extraits - Enseignement français au maroc

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• Vers l'indépendance
• Le plan de Réformes marocaines, 1934 (extraits)
• Proclamation de "loyalisme" du sultan Mohammed Ben Youssef, 3 septembre 1939 (extraits)
• L'entrevue d'Anfa, 1943
• Témoignage d'Elliot Roosevelt sur l’entrevue d’Anfa, 22 janvier 1943 (extraits)
• Témoignage de Hassan II sur l’entrevue d’Anfa, 22 janvier 1943 (extraits)
• Manifeste de l'Istiqlal, 11 janvier 1944
• Discours de Tanger du sultan Mohammed Ben Youssef, 10 avril 1947 (extraits)
• Note du sultan Mohammed Ben Youssef au président de la République française relative au
problème des réformes, octobre 1952
• Casablanca, 1953
• Tract du parti de l'Istiqlal (traduit de l'arabe), 17 novembre 1953
• L' organisation de la résistance urbaine à Kénitra (1953-1954)
• Tract de l’organisation “Présence française”
• Interrogatoire de l’accusé Salah Rachidi au procés de la “Main noire” ( 2 juin - 5 juillet 1954)
(extraits)
• Déclaration commune franco-marocaine du 6 novembre 1955
• Déclaration commune franco-marocaine de reconnaissance de l’indépendance du Maroc, 2 mars
1956
Le plan de Réformes marocaines, 1934 (extraits)
Le plan de réformes marocaines présente les revendications du premier parti politique
marocain, le Comité d'Action Marocaine, qui milite pour que soient pris en compte les
intérêts des Marocains. Ces revendications sont déconsidérées par l'autorité coloniale qui
assimile les jeunes nationalistes à des agitateurs d'idées sans réelle audience.
(...)
Vingt- deux ans se sont écoulés depuis la signature du traité de protectorat. Il y a donc lieu de nous
demander où nous en sommes quant à la réalisation de nos espérances fondamentales. (...)
Il est vrai que la paix règne finalement sur l'étendue de l'Empire. Les Marocains en éprouvent une
satisfaction que peut troubler seul le souvenir d'évènements douloureux et de l'effusion de sang qui les a
caractérisés. (...)
Il n'en est pas moins vrai que le Maroc a accompli une oeuvre importante d'équipement matériel moderne
: routes, voies ferrées, édifices administratifs, etc. Les Marocains reconnaissent les efforts du protectorat
dans ce domaine. Mais ils lui font grief d'avoir manqué de mesure dans l'établissement du programme
d'équipement, pratiqué une fiscalité excessive et recouru souvent à une folle politique d'emprunts ruineux
pour l'Etat et la nation.
Les Marocains reconnaissent dans ce système d'administration une politique de privilèges et de race qui
est la cause fondamentale qui leur a valu de voir négliger leur évolution en même temps que le Protectorat
travaillait pour assurer à la colonie européenne toutes les possibilités de développement et de prospérité.
(...).
Au cours de l'étude de ce cahier de revendications, notre Comité a constaté qu'une partie des réformes
auxquelles aspire le peuple marocain, fait l'objet d'une législation dont on limite l'application à la colonie
européenne. Dans ce domaine, il demande l'extension du bénéfice à la population marocaine sous réserve,
bien entendu, de la rendre conforme aux chapitres de ce plan relatifs y relatifs : c'est le cas notamment des
dahirs sur le travail, l'Etat civil, les libertés individuelles, etc...(...)
Comité d'Action Marocaine, Plan de réformes marocaines, élaboré et présenté à S.M. le Sultan, au
Gouvernement de la République française et à la Résidence Générale au Maroc, Edition française, 1934
Proclamation de “ loyalisme ” du Sultan Mohammed ben
Youssef, 3 septembre 1939 (extraits)
Cet appel, diffusé dans les mosquées du royaume, est considéré comme le point de départ et la
caution de l'engagement des troupes marocaines dans la Seconde guerre mondiale.
La fidélité du souverain à la métropole dans l'épreuve contribue à maintenir intact l'image de la
France dans le protectorat.
La France prend aujourd’hui les armes pour défendre son sol, son honneur, sa dignité, son avenir et le
nôtre. Nous devons être nous-mêmes fidèles aux principes de l’honneur de notre race, de notre histoire et
de notre religion.
A partir de ce jour et jusqu’à ce que l’étendard de la France et de ses alliés soit couronné de gloire, nous
lui devons concours sans réserve, sans lui marchander aucune de ses ressources et sans reculer devant
aucun sacrifice. Nous étions liés à elle dans le temps de la tranquillité et de l’opulence. Il est juste que
nous soyons à ses côtés dans l’épreuve qu’elle traverse et d’où elle sortira, nous en sommes convaincus,
glorieuse et grandie.
Cité par E. Sablier, De Gaulle et le Maroc, 1990
L'entrevue d'Anfa, 1943
L'échange de propos entre le sultan Mohammed Ben Youssef et le président américain
Roosevelt, à Anfa, rapporté ici de mémoire par leur fils respectif, est une date importante de la
décolonisation marocaine. Quelques mois après le débarquement des troupes américaines dans
le pays, les positions anti-colonialistes du président des Etats-Unis permettent en effet au
souverain marocain d'envisager l'avenir du Maroc en dehors de la tutelle française.
Témoignage d'Elliot Roosevelt sur l'entrevue d'Anfa, 22
janvier 1943
(extraits)
"Ce soir-là, le Sultan était notre hôte. Il vint accompagné de son jeune fils, l'héritier présomptif, et suivi de
son grand vizir et de son chef de protocole. Le dîner commença. Mon père avait à sa droite le Sultan et à
sa gauche Churchill.
Mon père et le Sultan s'entretenaient avec animation de la richesse des ressources naturelles du Maroc et
des vastes possibilités de développement qui s'offraient à ce pays. Ils prenaient l'un et l'autre un grand
plaisir à cette conversation ...
Le Sultan, renouant le fil de la conversation, posa la question de savoir quelle conséquence on devait tirer
du conseil de mon père, en ce qui concernait le futur gouvernement français.
Mon père, jouant avec sa fourchette, fit observer gaiement que la situation, surtout en matière coloniale,
changerait radicalement après la guerre ... Churchill toussa, essayant de faire prendre un autre tour à la
conversation. Mais le Sultan s'adressa à mon père et lui demanda ce qu'il entendait par "changement
radical". Mon père fit une remarque sur les rapports que les financiers français et britanniques
entretenaient avant la guerre, et sur leurs sociétés qui se renouvelaient automatiquement et dont le but était
de drainer les richesses des colonies. Il parla aussi de la possibilité de découvrir au Maroc des gisements
pétrolifères.
Le Sultan s'empara de cette question avec ardeur, se déclara partisan de l'exploitation de toutes les
ressources naturelles et ajouta que les revenus qu'elles produisaient ne devaient pas quitter le pays. Puis il
secoua tristement la tête. Il regrettait qu'il y eut si peu de savants et d'ingénieurs parmi ses compatriotes et
que, par conséquent, fissent défaut les techniciens capables d'accomplir sans aucune aide de telles
réalisations.
Churchill s'agita sur sa chaise. Il paraissait gêné.
Mon père insinua discrètement qu'on pourrait former au Maroc des ingénieurs et des savants, grâce à un
programme d'échanges universitaires avec les États-Unis, par exemple.
Le Sultan fit un signe approbateur de la tête.
Mon père continua à développer son idée tout en jouant avec son verre à eau. Il dit que le Sultan pourrait
facilement demander le concours des firmes commerciales américaines qui, moyennant des sommes
forfaitaires ou des pourcentages, l'aideraient à réaliser un programme d'exploitation. Une telle
combinaison, souligna-t-il, aurait l'avantage de permettre au gouvernement souverain du Maroc de
contrôler dans une large mesure les ressources du pays, de bénéficier d'une grande partie des revenus
assurés par ces ressources et de prendre tôt ou tard en main l'économie du pays.
Churchill grogna et affecta de ne pas écouter la conversation.
Ce fut un dîner tout à fait charmant. Tous les convives, à l'exception d'un seul, passèrent une heure très
agréable. Comme nous sortions de table, le Sultan assura mon père que, dès que la guerre serait terminée,
il ferait appel à l'aide des États-Unis pour donner à son pays un plein essor. Tandis qu'il parlait, Ses yeux
brillaient de joie.
Un nouvel avenir pour mon pays, dit-il."
E. Roosevelt, Mon père m'a dit, 1947
Témoignage de Hassan II sur l'entrevue d'Anfa, 22 janvier 1943
(extraits)
"(...) Lorsque nous sortîmes de table, un certain nombre de convives prirent congé, dont le général
Noguès. Le président américain ne le retint pas et nous pria de rester. Nous nous trouvâmes donc réunis,
F.D. Roosevelt, Winston Churchill, Robert Murphy, mon père et moi.
Après quelques considérations d'ordre général, la conversation se poursuivit bientôt sous la forme d'un
dialogue entre le président et mon père. Si Maâmri traduisait immédiatement les propos des deux
interlocuteurs. En fait, le président américain déclara que le système colonial était périmé, à son avis
condamné. Winston Churchill affirma d'abord qu'un tel point de vue devait être beaucoup plus nuancé et
que, du reste, après la conquête de l'Algérie par la France, la Grande-Bretagne s'était faite, durant un
demi-siècle, " la gardienne de l'intégrité de l'empire chérifien" . Il essaya de " noyer le poisson" comme
on dit.
F.D. Roosevelt remarqua aussitôt que nous étions ni en 1830, ni en 1912. Il évoqua le jour, qu'il souhaitait
très proche, où, les hostilités ayant pris fin, le Maroc accéderait librement à l'indépendance, selon les
principes de la Charte de l'Atlantique. Après la guerre, insista-t-il, la réorganisation politico-économique
des sociétés humaines deviendrait une nécessité. Non seulement les États-Unis ne mettraient aucun
obstacle à l'indépendance marocaine, mais, affirma-t-il, cette indépendance serait favorisée par une aide
économique convenable."
Hassan II, Le Défi, pp. 32-34, 1976
Manifeste de l'Istiqlal, 11 janvier 1944
En décembre 1943, est fondé le parti de l'Istiqlal (indépendance). Son manifeste, rendu public le
mois suivant, montre la détermination du mouvement national marocain et marque les débuts de
l'histoire du hizb qui traverse la deuxième moitié du vingtième siècle marocain.
Le parti de l'Istiqlal (Parti de l'Indépendance) qui englobe les membres de l'ex-Parti National et des
personnalités indépendantes.
1 - Considérant que le Maroc a toujours constitué un État libre et souverain et qu'il a conservé son
indépendance pendant treize siècles jusqu'au moment où, dans des circonstances particulières, un régime
de protectorat lui a été imposé.
2 - Considérant que ce régime avait pour fins et pour raison d'être de doter le Maroc d'un ensemble de
réformes administratives, judiciaires, culturelles, économiques, financières et militaires, sans toucher à la
souveraineté traditionnelle du Peuple Marocain sous l'égide de son Roi ;
3 - Considérant qu'à ce régime, les autorités du protectorat ont substitué un régime d'administration directe
et d'arbitraire au profit de la colonie française, dont un fonctionnariat pléthorique et en grande partie
superflu, et qu'elles n'ont pas tenté de concilier les divers intérêts en présence ;
4 - Considérant que c'est grâce à ce système que la colonie française a pu accaparer tous les pouvoirs et se
rendre maîtresse des ressources vives du pays au détriment des autochtones ;
5 - Considérant que le régime ainsi établi a tenté de briser par des moyens divers, l'unité du Peuple
Marocain, a empêché les Marocains de participer de façon effective au Gouvernement de leur pays et les a
privés de toutes les libertés publiques individuelles ;
6 - Considérant que le monde traverse actuellement des circonstances autres que celles dans lesquelles le
protectorat a été institué ;
7 - Considérant que le Maroc a participé de façon effective aux guerres mondiales aux côtés des Alliés,
que ses troupes viennent d'accomplir des exploits qui ont suscité l'admiration de tous, aussi bien en France
qu'en Tunisie, en Corse, en Sicile et en Italie et qu'on attend d'elles une participation plus étendue sur
d'autres champs de bataille, notamment pour aider à la libération de la France ;
8 - Considérant que les Alliés qui versent leur sang pour la cause de la liberté ont reconnu dans la Charte
de l'Atlantique le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et qu'ils ont récemment, à la Conférence de
Téhéran, proclamé leur réprobation de la doctrine qui prétend que le fort doit dominer le faible ;
9 - Considérant que les Alliés ont manifesté à différentes reprises leur sympathie à l'égard des Peuples
Musulmans et qu'ils ont accordé l'indépendance à des peuples dont le patrimoine historique est moins
riche que le nôtre et dont le degré de civilisation est d'un niveau inférieur à celui du Maroc.
10 - Considérant enfin que le Maroc constitue une unité homogène, qui sous la haute direction de son
souverain prend conscience de ses droits et de ses devoirs, tant dans le domaine interne que dans le
domaine international et sait apprécier les bienfaits des libertés démocratiques qui sont conformes aux
principes de notre religion et qui ont servi de fondement à la constitution de tous les pays musulmans ;
Décide :
A - En ce qui concerne la politique générale :
1 - De demander l'indépendance du Maroc dans son intégrité territoriale sous l'égide de Sa Majesté
Mohamed Ben Youssef, que Dieu le glorifie !
2 - De solliciter de Sa Majesté d'entreprendre avec les nations intéressées des négociations ayant pour
objet la reconnaissance et la garantie de cette indépendance, ainsi que la détermination dans le cadre de la
souveraineté nationale, des intérêts légitimes des étrangers résidant au Maroc ;
3 - De demander l'adhésion du Maroc à la Charte de Atlantique et sa participation à la Conférence de la
Paix
B - En ce qui concerne la politique intérieure :
4 - De solliciter de Sa Majesté de prendre sous sa haute direction le mouvement de réforme qui s'impose
pour assurer la bonne marche du pays, de laisser à Sa Majesté le soin d'établir un régime démocratique
comparable au régime de gouvernement adopté par les pays musulmans d'Orient, garantissant les droits de
tous les éléments et de toutes les classes de la société marocaine et définissant les devoirs de chacun.
Fait à Rabat, le 14 Moharrem 1363 (11 janvier 1944)
Pour toutes les sections du Parti de l'Istiqlal ans toutes les régions du Maroc.
Signé : 59 signatures
Discours de Tanger du sultan Mohammed Ben Youssef, le 10 avril
1947 (extraits)
Trois années après le manifeste de l'Istiqlal, ce discours signe le rapprochement entre les
positions du sultan et celles des nationalistes dans un lieu symbolique, Tanger, ville marocaine
sous administration internationale. Il coupe court, aussi, aux tentatives de réformes du
protectorat engagées après guerre sous l'égide du Résident général Eirik Labonne.
(...) Séparés de nos frères, éloignés de nos propres foyers que nous ne pouvons regagner par nulle voie,
nous avons perdu, par l’inconscience, les plus sacrés de nos droits : l’unité de notre pays déchirée par les
fautes successives que nous avons commises à son égard. Et nous poursuivrons ainsi le triste cours de
notre malheureuse vie, séparés en faibles tronçons sur tous les domaines d’action.
La Providence nous a heureusement inspirés dans la mansuétude de sa miséricorde et nous a guidés dans
la bonne voie du salut en nous élevant à la dignité de Souverain de ce pays.
Nous avons déployé tous nos moyens pour réparer nos fautes et porter remède à nos malheurs. Nous nous
sommes efforcés de montrer les moyens de parvenir au bonheur présent et futur sans jamais nous écarter
des principes de notre sainte religion qui a regroupé les coeurs de tous les Musulmans et les a fait battre à
l’unisson, qui a poussé les peuples arabes et musulmans à s’aider et à se secourir mutuellement si bien que
les bases de cette ligue qui a renforcé les liens entre tous les Arabes en Orient qu’en Occident, d’unifier
leur voie et de marcher vers le progrès moral, la grandeur de l’Islam et la gloire arabe.
Nous nous sommes imposés la tâche de regagner notre gloire passée en guidant les âmes, en réconfortant
les coeurs, en développant l’intelligence, en éclairant les esprits.
Persuadés qu’il n’y a d'évolution possible pour notre peuple que dans les moyens qui ont contribué à celle
de nos glorieux ancêtres, nous avons pris pour but le développement de l’instruction dans ses branches
anciennes aussi bien que nouvelles (...) : les premières pour éclairer les âmes de la lumière de la foi et du
flambeau de la morale, les dernières pour faciliter l'évolution et l'accession aux moyens de lutter pour
l'exercice (...).
Nous veillons par la grâce divine et par l’effet de sa bonté, à l’intégrité du pays, nous travaillons à la
garantie de son brillant et glorieux avenir, et nous allons à la réalisation de cet espoir qui fera revivre le
coeur de chaque marocain.
(...) Le Maroc, comme vous le savez, a pris une part active dans la dernière guerre par ses fils et par tous
les moyens dont il disposait jusqu’à la victoire finale. Aujourd’hui que tous les peuples réclament les
droits compatibles avec les temps modernes, il est juste que le peuple marocain obtienne ses droits
légitimes et voir se réaliser nos aspirations.
Le Maroc désire ardemment acquérir ses droits entiers.
Il va sans dire que le Maroc, étant un pays attaché par des liens solides aux pays arabes d’Orient, désire
naturellement que ces liens se raffermissent de plus en plus, surtout depuis que le ligue arabe est devenue
un organisme important qui joue un grand rôle dans la politique mondiale.
Le peuple qui s’éveille enfin, prend conscience de ses droits et suit le chemin le plus efficace pour
reprendre son rang parmi les peuples.
Mais, s'il est vrai que c’est en se désintéressant de ses droits qu’on les perd, il n’en est pas moins certain
que les droits légitimes sont toujours obtenus lorsqu’ils sont recherchés dans les voies de la légalité.
Les droits légitimes du peuple marocain ne peuvent se perdre et ne perdront jamais.
Les pays arabes ne forment qu’une seule nation : que ce soit à Tanger ou à Damas, cela ne fait qu’une.
J’éprouve beaucoup d’estime et de respect pour les services rendus par la République Américaine aux
pays arabes et notamment pour sa participation à la délivrance de l’oppression.
Le Maroc tient à avoir, dans l’avenir, des relations cordiales avec tous les pays qui ont défendu la liberté,
qui continuent à défendre sa cause.
(La phrase qui suit, rendant hommage à la France, a volontairement été omise par le sultan lors de son
allocution publique)
Jetez un regard sur le monde civilisé, inspirez-vous de ses sciences et suivez la voie déjà tracée par des
hommes qui ont formé la civilisation moderne en faisant appel pour y parvenir aux savant et techniciens
des pays amis et en particulier aux Français épris de cette liberté qui a conduit le pays vers la prospérité
et le progrès”.
Note du sultan Mohammed Ben Youssef au président de la République
française relative au problème des réformes, octobre 1952
Entre le sultan et la Résidence générale dirigée successivement par le Maréchal Juin (mai 1947 octobre 1951) puis le Général Guillaume (octobre 1951-juin 1954), le dialogue est rompu. Le sultan
choisit donc de s'adresser directement à Paris pour trouver un règlement au conflit francomarocain.
Ou la France accepte la révision du traité de Fès, et dans ce cas je suis prêt à prendre toutes ses
suggestions réformatrices en considération, ou elle se cramponne au traité de 1912, mais alors toutes les
réformes qui ne sont pas compatibles avec le traité de 1912 doivent être écartées a priori et je demande à
la Résidence d’en revenir à la stricte observation de nos conventions de base, ce qui implique le
démantèlement des pratiques arbitraires qui ont été greffées sur le traité. Non seulement la Résidence
poursuit la réalisation de réformes incompatibles avec le régime existant, mais elle aggrave
considérablement ma position en m’obligeant à les accepter en bloc, ce qui me prive de toute marge de
négociations. La réforme municipale tend au partage de la souveraineté marocaine puisqu’elle vise à
conférer des droits électoraux à des étrangers. La création de conseils gouvernementaux franco-marocains
du type Conseil des Vizirs et des Directeurs n’offense pas moins le traité puisqu’elle tend à conférer un
caractère mixte à l’Administration du pays. Toute réalisation d’une réforme non expressément prévue par
le traité le viole par le fait même que l’énumération des arrangements politiques dont il consacre la
possibilité est limitative. La France veut la démocratisation du Maroc ? Je la veux aussi. Mais le traité du
protectorat n’a pas institué, dans ce pays, un régime démocratique et seul un changement de régime
permettra la démocratisation du Maroc par la création d’assemblées représentatives dotées de pouvoirs de
délibération et de décision. Je cède d’ailleurs chaque fois que je puis le faire sans abandonner l’essentiel.
J’ai signé le Dahir instituant des djemaas élues dans les campagnes? La question est réglée puisque des
djemaas ont été créées dans diverses régions. Si les choses n’avancent pas plus vite, c’est que la
Résidence n’a pas encore jugé bon de soumettre au grand vizir le projet d’arrêté viziriel qui doit définir la
procédure et les garanties électorales requises. Je cède quand je le puis, mais la Résidence reste sur toutes
ses positions. Je lui ai demandé la levée de l’état de siège. Ma requête a été repoussée. La Résidence sait
que depuis l’arrivée à Rabat du général Guillaume, le Palais a fait tout ce qui était en son pouvoir pour
éviter d’envenimer le débat. Il l’a fait dans l’espoir de voire réaliser la promesse faite antérieurement par
Robert Schuman à l’O.N.U. d’ouvrir avec le Maroc des négociations pour la solution du problème
marocain. Cet engagement n’a, jusqu’à présent, été d’aucun effet. On me reproche mon immobilisme. Il
n’y a à proprement parler d’immobilisme que du côté français. Je ne m’oppose, en réalité, qu’à ce qui
aurait pour effet d’aggraver le statu quo, car c’est cela qu’on veut au fond. Que l’on révise ou que l’on ne
révise pas le traité de Fès, mais que l’on s’en tienne à la politique que l’on aura choisie. Si la Résidence ne
veut pas modifier le traité, je ne lui demande qu’une chose, c’est de le respecter, mais je décline d’avance
la responsabilité de ce qui va se passer au Maroc si l’on ne comprend pas que les jours de la colonisation
sont comptés.”
Mohamed Ben Youssef
(Substance de la note du 3 octobre 1952
au Président de la République Française),
cité dans S. Bernard, le Conflit franco-marocain,
1943 - 1956, Bruxelles, 1964
Casablanca, 1953
Ce sont les évènements de décembre 1952 - grève générale pour protester contre l'assassinat à
Tunis du syndicaliste Ferhat Hached qui dégénère et est durement réprimée - qui mettent la
grande métropole marocaine, pôle économique du protectorat, sur le devant de la scène. Ceux qui
s'y intéressent découvrent alors une société coloniale d'une modernité tapageuse source de fortes
tensions.
(....) Dar-el-Beïda (Casablanca) m'a fait penser à ces villes du Sud des États-Unis qui se sont brusquement
développées et industrialisées à la faveur de la dernière guerre. On se croirait à Houston (Texas) ou à
Mobile (Alabama). Des gratte-ciel surgissent de terre, au milieu de terrains vagues. Partout des chantiers
et des édifices flambant neuf. Les voitures américaines se pressent dans des artères déjà trop étroites. Le
style U.S.A. s'affirme dans les salles de cinéma, les "quick bars", les suaves salons des glaciers. Et pour
compléter la ressemblance, les hommes américains sont là eux aussi. Les gigantesques bases aériennes de
Nouaceur et de Sidi-Slimane (oeuvre cyclopéenne, où toute la pierre du Maroc est devenue béton)
déversent chaque soir dans la ville leurs cargaisons de jeunes et solides buveurs en sweater ou blouson de
cuir. Des banlieues ont poussé comme des champignons avec leurs usines ultra modernes, blanchies à la
chaux. Rush bien américain : 257. 430 habitants en 1936, plus de 600 000 aujourd'hui. (....)
Bien sûr, tout le Maroc français ne s'est pas américanisé comme Casablanca. (....) On y retrouve
cependant un faste et une mégalomanie qui surprennent le Français métropolitain (...). La ville européenne
s'étend sur de vastes espaces. Ses artères sont larges, ses monuments publics somptueux. (...)
Des sommes fantastiques ont dû être ainsi gaspillées alors que rien, ou presque rien, n'a été fait pour
améliorer l'habitat autochtone. D'immenses espaces ont été accaparés pour faire vivre quelques milliers
d'Européens, alors que les Marocains doivent se presser comme des harengs dans des médinas trop
étroites, vétustes et insalubres. Jusqu'en 1947, 1 milliard 330 millions étaient dépensés pour l'habitat de
350 000 Européens, alors que 841 millions l'étaient pour 8 000 000 de Marocains. Ajoutez à cela que la
population "indigène" du Maroc s'accroît au rythme de 250 000 par an et que les villes attirent chaque
année des légions nouvelles de campagnards.
A Casablanca, qui exerce l'attraction la plus forte, des centaines de milliers de travailleurs déracinés, ne
pouvant trouver place dans les deux médinas, l'ancienne et la nouvelle, ont dû camper dans des masures
faites de tôles de bidons d'essence et de vieilles planches, les fameux "bidonvilles". Celui de Ben M'Sik
s'étend sur 1 km 200 de long et 800 m. de large et contient quelque 60 000 personnes. Celui des Carrières
Centrales, où le sang vient de couler, n'est guère moins peuplé. Pas d'eau courante, pas d'égouts. Les
maladies contagieuses s'en donnent à coeur joie. Comment s'étonner si on y relève, comme je l'ai fait, des
inscriptions telles que "A bas la France".
(...) Pour dissiper l'impression pénible produite sur les visiteurs, on aiguille volontiers ceux-ci vers la
petite cité arabe de d'Aïn-Shok, achevée récemment et qui ne manque pas de charme. Mais il faudrait dix
cités comme celle-là pour absorber la population des "bidonvilles" et, malgré l'effort accompli, les
chiffres, ici encore, accusent: l'administration ne dépense que 300 000 fr. pour un logement marocain,
alors qu'elle consacre 1 million 500 000 fr. à la construction d'un logement européen.
Plus encore que la misère et que l'insalubrité, c'est la ségrégation totale des deux populations que me
frappe. Nulle part en Afrique du Nord elle n'a été poussée à ce point. A Alger, à Tunis, Arabes et
Européens ne sont pas mélangés, certes, mais enfin, ils se côtoient, on ne sent pas de véritable frontière
raciale. Lyautey ,lui, a érigé en dogme le principe de la séparation. Solution trop commode, qui, nous diton, permet de respecter l'originalité du passé et même temps qu'elle facilite l'urbanisme moderne. Mais
elle aboutit à un véritable racisme : chacun chez soi, chacun à sa place. Les deux mondes vivent à une
distance respectable l'un de l'autre et s'ignorent. (...)
D. Guérin, "Pitié pour le Maghreb", Les temps modernes, février 1953, pp.1193-1196
L'organisation de la résistance urbaine à Kénitra
(1953-1954)
L'exil du sultan Mohammed Ben Youssef le 20 août 1953déclencheune résistance armée dans les
villes marocaines . Le constat de l'échec de l'action politique conduit une partie de la population à
choisir l'action violente contre la présence française. C'est le cas à Port-Lyautey (Kénitra).
(...) Aucun attentat n'a pu être relevé à Port-Lyautey avant le mois d'août 1953, la ville étant au demeurant,
solidement tenue en main par le chef du territoire. Le 20 août 1953, au soir, un petit comité de résistance
s'organise spontanément et décide de procéder à une démonstration. Il se compose au départ de cinq
Marocains. L'un d'eux, pris de peur, quitte l'organisation. Un autre, trop bavard, est éliminé. Restent trois
membres : X, receveur des postes ; Y homme d'affaires en relation avec les milieux les plus divers de la
ville ; Z ingénieur chimiste qui restera dans l'ombre et fournira les explosifs.
Le 25 août 1953, le comité prend ses dispositions pour faire dérailler un train. Cinq hommes de main sont
recrutés, dont un ancien mécanicien d'Oujda qui assure le succès de l'action. (...) Des policiers Zemmouris,
gagnés à la résistance, fournissent bientôt des munitions et des explosifs en quantité suffisante pour qu'une
partie du matériel obtenu puisse être envoyée à Rabat. Des infirmiers de Rabat procurent du poison pour
que les agents arrêtés et torturés puissent mettre fin à leurs jours. Jusqu'en octobre 1954, tout repose donc
sur un petit noyau dirigeant qui dispose de très faibles moyens financiers. Au mois d'octobre 1954, un
membre de l'Istiqlal, récemment libéré par l'autorité française, accepte de former de nouveaux groupes.
Une chaîne de passeurs d'armes s'organise pour ravitailler la région en matériel (grenades et revolvers)
provenant de la zone espagnole. L'argent sera fourni jusqu'à la fin par les résistants eux-mêmes et par des
cotisations individuelles versées par des gens du peuple. (...)
S. Bernard, Le conflit franco-marocain, 1943 - 1956, Bruxelles,1963
Tract du parti de l'Istiqlal (traduit de l'arabe), 17 novembre
1953
Le parti de l'Istiqlal décide de faire du jour de la fête du trône du 18 novembre 1953 - qui célèbre
depuis le 18 novembre 1933 l'intronisation du sultan Mohammed Ben Youssef - un jour de communion
dans le jeun avec le souverain exilé. L'alliance du parti et du trône est scellée contre l'ordre colonial.
APPEL
PEUPLE MAROCAIN !
Nous te rappelons les malheurs qui sont arrivés à notre pays depuis qu’à été prise la décision inique
d’éloigner notre roi légitime Sidi Mohamed Ben Youssef. Nous n’accepterons jamais cette décision et
nous ne pouvons la considérer que comme une action injuste et criminelle.
Nous te rappelons le souvenir de Notre Grand Roi qui a préféré le bien commun à l’intérêt personnel et
qui t’a donné l’exemple par son sacrifice, pour la défense de tes droits et pour sauvegarder ton honneur et
ta souveraineté totale en la défendant contre ceux qui voulaient l’annexer à leur profit.
Nous te rappelons le souvenir de la plus grande personnalité que le Maroc moderne a connue, celle de
Mohamed V, exilé en Corse depuis le 20 août dernier. Nous te rappelons aussi le plus laid des crimes que
la France ai commis dans son histoire colonialiste.
Nous sommes certains que la crise marocaine depuis ce jour néfaste n’a fait que se compliquer davantage
et est devenue très aiguë malgré les clairons de la vaine propagande. Les difficultés de la France se
multiplient de jour en jour. Les Marocains ont perdu toute confiance en la France depuis qu’elle a soutenu
l’administration française au Maroc dans son action basse.
Nous te rappelons : Grand Peuple, ta personnalité sacrée et la fête nationale qui avait lieu tous les ans le 18
novembre, jour que les colonialistes ont voulu supprimer bien qu’il soit imprimé dans les coeurs des
millions de Marocains fidèles. C’est en vain que les Français tentent l’impossible.
N’ayant pas eu la possibilité de fêter ce jour solennel en considération des moments où nous vivons,
faisons de ce jour un jour de deuil dans tout le pays; que le peuple manifeste son unité et sa cohésion en
offrant à Dieu de jeûner le 18 novembre et en Lui demandant aide et succès pour marcher dans le chemin
de la lutte jusqu’à ce que le problème marocain soit résolu de façon à satisfaire les espoirs du peuple
marocain et à lui faire obtenir ce qu’il désire en matière de grandeur et de liberté.
Vive le Maroc ! Vive le Roi Légitime Mohamed Cinq !
Signé : LES ENGAGÉS
R. REZETTE, Les partis politiques marocains,
PENSP, 2ème éd., 1955
Texte d'un tract de l'organisation "Présence française"
L'organisation de la résistance armée à partir de l'été 1953, les prises de positions d'intellectuels
et d'hommes politiques en France contre l'exil du sultan Mohammed Ben Youssef et pour la
recherche d'une solution juste au problème marocain conduisent à la crispation d'une partie des
Français du Maroc qui se sentent menacés dans leurs intérêts. Les "ultras" déploient une
argumentation de replis et de terreur .
Français du Maroc. Réveillons-nous !
Notre seconde Patrie est en danger.
Ici, à Paris, et dans le Monde, des êtres malfaisants veulent votre départ, veulent la démission de la France.
Le Gouvernement hésite, s'interroge et glissera peut-être demain vers des solutions de facilité, voire
d'abandon.
LAISSEREZ-VOUS FAIRE ?
Le terrorisme croit de jour en jour, d'heure en heure !
Les populations des villes, saoulées de mensonges, tremblantes de peur, sont prêtes aux pires excès que
souhaitent les agitateurs.
Et, pourtant, il n'est question ni du Trône ni de réformes, ni du peuple marocain lui même. Ce ne sont que
prétextes qui cachent l'espoir honteux et secret de pouvoir, dès notre départ, détrousser enfin le cadavre
"MAROC" entre bandits.
L'immense majorité des Marocains et, parmi eux, les millions de BERBERES, c'est-à-dire, le pays RÉEL,
pense comme vous.
Soldats courageux; amis fidèles, les hommes des montagnes et des plaines sont descendus sur les villes
pourries pour leur rendre la paix.
Soyons dignes de nos amis, AIDONS-LES par notre calme et notre discipline. Sachons dire et prouver à
Paris et au Monde qu'eux, les vrais Marocains, et nous, ne formons QU'UN.
Formons bloc ! Faisons face !
L'Union pour la présence française
Cité par G. Delanoë, Le retour du roi et l'Indépendance retrouvée, 1991
Interrogatoire de l'accusé Salah Rachidi au procès de "la Main noire"
à Casablanca (2 juin - 5 juillet 1954) (extraits)
Au-delà du contexte spécifiquement marocain, ce texte pose le problème de la justification de
l'action violente, "résistance armée" ou "terrorisme " dans un pays sous occupation étrangère. Ici,
l'accusé retourne contre l'accusateur ses propres principes et sa propre histoire.
(…)
- Le président : " Votre action est une régression, et vous revenez au Moyen Age."
- Rachidi : " Oui, il y a des féodaux au Maroc, comme le Glaoui"
- Le président : " Le meurtre n'est pas un moyen politique"
- Rachidi : " La violence convient à la situation actuelle. Mon meurtre avait un but politique. On a chassé
notre sultan"
- Le président : " Qu'est-ce que le colonialisme?"
- Rachidi : " Ce sont des gens qui font des esclaves au Maroc. Je ne regrette rien. Je suis fier de mourir
pour la défense de ma cause. Je serai condamné par ceux qui prêchent la liberté et la démocratie."
- Le président : " Vous serez condamné parce que vous êtes un terroriste"
- Rachidi : " Je fais du terrorisme comme vous avez fait contre les nazis"
(...)
G. Delanoë, La résistance marocaine et le mouvement "conscience française", 1991, p. 46
Déclaration commune franco-marocaine du 6 novembre 1955
L'exil du sultan Mohammed Ben Youssef prend fin en octobre 1955. Quelques mois auparavant, il
avait reçu des émissaires à Madagascar pendant que les représentants des nationalistes discutaient
de l'avenir du Maroc à Aix-les-Bains. A la Celle-Saint-Cloud, sont énoncés les principes généraux
du cadre politique du Maroc indépendant et de ses relations avec l'ancienne puissance coloniale.
Sa Majesté le Sultan du Maroc Sidi Mohammed Ben Youssef, et le Président Antoine Pinay, Ministre des
Affaires Étrangères, se sont rencontrés le 6 novembre 1955 au château de la Celle-Saint-Cloud.
Le Président Pinay a exposé les principes généraux de la politique du gouvernement français visés par le
communiqué du Conseil des ministres du 5 novembre 1955.
Sa Majesté le Sultan du Maroc a confirmé son accord sur ces principes. En attendant son retour à Rabat,
elle a, en accord avec le gouvernement français, chargé le Conseil du Trône institué le 17 octobre 1955 et
démissionnaire de ses fonctions le 3 novembre 1955, de continuer à gérer les affaires courantes de
l'Empire.
Sa Majesté le Sultan du Maroc a confirmé sa volonté de constituer un gouvernement marocain de gestion
et de négociations, représentatif des différentes tendances de l'opinion marocaine. Ce gouvernement aura
notamment pour mission d'élaborer les réformes institutionnelles qui feront du Maroc un État
démocratique à monarchie constitutionnelle, de conduire avec la France les négociations destinées à faire
accéder le Maroc au Statut d'État indépendant uni à la France par les liens permanents d'une
interdépendance librement consentie et définie.
Sa Majesté le Sultan du Maroc et le Président Pinay ont été d'accord pour confirmer que la France et le
Maroc doivent bâtir ensemble, et sans intervention de tiers, leur avenir solidaire dans l'affirmation de leur
souveraineté par la garantie mutuelle de leurs droits et des droits de leurs ressortissants et dans le respect
de la situation faite par les traités aux Puissances étrangères.
Déclaration commune de reconnaissance de l'indépendance du
Maroc, 2 mars 1956
Le Maroc devient officiellement indépendant le 2 mars 1956. Le traité de Fès est abrogé et un
nouveau type de rapports est instauré entre la France et le Maroc, qui marque le passage de l'ère de
la colonisation à celle de la coopération.
Le gouvernement de la République française et S.M. Mohamed V, Sultan du Maroc, affirment leur
volonté de donner son plein effet à la déclaration de la Celle-Saint-Cloud du 6 décembre 1955.
Ils constatent qu'à la suite de l'évolution réalisée par le Maroc sur la voie du progrès, le traité de Fès du 30
mars 1912 ne correspond plus désormais aux nécessités de la vie moderne et ne peut plus régir les rapports
franco-marocains. En conséquence, le gouvernement de la République française confirme solennellement
la reconnaissance de l'indépendance du Maroc, laquelle implique en particulier une diplomatie et une
armée, ainsi que sa volonté de respecter et de faire respecter l'intégrité du territoire marocain, garantie par
les traités internationaux.
Le gouvernement de la République française et S.M. Mohamed V, Sultan du Maroc, déclarent que les
négociations qui viennent de s'ouvrir à Paris entre le Maroc et la France, États souverains et égaux, ont
pour objet de conclure de nouveaux accords qui définiront l'interdépendance des deux pays dans les
domaines où leurs intérêts sont communs, qui organiseront ainsi leur coopération sur la base de la liberté
et de l'égalité notamment en matière de défense, de relations extérieures, d'économie et de culture, et qui
garantiront les droits et les libertés des Français établis au Maroc et des Marocains établis en France, dans
le respect de la souveraineté des deux États.
Le gouvernement de la République française et S.M. Mohamed V, Sultan du Maroc, conviennent qu'en
attendant l'entrée en vigueur de ces accords, les rapports nouveaux entre la France et le Maroc seront
fondés sur les dispositions du protocole annexe à la présente déclaration.
Fait à Paris, en double original, le 2 mars 1956
Christian Pineau
Embarek Bekkaï
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