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empires allemand, austro-hongrois et russe, conclus en 1872 et 1873. Lorsque l’Italie s’y joint en 1874, la
France apparait complètement isolée.
— Mais l’entente ne résistera pas longtemps. D’abord à cause de l’activisme de Paris, qui fait les yeux doux à
l’empire russe, mais surtout à cause de l’opposition d’intérêts entre Vienne et Saint-Péterbourg, qui se
concrétisera par la crise balkanique de 1875-1878.
— Car les tensions entre la Russie et l’Empire ottoman provoquent en 1877 une guerre entre les deux pays,
qui voit la Russie s’imposer facilement et par le traité de San Stephano, prendre un avantage considérable sur
ses concurrents dans les Balkans. Vienne et Londres, appuyés par Berlin, font alors pression pour que Saint-
Péterbourg accepte de revoir le traité lors de la conférence de Berlin en 1878.
— En soutenant les prétentions de Vienne, Bismarck, qui qualifiera par la suite ce soutien de pire erreur de sa
carrière, suscite la colère de Saint-Péterbourg, spolié au bénéfice de Vienne d’une part importante des fruits
de sa victoire, et qui déclare alors caduque l’entente des Trois empereurs.
— Devant l’impossibilité d’un accord officiel entre l’empire austro-hongrois et la Russie, Bismarck élaborera
alors son second système d’alliance. Celui-ci demeure basé sur l’alliance avec Vienne, avec qui est formée le
7 octobre 1879 la Duplice.
— Par le traité de 1879, Berlin promet de venir en aide à Vienne dans le cas d’une attaque menée contre elle
par la Russie. Feignant de se rapprocher de Londres, en lutte avec la Russie en Asie centrale, Bismarck
parvient à attirer l’attention d’Alexandre II et à amadouer Vienne.
— Entre les trois empereurs, une nouvelle entente, basée sur l’admission par l’Autriche-Hongrie et la Russie
du statu quo dans les Balkans, voit ainsi le jour en 1881, laquelle se juxtapose à la Duplice, dont la Russie ne
fait pas partie.
— Grâce au problème tunisien qui l’oppose à la France, l’Italie se tourne vers Berlin et rejoint en 1882 la
Duplice, qui devient alors la Triplice, l’accord le plus solide de l’ère bismarckienne, qui survivra plus de 30
ans et contribuera à provoquer la guerre de 1914-1918.
— Malgré les assurances données par Vienne à Saint-Péterbourg, la première continue d’avancer ses pions
dans la zone, favorisant le rattachement éventuel de la Bosnie-Herzégovine directement à sa couronne. Alors
que le traité des Trois empereurs arrive à échéance en 1887 et qu’Alexandre III semble intéressé par les offres
de Paris, Bismarck parvient à conclure avec la Russie la pièce maitresse de son système, illustration
remarquable de son machiavélisme.
— Par le traité de contre-assurance, Berlin obtient de Saint-Péterbourg sa neutralité dans l’éventualité d’un
conflit avec la France, en échange de quoi Bismarck s’engage à appuyer la Russie diplomatiquement sur la
question des détroits et de la Bulgarie, ce qui contredit les accords précédents conclus entre Vienne et Berlin,
de même que les dispositions d’un traité précédent entre Londres et Berlin.
— C’est pourquoi ce traité de contre-assurance doit rester rigoureusement secret. Mais tant qu’il le demeure,
la politique bismarckienne triomphe, la France se trouvant complètement isolée et l’Allemagne assurée de ne
pas avoir à livrer une guerre sur deux fronts. Le traité de réassurance sera reconduit en 1889, mais il ne
survivra pas longtemps au départ de son promoteur.
1.2 — La « weltpolitik » de Guillaume
— Le successeur de Bismarck, Caprivi, s’occupe peu de la politique étrangère et c’est l’un de ses
collaborateurs, von Holstein, qui prend la relève du chancelier de fer. Cela étant, Guillaume II demeure le
véritable maître et c’est lui qui prend la décision de ne pas renouveler le traité de contre-assurance, contraire à
son sens de l’honneur, poussant éventuellement la Russie à se rapprocher de la France.
— Ce n’est pas le seul changement important de la politique étrangère, car la nouvelle équipe dirigeante,
composée entre autres de représentants des milieux libéraux, rejette la focalisation bismarckienne sur
l’Europe et désire, soutenue en cela par l’empereur, faire de l’Allemagne la grande puissance mondiale
qu’elle a le potentiel d’être.
— Certes, l’Allemagne est déjà sous Bismarck présente en Afrique (Cameroun, Togo) et dans le Pacifique
(îles Marshall et Salomon), mais la chute du chancelier va accélérer le mouvement qu’il s’employait à freiner.
De sorte qu’à l’aube de la Grande Guerre, l’empire colonial allemand inclut en gros l’essentiel des territoires
actuels de la Namibie, du Cameroun, du Togo et de la Tanzanie, d’autres territoires dans la région des Grands