DÉCEMBRE 2010 5
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Ces fascicules ont été produits en
collaboration avec l’entreprise de
presse bien connue Gesca et publié
dans ses sept quotidiens, soit La Presse, Le
Soleil, Le Nouvelliste, Le Droit, La Tribune,
Le Quotidien et La Voix de l’Est.
Le premier fascicule de la série, intitulé
Maîtrisez vos finances personnelles, traite
de questions financières telles le bilan, le
budget mensuel et offre un mode d’emploi
en quatre étapes pour choisir son conseiller.
Le deuxième, Maîtrisez vos placements, pro-
pose un plan en cinq temps pour atteindre
ses objectifs financiers. Il y est également
question de profils d’investisseurs, de tolé-
rance au risque, de types de placements et
de certains modes d’épargne avantageux
sur le plan fiscal comme le REER, le CELI
et le RAP.
Un élément de la série de dépliants de
l’AMF qui a fait sursauter la rédaction
et plusieurs conseillers est la présence de
publicités dans ses pages. Les documents,
qui font entre 16 et 24 pages, présentent des
annonces de trois institutions financières
d’importance, de même que du Barreau, du
BAC, de la Chambre de la sécurité finan-
cière, de l’OCRCVM (Organisme canadien
de réglementation des valeurs mobilières) et
du RCCAQ (Regroupement des cabinets
de courtage d’assurance du Québec.
Un appel au service des ventes de Gesca
nous a permis de vérifier la grille tarifaire
appliquée à ces fascicules. La pleine page se
vendait 20 000 $, la demi-page, 12 000 $ et
le quart de page, 7 000 $. En tout, 155 000 $
de publicité ont été placés dans les dits cahiers
et l’AMF affirme que Gesca a empoché la
totalité des revenus publicitaires.
À l’AMF, Sylvain Théberge, porte-parole
de l’organisme, a dit être surpris des com-
mentaires négatifs reçus par Conseiller.ca
sur le sujet. « L’ensemble des échos reçus à
notre Centre d’information était favorable »,
a-t-il affirmé à Conseiller.ca. M. Théberge
croit que la question est pertinente, mais
que l’Autorité des marchés financiers s’était
déjà penchée là-dessus dans l’élaboration de
cette stratégie.
« Ce projet s’inscrit dans la mission de
l’Autorité, qui est de protéger les investis-
seurs, notamment en leur fournissant de
l’information objective leur permettant de
prendre des décisions éclairées, poursuit-il.
Tout comme avec les Éditions Protégez-vous,
l’Autorité s’est assurée de conserver le plein
contrôle du contenu éditorial et publicitaire
des fascicules en demeurant le principal
commanditaire de l’initiative. »
Cependant, la différence fondamentale
avec la publication réalisée en collabora-
tion avec Protégez-Vous, c’est qu’elle ne
contenait aucune publicité d’entreprises
commerciales.
Ainsi donc, le prochain fascicule encarté
dans votre journal du Groupe Gesca devrait
peut-être s’intituler : Maîtrisez l’apparence
de conflit d’intérêts.
Pour René Villemure, de l’Institut
québécois d’éthique appliquée, la décision
de l’Autorité d’accepter la présence de
publicités d’institutions financières dans
les pages de ses fascicules d’information
est certes sujette à caution.
« Être partenaires dans la production
de documents décrits comme des sources
objectives d’information destinées aux
consommateurs implique un lien d’affaires.
Le climat actuel est au doute et à la suspicion
et les gens sont sensibles à ces questions. Il y
a lieu de s’interroger à prime abord, l’AMF
aurait avantage à expliquer clairement
sa décision. La question se pose : sont-ils
juges, sont-ils parties ? Normalement, un
organisme de réglementation ne se fait pas
commanditer. Il y a apparence de juge et de
partie. L’Autorité surveille les institutions et
les intervenants de l’industrie qui, en retour,
semblent financer leurs publications, ça sou-
lève des questions légitimes. Dans tous les
cas, c’est confus », conclut-il.
Du côté de l’Institut de la gouvernance
des organismes publics et privés, le directeur
général Michel Nadeau dit ne pas savoir
pourquoi l’AMF a pris une telle décision.
Celui qui siège également au conseil de
Protégez-Vous donne l’exemple suivant :
« Nous n’acceptons que les organismes qui
partagent nos valeurs comme comman-
ditaires; pas de publicité sur des produits
ou des services. Il faut que ce soit sur des
normes de bon comportement de citoyen
corporatif. L’AMF n’a pas commis un péché
mortel, mais la crédibilité d’un document,
c’est important. L’Autorité doit clairement
établir ses distances. On peut se question-
ner : peut-être que la valeur de la publicité
a été échangée contre des amendes reçues
par ces institutions. Les guides de l’AMF
auraient été plus crédibles s’ils avaient été
dépourvus de publicités apparentées à des
produits et services financiers. »
Pour les conseillers qui ont remarqué
ces publicités et pour le Regroupement
indépendant des conseillers de l’industrie
financière (RICIFQ), l’AMF devrait s’af-
franchir des institutions financières en toute
circonstance. La présence de ces publicités
risque de diriger les consommateurs « vers
ces institutions au détriment des conseillers
indépendants de l’industrie. Il s’agit d’un
manque d’objectivité et de neutralité ».
Pour nous, il s’agit d’un manque flagrant
de jugement. Un organisme qui contrôle les
intervenants de l’industrie, qui leur demande
d’être au-dessus de tout soupçon, d’éviter les
conflits d’intérêts et même les apparences
de conflits d’intérêts, ne peut se placer dans
une situation aussi équivoque.
YVES BONNEAU, rédacteur en chef
yves.bonneau@objectifconseiller.rogers.com
point de vue
AMF : Maîtrisez l’apparence de conflit d’intérêts
L’Autorité des marchés nanciers (AMF) a publié ces dernières semaines quatre fascicules
sur les nances personnelles. Les documents ont été distribués au grand public à raison
d’un par semaine depuis le 19 octobre dernier. « Plus de 440 000 foyers à travers le Québec
ont reçu ces cahiers spéciaux sur une période de quatre semaines consécutives », précisait
un communiqué de l’AMF. Seul hic : le contenu est informatif mais le contenant est
commandité, entre autres, par des institutions nancières.