La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000 33
Cette stratégie de diagnostic moléculaire indirect nécessite très
peu d’ADN fœtal, et les résultats peuvent être obtenus en
48 heures s’ils sont informatifs. Il est toutefois indispensable de
disposer de l’ADN du sujet atteint (cas index), de la mère et du
père (dans le cas d’un fœtus féminin). La description de rares
cas de conversion génique et de recombinaison avec le locus
DXS548 confirme toutefois la nécessité, lorsque cela est pos-
sible, de vérifier par une analyse directe tout résultat suggérant
un fœtus sain.
TECHNIQUES ALTERNATIVES DE DIAGNOSTIC
PCR (Polymerase Chain Reaction)
La méthode de Southern blot est une technologie lourde,
longue et délicate, ne permettant pas de déterminer avec préci-
sion le nombre de triplets CGG. Ainsi, de nombreux labora-
toires ont essayé depuis quelques années de développer des
méthodes plus simples et plus rapides de diagnostic moléculai-
re. La méthode d’amplification in vitro (PCR) apparaissait ini-
tialement difficilement réalisable en raison du nombre élevé de
triplets et de la nature de ces triplets (en effet, les répétitions
CGG sont difficilement amplifiables). Toutefois, l’utilisation
de certains artifices technologiques a permis d’amplifier les
allèles normaux et les petites prémutations mais n’a pas pu
résoudre complètement le problème posé, notamment par les
mutations complètes. Cette méthode présente l’avantage de
pouvoir estimer avec précision la taille de la prémutation (8).
Ces techniques PCR, qui sont aujourd’hui proposées comme
méthodes de criblage rapide, risquent toutefois d’être des
méthodes délicates à mettre au point et ne peuvent être utilisées
que par des mains expertes.
Analyse de la protéine FMRP
Une dernière alternative repose sur la détection de la protéine
codée par le gène FMR1, dénommée FMRP, soit par Western
blot, soit par immunocytochimie sur un frottis sanguin. Cette
alternative a été rendue possible grâce au développement
d’excellents anticorps monoclonaux. La protéine est absente
chez les hommes, avec mutation complète, atteints d’un
retard mental. En cas de mosaïque associant mutation com-
plète/prémutation, un taux très réduit peut être observé
(expression hétérogène en immunohistochimie). Chez une
femme porteuse d’une mutation complète, l’inactivation au
hasard du chromosome X entraîne la présence de la protéine
dans une proportion variable de cellules, ce qui rend ce dia-
gnostic délicat.
En ce qui concerne l’utilisation de cette méthode en diagnos-
tic de routine sur villosités choriales dans le cadre d’un dia-
gnostic prénatal, une validation est en cours d’évaluation (9).
Néanmoins, il est difficile aujourd’hui d’imaginer que cette
approche puisse concerner les sujets transmetteurs, ce qui
limite son intérêt dans le cadre du conseil génétique.
FONCTION DE LA PROTÉINE FMRP
En 1993, deux équipes ont caractérisé et localisé chez l’homme
les produits d’expression du gène FMR1. De manière inatten-
due, les premiers anticorps spécifiques utilisés en Western blot
ont permis de révéler la présence de cinq bandes, dont les
masses relatives varient de 67 à 74 kDa pour une équipe et de
70 à 80 pour l’autre. Ces bandes sont présentes chez les sujets
normaux et ceux présentant une prémutation, mais elles sont
absentes chez les patients porteurs d’une mutation complète
sans mosaïsisme.
Des études immunocytochimiques et d’hybridation in situ mon-
trent que la protéine a essentiellement une localisation cellulai-
re cytoplasmique. Une isoforme est toutefois retrouvée dans le
noyau cellulaire. La protéine FMRP est exprimée à un taux
élevé dans les neurones, les spermatogonies du sujet adulte et
certains tissus épithéliaux.
Cette protéine FMRP présente deux domaines “K homology”
(KH) et un domaine RGG, impliqués dans la liaison à l’ARN, ce
qui a conduit à la définir comme une “RNA Binding Protein”.
Récemment, elle a été retrouvée associée à la sous-unité riboso-
male 60S, suggérant un rôle direct ou indirect de la protéine
FMRP dans la traduction de certaines protéines. Toutes ces
observations suggèrent qu’elle serait impliquée dans le transport
de certains ARN messagers du noyau dans le cytoplasme, parti-
cipant ainsi à la régulation de la fonction de nombreux gènes.
CONCLUSION
Depuis l’observation originale de Martin et Bell en 1943, des
progrès considérables ont été réalisés notamment dans le
domaine du diagnostic du syndrome de l’X-fragile. Les
méthodes de biologie moléculaire ont ainsi permis :
– de faciliter le diagnostic du syndrome X-fragile, souvent délicat ;
– de dépister les sujets prémutés, c’est-à-dire les femmes
conductrices et les hommes transmetteurs sains ;
– d’évaluer le risque de transition prémutation/mutation com-
plète pour les descendants d’une femme conductrice ;
– de réaliser avec fiabilité un diagnostic prénatal.
Toutefois, le développement de ces méthodes ne permet toujours
pas de prévoir in utero le phénotype des fœtus féminins porteurs
d’une mutation complète. En effet, le risque de retard mental
léger à modéré peut être estimé dans ces cas à environ 60 %.
La recherche systématique de cette anomalie chez les sujets pré-
sentant un retard mental inexpliqué est aujourd’hui justifiée :
par la fréquence élevée de ce syndrome, par le risque significa-
tif posé pour les autres membres de la famille et par le bénéfice
apporté en termes de santé publique.
Sur le plan fondamental, de nombreux mystères restent à éclair-
cir, comme le mécanisme précis de l’expansion des triplets
CGG et l’expression clinique majeure restreinte au cerveau et
aux testicules. L’obtention d’un modèle de souris par recombi-
naison homologue en cellules ES, dans lequel le gène FMR1 a
été détruit, devrait nous permettre de répondre à certaines de ces
questions. ■