Présentation

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Histoire des États
germaniques II :
D’un empire à l’autre
Sixième cours :
La politique étrangère des empires
centraux, la Grande Guerre et les
révolutions de 1918-1919
(1870-1919)
Sixième cours :
1 — La politique étrangère du 2e Reich
2 — La politique étrangère de l’Empire
austro-hongrois
3 — Les États germaniques en guerre
4 — Les révolutions de 1918-1919
5 — Les traités de 1919
1 — La politique étrangère du 2e
Reich
1.1 — Les « systèmes » bismarckiens
• On nomme « systèmes bismarckiens » l’enchevêtrement des
traités et alliances signés par l’empire allemand pendant le
« règne » du chancelier de fer.
• Au lendemain de la guerre franco-prussienne, l’objectif de
Bismarck est de consolider l’empire, en empêchant le
revanchisme français. Il fallait donc isoler la France. C’est
l’axe fondamental de sa politique européenne.
• Quant à aux affaires mondiales, il demeure conservateur et
modeste : plus attaché à la dynastie qu’à la nation
allemande, Bismarck croit que les intérêts fondamentaux de
l’Allemagne sont en Europe.
• Dans les années 1880, la société allemande commence à
s’intéresser aux autres continents contre les mises en garde
de Bismarck, qui voit dans les prétentions coloniales un jeu
dangereux.
• Tant qu’il demeurera chancelier, le colonialisme allemand se
limitera à des actions initiées par des entreprises privées,
parfois suivi par des actions de l’État, comme au Togo,
décrété protectorat en 1883.
• Le chancelier travaille à son premier système d’alliance dès
1871 : contre Paris, Bismarck se tourne vers les pouvoirs
réactionnaires d’Europe, Vienne et la Russie.
• Car Vienne n’entend pas se lancer dans une politique
revancharde à l’endroit de Berlin, préférant tourner ses
ambitions vers la zone balkanique.
• Bismarck a favorisé cette évolution en évitant d’humilier
Vienne et en l’encourageant dans son activisme balkanique,
et les deux capitales se rapprochent dès 1870.
• Mais ce rapprochement suscite la méfiance de SaintPéterbourg, qui a aussi des visées sur les Balkans et sur les
dépouilles de l’Empire ottoman.
• L’alliance russe est plus nécessaire aux yeux de Bismarck
car sinon, la Russie pourrait se rapprocher de la France,
créant ainsi une menace mortelle pour l’empire.
• Pour beaucoup d’observateurs, une franco-russe apparait
improbable pour cause d’opposition idéologique, mais
Bismarck comprend très bien qu’une telle opposition n’a que
peu de valeur devant les réalités politiques.
• Convaincu de l’inévitabilité d’une alliance austro-allemande,
Alexandre II préfère s’y associer, quitte à mettre un frein à
ses ambitions balkaniques.
• Malgré son aspect idéologique, c’est le réalisme politique qui
est à l’origine de l’entente des Trois-empereurs, une série de
traités bilatéraux entre les empires allemand, austro-hongrois
et russe, conclus en 1872 et 1873.
• Lorsque l’Italie s’y joint en 1874, la France apparait
complètement isolée.
• L’entente ne résistera pas longtemps, à cause de Paris, qui
courtise l’empire russe, mais surtout à cause de l’opposition
entre Vienne et Saint-Péterbourg, qui se concrétisera par la
crise balkanique de 1875-1878.
• Les tensions entre Russie et Empire ottoman provoquent en
1877 une guerre remporté par la Russie et qui par le traité de
San Stephane prend un avantage sur ses concurrents dans
les Balkans.
• Vienne et Londres, appuyés par Berlin, font alors pression
pour que Saint-Péterbourg accepte de revoir le traité lors de
la conférence de Berlin en 1878.
• En soutenant les prétentions de Vienne, Bismarck suscite la
colère de Saint-Péterbourg, spolié au bénéfice de Vienne
d’une part importante des fruits de sa victoire, et qui déclare
alors caduque l’entente des Trois empereurs.
• Devant l’impossibilité d’un accord officiel entre Vienne et la
Russie, Bismarck élaborera alors son second système
d’alliance, basé sur l’alliance avec Vienne, avec qui est
formée le 7 octobre 1879 la Duplice.
• Berlin promet de venir en aide à Vienne dans le cas d’une
attaque russe et feignant de se rapprocher de Londres
Bismarck parvient à attirer l’attention d’Alexandre II et à
amadouer Vienne.
• Une nouvelle entente, basée sur l’admission par l’AutricheHongrie et la Russie du statu quo dans les Balkans, voit le
jour en 1881, laquelle se juxtapose à la Duplice, dont la
Russie ne fait pas partie.
• Grâce au problème tunisien qui l’oppose à la France, l’Italie
se tourne vers Berlin et rejoint en 1882 la Duplice, qui
devient alors la Triplice, l’accord le plus solide de l’ère
bismarckienne, qui survivra plus de 30 ans et contribuera à
provoquer la guerre de 1914-1918.
• Malgré les assurances de Vienne à Saint-Péterbourg, la
première continue d’avancer ses pions dans la zone
• Alors que le traité des Trois empereurs arrive à échéance en
1887 et qu’Alexandre III semble intéressé par les offres de
Paris, Bismarck parvient à conclure avec la Russie la pièce
maitresse de son système.
• Par ce traité de contre-assurance, Berlin obtient de SaintPéterbourg sa neutralité dans l’éventualité d’un conflit avec la
France et en échange s’engage à appuyer la Russie sur la
question des détroits et de la Bulgarie, ce qui contredit des
précédents accords avec Vienne et Londres.
• C’est pourquoi ce traité doit rester secret, mais tant qu’il le
demeure, la politique bismarckienne triomphe, la France se
trouvant isolée et l’Allemagne assurée de ne pas avoir à livrer
une guerre sur deux fronts.
• Le traité de réassurance sera reconduit en 1889, mais il ne
survivra pas longtemps au départ de son promoteur.
1.2 — La « weltpolitik » de Guillaume
• Caprivi s’occupe peu de politique étrangère et c’est von
Holstein qui prend la relève de Bismarck. Mais Guillaume II
demeure le maître et c’est lui qui prend la décision de ne pas
renouveler le traité de contre-assurance poussant, la Russie
à se rapprocher de la France.
• Ce n’est pas le seul changement de la politique étrangère, la
nouvelle équipe, composée de représentants des milieux
libéraux, rejetant la focalisation bismarckienne sur l’Europe et
désirant faire de l’Allemagne la grande puissance mondiale
qu’elle a le potentiel d’être.
• Certes, l’Allemagne est déjà sous Bismarck présente en
Afrique (Cameroun, Togo) et dans le Pacifique (îles Marshall
et Salomon), mais la chute du chancelier va accélérer le
mouvement qu’il s’employait à freiner.
Empire colonial allemand
• En 1914, l’empire colonial allemand inclut l’essentiel de la
Namibie, du Cameroun, du Togo et de la Tanzanie, d’autres
territoires dans la région des Grands Lacs africains, des
territoires dans le Pacifique et des comptoirs en Chine.
• La situation intérieure pousse dans cette direction.
L’explosion démographique favorise l’émigration et la
structure économique du pays l’oblige à sortir de ses
frontières pour trouver de nouveaux débouchés pour ses
exportations ou pour assurer ses approvisionnements en
matières premières.
• Le trop-plein est aussi financier, car les banques allemandes
sont riches de surplus qu’elles cherchent à investir en
occident, en Extrême-Orient et en Asie, particulièrement en
Turquie.
• À ces causes issues de l’évolution économique du pays, il
faut ajouter la volonté personnelle et affichée de l’empereur
de faire de son pays la première puissance mondiale.
• Pour ce faire, l’Allemagne doit se tailler un empire colonial, et
se doter des instruments nécessaires pour défendre ses
intérêts et lutter contre ses compétiteurs.
• L’armée sera donc grassement dotée dès les années 1890,
grâce au bon état des finances publiques et à la puissance
de l’industrie.
• Le symbole des nouvelles ambitions de l’Allemagne, c’est la
création d’une flotte de guerre, la Kreigsmarine, qui
ambitionne de surpasser le niveau du Royaume-Uni.
• Les théories pangermanistes ont désormais le vent en
poupe. Application des thèses darwinistes aux luttes entre les
nations, mâtiné du racialisme de Gobineau et Chamberlain,
le pangermanisme soutient que le monde germanique est
appelé à soumettre les civilisations inférieures.
• Ces idées diffuses et souvent confuses (dont les principaux
théoriciens sont Weber, Ranke et Retzel) se diffusent alors
dans la société.
• Les pangermanistes rêvent de réunifier la grande Allemagne
et d’imposer à l’Europe une gouvernance germanique. Le
degré de pénétration de ces idées dans la société demeure
sujet d’âpres discussions chez les historiens.
• Il serait injuste de faire porter la responsabilité de la guerre
sur l’Allemagne seule, mais les ambitions allemandes ont
dans les deux dernières décennies entraîné un
bouleversement de l’ordre européen et mondial.
• Avec l’abandon du traité de contre-assurance, la Russie
constitue un adversaire potentiel d’autant plus dangereux
qu’elle peut compter sur un allié potentiel, la France, faisant
peser sur les territoires du Reich la menace d’une guerre sur
deux fronts.
• Sa politique africaine, qui entre en opposition avec les
intérêts français sur ce continent, ne fera que fournir des
arguments en France à ceux qui favorisent une alliance avec
la très réactionnaire Russie.
• Par le traité d’alliance de décembre 1893 entre Paris et SaintPéterbourg, la base du système bismarckien vole en éclat : la
France n’est plus isolée.
• Si la politique de Berlin à l’endroit de Paris lui permet
d’obtenir certains gains (comme une partie du Congo français
en 1911), ceux-ci sont de peu de poids face aux
conséquences néfastes qu’elle engendre.
• D’autant que les prétentions de l’Allemagne suscitent les
craintes du Royaume-Uni, qui cherche alors à se rapprocher
de Paris, rapprochement concrétisé par la signature de
l’entente cordiale entre Londres et Paris en 1904.
• Et lorsqu’en 1907 le Royaume-Uni décide de régler ses
contentieux avec Saint-Péterbourg et signe une convention
anglo-russe, les bases de la Triple entente sont posées et
l’Europe est désormais divisée en deux camps antagonistes.
La guerre menace désormais le continent.
Les alliances en 1914
2 — La politique étrangère de
l’Empire austro-hongrois
• La politique étrangère de l’empire austro-hongrois est plus
simple que celle du Reich allemand, car Vienne n’a ni les
ambitions de Berlin, ni ses moyens elle le sait.
• Deux axes dominent la politique étrangère de l’Empire
austro-hongrois : les relations avec le Reich allemand et
l’expansion balkanique, laquelle implique les relations avec la
Russie et l’Empire ottoman.
• Les relations avec l’Allemagne n’ont pas toujours été simples,
malgré que Vienne ait cherché un rapprochement avec
l’empire qui l’a vaincu, un simple examen de la situation
permettant de comprendre l’absurdité d’une politique
revancharde. Cela n’empêche pas que périodiquement, à
Vienne, on ait trouvé l’amitié berlinoise un peu lourde.
• Mais le seul dérivatif à ses ambitions déçues (l’expansion
balkanique) nécessite un appui de Berlin, afin de contenir la
puissance russe, de sorte que l’histoire des relations entre
Berlin et Bienne se lit comme une complicité de plus en plus
étroite au fur et à mesure que les nuages s’amoncellent.
• Les relations avec la Russie ont connu une évolution
opposée, car malgré leurs intérêts divergents, les deux États
ont tenté de délimiter leurs sphères d’intérêts, comme lors de
la signature d’un traité en 1876 par lequel Vienne promettait
sa neutralité dans le cas d’une guerre russo-turque, en
échange de la compréhension de la Russie concernant les
intérêts de Vienne en Bosnie-Herzégovine.
• Mais l’opposition était trop forte et le droit d’occupation de la
Bosnie-Herzégovine donné à l’empire austro-hongrois en
1878 ne sera jamais accepté par la Russie, d’autant que
Vienne en profitera pour tenter d’étendre son pouvoir sur ces
territoires.
• Et il y l’empire ottoman, sur le déclin, mais qui continue de
défendre ses positions. Et le réveil national concerne aussi
les petites nations balkaniques, dont certaines cherchent à
faire revivre leur grandeur passée.
• La Serbie est du nombre. Devenue indépendante en 1878, la
Serbie cherche à reprendre le contrôle des territoires qui
furent les siens avant son absorption dans l’Empire ottoman
et son regard se tourne vers la Bosnie-Herzégovine, où vit
une importante population serbe. Or, depuis 1878, on l’a vu,
ce territoire est sous tutelle autrichienne.
• En 1908, prétextant le de la révolution Jeune-turcs, Vienne
décide d’annexer la Bosnie-Herzégovine, suscitant l’ire de
Belgrade, car toute possibilité de réunir les Serbes de Bosnie
à sa couronne se trouve alors exclue.
• À Vienne, on espère ainsi donner une base concrète à la
transformation du système politique en triple monarchie,
pour contrer l’activisme panslaviste serbe et russe.
• À noter que l’annexion a été « autorisée » par la Russie
(autre exemple de la volonté de Vienne et de SaintPéterbourg de s’entendre) mais demanda l’appui de Vienne
sur la question du droit de circulation de la flotte russe dans
les détroits.
• Comme Vienne ne remplit pas son engagement, la Russie
manifesta son désir de se rapprocher de la Serbie.
• En Bosnie, l’opinion serbe est partagée et si une partie de
l’opinion penche en faveur de Belgrade, une autre préférerait
le maintien de la domination autrichienne, assortie d’une
modification du système politique.
• Belgrade favorise alors le développement de sociétés
secrètes qui recourent à l’arme terroriste contre
l’administration autrichienne, poussant celle-ci à accroitre la
répression et favorisant ainsi un accroissement de la
popularité de la solution serbe au sein de l’opinion.
• Les relations entre Belgrade et Vienne seront envenimées
par les deux guerres balkaniques, qui voient l’Autriche
prendre parti pour les adversaires de la Serbie (l’Empire
ottoman lors de la première, la Bulgarie lors de la seconde),
considérée désormais à Vienne comme l’ennemi à abattre.
• Dans le contexte des relations très tendues entre Belgrade et
Vienne, l’annonce par cette dernière de la visite officielle de
l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, qui plus est le 28
juin, jour de la commémoration de la défaite serbe à Kosovo
Polje, est vu par les nationalistes serbes comme une
provocation et Gavrilo Princip passe alors à l’action.
3 — Les États germaniques en
guerre
3.1 — Le déclenchement de la guerre
• L’Autriche prend le temps de la réflexion avant de prendre
des mesures en réaction à l’assassinat de l’archiduc. À
Vienne et à Berlin, qui assure alors Vienne de son appui, on
croit possible d’éviter l’embrasement si les opérations sont
menées promptement.
• Car Vienne entend profiter de l’occasion pour régler son cas
à l’insolent Royaume serbe. Un ultimatum en 25 points,
volontairement insultant, est élaboré dans le but avoué qu’il
soit rejeté par Belgrade, fournissant ainsi le prétexte pour
déclencher les hostilités.
• Belgrade accepte la majorité des demandes de Vienne mais
ne peut laisser la police autrichienne mener l’enquête sur son
territoire. Devant le refus, le 28 juillet, François-Ferdinand
signe la déclaration de guerre à la Serbie.
• La Russie mobilise et Berlin lui adresse un ultimatum lui
ordonnant de démobiliser et un autre à la France, lui
enjoignant de ne pas aider la Russie. Devant le refus russe,
l’Allemagne lui déclare la guerre le 1er août.
• Le 2 août, sans déclaration de guerre, l’Allemagne envahit
les Pays-Bas et exige de la Belgique un droit de passage.
• Bruxelles refusant, Berlin lui déclare la guerre le 3. La France
déclare la guerre à l’Allemagne le 4, rejoint par le RoyaumeUni le 6.
• Puis le 11, France et Royaume-Uni déclarent la guerre à
l’Autriche-Hongrie. Le Japon se joindra à l’Entente le 23 août,
la Turquie à la Triplice le 1er novembre. L’Italie reste alors
neutre.
• En Allemagne et en Autriche, la population semble faire bloc
derrière le gouvernement et même les socio-démocrates
appuient la déclaration de guerre et votent les crédits.
• Si les gouvernements des deux États espéraient éviter
l’embrasement général, une fois le mécanisme enclenché, ils
en acceptent les conséquences.
• Aux yeux de beaucoup d’Allemands, la responsabilité de la
guerre incombe à la Serbie et la Russie.. De sorte que la
guerre est acceptée comme une lutte juste de la civilisation
contre la barbarie russe. L’Autriche partage ce point de vue.
• En outre, les tensions croissaient sans cesse depuis une
décennie et nombreux sont ceux à Berlin et dans les autres
capitales qui croient qu’un conflit est inévitable.
• L’État-major allemand considère que l’Allemagne doit
prendre les devants, car le temps joue contre elle : encore
une décennie et les réformes en cours en Russie auront fait
d’elle un adversaire impossible à terrasser.
• Quant à l’Autriche, la guerre pourra lui permettre, croit-on
dans les cercles dirigeants, de freiner l’érosion du pouvoir
central et de résoudre la question nationale. La guerre est ici
vue en 1914 comme la seule façon d’éviter l’éclatement de
l’empire
3.2 — Les opérations militaires
• Les armées des empires centraux savent qu’elles doivent
agir vite, car l’Allemagne, qui dispose de réserves à
l’été 1914 et prend les dispositions pour assurer
l’acheminement des matières premières qui lui font défaut,
sait que son avantage ne durera pas.
• Ses adversaires disposent d’une profondeur stratégique plus
grande : la victoire doit être rapide, sinon, le temps passant,
l’avantage stratégique changera de côté.
• D’où le plan Schlieffen exécuté par le général Moltke : en
concentrant les forces à l’ouest, il devait être possible
d’imposer à la France la reddition avant que la lente, mais
potentiellement puissante Russie puisse menacer
• Une fois la France vaincue, le Royaume-Uni abandonnera,
croit-on, la lutte, et les forces allemandes pourront se
concentrer alors sur le front oriental.
• Mais les choses ne sont dérouleront pas comme prévu. Les
forces russes se porte à l’offensive très tôt en août, et malgré
la défaite qu’elles subissent, les combats vont obliger l’Étatmajor allemand à transférer une partie de ses forces vers
l’est, réduisant les capacités de l’offensive occidentale.
• Culbutées par les armées russes, les forces austrohongroises démontrent leur impréparation et ce sont les
Allemands qui parviennent à stopper l’offensive russe et à
stabiliser le front.
• À l’ouest, le mouvement de contournement des forces
françaises se déroule d’abord bien et les Allemands
s’enfoncent dans le territoire de l’adversaire, au point de
contraindre le gouvernement français à quitter Paris.
• Mais une erreur stratégique et un sursaut français vont
remettre en question ses gains et par la bataille de la Marne,
les armées allemandes sont contraintes de reculer sur l’Aisne
où le front se stabilise.
• Enfin, au sud, où les forces austro-hongroises se sont
portées à l’offensive, elles ne parviennent pas à contrôler la
capitale serbe et enregistrent des pertes colossales au cours
de six premiers mois du conflit (800 000 morts, prisonniers et
blessés).
• Le plan initial de l’état-major allemand a échoué, contraignant
à repenser les opérations.
• Alors que le front occidental s’enterre dans une guerre de
tranchées dont l’objectif est d’user l’adversaire. Certaines
offensives ont lieu au cours de la période 1915-1918 (comme
Verdun, en février 1916), mais aucune ne remet en question
la situation sur le terrain.
• L’effort sera donc porté sur le front oriental où les forces
russes, dont la préparation à la guerre est aussi faible,
montrent dès 1915 des signes d’essoufflement qui ne feront
que croître. Alors que les soldats russes reculent et
désertent, les empires centraux s’enfoncent en Russie.
• Le gros de l’effort est fourni par l’Allemagne, car en plus des
désertions de nombreuses minorités de son armée,
l’Autriche-Hongrie fait face à partir de 1915 à l’offensive de
l’Italie, qui rejoint les forces de l’entente.
• Après février 1917, une opportunité s’ouvre aux empires
centraux et en permettant le retour de Lénine, l’État-major
allemand envenime la situation, l’activisme de ce dernier,
profitant des défaites répétées et des désertions massives,
aboutissant au renversement du gouvernement provisoire et
à l’arrivée des bolchéviques.
• La nouvelle situation aboutit au traité de Brest-Litovsk de
mars 1918 qui permet aux empires centraux de prendre le
contrôle de vastes territoires et de soulager leurs difficultés
en matière d’approvisionnement.
• Mais cette victoire arrive trop tard, la guerre sous-marine de
l’Allemagne contre le Royaume-Uni dans l’espoir de couper
ses voies d’approvisionnement marquant le pas.
• Dès 1915, l’attaque contre le Lusitania braque l’opinion
américaine contre les Allemands et l’intensification des
opérations sous-marines contre les transports provenant des
États-Unis pousse ces derniers dans la guerre : en avril
1917, les États-Unis entrent en guerre.
• Charles 1er, qui se méfie des dirigeants du Reich qui ont pris
le contrôle des forces communes, cherche à sortir de la
guerre, mais ses tentatives dressent contre lui l’opinion, sans
parvenir à assouplir les exigences des alliés, qui réclament
une reddition sans conditions.
• Avec le front oriental stabilisé et l’affaiblissement des
réserves dont ils disposent, les chefs militaires allemands
décident au début de 1918 de forcer une « paix blanche » à
l’ouest en échange d’une reconnaissance des gains à l’est.
• Mais pour faire admettre cette possibilité, il faut forcer la main
des Occidentaux avant que la toute-puissance américaine ne
puisse se déployer.
• Ludendorff et Hindenburg élaborent alors une série
d’offensives qui surviennent au cours du printemps 1918,
mais malgré certains gains, elles ne parviennent pas à percer
le front et la situation se détériore au cours de l’été.
• Le 8 août, alors que le front est percé par la contre-offensive
alliée, les généraux allemands comprennent que la guerre
est perdue.
• Sur le front sud, en septembre, les armées austro-hongroises
et leurs alliés locaux s’effondrent un à un : la Bulgarie en
septembre, puis la Turquie en octobre.
• La négociation devient alors la seule voie de sortie, mais les
alliés refusent de discuter avec les empereurs, favorisant la
prise de contrôle politique par divers partis.
• Ce sont eux qui signeront la reddition avec les alliés, le 3
novembre pour l’Autriche (car l’empire n’existe déjà plus), le
11 novembre pour l’Allemagne.
• La façon dont prendra fin la guerre, alors que les armées
alliées viennent d’entrer sur le territoire allemand, dont
l’armée est encore en mesure de ses battre, donnera
naissance au mythe du « coup de poignard dans le dos »
suivant lequel l’Allemagne n’a pas été battue par l’ennemi
extérieur, mais a été trahie de l’intérieur.
• En admettant la défaite avant que l’armée eût été détruite et
l’Allemagne complètement occupée, l’État-major et les partis
politiques espéraient éviter un sort trop cruel.
• Outre la destruction des deux États germaniques tels qu’ils
existaient en juillet 1914, la guerre aura entraîné du côté des
peuples germaniques des pertes humaines colossales : 2,5
millions de morts et 4 millions de blessés pour le Reich; 1,1
million de morts et 3,6 millions de blessés pour l’AutricheHongrie.
3.3 — La guerre à l’arrière
• L’évolution de la situation politique est liée à celle de la
situation économique, même si ce n’est pas le seul facteur, la
lassitude de la guerre, la défaite et les morts constituant des
causes tout aussi importantes.
• Au début de la guerre, à Vienne et à Berlin, l’enthousiasme
est réel et fait écho à la quasi-unanimité des élites politiques.
• Cet enthousiasme provient aussi de la certitude que la guerre
sera courte et couronnée de succès. Le premier mois
d’opérations semble donner raison aux optimistes et la
stabilisation du front n’inquiète pas trop les populations.
• Après le déclenchement des hostilités, le ministre allemand
Rathenau met sur pied des commissions gouvernementales
pour assurer l’approvisionnement et regroupe les grandes
entreprises par secteur, afin de rationaliser et contrôler la
production.
• Tant que demeure la perspective d’une guerre courte, le
blocus des côtes reste théorique et Berlin peut compter sur
un approvisionnement de la part des États neutres.
• Les choses se gâtent dès la fin de 1914, car les forces de
l’Entente durcissent les conditions du blocus, incluant un
contrôle des navires sous peine d’attaque et des efforts
diplomatiques et économiques visant à convaincre les
neutres de cesser d’approvisionner le Reich.
• En Autriche-Hongrie, le pays étant moins bien préparé, les
conséquences socio-économiques du conflit sont immédiates
et les droits des travailleurs sont limités. Mais tant que la
perspective d’une guerre courte existe, l’opposition reste
limitée, au nom de l’union nationale.
• Mais au bout de quelques mois, cette perspective s’éloigne,
les premières manifestations des difficultés économiques
apparaissent et, s’ajoutant au macabre décompte des morts,
favorisent la montée du mécontentement.
• Les socialistes sont les premiers à manifester leur
mécontentement et fin 1914, le SPD est en proie à une lutte
interne qui aboutira en 1917 à l’exclusion du parti des
membres qui refusent de voter les crédits pour la poursuite
de la guerre et qui forme en autre parti, l’USPD (Parti socialdémocrate indépendant) dont l’aile radicale est animée par
Karl Liebknecht.
• Mais les socialistes ne sont pas les seuls à critiquer la
poursuite de la guerre et en 1917, certains nationaux-libéraux
et membre de la gauche du Zentrum font pression pour une
paix blanche et le 6 juillet 1917, une motion est votée au
Reichstag en ce sens.
• Si les militaires, qui contrôlent alors le pays, réagissent
rudement à cette motion, obtenant la démission du chancelier
et un droit de regard sur la nomination des prochains
chanceliers, ils ont l’intelligence de comprendre les racines
de ce mécontentement et vont s’employer à accélérer l’issue
victorieuse.
• Car le mécontentement est aussi palpable dans la
population, surtout quand, la guerre s’éternisant, les
difficultés économiques liées à l’approvisionnement vont
devenir difficilement supportables au cours de l’année 1916,
alors que les importations de produits alimentaires essentiels
auront pratiquement cessé du fait du blocus.
• Comme la récolte de 1916 s’avère mauvaise, il manque à
l’Allemagne pour boucler l’année plus de 150 000 tonnes de
céréales, sans compter l’insuffisance en ce qui concerne la
viande, les produits laitiers et les matières grasses. La seule
issue est alors l’établissement d’un rationnement sévère.
• À noter que les matières premières industrielles viennent
aussi à manquer, les stocks constitués dans les premiers
mois de la guerre s’épuisent, obligeant le recours à des
produits de remplacement.
• En plus des problèmes que cela cause sur le front, la
population est ici aussi victime d’une forte hausse des prix.
• En Autriche, le rationnement a été introduit et la loi martiale
proclamée dès 1915 et si elle ne parvient pas à éliminer les
grèves, celles-ci demeurent limités jusqu’en 1917, d’autant
que le gouvernement a aussi recours à la carotte, avec la
création d’un ministère de l’assistance sociale.
• L’opposition structurée à la guerre demeure faible, les
socialistes maintenant une politique de main tendue avec le
pouvoir, laissant à une aile gauche famélique le soin de
s’opposer.
• Le fait que Charles, dès 1916, envisage de sortir de la
guerre, favorise ici le ralliement de la majeure partie des
forces politiques.
• Mais en 1917, dans les deux empires, la situation
économique et sociale est devenue intenable et les
mouvements d’opposition de manifestations et d’occupation
vont croissant.
• Au printemps 1917, Berlin est touché, puis ce sera le cas des
chantiers navals de la Baltique, où les ouvriers se mêlent aux
marins et forment la base, sous l’influence du mouvement en
cours en Russie, de conseils ouvriers.
• En Autriche-Hongrie, on évalue qu’au cours de l’année 1918,
plus de 2 millions de personnes sont mortes de faim,
s’ajoutant à l’hécatombe provoquée par la grippe espagnole.
• Des grèves éclatent au début de janvier 1918, impliquant
plus d’un demi-million de travailleurs dans la région de
Vienne. Le nombre de déserteurs ne cesse de croître, pour
atteindre les 230 000 à la fin de l’été 1918.
• Tout cela fait en sorte que si, en effet, les forces armées
allemandes n’ont pas encore été détruites à la fin de
l’été 1918, le constat de l’état-major et des forces politiques
civiles selon lequel la guerre était néanmoins perdue à ce
moment peut difficilement être contesté.
• Car l’état général de l’économie et de la société ne laissait
guère de doute sur les possibilités réelles de remporter
finalement le conflit : de ce point de vue aussi, une sortie
rapide de la guerre semblait être la seule façon d’éviter
l’écroulement des systèmes politiques.
4 — Les révolutions de 19181919
4.1 — L’échec révolutionnaire allemand et la naissance de
la république de Weimar
• Le changement de garde commence dès 1917, avec la
démission de Bethmann-Hollweg, qui laisse la réalité du
pouvoir aux chefs de l’armée, Ludendorff et Hindenburg.
• Mais en 1918, les échecs militaires poussent ces derniers à
laisser plus de place à des civils, mieux à même de négocier.
• Le 4 octobre 1918, le prince Max de Bade, membre de la
famille royale, mais réputé libéral, devient chancelier et forme
un gouvernement favorable à une « paix blanche », composé
entre autres de membres du SPD et en mesure de discuter
avec Wilson.
• Ludendorff abandonne la direction de l’armée et son nouveau
chef, Gröner, annonce que l’armée ne prendra aucune part
aux négociations. Lorsque Wilson annonce son refus de
discuter avec le Kaiser, députés socialistes et catholiques
réclament l’abdication de ce dernier.
• À Kiel, depuis le 3 novembre, les marins et les ouvriers des
chantiers navals ont commencé à s’organiser sur le modèle
des soviets, puis le mouvement s’étend à d’autres ports du
nord : Lübeck, Brême, Hambourg.
• Au fur et à mesure de son extension dans d’autres villes, le
mouvement soviétique se politise et le 8 novembre, une
République socialiste de Bavière, dirigée par un membre du
USPD est proclamée à Munich par le soviet de la ville.
• Puis c’est au tour de la Saxe, suivie par Cologne, Hanovre et
Hambourg. Comme en 1848, le mouvement est polycentrique
et ne dispose pas de chefs, SPD, USPD ou Spartakistes
faisant montre d’un activisme plus ou moins grand.
• À Berlin, la crise éclate le 9 novembre, provoquée par
l’arrestation d’un membre du Comité d’action fondée en 1917
et résolu à fomenter une insurrection.
• L’état-major réclamant à son tour son départ, Guillaume II n’a
guère le choix et abdique le 9 novembre, alors que Berlin est
en état d’insurrection. Réfugié aux Pays-Bas avec sa famille,
il y mourra au début de juin 1941.
• Dès lors, les ouvriers de la capitale convergent vers le centre
et les soldats fraternisent avec les insurgés, ce qui aboutit à
une double proclamation de la république : celle de
Liebknecht, chef du USPD et celle de Scheidemann, bras
droit d’Ebert, chef du SPD.
• Max de Bade abandonne la chancellerie au profit d’Ebert, le
chef du SPD, seule force, croit-il, capable de contrôler la
vague révolutionnaire qui commence à gonfler. Ebert forme
alors un gouvernement mixte, comprenant trois SPD et trois
USPD.
• La république nait dans la confusion et sous la forme d’une
dualité des pouvoirs : celui du gouvernement officiel et celui
des Soviets qui ont recouvert peu à peu le territoire.
• Si les socialistes dominent sans partage, leurs querelles
empêcheront d’élaborer une politique cohérente, car à
l’intérieur même du USPD s’est formée au cours de la guerre
une tendance plus radicale, que l’on nomme spartakiste.
• Dirigé par Luxembourg et Liebknecht, ce groupement rejette
la mollesse du USDP et le réformisme du SPD, prônant la
réorganisation de l’État sur le modèle bolchévique.
• En s’associant avec diverses autres forces politiques, les
spartakistes fondent en décembre 1918 le parti communiste
allemand, mais leur radicalisme fera en sorte de les isoler.
• Le SPD à l’intelligence d’élargir sa base en adoptant dès la
formation du gouvernement Erbert des mesures très libérales
(convocation d’une assemblée constituante, abolition de la
censure, suffrage universel).
• Le SPD multiplie les assurances auprès des gouvernements
occidentaux quant à son refus d’engager l’Allemagne sur la
voie du bolchévisme.
• C’est aussi par l’intermédiaire du SPD que les dirigeants
syndicaux parviennent dès le 15 novembre à conclure avec
les grands consortiums une convention garantissant de
nombreux droits à ces derniers.
• Ratissant largement au centre, le SPD coupe l’herbe sous le
pied aux spartakistes, dont l’isolement va croissant et ils sont
les seuls à ne pas reconnaitre la légitimité du gouvernement
d’Erbert, réclamant « tout le pouvoir aux soviets ».
• Le 16 décembre, lorsque se réunit le Conseil national des
ouvriers et des soldats et que le Congrès se rallie au point de
vue du SPD quant à la convocation d’une constituante, seule
structure habileté à décider de la forme et de la structure du
pays, les spartakistes sont désavoués. Ne leur reste alors
que l’insurrection.
• Tout au long du mois, les positions se durcissent, d’autant
que, bien que minoritaire, le mouvement spartakiste, devenu
parti communiste, peut compter sur l’appui de certaines
formations militaires, dont les très actifs marins de Kiel.
• À Berlin, après la destitution du chef de la police, réputé
proche du USPD, une grève générale éclate dans la ville,
rapidement encerclée par les forces loyalistes, nommée
Corps francs et formées à partir d’officiers et de soldats en
cours de démobilisation.
• Le 6 janvier débute la « semaine sanglante », alors que les
forces loyalistes reprennent le contrôle de la capitale, faisant
plusieurs milliers de morts, parmi lesquels se trouvent
Luxembourg et Liebknecht.
• En Bavière, la république des conseils sera aussi écrasée
par la force en avril 1919 et pendant trois mois, alors même
que l’Assemblée constituante commence ses travaux, les
forces loyalistes écraseront dans le sang des Conseils
révolutionnaires nés un peu partout au pays.
• La répression fera au moins 10 000 morts sur l’ensemble du
territoire.
• La « révolution bourgeoise » triomphe de la « révolution
prolétarienne » et ce sont les socialistes qui ont procédé à la
mise au pas des forces radicales, gagnant l’estime et la
confiance des milieux conservateurs.
• À la veille de l’adoption de la constitution, le SPD est devenu
un parti de la bourgeoisie, laissant tout au long des
années 1920 les milieux populaires orphelins, lesquels
accorderont alors leurs appuis à d’autres partis...
• Lors des élections à la constituante le 19 janvier, les modérés
(Zentrum, SPD et Démocrates) obtiennent 76 % des
suffrages et 331 sièges sur 421.
• À lui seul, le SPD a obtenu 40 % des voix, ce qui lui permet
de s’imposer facilement à la tête du gouvernement.
• Ebert devient président de la République et c’est une
coalition comprenant des membres du SPD et du Zentrum
qui dirigera le gouvernement.
• Entre février et juillet 1919, les travaux de la constituante
seront essentiellement consacrés à l’élaboration de la
constitution, laquelle est adoptée le 31 juillet 1919 Weimar,
où siège la Constituante.
4.2 — La « révolution autrichienne »
• En Autriche-Hongrie, la situation est en général plus calme,
mais elle n’est pas plus simple, car l’éternelle question
nationale se pose alors avec acuité.
• Le démantèlement de l’empire commence avant la signature
de l’Armistice avec la proclamation à Paris le 26 septembre
1918 par le Conseil national tchèque d’un État indépendant.
• Quelques jours plus tard, le 5 novembre est formé à Zagreb
un conseil national serbe, croate et slovène, dont le but est la
constitution d’un état fédéral yougoslave.
• Le Monténégro rejoint fin novembre le conseil, qui
proclamera à Belgrade la naissance le 1er décembre du
royaume des Serbes, Croates et Slovènes.
• Au nord, début octobre, un Comité national polonais avait été
créé pour assurer la résurrection de l’État polonais.
• Le 24 octobre, la Hongrie rappelle ses troupes et proclame
l’indépendance du territoire.
• Voyant l’empire se disloquer, Charles 1er avait proclamé au
milieu d’octobre la transformation de la Cisleithanie en État
fédéral, pendant que les germanophones décidaient eux
aussi de s’organiser en dehors du cadre impérial
• Le 30 octobre, une Assemblée nationale provisoire de
l’Autriche allemande se réunit à Vienne, qui laissa cependant
de côté la question de la nature, monarchique ou
républicaine, du futur État.
• Les pertes territoriales seront confirmées lors de la signature
de l’armistice à Padoue le 3 novembre, lequel réclame
l’évacuation par les forces armées autrichiennes de plusieurs
de ces territoires, en plus d’autres, germanophones.
• L’empereur s’accroche et ce n’est que le 11 novembre qu’il
acceptera la réalité, sans pour autant abdiquer, laissant le
pouvoir entre les mains du social démocrate Karl Renner.
• À partir de ce moment, la domination politique de l’Autriche
par les Habsbourg prend fin. L’empereur quittera le pays en
mars 1919 et mourra à Madère le 1er avril 1922.
• L’assemblée nationale provisoire de l’Autriche réunit le 12
novembre proclame la naissance de la République d’Autriche
allemande et par l’article 2 de cette proclamation, qui déclare
que l’Autriche allemande est une partie de la République
allemande, annonce son désir de rattachement au reste des
terres germaniques.
• Les premières bases constitutionnelles sont posées alors, et
le 18 décembre, après d’âpres débats, le suffrage universel
(incluant donc le vote des femmes) est proclamé comme
étant la base de la légitimité politique.
• L’historiographie n’utilise pas le terme de révolution pour
décrire
ces
événements
lui
préférant
celui
de
« bouleversements », car la situation est plus calme
qu’ailleurs en Europe centrale.
• Comme partout, des soviets ouvriers ont vu le jour au cours
de l’année 1918, s’imposant comme force politique. Mais
comme en Allemagne, les socialistes modérés parviendront à
canaliser le mouvement, isolant les radicaux.
• Le parti communiste autrichien, né le 3 novembre 1918,
malgré une croissance rapide (de 3 000 à 40 000 membres
en quelques mois au début de 1919), demeure tout de même
tout marginal.
• Cela ne l’empêche pas de fomenter des troubles, mais le
gouvernement, appuyé par l’armée, viendra sans grandes
difficultés à bout des tentatives peu convaincantes menées
par les communistes en avril, puis en juin 1919.
• Si la répression provoque des morts, on ne voit ici rien de
comparable avec l’hécatombe en Allemagne, mais le principe
demeure le même : la paix sociale est assurée par le
ralliement des forces libérales et conservatrices aux
socialistes modérés pour faire barrage aux radicaux.
5 — Les traités de 1919
5.1 — Détruire le Reich : le traité de Versailles
• C’est à la conférence de paix de Paris (janvier 1919-août
1920), que seront élaborés les principaux traités qui règlent
l’ordre européen de l’après-guerre, dont ceux qui concernent
l’Allemagne et l’Autriche.
• La particularité de ces deux traités, c’est qu’ils ne sont pas
issus de négociations entre vainqueurs et vaincus, mais pour
l’essentiel (à l’exception de l’admission de quelques
observations du côté allemand) imposés par les premiers aux
seconds.
• Les seules négociations du traité de Versailles et de celui de
Saint-Germain-en-Laye ont lieu entre les puissances
victorieuses, d’où le qualificatif de diktat.
• La délégation allemande est contrainte de signer le 28 juin
1919 le traité qui sera promulgué en janvier 1920.
• Les « négociateurs » allemands seront conspués au pays
pour avoir participé à cette humiliation, au point où l’un d’eux,
le ministre des Finances Erzberger, sera assassiné en 1921,
même si ce n’est pas la seule motivation de cet assassinat.
• Les clauses concernant l’Allemagne peuvent être divisées en
trois catégories : clauses territoriales, clauses économiques
et clauses limitant la souveraineté de l’Allemagne.
• La première catégorie définit les frontières de la nouvelle
Allemagne. À l’ouest, si on exclut les cas complexes de la
Sarre et de la Rhénanie, dont le statut sera réglé
ultérieurement, les frontières sont peu modifiées.
• Quelques cantons passent sous contrôle belge et l’AlsaceLorraine retourne à la France.
• Au nord, le Schleswig est divisé en deux après un plébiscite
en 1920, le nord passant sous contrôle danois.
• Les déplacements de frontières à l’est sont douloureux, car
ils concernent la reconstitution de la Pologne. La Posnanie
retourne entièrement à la Pologne, de même que la Prusse
occidentale, à l’exception de Dantzig, proclamée ville libre
sous supervision internationale. L’Allemagne se trouve ainsi
coupée en deux par le « corridor polonais ».
• La haute Silésie est plus complexe, à cause de
l’enchevêtrement des districts polonais et allemands et il
faudra attendre 1921 pour que la frontière soit fixée.
• Avec l’annexion de Memel par la Lituanie en 1923 et le
rattachement à la Tchécoslovaquie d’Ulcin et d’une partie des
Sudètes, on doit constater que le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes ne concerne pas les Allemands.
Les pertes territoriales
allemandes en 1919
• Rien d’étonnant à ce que l’Allemagne n’ait pas accepté ces
frontières et que leur remise en question ait été à la base du
révisionnisme d’Hitler.
• L’Allemagne de 1919 se trouve amputée d’environ 11 % de
son territoire (67 000 kilomètres carrés) et perd 11 % de sa
population (6,5 millions d’habitants), 15 % de ses capacités
agricole et 10 % de ses capacités industrielles. De même,
ses colonies sont saisies et redistribuées aux vainqueurs.
• En vertu de l’article 231, qui impute à l’Allemagne la
responsabilité de la guerre, de très lourdes réparations sont
imposées à celle-ci.
• Le montant des réparations n’est pas fixé par le traité, qui se
contente d’en préciser les fondements et les champs
d’application, car en plus des dégâts matériels, le traité
stipule que les pensions pour invalidités de guerre ou pour
compenser les familles seront à la charge de l’Allemagne.
• Le montant des réparations et la nature de celles-ci
(monétaires ou matérielles) feront l’objet d’âpres discussions
tout au long des années 1920.
• Une série de clauses variées limite la souveraineté de
l’Allemagne dans de multiples domaines. Il y a d’abord des
aspects territoriaux à ces limitations (Sarre et Rhénanie, sur
lesquelles les Alliés s’octroient des droits particuliers).
• Par ailleurs, l’article 80 l’interdit l’union avec l’Autriche, autre
violation flagrante de l’esprit des 14 points de Wilson.
• Les clauses limitatives concernent aussi les forces armées,
alors que l’Allemagne, qui ne peut plus entretenir de flotte de
guerre ni d’aviation militaire, voit ses forces terrestres limitées
à 100 000 hommes, dont 4 000 officiers et cette Reichswehr
ne peut en outre disposer de matériel lourd.
• Présentées dans le traité comme le prélude au désarmement
de l’Europe, ces limitations ne seront guère suivies de gestes
concrets posés par les autres puissances européennes.
• Sur le plan administratif, une multitude de commissions de
surveillance pour les réparations, la navigation fluviale, le
désarmement, etc., vient limiter la souveraineté de
l’Allemagne, qui devient alors à plus d’un titre un État sous
tutelle.
• Tout dans ce traité suscite le rejet et la colère des Allemands,
autant son mode d’élaboration que son contenu et son
principe, qui fait de l’Allemagne le responsable moral de
l’hécatombe.
• Il est admis par toute l’historiographie du XXe siècle que, en
alourdissant considérablement la difficile situation des
populations allemandes, le traité de Versailles a pavé la voie
aux succès du NSDAP et constitué l’une des causes
importantes de la Seconde Guerre mondiale.
5.2 — Détruire l’empire austro-hongrois : le traité de SaintGermain-en-Laye
• Le traité de Saint-Germain-en-Laye, qui règle sort de
l’Autriche (pas celui de la Hongrie, qui fera l’objet d’un autre
traité, celui de Trianon) est signé le 19 septembre 1919 par
Karl Renner, alors chancelier d’Autriche.
• Le traité imposait aussi des réparations à l’Autriche, mais elle
était si appauvrie au lendemain de la guerre qu’elle ne
pouvait pas vraiment en verser.
• Mais une commission sera mise en place pour assurer la
restitution de biens « spoliés » par les Habsbourg au fil des
siècles, de nombreuses œuvres d’art seront alors transférées
en Belgique, en Italie et en Pologne, entre autres.
• L’essentiel du traité avec l’Autriche concerne les aspects
territoriaux, même si pour l’essentiel il s’agit de mettre par
écrit la nouvelle situation territoriale de l’Europe orientale.
• Le traité entérine la fin de l’empire austro-hongrois et sa
dislocation territoriale, la Hongrie devenant indépendante.
• Mais la Cisleithanie est pour l’essentiel détruite au bénéfice
de multiples États successeurs.
• L’Autriche doit restituer à la Pologne la Galicie (Lwow) et la
Petite-Pologne (Cracovie), alors que les zones sud des
Sudètes sont cédées à la Tchécoslovaquie
• Les territoires balkaniques de l’empire de l’empire défunt sont
pour leur part rétrocédés soit au Royaume des Serbes,
Croates et Slovènes, soit à la Roumanie (Bucovine).
• Le traité prévoit la cession à l’Italie de Trieste et de l’Istrie, la
question de la cote dalmate étant laissée irrésolue, car
revendiquée aussi par le Royaume des Serbes, Croates et
Slovènes.
• Mince consolation, l’Autriche obtient quatre districts
germanophones (Burgenland) de l’ancien royaume de
Hongrie.
• Interdiction est faite à l’Autriche de porter le nom qu’elle s’est
donné au lendemain de la guerre (celui de République
d’Autriche allemande), ce nom faisant clairement référence
au désir des Autrichiens de rejoindre la nation allemande,
possibilité exclue autant par le traité de Versailles que par
celui de Saint-Germain-en-Laye. Le pays se nommera donc
simplement l’Autriche.
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