M I S E A U P O I N T Le syndrome de l’X-fragile ● T. Bienvenu*, C. Beldjord* P O I N T S F O R T S SYMPTOMATOLOGIE P O I N T S F O R T S La maladie se manifeste initialement, chez les garçons, par un retard de langage et des anomalies de comportement (hyperactivité, troubles de l’attention, impulsivité, comportement de type autistique). Dans la forme typique, le visage est long et étroit avec de larges oreilles décollées et mal ourlées, et un prognathisme du maxillaire inférieur. Le front est large, quadrangulaire, et il existe une relative macrocéphalie. Les lèvres sont épaisses et éversées. Chez l’adulte, on observe dans 70 à 75 % des cas une macro-orchidie, parfois une macrogénitostomie avec hyperpigmentation du scrotum. Certains signes inconstants ont été décrits : palais ogival (52 %), strabisme (36 %), myopie (22 %), scoliose, thorax creux, pieds plats (71 %), hyperlaxité des articulations métacarpophalangiennes (67 %), hyperlaxité du pouce (53 %), callosités du dos de la main (29 %), pli palmaire unique (25 %), convulsions (22 %), tics moteurs (19 %), clic cardiaque (18 %) (2). Ces signes évocateurs ne sont toutefois ni suffisamment spécifiques, ni suffisamment constants pour établir ou réfuter le diagnostic. Ainsi, dans certains cas, le retard mental est le seul symptôme d’appel (QI = 35-55 chez l’enfant et QI = 20-40 chez l’adulte en moyenne). Par ailleurs, la caractérisation du gène a permis de regrouper sous une même entité génétique des phénotypes aussi hétérogènes que le classique syndrome de Martin-Bell, l’autisme infantile et le morphotype “pseudo-Prader-Willi”. Chez les femmes, l’expression clinique est très variable. Un tiers des femmes présentant l’allèle muté sont cliniquement normales et deux tiers souffrent d’un retard mental léger à modéré (QI < 85), accompagné de troubles du comportement et de la relation. Les symptômes sont peu typiques : visage long, prognathisme du maxillaire inférieur et front haut. Récemment, il a été suggéré que les femmes présentant un allèle prémuté ont un risque majeur de survenue d’une ménopause précoce (< 40 ans). ■ Premier exemple de transmission génétique ne répondant pas aux lois de Mendel. ■ Grande hétérogénéité clinique. ■ Amplification de triplets CGG dans la région 5’ transcrite non codante du gène FMR1. ■ Au-delà de 200 triplets CGG, apparition d’une méthylation de l’îlot CpG en amont du gène FMR1 et inactivation du gène FMR1. ■ Depuis 1991, fiabilité (proche de 100 %) du diagnostic moléculaire du syndrome de l’X-fragile. ■ Fonction de la protéine FMRP encore inconnue avec certitude, bien qu’elle se fixe sur les transcrits et assure le transport de ceux-ci vers la machinerie traductionnelle. L e syndrome du retard mental avec X-fragile est la cause la plus fréquente de retard mental héréditaire, avec une incidence estimée à environ 1/4 000 chez les hommes, mais est également responsable de retard mental léger à modéré chez environ une femme sur 7 000. Il représente près de 15 % des retards mentaux liés au chromosome X (1). Il est encore sous-diagnostiqué, en raison de la méconnaissance du syndrome, résultant en particulier de la variabilité de ses formes cliniques. Bien que la première famille fût décrite en 1943 par Martin et Bell, que la mise en évidence d’un marqueur cytogénétique sur le chromosome X date de 1969 et que la mise au point de techniques de culture nécessaires à l’expression du marqueur ait été réalisée dès 1977, il faut se rappeler que ce syndrome n’a été réellement reconnu qu’à partir de 1982. * Laboratoire de biochimie et génétique moléculaire, hôpital Cochin, Paris. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000 DIAGNOSTIC CRYTOGÉNÉTIQUE C’est en 1969 que Lubs repère un chromosome marqueur chez quatre hommes retardés mentaux appartenant à trois générations d’une même famille. Ce marqueur apparaît sous forme d’une petite cassure à l’extrémité distale du chromosome X. Trois femmes hétérozygotes pour cette anomalie, exemptes de troubles psychiques, ont été considérées alors comme des vectrices saines. Toutefois, ce n’est qu’à partir de 1977 que l’importance de cette observation a été reconnue, grâce à la mise au 29 M P I O S I E N A point par Sutherland (1977) d’un test cytogénétique mettant en évidence de manière fiable le site fragile (dénommé FRAXAq27*RFA ; R = rare et FA = acide folique) à l’extrémité distale du bras long du chromosome X en Xq27.3 (3). Ce dernier n’est détecté que dans des conditions particulières d’analyse du caryotype (culture en milieu pauvre en acide folique et en thymidine, ou culture en présence de méthotrexate ou de fluorodésoxyuridine). Chez les garçons atteints, ces cassures sont constantes, mais leur fréquence varie de 5 à 50 % des mitoses examinées. Chez les filles atteintes cliniquement, il est habituel de trouver une moindre fréquence de cassures. Chez certaines, il est même impossible de les mettre en évidence. Ainsi, la détection de ce site fragile, par l’analyse de 50 à 100 cellules chez les hommes et de 75 à 150 cellules chez les femmes, permettait le diagnostic cytogénétique du syndrome avec une assez bonne fiabilité chez les patients présentant un retard mental (bien que certains faux négatifs aient été identifiés) mais ne permettait d’identifier que moins de 50 % des femmes conductrices obligatoires et, de plus, était très difficilement utilisable avec sécurité en diagnostic prénatal. Les premières possibilités de diagnostic prénatal, bien qu’imparfaites, ont été proposées en 1984 aux couples présentant un risque de un sur deux. À cette époque, l’analyse cytogénétique conduisait à respecter toutes les grossesses de fœtus de sexe féminin (faute de pouvoir discerner les déficiences mentales potentielles) et à proposer une interruption médicale de grossesse pour tous les résultats positifs obtenus chez les fœtus de sexe masculin quel que soit le pourcentage de mitoses FRAXA identifiées. De plus, l’existence d’autres sites fragiles X dans la région distale du bras long du chromosome X (FRAXD, FRAXE, FRAXF), cytogénétiquement difficiles à distinguer de FRAXA en absence des outils de biologie moléculaire (FISH), pouvait compliquer l’interprétation de l’examen cytogénétique (figure 1) et rendre le conseil génétique particulièrement ardu. L’intérêt de l’analyse du caryotype réside aujourd’hui dans la détection d’autres remaniements chromosomiques, dont la prévalence est estimée à environ 3 % des retards mentaux. DIAGNOSTIC MOLÉCULAIRE DIRECT L’identification, en 1991, du gène en cause (FMR1) a révélé un mécanisme mutationnel original qui a permis de mieux comprendre les caractéristiques de la transmission de ce syndrome et de développer des méthodes fiables de diagnostic de l’affection (4). En effet, ce syndrome du retard mental avec X-fragile présente un mode atypique de transmission dominant lié à l’X avec pénétrance incomplète, puisqu’on retrouve toujours un risque accru de développer la maladie au cours des générations successives dans une même famille (paradoxe de Sherman, décrit en 1985). Les mutations sont essentiellement des expansions instables d’une répétition du trinucléotide CGG, localisé dans le premier exon du gène FMR1, qui en comporte 17 étendus sur 38 kb (tableau I). Dans la population normale, cette répétition, située 69 nucléotides en amont du codon AUG initiateur de la traduc30 U T CHR.X q26 DXS98 FRAXD q27 DXS477 FRAXA DXS308 FRAXE DXS296 q28 FRAXF Figure 1. Localisation des quatre sites fragiles situés à l'extrémité distale du chromosome X. Le site fragile FRAXD en Xq27 et les deux sites fragiles FRAXE et FRAXF localisés en Xq28 sont cytogénétiquement difficiles à distinguer du site FRAXA. Tableau I. Effet des amplifications du triplet CGG dans le gène FMR1 (M = hommes ; F = femmes). Nombre de triplets Protéine FMRP Retard mental Normal (CGG) n = 6-54 Normale - Prémutation (CGG) n = 52-93 Normale - (CGG) n > 200 Absente/ Réduite 100 % M > 50 % F Mutation complète tion, est polymorphe, avec un nombre de CGG variant de 6 à 54 et une valeur moyenne de 30. Chez les patients avec retard mental, hommes ou femmes, les mutations dites “complètes” (full mutation pour les Anglo-Saxons) correspondent à de larges amplifications de ce triplet (200 à plus de 1 000 CGG) générant, dans ce cas, une hyperméthylation des séquences d’ADN avoisinantes, dont la conséquence est l’arrêt d’expression du gène FMR1. Chez la majorité des femmes conductrices, mais aussi chez des hommes sans retard mental, dits “hommes normaux transmetteurs”, sont retrouvées des expansions plus modérées de la région (52 à 193 CGG environ) sans méthylation, dénommées “prémutations”. À l’heure actuelle, on n’a jamais pu observer le passage d’un allèle normal à un allèle prémuté. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000 La transition de prémutation à mutation complète ne survient qu’après passage obligatoire d’une méiose féminine, avec un risque qui dépend de la taille de la prémutation. Ainsi, une femme avec une prémutation de 60 CGG a un risque faible d’avoir des enfants atteints, alors que ce risque devient très important pour des prémutations de 90 CGG ou plus (tableau II) (5). La prédiction de l’instabilité de la répétition pour des valeurs de 45 à 55 CGG (“grey zone”) sera fonction du nombre d’interruptions par des triplets AGG (en moyenne tous les 10 CGG), la répétition n’étant pas parfaite. Un homme porteur d’une prémutation la transmettra à toutes ses filles qui seront alors conductrices obligatoires, le risque d’avoir des enfants atteints survenant à la génération suivante. Tableau II. Risque de transition de prémutation à mutation complète en fonction de la taille de la prémutation maternelle (d'après [5]). Taille de la prémutation (en nombre de CGG) Risque de transition (estimation en %) 50-60 60-70 70-80 80-90 90-100 > 100 2-5 5-25 20-55 55-90 90-100 100 Centromère Bgl II Eagl Le diagnostic le plus fiable du statut génétique d’un individu repose aujourd’hui sur les méthodes de biologie moléculaire. La méthode considérée comme la plus fiable reste à ce jour l’analyse par la technique de Southern blot. Cette technique permet en général : – de mettre en évidence le fragment d’ADN renfermant la succession de triplets CGG ; – d’estimer le degré de méthylation de l’îlot CpG en amont du gène FMR1 chez les sujets atteints. En pratique, l’ADN, extrait généralement à partir des cellules nuclées du sang, est digéré par les enzymes de restriction EcoRI et EagI. Cette stratégie permet de distinguer les grandes prémutations sans méthylation des petites mutations complètes avec méthylation. Les fragments d’ADN sont alors séparés par électrophorèse sur un gel d’agarose à 0,8 %, transférés sur une membrane et hybridés avec la sonde StB12, fournie par l’équipe de J.L. Mandel (Strasbourg). Le marquage de la sonde peut être radioactif ou non radioactif (chimioluminescence). L’enzyme de restriction EcoRI délimite un fragment génomique de 5,2 kb, et l’enzyme de restriction EagI explore l’état de méthylation de l’îlot CpG localisé dans ce fragment en amont du gène FMR1. Une méthylation de cet îlot CpG inhibe la coupure par l’enzyme EagI du fragment de 5,2 kb en deux fragments, dont l’un a une taille de 2,8 kb (figure 2). Dans ces conditions, les résultats observés sont chez les hommes : – un fragment unique de 2,8 kb (“X actif” non méthylé) chez un homme normal ; – un fragment unique de 3-4 kb (prémutation sur le “X actif” Télomère HindIII EcoRI EcoRI HindIII EcoRI HindIII Bgl II Nrul SacII Xhol ccGn EcoRI PstI Eagl BamHI PstI Pstl HindIII HindIII EcoRI 1 kb pfxa1 / pE5.1 StB12.3 / pfxa7 pfxa2 pfxa3 / Ox0.55 Ox1.9 a b Figure 2. a) Carte de restriction de la région avoisinante du gène FMR1. b) Diagnostic moléculaire du syndrome X-fragile par Southern blot par double digestion de l'ADN génomique par EcoRI et EagI et hybridation avec la sonde StB12.3. Une mutation complète se traduit par une traînée (“smear”) constituée de fragments génomiques de poids moléculaire élevé supérieur à 6 kb. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000 31 M I S E A non méthylé) chez “homme normal transmetteur” sans expression clinique ; – des fragments instables oscillant entre 6 et 10 kb s’accompagnant de méthylation chez un homme atteint d’un retard mental. Chez les femmes, la situation est un peu plus complexe, puisqu’elle fait intervenir le second chromosome X. C’est pourquoi on observe : – deux fragments, un fragment de 5,2 kb (“X normal inactif” méthylé) et un fragment de 2,8 kb (“X actif” non méthylé) chez une femme normale ; – quatre fragments, un de 5,2 kb (“X normal inactif”), un de 5,56 kb (“X inactif” amplifié), un de 2,8 kb (“X actif” non méthylé non amplifié) et un de 3-3,5 kb (“X actif” non méthylé amplifié) chez une femme conductrice obligatoire ; – des fragments dont la taille varie de 6 à 10 kb (“X inactif et actif” amplifiés), un fragment de 2,8 kb (“X actif” non méthylé et non amplifié) et un fragment de 5,2 kb (“X inactif” méthylé et non amplifié) chez une femme portant une mutation complète. Un déséquilibre de méthylation est fréquemment observé. Environ 15 à 40 % des individus porteurs d’une mutation complète présentent également une prémutation. Cette observation correspond à la coexistence de cellules avec prémutation et de cellules avec mutation complète (mosaïcisme). Cela permet de mieux comprendre l’hétérogénéité clinique de ce syndrome et les discordances observées entre l’image autoradiographique du Southern blot et le degré de l’atteinte clinique. Par ailleurs, il a été décrit l’existence d’hommes intellectuellement normaux présentant une proportion élevée (> 60 %) de leucocytes avec mutation complète sans méthylation. Plus rarement, d’autres anomalies moléculaires, telles que des mutations ponctuelles (cinq cas rapportés entre 1991 et 1997) (tableau III) et des délétions emportant en partie ou en totalité le gène FMR1 (une vingtaine de cas répertoriés depuis 1991), ont été identifiées, essentiellement dans des formes sporadiques de l’affection (6). La rareté des mutations ponctuelles dans ce gène rend difficile à ce jour, en termes de coût-efficacité, la recherche systématique des mutations ponctuelles dans les retards mentaux sporadiques inexpliqués. DIAGNOSTIC PRÉNATAL Diagnostic prénatal direct Actuellement, il n’existe pas d’autres moyens de prévention du syndrome de l’X-fragile. Le diagnostic prénatal du syndrome de l’X-fragile peut être proposé aux femmes ayant une prémutation et à celles ayant une mutation complète. Il peut être réalisé à partir de l’ADN provenant d’une biopsie de villosités choriales, voire d’amniocytes (délai de réponse plus long, mais étude de la méthylation) ou de sang fœtal (pratiquement abandonné). La méthylation n’étant pas encore définitive chez le fœtus de 12 semaines, le résultat de l’analyse de l’ADN provenant de vil32 U P O I N T Tableau III. Principales mutations ponctuelles (2) et principaux variants identifiés dans le gène FMR1. Nature Localisation Mutations 373 delA 23714-23715 GG->TA** R546H (1856 G->A) IVS10+14 C->T I304N (1100 T->A) Variants** 14100 delCT 23603 A->G 30584 G->A 13979 G->T exon 5 (ACT->CT au codon 125) intron 1 - exon 2 exon 15 (AGA->AAA au codon 546) intron 10 exon 11 (ATT->AAT au codon 304) intron 1 intron 1 exon 5 (CGG->CGA au codon 138) exon 1 (GTG->GTT au codon 6) Nombre de cas 1 1 1 3 1 1 (14,3 %)* (8,6 %)* 1 * Fréquence observée dans la population générale. ** position par rapport à la séquence nucléotidique génomique (GSDB Acc#L690074). losités choriales comporte un certain risque d’erreur. L’analyse est dans ce cas généralement réalisée par Southern blot après une simple digestion par EcoRI ou par d’autres enzymes de restriction comme PstI, BglII ou HindIII. Ce diagnostic moléculaire doit être reservé aux laboratoires qui maîtrisent parfaitement cette méthode, une mutation hétérogène (mosaïque somatique) caractérisée par une traînée (smear pour les Anglo-Saxons) étendue, étant difficilement détectable si le bruit de fond est important. Diagnostic prénatal indirect Dans quelques rares cas (diagnostic prénatal précoce), le diagnostic prénatal moléculaire peut être effectué de manière indirecte en utilisant les polymorphismes de répétition de type microsatellite localisés de part et d’autre du gène FMR1 (notamment DXS548, FRAXAC1 et FRAXAC2, ces deux derniers étant localisés à 10 kb de part et d’autre du gène). La fréquence de l’hétérozygotie est estimée pour ces deux derniers marqueurs à 44 et 71 %, respectivement. L’utilisation de ces marqueurs devrait permettre la réalisation du diagnostic préimplantatoire (7). Cette technique, autorisée en France depuis le 24 mars 1998 (décret n° 98-216), vise à un transfert sélectif d’embryons dépourvus de l’anomalie génétique préalablement identifiée. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000 Cette stratégie de diagnostic moléculaire indirect nécessite très peu d’ADN fœtal, et les résultats peuvent être obtenus en 48 heures s’ils sont informatifs. Il est toutefois indispensable de disposer de l’ADN du sujet atteint (cas index), de la mère et du père (dans le cas d’un fœtus féminin). La description de rares cas de conversion génique et de recombinaison avec le locus DXS548 confirme toutefois la nécessité, lorsque cela est possible, de vérifier par une analyse directe tout résultat suggérant un fœtus sain. TECHNIQUES ALTERNATIVES DE DIAGNOSTIC PCR (Polymerase Chain Reaction) La méthode de Southern blot est une technologie lourde, longue et délicate, ne permettant pas de déterminer avec précision le nombre de triplets CGG. Ainsi, de nombreux laboratoires ont essayé depuis quelques années de développer des méthodes plus simples et plus rapides de diagnostic moléculaire. La méthode d’amplification in vitro (PCR) apparaissait initialement difficilement réalisable en raison du nombre élevé de triplets et de la nature de ces triplets (en effet, les répétitions CGG sont difficilement amplifiables). Toutefois, l’utilisation de certains artifices technologiques a permis d’amplifier les allèles normaux et les petites prémutations mais n’a pas pu résoudre complètement le problème posé, notamment par les mutations complètes. Cette méthode présente l’avantage de pouvoir estimer avec précision la taille de la prémutation (8). Ces techniques PCR, qui sont aujourd’hui proposées comme méthodes de criblage rapide, risquent toutefois d’être des méthodes délicates à mettre au point et ne peuvent être utilisées que par des mains expertes. Analyse de la protéine FMRP Une dernière alternative repose sur la détection de la protéine codée par le gène FMR1, dénommée FMRP, soit par Western blot, soit par immunocytochimie sur un frottis sanguin. Cette alternative a été rendue possible grâce au développement d’excellents anticorps monoclonaux. La protéine est absente chez les hommes, avec mutation complète, atteints d’un retard mental. En cas de mosaïque associant mutation complète/prémutation, un taux très réduit peut être observé (expression hétérogène en immunohistochimie). Chez une femme porteuse d’une mutation complète, l’inactivation au hasard du chromosome X entraîne la présence de la protéine dans une proportion variable de cellules, ce qui rend ce diagnostic délicat. En ce qui concerne l’utilisation de cette méthode en diagnostic de routine sur villosités choriales dans le cadre d’un diagnostic prénatal, une validation est en cours d’évaluation (9). Néanmoins, il est difficile aujourd’hui d’imaginer que cette approche puisse concerner les sujets transmetteurs, ce qui limite son intérêt dans le cadre du conseil génétique. La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000 FONCTION DE LA PROTÉINE FMRP En 1993, deux équipes ont caractérisé et localisé chez l’homme les produits d’expression du gène FMR1. De manière inattendue, les premiers anticorps spécifiques utilisés en Western blot ont permis de révéler la présence de cinq bandes, dont les masses relatives varient de 67 à 74 kDa pour une équipe et de 70 à 80 pour l’autre. Ces bandes sont présentes chez les sujets normaux et ceux présentant une prémutation, mais elles sont absentes chez les patients porteurs d’une mutation complète sans mosaïsisme. Des études immunocytochimiques et d’hybridation in situ montrent que la protéine a essentiellement une localisation cellulaire cytoplasmique. Une isoforme est toutefois retrouvée dans le noyau cellulaire. La protéine FMRP est exprimée à un taux élevé dans les neurones, les spermatogonies du sujet adulte et certains tissus épithéliaux. Cette protéine FMRP présente deux domaines “K homology” (KH) et un domaine RGG, impliqués dans la liaison à l’ARN, ce qui a conduit à la définir comme une “RNA Binding Protein”. Récemment, elle a été retrouvée associée à la sous-unité ribosomale 60S, suggérant un rôle direct ou indirect de la protéine FMRP dans la traduction de certaines protéines. Toutes ces observations suggèrent qu’elle serait impliquée dans le transport de certains ARN messagers du noyau dans le cytoplasme, participant ainsi à la régulation de la fonction de nombreux gènes. CONCLUSION Depuis l’observation originale de Martin et Bell en 1943, des progrès considérables ont été réalisés notamment dans le domaine du diagnostic du syndrome de l’X-fragile. Les méthodes de biologie moléculaire ont ainsi permis : – de faciliter le diagnostic du syndrome X-fragile, souvent délicat ; – de dépister les sujets prémutés, c’est-à-dire les femmes conductrices et les hommes transmetteurs sains ; – d’évaluer le risque de transition prémutation/mutation complète pour les descendants d’une femme conductrice ; – de réaliser avec fiabilité un diagnostic prénatal. Toutefois, le développement de ces méthodes ne permet toujours pas de prévoir in utero le phénotype des fœtus féminins porteurs d’une mutation complète. En effet, le risque de retard mental léger à modéré peut être estimé dans ces cas à environ 60 %. La recherche systématique de cette anomalie chez les sujets présentant un retard mental inexpliqué est aujourd’hui justifiée : par la fréquence élevée de ce syndrome, par le risque significatif posé pour les autres membres de la famille et par le bénéfice apporté en termes de santé publique. Sur le plan fondamental, de nombreux mystères restent à éclaircir, comme le mécanisme précis de l’expansion des triplets CGG et l’expression clinique majeure restreinte au cerveau et aux testicules. L’obtention d’un modèle de souris par recombinaison homologue en cellules ES, dans lequel le gène FMR1 a été détruit, devrait nous permettre de répondre à certaines de ces questions. ■ 33 A B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Lubs H., Chiurazzi P., Arena J. et coll. XLMR genes : update 1998. Am J Med Genet 1999 ; 83 : 237-47. 2. Vries de B.B.A., Halley D.J.J., Oostra B.A., Niermeijer M. The fragile-X syndrome. J Med Genet 1998 ; 35 : 579-89. 3. Sutherland G.R. Fragile sites on human chromosomes. Demonstration of their dependence on the type of tissue culture medium. Science 1977 ; 197 : 265. 4. Verkerk A.J., Pieretti M., Sutcliffe J.S. et coll. Identification of a gene (FMR-1) containing a CGG repeat coincident with a breakpoint cluster region exhibiting length variation in fragile-X syndrome. Cell 1991 ; 65 : 905-14. 5. Fish G.S., Snow K., Thibodeau S.N. et coll. The fragile-X premutation in carriers and its effect on mutation size in offspring. Am J Hum Genet 1995 ; 56 : 1147-55. 6. Hammond L.S., Macias M.M., Tarleton J.C., Shashidhar P.G. Fragile-X syndrome and deletions in FMR1 : new case and review of the literature. Am J Med Genet 1997 ; 72 : 430-4. 7. Dreesen J.C.F.M., Geraedts J.P.M., Dumoulin J.C.M. et coll. RS46 (DXS548) genotyping of reproductive cells : approaching preimplantation testing of the fragile-X syndrome. Hum Genet 1995 ; 96 : 323-9. 8. Larsen L.A., Gronskov K., Norgaard-Pedersen B. et coll. High-throughput analysis of fragile-X (CGG)n alleles in the normal and premutation range by PCR amplification and automated capillary electrophoresis. Hum Genet 1997 ; 100 : 564-8. 9. Willemsen R., Los F., Mohkamsing S. et coll. Rapid antibody test for prenatal U P O I N T A U T O - É V A L U A T I O N A U T O - É V A L U A T I O N 1 - Indiquez le ou les propositions exactes : Le syndrome X fragile pourrait être reproduit par : A) une méthylation seulement de l'îlot CpG du gène FMR1 ; B) une amplification et méthylation ; C) une mutation non-sens ; D) une délétion de tout le gène ; E) une mutation faux-sens dans le domaine fonctionnel de la protéine. 2 - Une seule proposition exacte : le diagnostic du syndrome de l'X fragile par cytogénétique est fiable surtout : A) chez les hommes normaux transmetteurs ; B) chez les femmes conductrices obligatoires ; C) chez les petits enfants de tout sexe d'hommes normaux transmetteurs ; D) chez les garçons porteurs de 50 à 200 triplets CGG ; E) chez les garçons porteurs de plus de 200 triplets CGG. 3 - Le mécanisme le plus fréquent du retard mental associé à une fragilité du chromosome X est dû à : A) une hyperméthylation de l'îlot CpG du gène FMR1 sans autre anomalie ; B) une amplification considérable d'un polymorphisme de répétition CGG sans anomalie de méthylation ; C) une mutation ponctuelle ; D) une délétion de tout le gène ; E) une amplification d'un polymorphisme exonique CGG associé à une méthylation d'un îlot CpG du gène FMR1. diagnosis of fragile-X syndrome on amniotic fluid cells : a new appraisal. J Med Genet 1997 ; 34 : 250-1. 3:E É F É R E N C E S E 2:E S 1 : A, B, C, D, E. R I Réponses : M ANNONCEURS BEAUFOUR IPSEN (TANAKAN), p. 8 BIOGEN (AVONEX), p. 4 LOGEAIS (VASOBRAL), p. 22 NOVARTIS PHARMA SA (COMTAN), p. 25 PARKE DAVIS (PRODILANTIN), p. 72 SCHERING AG (BETAFERON), p. 67 SERONO (REBIF), p. 2 SMITHKLINE BEECHAM (REQUIP), p. 71 34 La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. IV - février 2000