La Lettre du Sénologue - n° 37 - juillet-août-septembre 2007
Dossier
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Conclusion : point de vue d’un médecin, directeur
d’établissement, participant à la mise en place du DAA
Conclusion: the point of view of establishment director
IP F. Guillemin*
L’idée répond à un besoin exprimé par les patients et les
articles de cette revue illustrent les solutions appor-
tées par les professionnels.
Le dispositif d’annonce ne se conforme pas à un schéma standard.
Les diverses situations médicales nécessitent des prises en charge
appropriées : le diagnostic initial de cancer, le diagnostic d’une
récidive ou d’une évolution métastatique, l’échec d’un traitement
par une poursuite évolutive, le diagnostic d’un risque génétique
et ses conséquences, l’explication d’une complication au cours
d’un traitement, un changement de thérapeutique, la décision
d’une attitude palliative ou l’approche de la phase terminale sont
autant de situations précises et particulières où il faut annoncer
une mauvaise nouvelle.
Le dispositif ne se résume pas à une consultation spécifique uni-
que : les consultations médicales successives, les consultations
infirmières, la prise en charge psychologique, un espace de ren-
contre et d’information, des supports médiatiques type Internet
ou la télévision interne, les associations de patients ou d’usagers…
sont quelques-uns des outils du dispositif.
Les patients ont des personnalités et des expériences différentes.
La connaissance du patient, son niveau d’information et de com-
préhension sont des prérequis. Son âge, sa culture, sa situation
dans l’histoire de la maladie vont modifier les attitudes des pro-
fessionnels et le choix des outils à proposer.
Les praticiens n’ont pas appris à communiquer avec les patients
ni avec leurs familles. Il n’y a pas de vraie formation au cours des
études médicales et l’industrie pharmaceutique fait peut-être
plus que la faculté. Dans l’annonce, le comportement du médecin
est essentiel ; il détermine les réactions du patient. Quand ça va
mal psychologiquement, le médecin devrait commencer par faire
une analyse critique de sa relation avec le patient. Il ne résoudra
pas forcément le problème en prescrivant des pilules ou en réqui-
sitionnant le psychologue.
L’écoute est la priorité absolue des infirmières impliquées dans
l’annonce. Ce que le patient n’ose pas exprimer au médecin, il va
le dire à l’infirmière. Son objectif sera d’identifier les besoins du
patient, de reprendre des explications et de l’orienter si nécessaire
auprès des professionnels compétents. Le but n’est pas de para-
phraser la consultation médicale, c’est un autre service qui est
attendu. Il n’y a pas confusion avec une consultation infirmière
avant une hospitalisation dont l’objectif est de décrire les modali-
tés de la prise en charge. Il n’y a pas confusion avec le diagnostic
infirmier à l’accueil du patient lors d’une admission. Ces démar-
ches se complètent. Un travail sur la transcription du contenu de
ces consultations et leur transmission reste à faire.
Les psychologues doivent évaluer quantitativement la pertinence
(car tous les patients n’ont pas besoin d’un soutien psychologi-
que) et l’impact de leurs interventions. Les comptes-rendus des
entretiens doivent figurer dans le dossier médical. Leur objectif
est d’aider le patient à mobiliser les ressources pour retrouver un
équilibre personnel et de donner des éléments d’orientation aux
soignants dans leur relation avec le patient. La mesure du service
rendu est un vrai travail de recherche qui requiert une évolution
culturelle ; on l’a fait avec la douleur, puis avec la qualité de vie,
réputées pourtant non mesurables. Si on ne discute pas a priori
l’utilité des psychologues à l’hôpital, il faut mesurer la réalité du
besoin. Le dysfonctionnement réside autant dans l’insuffisance
que dans l’excès ; les professionnels doivent élaborer les outils qui
permettront à la direction d’ajuster l’effectif selon les besoins ob-
jectifs. Les associations d’usager ne sont pas intégrées suffisam-
ment dans le dispositif. Leur registre est celui du partage d’expé-
rience où l’on admet la difficulté à faire face à la maladie et où l’on
sait montrer comment d’autres, confrontés aux mêmes situations,
ont pu trouver les ressources affectives, sociales, professionnelles
ou spirituelles pour s’en sortir. L’hôpital doit leur donner une place
et les médecins doivent apprendre à travailler avec elles.
Les patients sont admirables de courage et de volonté. La menace
de mort replace les valeurs humaines dans le contexte de leur
propre vie. Les soignants ont des leçons d’humanité à prendre.
S’il y a parfois de l’agressivité ou des sollicitations répétées, c’est
qu’elles expriment un besoin. Il faut le reconnaître et donner une
réponse relationnelle adaptée. Il faut aussi respecter la liberté du
patient, son rythme, sa personnalité, et ne pas imposer une dé-
marche non souhaitée ou à contretemps.
Le dispositif d’annonce est un concept que les soignants élabo-
rent, affinent et adaptent en coopération avec les patients. Cer-
tains, heureusement, n’avaient pas attendu une formalisation
réglementaire. La formation, l’analyse critique des expériences
et des organisations, la détermination des professionnels autant
que celle des pouvoirs publics sont gages de succès. Le dispositif
d’annonce n’est ni une fin en soi, ni un moyen d’autovalorisation
des professionnels, c’est un outil au service du malade et de ses
proches. Une direction hospitalière attentive aux évolutions so-
ciétales et soucieuse du service attendu par ses usagers doit ac-
compagner la mise en œuvre cohérente et coordonnée du dispo-
sitif d’annonce. Gérant des moyens humains et matériels, elle a
besoin de données quantitatives et qualitatives pour apporter les
réponses adaptées aux besoins. n
* Centre Alexis-Vautrin, Nancy.