Pierre Bourdieu
De la maison du roi à la raison d'État
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 118, juin 1997. pp. 55-68.
Citer ce document / Cite this document :
Bourdieu Pierre. De la maison du roi à la raison d'État. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 118, juin 1997. pp.
55-68.
doi : 10.3406/arss.1997.3222
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1997_num_118_1_3222
Résumé
De la maison du roi à la raison d'État.
L'intention de cette recherche est d'interroger la genèse de l'État pour essayer d'en dégager les
caractéristiques spécifiques de la raison d'État, que l'évidence associée à l'accord entre les esprits
façonnés par l'État, les esprits d'État, et les structures de l'État, tend à dissimuler. Il s'agit donc moins
de s'interroger sur les facteurs de l'émergence de l'État que sur la logique du processus historique selon
lequel s'est opérée l'émergence de cette réalité historique qu'est l'État, dans sa forme dynastique, puis
bureaucratique ; moins de décrire, dans une sorte de récit généalogique, le processus d'autonomisation
d'un champ bureaucratique, obéissant à une logique bureaucratique, que de construire un modèle de
ce processus ; c'est-à-dire, plus précisément, un modèle de la transition de l'État dynastique à l'État
bureaucratique, de l'État réduit à la maison du roi à l'État constitué comme raison d'État, comme champ
de forces et champ de luttes orientées vers le monopole de la manipulation légitime des biens publics.
Zusammenfassung
Vom Königshaus zur Staatsraison.
Der Beitrag fragt nach der Genese des Staates, um anhand ihrer spezifische Merkmale der
Staatsraison herauszustellen, die die mit der übereinkunft zwischen staatlich geprägten Denkhaltungen,
den führenden Köpfen des Staates und den staatlichen Strukturen verknüpften Evidenz leicht zu
verbergen trachtet. Es wird also nicht so sehr nach den Faktoren der Entstehung des Staates gefragt,
als vielmehr nach der Logik des historischen Prozesses, demzufolge sich das Heraufkommen dieser
historischen Realität, die den Staat zunächst in seiner dynastischen, sodann in seiner bürokratischen
Form ausmacht, vollzog. Weniger, nach Art einer genealogischen Schilderung, die Beschreibung des
einer bürokratischen Logik gehorchenden Autonomisierungsprozesses, als vielmehr die Erstellung
eines Modells dieses Prozesses, oder genauer gesagt, eines Modells des übergangs vom dynastischen
zum bürokratischen Staat, bzw. vom Königshaus zum im Zeichen der Staatsraison etablierten Staat als
ein auf das Monopol der legitimen Manipulation öffentlichen Güter hin ausgerichtetes Feld von Kräften
und Kämpfen.
Abstract
From Royal House to bureaucratic State.
The present study of the origins of the State attempts to identify the specific characteristics of reason of
State, which a combination of self-evident necessity plus an accord among State-shaped mentalities, a
State spirit and State structures tends to dissimulate. The research is concerned less with investigating
the factors contributing to the actual emergence of the State than the logic of the historical process
governing the emergence of the State as a historical reality, in the form first of a dynasty, then a
bureaucracy ; less with describing, in a sort of genealogical account, the process by which an
independent bureaucratic field, with its own logic, grew up than with constructing a model of this
process, or more precisely with modeling the transition from the dynastie State to the bureaucratic
State, from the State reduced to the Royal House to the State as reason of State, as a field occupied by
different forces and by struggles for the monopoly of the legitimate manipulation of public wealth.
Pierre
Bourdieu
DE
LA
MAISON
DU
ROI
À
LA
RAISON
D'ÉTAT
Un
modèle
de
la
genèse
du
champ
bureaucratique
I
'intention
de
cette
recherche
est
d'interroger
la
|
genèse
de
l'État
pour
essayer
d'en
dégager
les
il
am
caractéristiques
spécifiques
de
la
raison
d'État,
que
l'évidence
associée
à
l'accord
entre
les
esprits
façonnés
par
l'État,
les
esprits
d'État,
et
les
structures
de
l'État,
tend
à
dissimuler1.
Il
s'agit
donc
moins
de
s'interroger
sur
les
facteurs
de
l'émergence
de
l'État
que
sur
la
logique
du
processus
historique
selon
lequel
s'est
opé
rée
l'émergence
de
cette
réalité
historique
qu'est
l'État,
dans
sa
forme
dynastique,
puis
bureaucratique
;
moins
de
décrire,
dans
une
sorte
de
récit
généalogique,
le
processus
d'autonomisation
d'un
champ
bureaucrat
ique,
obéissant
à
une
logique
bureaucratique,
que
de
construire
un
modèle
de
ce
processus
;
c'est-à-dire,
plus
précisément,
un
modèle
de
la
transition
de
l'État
dynas
tique
à
l'État
bureaucratique,
de
l'État
réduit
à
la
mai
son
du
roi
à
l'État
constitué
comme
champ
de
forces
et
champ
de
luttes
orientées
vers
le
monopole
de
la
mani
pulation
légitime
des
biens
publics.
Comme
le
remarque
R.
J.
Bonney2,
en
étudiant
1'«
État-nation
moderne»,
nous
risquons
de
laisser
échapper
l'État
dynastique
qui
l'a
précédé
:
«
Durant
la
plus
grande
partie
de
la
période
précédant
l660
(et
cer
tains
diraient
bien
au-delà)
la
majorité
des
monarchies
européennes
n'étaient
pas
des
États-nations
tels
que
nous
les
concevons,
à
l'exception
-
plutôt
fortuite
-
de
la
France
3.
»
Faute
de
distinguer
clairement
entre
l'État
dynastique
et
l'État-nation,
on
s'interdit
de
saisir
la
spéc
ificité
de
l'État
moderne
qui
ne
se
révèle
jamais
aussi
bien
que
dans
la
longue
transition
qui
conduit
à
l'État
moderne
et
dans
le
travail
d'invention,
de
rupture
et
de
redéfinition
qui
s'y
accomplit.
(Mais
peut-être
faudrait-il
être
plus
radical
encore
et
refuser
le
nom
d'État,
comme
fait
W.
Stieber
,
à
l'État
dynastique.
Stieber
insiste
sur
le
pouvoir
limité
de
l'em
pereur
germanique
en
tant
que
monarque
désigné
par
une
élection
demandant
la
sanction
papale
:
l'histoire
allemande
du
xve
siècle
est
marquée
par
une
politique
princière,
factionnelle,
caractérisée
par
des
stratégies
patrimoniales
orientées
vers
la
prospérité
des
familles
et
de
leur
patrimoine
(estate)
princier.
Il
n'
y
a
aucun
des
traits
de
l'État
moderne.
C'est
seulement
dans
la
France
et
l'Angleterre
du
xvne
siècle
qu'apparaissent
les
princ
ipaux
traits
distinctifs
de
l'État
moderne
en
voie
d'émer
gence.
Mais
la
politique
européenne
de
1330
à
l650
reste
caractérisée
par
la
vision
personnelle,
«
propriet
ary
»,
des
princes
sur
leur
gouvernement,
par
le
poids
de
la
noblesse
féodale
sur
la
politique
et
aussi
par
la
préten
tion
de
l'Église
à
définir
les
normes
de
la
vie
politique.)
1
-
Ce
texte
est
la
transcription
légèrement
corrigée
d'un
ensemble
de
cours
du
Collège
de
France
:
sommaire
provisoire,
destiné
avant
tout
à
servir
d'instrument
de
recherche,
il
s'inscrit
dans
le
prolongement
de
l'analyse
du
processus
de
concentration
des
différentes
espèces
de
capital
qui
conduit
à
la
constitution
d'un
champ
bureaucratique
capable
de
contrôler
les
autres
champs
(cf.
P.
Bourdieu,
«
Esprits
d'État,
Genèse
et
structure
du
champ
bureaucratique»,
Actes
de
la
recherche
en
sciences
sociales,
96-97,
mars
1993,
p.
49-62).
2
-
R.
J.
Bonney,
The
European
Dynastie
States,
1494-1660,
Oxford,
Oxford
University
Press,
1991.
3
R.
J.
Bonney,
«Guerre,
fiscalité
et
activité
d'État
en
France
(1500-
1660)
:
Quelques
remarques
préliminaires
sur
les
possibilités
de
recherche»,
in
Ph.
Genet
et
M.
Le
Mené
(éclsj,
Genèse
de
l'État
moderne,
Prélèvement
et
redistribution,
Paris,
Éd.
du
CNRS,
1987,
p.
193-201,
spécialement
p.
194.
4-
W.
Stieber,
Studies
in
the
History
of
Christian
nought,
XIII,
Leiden,
Brill,
1978,
p.
126
sq.
56
Pierre
Bourdieu
II
faut
s'interroger
non
sur
les
facteurs
de
l'appari
tion
de
l'État,
mais
sur
la
logique
du
processus
histo
rique
selon
lequel
s'est
opérée,
dans
et
par
une
sorte
de
cristallisation,
l'émergence
en
tant
que
système
de
cette
réalité
historique
sans
précédent
qu'est
l'État
dynas
tique
et,
plus
extraordinaire
encore,
l'État
bureaucrat
ique.
Spécificité
de
l'Etat
dynastique
L'accumulation
initiale
de
capital
s'accomplit
selon
la
logique
caractéristique
de
la
maison,
structure
éco
nomique
et
sociale
tout
à
fait
originale,
notamment
par
le
système
des
stratégies
de
reproduction
à
travers
lequel
elle
assure
sa
perpétuation.
Le
roi,
agissant
en
«
chef
de
maison
»
,
se
sert
des
propriétés
de
la
maison
(et
en
particulier
de
la
noblesse
comme
capital
symbol
ique
accumulé
par
un
groupe
domestique
selon
un
ensemble
de
stratégies
dont
la
plus
importante
est
le
mariage)
pour
construire
un
État,
comme
administra
tion
et
comme
territoire,
qui
échappe
peu
à
peu
à
la
logique
de
la
«
maison
»
.
Il
faut
s'arrêter
ici
à
des
préalables
de
méthode
:
X
ambiguïté
de
l'État
dynastique
qui,
dès
l'origine,
pré
sente
des
traits
«modernes»
(par
exemple,
l'action
des
légistes
qui,
du
fait
de
leur
lien
avec
le
mode
de
repro
duction
scolaire
et
de
leur
compétence
technique,
di
sposent
d'une
certaine
autonomie
par
rapport
aux
mécanismes
dynastiques),
prête
à
des
lectures
qui
ten
dent
à
dénouer
l'ambiguïté
de
la
réalité
historique
:
la
tentation
de
l'«ethnologisme
»
peut
s'appuyer
sur
des
traits
archaïques,
tels
le
sacre
que
l'on
peut
réduire
à
un
rite
primitif
de
consécration
à
condition
d'oublier
qu'il
est
précédé
par
une
acclamation,
ou
la
guérison
des
écrouelles,
garant
d'un
charisme
héréditaire,
transmis
par
le
sang,
et
d'une
délégation
divine
;
inversement,
l'ethnocentrisme
(avec
l'anachronisme
qui
va
de
pair)
peut
s'attacher
aux
seuls
indices
de
modernité,
comme
l'existence
de
principes
abstraits
et
de
lois,
produits
par
les
canonistes.
Mais
surtout
une
compréhension
superf
icielle
de
l'ethnologie
empêche
d'utiliser
les
acquis
de
l'ethnologie
sur
les
«
sociétés
à
maison
»
pour
faire
une
ethnologie
des
sommets
de
l'État.
On
peut
ainsi
poser
que
les
traits
les
plus
fonda
mentaux
de
l'État
dynastique
peuvent
en
quelque
sorte
se
déduire
du
modèle
de
la
maison.
Pour
le
roi
et
sa
famille,
l'État
s'identifie
à
la
«
maison
du
roi
»,
entendue
comme
un
patrimoine
englobant
une
maisonnée,
c'est-
à-dire
la
famille
royale
elle-même,
qu'il
faut
gérer
en
bon
«chef
de
maison»
(capmaysouè,
comme
dit
le
béarnais).
Englobant
l'ensemble
de
la
lignée
et
ses
pos
sessions,
la
maison
transcende
les
individus
qui
l'incar
nent,
à
commencer
par
son
chef
lui-même
qui
doit
savoir
sacrifier
ses
intérêts
ou
ses
sentiments
particul
iers
à
la
perpétuation
de
son
patrimoine
matériel
et
surtout
symbolique
(l'honneur
de
la
maison
ou
le
nom
de
la
lignée).
Selon
Andrew
W.
Lewis
5,
le
mode
de
succession
définit
le
royaume.
La
royauté
est
un
honor
transmiss
ible
en
lignée
agnatique
héréditaire
(droit
du
sang)
et
par
primogeniture
et
l'État
ou
la
royauté
se
réduit
à
la
famille
royale.
Selon
le
modèle
dynastique,
qui
s'ins
taure
dans
la
famille
royale
et
se
généralise
à
toute
la
noblesse,
1'
honor
principal
et
les
terres
patrimoniales
individuelles
vont
au
fils
aîné,
héritier
dont
le
mariage
est
géré
comme
une
affaire
politique
de
la
plus
haute
importance
;
on
se
protège
contre
la
menace
de
la
divi
sion
en
octroyant
aux
cadets
des
apanages,
compensat
ion
destinée
à
assurer
la
concorde
entre
les
frères
(les
testaments
des
rois
recommandent
à
chacun
d'accepter
sa
part
et
de
ne
pas
se
rebeller),
en
les
mariant
à
des
héritières
ou
en
les
consacrant
à
l'Église.
On
peut
appliquer
à
la
royauté
française
ou
anglaise,
et
cela
jusqu'à
un
âge
assez
avancé,
ce
que
Marc
Bloch
disait
de
la
seigneurie
médiévale,
fondée
sur
la
«
fusion
du
groupe
économique
et
du
groupe
de
souveraineté6».
C'est
la
puissance
paternelle
qui
constitue
le
modèle
de
la
domination
:
le
dominant
accorde
protection
et
entretien.
Comme
dans
la
Kabylie
ancienne,
les
rapports
politiques
ne
sont
pas
autonomi-
sés
par
rapport
aux
relations
de
parenté
et
sont
tou
jours
pensés
sur
le
modèle
de
ces
relations
;
il
en
va
de
même
des
relations
économiques.
Le
pouvoir
repose
sur
des
relations
personnelles
et
des
relations
affectives
socialement
instituées
comme
la
fidélité7,
1'«
amour
»,
la
«créance»,
et
activement
entretenues,
notamment
par
les
«
largesses
»
.
La
transcendance
de
l'État
par
rapport
au
roi
qui
l'i
ncarne
pour
un
temps
est
la
transcendance
de
la
cou
ronne,
c'est-à-dire
celle
de
la
«maison»
et
de
l'État
dynastique
qui,
jusque
dans
sa
dimension
bureaucrat
ique,
lui
reste
subordonné.
Philippe
le
Bel
est
encore
un
chef
de
lignage,
environné
de
sa
proche
parenté
;
la
5
-
A.
W.
Lewis,
Le
sang
royal:
La
famille
capétienne
et
l'État,
France,
xe
-xwe
siècle,
Préface
de
G.
Duby,
Paris,
Gallimard,
1981.
6
-
M.
Bloch,
Seigneurie
française
et
manoir
anglais,
Paris,
Armand
Colin,
I960.
7
-G.
Duby,
Le
Moyen
Âge,
Paris,
Hachette,
1989,
p.
110.
De
la
maison
du
roi
à
la raison
d'État
57
«
famille
»
est
divisée
en
diverses
«
chambres
»
,
services
spécialisés
qui
suivent
le
roi
dans
ses
déplacements.
Le
principe
de
légitimation
est
la
généalogie,
garante
des
liens
du
sang.
C'est
ainsi
que
l'on
peut
comprendre
la
mythologie
des
deux
corps
du
roi,
qui
a
tant
fait
parler
les
historiens,
après
Kantorowicz,
et
qui
désigne
sym
boliquement
cette
dualité
de
l'institution
transcendante
et
de
la
personne
qui
l'incarne
temporellement
et
tem
porairement
(dualité
qui
s'observe
aussi
chez
les
pay
sans
béarnais
les
membres
masculins
de
la
maison,
entendue
comme
ensemble
des
biens
et
ensemble
des
membres
de
la
famille,
étaient
souvent
désignés
par
leur
prénom
suivi
du
nom
de
la
maison,
ce
qui
implique,
lorsqu'il
s'agit
de
gendres
issus
d'une
autre
lignée,
qu'ils
perdent
en
fait
leur
nom
de
famille).
Le
roi
est
un
«chef
de
maison»,
socialement
mandaté
pour
mettre
une
politique
dynastique,
à
l'intérieur
de
laquelle
les
stratégies
matrimoniales
tiennent
une
place
décisive,
au
service
de
la
grandeur
et
de
la
prospérité
de
sa
«
maison
»
.
Nombre
de
stratégies
matrimoniales
ont
pour
fin
de
favoriser
des
extensions
territoriales
grâce
à
des
unions
dynastiques
fondées
dans
la
seule
personne
du
prince.
On
pourrait
citer
en
exemple
la
dynastie
des
Habs
bourg
qui
a
considérablement
étendu
son
empire,
au
16e
siècle,
par
une
habile
politique
de
mariages
:
Maxi-
milien
Ier
acquiert
la
Franche-Comté
et
les
Pays-Bas
par
son
mariage
avec
Marie
de
Bourgogne,
fille
de
Charles
le
Téméraire;
son
fils,
Philippe
le
Beau,
épouse
Jeanne
la
Folle,
reine
de
Castille,
union
dont
naîtra
Charles
Quint.
De
même,
il
n'est
pas
douteux
que
nombre
de
conflits,
à
commencer
bien
sûr
par
les
guerres
dites
de
succession,
sont
une
façon
de
poursuivre
des
stratégies
successorales
par
d'autres
moyens.
«La
guerre
de
suc
cession
de
Castille
(1474-1479)
est
un
cas
bien
connu
;
sans
la
victoire
d'Isabelle,
c'est
l'union
dynastique
de
la
Castille
et
du
Portugal
plutôt
que
celle
de
la
Castille
et
de
l'
Aragon
qui
serait
devenue
possible.
La
guerre
de
Charles
Quint
contre
le
duché
de
Gueldre
entraîna
la
Gueldre
dans
l'union
bourguignonne
en
1543
:
si
le
duc
luthérien
Guillaume
avait
été
vainqueur,
on
aurait
pu
voir
se
former
un
solide
État
anti-Habsbourg
rassemblé
autour
de
Clèves,
de
Juliers
et
de
Berg
et
s'étendant
jus
qu'au
Zuyderzee.
Cependant
la
partition
de
Clèves
et
de
Juliers
en
I6l4
après
la
guerre
de
succession
mit
fin
à
cette
vague
possibilité.
Dans
la
Baltique,
l'union
des
couronnes
de
Danemark,
Suède
et
Norvège
prit
fin
en
1523
;
mais
à
chacune
des
guerres
entre
le
Danemark
et
la
Suède
qui
suivirent,
la
question
se
posa
à
nou
veau,
et
ce
n'est
qu'en
1560
que
la
lutte
dynastique
entre
la
maison
d'Oldenbourg
et
la
maison
de
Vasa
fut
résolue
lorsque
la
Suède
atteignit
ses
«
frontières
natu
relles».
En
Europe
orientale,
les
rois
Jagellons
consti
tuèrent,
de
1386
à
1572,
une
union
dynastique
de
la
Pologne
et
de
la
Lituanie
qui
se
transforma
en
union
constitutionnelle
après
1569-
Mais
l'union
dynastique
de
la
Suède
et
de
la
Pologne
était
bien
le
but
avoué
de
Sigismond
III
et
elle
ne
cessa
d'être
celui
des
rois
de
Pologne
qu'en
I66O.
Ils
caressèrent
aussi
des
ambitions
en
Moscovie
et
en
l6lO,
Ladislas,
fils
de
Sigismond
III,
fut
élu
tsar
après
un
coup
d'État
des
boyards
8.
»
Une
des
vertus
du
modèle
de
la
maison,
c'est
qu'il
permet
d'échapper
à
la
vision
téléologique
fondée
sur
l'illusion
rétrospective
qui
fait
de
la
construction
de
la
France
un
«
projet
»
porté
par
les
rois
successifs
:
ainsi
par
exemple
Cheruel,
dans
son
Histoire
de
l'adminis
tration
monarchique
en
France,
invoque
explicitement
la
«
volonté
»
des
Capétiens
de
faire
l'État
monarchique
français
et
ce
n'est
pas
sans
surprise
que
l'on
voit
cer
tains
historiens
condamner
l'institution
des
apanages
comme
«
démembrement
»
du
domaine
royal.
Ainsi,
la
logique
dynastique
rend
bien
compte
des
stratégies
politiques
des
États
dynastiques
en
permettant
d'y
voir
des
stratégies
de
reproduction
d'un
type
parti
culier.
Mais
il
faut
encore
poser
la
question
des
moyens
ou,
mieux,
des
atouts
particuliers
dont
dispose
la
famille
royale
et
qui
lui
ont
permis
de
triompher
dans
la
comp
étition
avec
ses
rivales.
(Norbert
Elias
qui
est
le
seul,
à
ma
connaissance,
à
l'avoir
posée
explicitement,
pro
pose,
avec
ce
qu'il
appelle
la
«loi
du
monopole
»,
une
solution
que
je
ne
discuterai
pas
ici
en
détail
mais
qui
me
paraît
verbale
et
quasi
tautologique
:
«
Quand,
dans
une
unité
sociale
d'une
certaine
étendue,
un
grand
nombre
d'unités
sociales
plus
petites,
qui
par
leur
inte
rdépendance
forment
la
grande
unité,
disposent
d'une
force
sociale
à
peu
près
égale
et
peuvent
de
ce
fait
libr
ement
-
sans
être
gênées
par
des
monopoles
déjà
exis
tants
rivaliser
pour
la
conquête
des
chances
de
puis
sance
sociale,
en
premier
lieu
des
moyens
de
subsistance
et
de
production,
la
probabilité
est
forte
que
les
uns
sortent
vainqueurs,
les
autres
vaincus
dans
ce
combat
et
que
les
chances
finissent
par
tomber
entre
les
mains
d'un
petit
nombre,
tandis
que
les
autres
sont
él
iminés
ou
tombent
sous
la
coupe
de
quelques-uns
9.
»)
8
-
R.
J.
Bonney,
op.
cit.,
p.
195.
9
-
N.
Elias,
La
dynamique
de
l'Occident
,
Paris,
trad,
française
du
tome
1
de
über
den
Prozess
der
Zivilisation,
lre
éd.
1939,
2e
éd.
1969,
p.
31
et
47.
1 / 16 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !