ue r En p a tiq q p i r n t a E ue Retox 84, le réseau du Vaucluse dans tous ses états Patricia Depostis Association de médecins et de pharmaciens de ville, constituée à la fin de l’an 2000, Retox 84 a mis en place un réseau de soins pour la prise en charge des pathologies addictives (hors alcoolisme exclusif) dans le département du Vaucluse. En peu de temps, il est devenu un vrai réseau, dynamique, regroupant près de 110 professionnels, médecins généralistes, pharmaciens, psychologues, psychiatres, dentistes. Bonne nouvelle : il vient tout juste de se voir attribuer cette fameuse “cinquième enveloppe” (dénommée maintenant Dotation régionale des réseaux ou DRDR), attendue par bien d’autres réseaux de santé (diabète, personnes âgées, cancers, etc.), contenant “les mesures dérogatoires” accordées par le ministère de la Santé qui permet de faire vivre ces nouveaux dispositifs et remplace la disposition “Soubie”. Le point avec le Dr Didier Bry*, médecin coordinateur de Retox 84, généraliste, praticien hospitalier à mi-temps à l’hôpital et permanent à mi-temps du réseau. Et recette d’un réseau cuit à point. Prendre une caisse primaire d’assurance maladie qui “se bouge”, convaincue de sa mission de santé publique et une “bande” de médecins “agitateurs d’idées” depuis vingt ans, pionniers infatigables de la formation permanente, de la prévention, de la prise en charge des malades du sida (association Cap Espoir), des exclus… Ajouter le centre de soins spécialisés en toxicomanie, AVAPT SOS DI, des structures hospitalières coopérantes (hôpitaux généraux et Elsa, ou équipe de liaison en addictologie de l’hôpital), des associations sociales et médico-sociales toujours prêtes à se mobiliser (centre de cure ambulatoire en alcoologie, AIDES, centres d’hébergement et de réinsertion sociale, réseau toxicomanie, alcool, hépatite C Novasanté du Nord Vaucluse) et les assistantes sociales du département. Ne pas oublier l’Ordre des médecins qui laisse aller de l’avant cette expérience, et cela depuis la mise en place des traitements de * Médecin coordinateur Retox 84. 106, route de Tarascon, immeuble Saint-Ruf II-bâtiment A, 84000 Avignon. substitution. Faire monter la préparation avec tous les professionnels de santé, de ville en première ligne, mais aussi des différentes structures de soins, l’unité coordonnée de soins ambulatoires (UCSA) en prison et le centre médico-psychologique GuillaumeBroutet compris. Relever avec quelques piments d’Espelette, pour réveiller les structures spécialisées de prise en charge des toxicomanes – le conflit est souvent (re)constructeur –, et la recette est bouclée : vous avez un réseau spécialisé en toxicomanie. Aujourd’hui, à peu près 10 % des pharmaciens (une quarantaine) et 5 % (43) des médecins généralistes du département ont adhéré à Retox 84, avant la toute nouvelle attribution des mesures dérogatoires. Le feu de la cuisson Reste, bien sûr, à enfourner le plat et à allumer le “feu” de la cuisson : en d’autres termes, à disposer de financements. Le Fonds d’aide à la qualité des soins de ville (FAQSV), géré par les unions régionales des caisses d’assu- Le Courrier des addictions (5), n° 4, octobre-novembre-décembre 2003 166 rance maladie (URCAM), a pourvu, pour trois ans (jusque fin 2004) et pour 128 000 euros par an, au démarrage de l’expérience et à son fonctionnement (constitution, formations, dossiers, etc.). Ainsi, par exemple, les médecins généralistes délégués sont indemnisés à hauteur de 55 euros “pour les actes hors soins, c’est-à-dire pour les réunions de coordination décentralisées, huit fois par an, dans les différentes villes du département : Vaison-LaRomaine, Orange-Bolène, Carpentras, Cavaillon, Apt et Avignon”, explique le Dr Didier Bry. Les actes dérogatoires financeront, jusqu’à la fin 2006, à hauteur de 100 000 euros par an, les rémunérations forfaitaires des médecins pour les bilans d’inclusion et de suivi trimestriel et pour les consultations des patients pendant le premier mois, des psychologues de ville pour leurs actes effectués pour les patients du réseau, les dentistes pour la mise en œuvre du forfait dentaire étendu, des pharmaciens pour la délivrance, sans frais, des traitements médicamenteux pendant le premier mois et la dispense fractionnée des traitements (buprénorphine haut dosage, méthadone, benzodiazépines et autres psychotropes). La même “cinquième enveloppe”, 50 000 euros par an, est versée au Centre de soins spécialisés en toxicomanie, l’AVAPT, pour faciliter matériellement son insertion dans le réseau. La caisse primaire d’assurance maladie du Vaucluse, qui soutient aussi des réseaux de santé sur le tabac, les soins palliatifs, la petite enfance et Monclar (un quartier d’Avignon), alloue une partie de ses locaux dans lesquels un “espace professionnel de santé” s’est ouvert, et Retox 84 prête un bureau à l’intérieur de ses infrastructures, et notamment sa plate-forme de réponse téléphonique pour la mise en œuvre du numéro Azur. Celui-ci est une permanence à la disposition des professionnels de la santé et du social, assurée tous les jours ouvrables de 14 heures à 18 heures par un médecin expert (0 820 849 841). Les laboratoires Schering-Plough accordent une dotation annuelle pour la formation thématique mensuelle “de base” des membres du réseau (formations en soirée, tous les mois), laquelle est complétée par une formation approfondie en huit soirées ue r En p a tiq En pr a t iq ue plus deux journées entières, les participants libéraux étant indemnisés pour celles-ci ; formation “allégée” par modules de quatre soirées. Les autres caisses, Canam et Msa, sont intégrées au système et “jouent le jeu”. Enfin, il faut bien sûr que quelqu’un se mette en cuisine et au fourneau : c’est une dizaine de professionnels de santé très actifs dans le département, avec leur permanent, le Dr Didier Bry, et une secrétaire dynamique, Nadine, sans laquelle, se plaisent-ils toutes et tous à le reconnaître, le soufflé ne monterait pas. Bonjour, monsieur le médecin généraliste délégué Dans les réseaux de santé, le début de la chaîne, “la porte d’entrée des patients dans le réseau, dit le Dr Didier Bry, est le médecin généraliste délégué”, celui par qui le bilan initial arrive : “nous avons élaboré, pour tous les patients du réseau, un dossier spécifique composé de fiches de recueil des éléments médicaux, sociaux et psychologiques et des grilles pour les bilans semestriels ultérieurs, explique le Dr Didier Bry. À partir de ceux-ci, est élaboré un Score évolutif sur 125 points (SET), qui est l’un des instruments d’évaluation de l’évolution de l’état des patients du réseau. Le dossier comporte par ailleurs des fiches de liaison pour les autres professionnels. À terme, ce dossier de suivi devrait pouvoir être télétransmis à la coordination, pour les professionnels qui le souhaite, et après accord des patients.” Ceux-ci reçoivent d’ailleurs une carte navette pour se faire suivre par les différents professionnels et structures du réseau. “Le médecin généraliste délégué joue, en effet, un rôle central en proposant aux patients qui répondent aux critères d’inclusion, une prise en charge en réseau, seulement s’ils en sont d’accord bien entendu, car certains ne souhaitent pas ce mode de suivi et il faut respecter leurs choix !”, dit-il. Tous les patients signent un consentement pour entrer dans le réseau et reçoivent une lettre d’information sur celui-ci, garantissant l’anonymat. D’ailleurs, chaque professionnel signe, lors de son adhésion, la charte élaborée par Retox 84 (voir encadré). “Ce médecin demande l’octroi immédiat de la dispense d’avance de frais pharmaceutiques et médicaux, réalise le bilan d’inclusion, confirme celle-ci, en accord avec la coordination, suit le patient et l’oriente en fonction de ses besoins, crée et tient à jour un dossier patient, répond aux enquêtes de satisfaction…”, ajoute-t-il. Mêmes obligations de travail en réseau et d’utilisation des outils de celui-ci pour le pharmacien, auxquelles s’ajoutent, éventuellement, la délivrance fractionnée des traitements “qui peut s’étendre à tous les psychotropes, l’information du médecin délégué en cas de difficultés (problèmes d’ordonnance, de délivrance, de comportements, etc.), et la participation à la prévention des risques (échanges de seringues, de pailles, rapports sexuels non protégés, etc.), ajoute-t-il. Quant aux psychologues de ville, psychiatres et dentistes, ils doivent remplir les engagements communs à tous les autres professionnels de santé sans oublier, pour ces derniers, d’informer le travailleur social”. Des outils et des hommes Le réseau, qui se définit essentiellement par ses pratiques pluridisciplinaires, son absence de hiérarchie et un “œcuménisme” professionnel maximum puisqu’il réunit les professionnels libéraux et salariés du secteur public et privé, qu’il ne dissocie pas le médical et le social, est avant tout une structure souple et de proximité. Non seulement il est le garant de “bonnes pratiques”, du respect d’une éthique collective, mais encore, il élabore et met à la disposition de ses membres des outils de travail tels que la permanence téléphonique (0 820 849 841, numéro Azur), des brochures et des cycles de formation, un site Internet et sa propre base documentaire en ligne (http://www.retox84.org), les dossiers de bilan et de suivi, des documents à destination des patients (lettre d’information). Bien entendu, Retox 84 se soumet régulièrement à une évaluation par une société extérieure. Enfin, “une commission composée d’une dizaine de professionnels ayant une grande expérience de prise en charge des toxicomanes en ville, va élaborer, au fil des mois, des référentiels, sortes de guides de bonnes pratiques, mais pensés au plus près de la réalité du terrain. Régulièrement, les médecins et les pharmaciens du Vaucluse recevront ces fiches et leurs mises à jour. Y seront abordées les modalités de prise en charge et l’attitude à adopter face à des situations particulières ou complexes”, annonce encore le Dr Didier Bry. Un fameux chantier qui n’est, heureusement, pas prêt d’être terminé… 167 La charte que les professionnels du réseau de santé toxicomanie du Vaucluse s’engagent à respecter 1) La personne usagère de drogue et/ou dépendante de substances psychoactives, est au centre des préoccupations des professionnels et doit pouvoir accéder à des soins de qualité sans discrimination. Elle doit notamment être respectée dans ses croyances, sa culture, ses choix philosophiques et religieux, sa sexualité et son choix de vie. 2) Toute personne qui est susceptible de bénéficier du réseau Retox 84 doit être informée de l’existence de celui-ci. Une orientation au sein du réseau ne sera possible qu’après information complète et accord du patient. Le réseau doit garantir la confidentialité des éléments le concernant. La transmission des données, qu’elles soient anonymes ou non, nécessite l’accord du patient. 3) Le patient est libre de ses choix. Il peut notamment refuser de bénéficier du travail en réseau. Par ailleurs, le réseau n’a pas pour objet d’imposer un parcours spécifique et le professionnel s’engage à élaborer un projet de soins individualisé. 4) La situation administrative d’un patient ne peut être prétexte à un refus de prise en charge. Les professionnels du réseau Retox 84 doivent favoriser l’ouverture des droits du patient, l’obtention d’une prise en charge à 100 % des soins en tiers payant. 5) Les professionnels s’engagent à suivre les règles de bonnes pratiques, notamment celles élaborées et diffusées par le réseau Retox 84. En cas de nécessité, ils s’engagent à contacter la permanence téléphonique et à en discuter lors des réunions de coordination. 6) Les professionnels s’engagent à favoriser la continuité des soins, tout particulièrement lors de leurs congés ou en cas de changement de domicile du patient : recherche de professionnels-relais, communication des traitements en cours et des modalités de délivrance, etc. 7) Les professionnels s’engagent à participer, dans la mesure du possible, aux réunions de coordination et aux formations proposées par le réseau. 8) Les professionnels s’engagent à remplir les documents demandés par la coordination de Retox 84 : bilans initial et de suivi semestriel des patients, évaluation de satisfaction, etc. Retox 84 : 106, route de Tarascon. Immeuble Saint-Ruf, II-BT A, 84000 Avignon. http://www. retox84.org – [email protected] – Permanence téléphonique (14 h 00 à 18 h 00, jours ouvrables). N° Azur : 0 820 849 841.