La Lettre du Neurologue - n° 5 - vol. VII - mai 2003
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VOCABULAIRE
Gliomatose cérébrale
●S. Cartalat-Carel*, J. Honnorat*
L
a gliomatose cérébrale se définit comme une tumeur
gliale infiltrante, envahissant au moins deux lobes céré-
braux, sans masse tumorale individualisable, avec pré-
servation des structures nerveuses. Cette infiltration tumorale
touche l’encéphale de façon extensive et souvent bilatérale, plus
rarement les structures infratentorielles, et exceptionnellement la
moelle épinière. Longtemps, le diagnostic de cette affection n’a
pu être porté que rétrospectivement après analyse des cerveaux
des patients décédés, et les cas rapportés étaient exceptionnels.
Avec le développement de l’imagerie cérébrale par résonance
magnétique, le diagnostic peut être évoqué du vivant des patients
et le nombre de cas décrits a fortement augmenté. On distingue
deux types de gliomatose cérébrale : des gliomatoses secondaires
qui correspondent à l’évolution infiltrative à distance d’une lésion
tumorale primitive individualisable, et des gliomatoses primitives
dans lesquelles aucune masse tumorale n’est individualisable
dans le parenchyme cérébral.
HISTORIQUE
La définition et l’histogenèse des gliomatoses ont toujours été
très discutées. Nevin, en 1938 (1),décrit la première gliomatose
cérébrale sous la forme d’une tumeur gliale étendue à l’ensemble
du cerveau sans formation d’une masse tumorale. Son histogenèse
incertaine est responsable de son classement jusqu’en 1979 dans
les tumeurs embryonnaires indifférenciées. Depuis 1979, avec la
classification des tumeurs de l’Organisation mondiale de la santé,
la gliomatose fait partie des tumeurs neuroépithéliales.
INCIDENCE, ÂGE ET SEXE
Peu de données épidémiologiques sont disponibles à ce jour et
l’incidence des gliomatoses cérébrales est donc inconnue. Les
deux sexes semblent atteints de façon équivalente. L’âge de début
est variable, suivant les séries, entre 34 et 50 ans (2). Certains
suggèrent qu’il existe deux pics de fréquence, à 45 et 60 ans (3).
SIGNES CLINIQUES
Les signes cliniques révélateurs de la maladie sont le plus souvent
des céphalées d’apparition progressive dans le cadre d’une hyper-
tension intracrânienne ou des crises d’épilepsie (4). À la phase
d’état, s’y ajoutent des signes déficitaires qui sont fonction de la
localisation lésionnelle.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Depuis le développement de l’IRM cérébrale, le diagnostic de
gliomatose est devenu plus simple et le nombre de patients décrits
a augmenté significativement. En IRM, les séquences de choix
sont les séquences FLAIR (fluid attenuated inversion recovery)
et les séquences pondérées T2 qui montrent un hypersignal
diffus. Les séquences pondérées T1 ne permettent pas de faire
le diagnostic de gliomatose. Parfois, le scanner montre une hypo-
densité périventriculaire ou un aspect d’œdème cérébral diffus
(effacement des sillons et ventricules de petite taille). Un effet de
masse localisé sur un hémisphère peut être observé. En général,
il n’y a pas de prise de contraste. Si elle existe, elle reste discrète.
DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
La présentation clinique des gliomatoses cérébrales est non spé-
cifique et la présentation radiologique est souvent trompeuse,
simulant un grand nombre de maladies neurologiques non tumo-
rales comme les maladies inflammatoires du SNC, les leuco-
encéphalopathies, les artérites. L’analyse histologique est donc
indispensable au diagnostic.
DIAGNOSTIC HISTOPATHOLOGIQUE
En raison de l’absence de masse tumorale identifiable, les prélè-
vements biopsiques sont souvent de petite taille. De ce fait, le
diagnostic histologique est souvent difficile, aussi bien pour grader
que pour reconnaître la nature astrocytaire ou oligodendrogliale
de la prolifération tumorale.
PATHOGÉNIE
La pathogénie des gliomatoses demeure inconnue. S’agit-il d’une
tumeur dont les cellules migrent et envahissent progressivement l’en-
semble du parenchyme cérébral, ou bien existe-t-il plusieurs foyers
de prolifération en relation avec une anomalie gliale génétique ?
TRAITEMENT
La prise en charge thérapeutique de ces patients est difficile. La
chirurgie n’est naturellement pas possible du fait de l’extension
lésionnelle et de l’intrication des cellules tumorales avec les tissus
* Service du professeur Trouillas, hôpital neurologique Pierre-Wertheimer, Lyon.