la France est assez brutalement sortie de la torpeur voire de l’ignorance qui avait cours jusqu’alors à propos des mouvements créationnistes. De très nombreux chefs d’établissement de l’Enseignement public, des responsables de centres de documentation, des directeurs de laboratoires, des journalistes et même des responsables militaires et religieux ont reçu l’ouvrage d’Adnan Oktar, Atlas de la Création, publié sous le pseudonyme de Harun Yahya. Fait stupéfiant : le premier d’une série de sept volumes annoncés, comptant 700 pages et pesant 7 kg, a été envoyé de manière nominative à partir de l’Al- * Fondé il y a un peu plus de vingt ans par des dominicains engagés dans la rencontre et le dialogue entre la culture scientifique et la culture théologique, le groupe Albert-le-Grand a organisé à Paris, le 8 février 2008, avec l’appui technique du centre d’études du Saulchoir, un colloque sur ce thème, en invitant les acteurs ou les représentants des différents partenaires du débat : enseignants, politiques, scientifiques, théologiens. 193 Décembre 2008