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Le Courrier des addictions (5), n° 4, octobre-novembre-décembre 2003
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Prendre une caisse primaire d’assurance mala-
die qui “se bouge”, convaincue de sa mission
de santé publique et une “bande” de méde-
cins “agitateurs d’idées” depuis vingt ans,
pionniers infatigables de la formation perma-
nente, de la prévention, de la prise en charge
des malades du sida (association Cap Espoir),
des exclus… Ajouter le centre de soins spé-
cialisés en toxicomanie, AVAPT SOS DI, des
structures hospitalières coopérantes (hôpitaux
généraux et Elsa, ou équipe de liaison en
addictologie de l’hôpital), des associations
sociales et médico-sociales toujours prêtes à
se mobiliser (centre de cure ambulatoire en
alcoologie, AIDES, centres d’hébergement et
de réinsertion sociale, réseau toxicomanie,
alcool, hépatite C Novasanté du Nord
Vaucluse) et les assistantes sociales du dépar-
tement. Ne pas oublier l’Ordre des médecins
qui laisse aller de l’avant cette expérience, et
cela depuis la mise en place des traitements de
substitution. Faire monter la préparation avec
tous les professionnels de santé, de ville en
première ligne, mais aussi des différentes
structures de soins, l’unité coordonnée de
soins ambulatoires (UCSA) en prison et le
centre médico-psychologique Guillaume-
Broutet compris. Relever avec quelques
piments d’Espelette, pour réveiller les struc-
tures spécialisées de prise en charge des toxi-
comanes – le conflit est souvent (re)construc-
teur –, et la recette est bouclée : vous avez un
réseau spécialisé en toxicomanie. Aujour-
d’hui, à peu près 10 % des pharmaciens (une
quarantaine) et 5 % (43) des médecins géné-
ralistes du département ont adhéré à Retox 84,
avant la toute nouvelle attribution des mesures
dérogatoires.
Le feu de la cuisson
Reste, bien sûr, à enfourner le plat et à allu-
mer le “feu” de la cuisson : en d’autres termes,
à disposer de financements. Le Fonds d’aide
à la qualité des soins de ville (FAQSV), géré
par les unions régionales des caisses d’assu-
rance maladie (URCAM), a pourvu, pour trois
ans (jusque fin 2004) et pour 128 000 euros
par an, au démarrage de l’expérience et à son
fonctionnement (constitution, formations, dos-
siers, etc.). Ainsi, par exemple, les médecins
généralistes délégués sont indemnisés à hau-
teur de 55 euros “pour les actes hors soins,
c’est-à-dire pour les réunions de coordination
décentralisées, huit fois par an, dans les diffé-
rentes villes du département : Vaison-La-
Romaine, Orange-Bolène, Carpentras, Cavail-
lon, Apt et Avignon”, explique le Dr Didier Bry.
Les actes dérogatoires financeront, jusqu’à la
fin 2006, à hauteur de 100 000 euros par an,
les rémunérations forfaitaires des médecins
pour les bilans d’inclusion et de suivi trimes-
triel et pour les consultations des patients
pendant le premier mois, des psychologues
de ville pour leurs actes effectués pour les
patients du réseau, les dentistes pour la mise
en œuvre du forfait dentaire étendu, des phar-
maciens pour la délivrance, sans frais, des trai-
tements médicamenteux pendant le premier
mois et la dispense fractionnée des traitements
(buprénorphine haut dosage, méthadone, ben-
zodiazépines et autres psychotropes). La
même “cinquième enveloppe”, 50 000 euros
par an, est versée au Centre de soins spéciali-
sés en toxicomanie, l’AVAPT, pour faciliter
matériellement son insertion dans le réseau.
La caisse primaire d’assurance maladie du
Vaucluse, qui soutient aussi des réseaux de
santé sur le tabac, les soins palliatifs, la petite
enfance et Monclar (un quartier d’Avignon),
alloue une partie de ses locaux dans lesquels
un “espace professionnel de santé” s’est
ouvert, et Retox 84 prête un bureau à l’inté-
rieur de ses infrastructures, et notamment sa
plate-forme de réponse téléphonique pour la
mise en œuvre du numéro Azur. Celui-ci est
une permanence à la disposition des profes-
sionnels de la santé et du social, assurée tous
les jours ouvrables de 14 heures à 18 heures
par un médecin expert (0 820 849 841).
Les laboratoires Schering-Plough accor-
dent une dotation annuelle pour la forma-
tion thématique mensuelle “de base” des
membres du réseau (formations en soirée,
tous les mois), laquelle est complétée par
une formation approfondie en huit soirées
Retox 84, le réseau du Vaucluse
dans tous ses états
Patricia Depostis
Association de médecins et de pharmaciens de ville, constituée à la
fin de l’an 2000,
Retox 84
a mis en place un réseau de soins pour
la prise en charge des pathologies addictives (hors alcoolisme
exclusif) dans le département du Vaucluse. En peu de temps, il est
devenu un vrai réseau, dynamique, regroupant près de 110 profes-
sionnels, médecins généralistes, pharmaciens, psychologues,
psychiatres, dentistes. Bonne nouvelle : il vient tout juste de se voir
attribuer cette fameuse
“cinquième enveloppe” (dénommée mainte-
nant Dotation régionale des réseaux ou DRDR),
attendue par bien
d’autres réseaux de santé (diabète, personnes âgées, cancers, etc.),
contenant “les mesures dérogatoires” accordées par le ministère de
la Santé qui permet de faire vivre ces nouveaux dispositifs et
remplace la disposition “
Soubie”
. Le point avec le Dr Didier Bry*,
médecin coordinateur de
Retox 84
, généraliste, praticien hospitalier
à mi-temps à l’hôpital et permanent à mi-temps du réseau.
Et recette d’un réseau cuit à point.
* Médecin coordinateur Retox 84. 106, route
de Tarascon, immeuble Saint-Ruf II-bâtiment
A, 84000 Avignon.
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plus deux journées entières, les participants
libéraux étant indemnisés pour celles-ci ;
formation “allégée” par modules de quatre
soirées. Les autres caisses, Canam et Msa,
sont intégrées au système et “jouent le jeu”.
Enfin, il faut bien sûr que quelqu’un se
mette en cuisine et au fourneau : c’est une
dizaine de professionnels de santé très
actifs dans le département, avec leur per-
manent, le Dr Didier Bry, et une secrétaire
dynamique, Nadine, sans laquelle, se plai-
sent-ils toutes et tous à le reconnaître, le
soufflé ne monterait pas.
Bonjour, monsieur le médecin
généraliste délégué
Dans les réseaux de santé, le début de la
chaîne, “la porte d’entrée des patients dans
le réseau, dit le Dr Didier Bry, est le méde-
cin généraliste délégué”, celui par qui le
bilan initial arrive : “nous avons élaboré,
pour tous les patients du réseau, un dossier
spécifique composé de fiches de recueil
des éléments médicaux, sociaux et psycho-
logiques et des grilles pour les bilans
semestriels ultérieurs, explique le Dr
Didier Bry. À partir de ceux-ci, est élaboré
un Score évolutif sur 125 points (SET), qui
est l’un des instruments d’évaluation de
l’évolution de l’état des patients du réseau.
Le dossier comporte par ailleurs des fiches
de liaison pour les autres professionnels. À
terme, ce dossier de suivi devrait pouvoir
être télétransmis à la coordination, pour les
professionnels qui le souhaite, et après
accord des patients.” Ceux-ci reçoivent
d’ailleurs une carte navette pour se faire
suivre par les différents professionnels et
structures du réseau. “Le médecin généraliste
délégué joue, en effet, un rôle central en pro-
posant aux patients qui répondent aux critères
d’inclusion, une prise en charge en réseau,
seulement s’ils en sont d’accord bien entendu,
car certains ne souhaitent pas ce mode de suivi
et il faut respecter leurs choix !”, dit-il. Tous
les patients signent un consentement pour
entrer dans le réseau et reçoivent une lettre
d’information sur celui-ci, garantissant l’ano-
nymat. D’ailleurs, chaque professionnel signe,
lors de son adhésion, la charte élaborée par
Retox 84 (voir encadré). “Ce médecin
demande l’octroi immédiat de la dispense
d’avance de frais pharmaceutiques et médi-
caux, réalise le bilan d’inclusion, confirme
celle-ci, en accord avec la coordination, suit le
patient et l’oriente en fonction de ses besoins,
crée et tient à jour un dossier patient, répond
aux enquêtes de satisfaction…”, ajoute-t-il.
Mêmes obligations de travail en réseau et
d’utilisation des outils de celui-ci pour le phar-
macien, auxquelles s’ajoutent, éventuelle-
ment, la délivrance fractionnée des traitements
“qui peut s’étendre à tous les psychotropes,
l’information du médecin délégué en cas de
difficultés (problèmes d’ordonnance, de déli-
vrance, de comportements, etc.), et la partici-
pation à la prévention des risques (échanges
de seringues, de pailles, rapports sexuels non
protégés, etc.), ajoute-t-il. Quant aux psycho-
logues de ville, psychiatres et dentistes, ils
doivent remplir les engagements communs à
tous les autres professionnels de santé sans
oublier, pour ces derniers, d’informer le tra-
vailleur social”.
Des outils et des hommes
Le réseau, qui se définit essentiellement par
ses pratiques pluridisciplinaires, son absence
de hiérarchie et un “œcuménisme” profes-
sionnel maximum puisqu’il réunit les profes-
sionnels libéraux et salariés du secteur public
et privé, qu’il ne dissocie pas le médical et le
social, est avant tout une structure souple et de
proximité. Non seulement il est le garant de
“bonnes pratiques”, du respect d’une éthique
collective, mais encore, il élabore et met à la
disposition de ses membres des outils de
travail tels que la permanence téléphonique
(0 820 849 841, numéro Azur), des bro-
chures et des cycles de formation, un site
Internet et sa propre base documentaire en
ligne (http://www.retox84.org), les dossiers
de bilan et de suivi, des documents à destina-
tion des patients (lettre d’information). Bien
entendu, Retox 84 se soumet régulièrement à
une évaluation par une société extérieure.
Enfin, “une commission composée d’une
dizaine de professionnels ayant une grande
expérience de prise en charge des toxico-
manes en ville, va élaborer, au fil des mois,
des référentiels, sortes de guides de bonnes
pratiques, mais pensés au plus près de la réali-
té du terrain. Régulièrement, les médecins et
les pharmaciens du Vaucluse recevront ces
fiches et leurs mises à jour. Y seront abordées
les modalités de prise en charge et l’attitude à
adopter face à des situations particulières ou
complexes”, annonce encore le Dr Didier Bry.
Un fameux chantier qui n’est, heureuse-
ment, pas prêt d’être terminé…
La charte que les professionnels
du réseau de santé toxicomanie
du Vaucluse s’engagent à respecter
1) La personne usagère de drogue et/ou
dépendante de substances psychoactives, est
au centre des préoccupations des profession-
nels et doit pouvoir accéder à des soins de
qualité sans discrimination. Elle doit notam-
ment être respectée dans ses croyances, sa
culture, ses choix philosophiques et religieux,
sa sexualité et son choix de vie.
2) Toute personne qui est susceptible de
bénéficier du réseau Retox 84 doit être infor-
mée de l’existence de celui-ci. Une orienta-
tion au sein du réseau ne sera possible
qu’après information complète et accord du
patient. Le réseau doit garantir la confiden-
tialité des éléments le concernant. La trans-
mission des données, qu’elles soient ano-
nymes ou non, nécessite l’accord du patient.
3) Le patient est libre de ses choix. Il peut
notamment refuser de bénéficier du travail
en réseau. Par ailleurs, le réseau n’a pas
pour objet d’imposer un parcours spéci-
fique et le professionnel s’engage à élabo-
rer un projet de soins individualisé.
4) La situation administrative d’un patient
ne peut être prétexte à un refus de prise
en charge. Les professionnels du réseau
Retox 84 doivent favoriser l’ouverture des
droits du patient, l’obtention d’une prise en
charge à 100 % des soins en tiers payant.
5) Les professionnels s’engagent à suivre
les règles de bonnes pratiques, notam-
ment celles élaborées et diffusées par le
réseau Retox 84. En cas de nécessité, ils
s’engagent à contacter la permanence
téléphonique et à en discuter lors des
réunions de coordination.
6) Les professionnels s’engagent à favori-
ser la continuité des soins, tout particuliè-
rement lors de leurs congés ou en cas de
changement de domicile du patient :
recherche de professionnels-relais, com-
munication des traitements en cours et des
modalités de délivrance, etc.
7) Les professionnels s’engagent à participer,
dans la mesure du possible, aux réunions de
coordination et aux formations proposées
par le réseau.
8) Les professionnels s’engagent à remplir les
documents demandés par la coordination de
Retox 84 : bilans initial et de suivi semestriel
des patients, évaluation de satisfaction, etc.
Retox 84 : 106, route de Tarascon. Immeuble
Saint-Ruf, II-BT A, 84000 Avignon. http://www.
retox84.org– r[email protected]g– Perma-
nence télépho
nique (14 h 00 à 18 h 00, jours
ouvrables). N° Azur : 0 820 849 841.
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