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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 231 - mars 1998
tique réalisent une stomatite bulleuse qui peut toucher la
muqueuse buccale, respectant généralement la gencive. On
observe de grosses vésicules ou des érosions en bouquet, et des
bulles très douloureuses responsables d’une aphagie totale. Le
syndrome général infectieux fébrile est marqué et l’évolution
se fait vers la guérison sans séquelle en dix jours. Les résur-
gences de l’herpès simplex ne sont généralement pas respon-
sables de dysphagie sauf en cas d’atteinte gingivale ou palatine
chez le sujet immunodéprimé.
Au cours de la varicelle, l’éruption intra-buccale vésiculeuse
est fugace laissant place à des ulcérations aphtoïdes. L’associa-
tion aux vésicules cutanées de la notion de contage fait suspec-
ter le diagnostic.
Le zona d’un nerf maxillaire provoque des lésions buccales de
topographie variable. La partie antérieure de l’hémilangue est
atteinte en cas d’atteinte du nerf lingual et l’association à une
paralysie faciale est possible. Des érosions du tiers postéro-
latéral de la langue et de l’oropharynx font évoquer un zona du
ganglion géniculé. La symptomatologie peut être fruste, limi-
tée à des douleurs dentaires. Les extractions malencontreuses
se compliquent alors souvent d’alvéolite et de nécrose osseuse.
Ces troubles trophiques du zona prédominent chez le sujet âgé.
Lésions fongiques
Le Candida albicans, saprophyte normal de la cavité buccale,
devient pathogène à l’occasion de lésions locales ou de mala-
dies générales (sida, antibiothérapie, corticothérapie, immuno-
suppresseurs mais aussi psycholeptiques). Les lésions peuvent
être aiguës, subaiguës ou chroniques. L’aspect clinique typique
est le muguet rencontré surtout chez le nouveau-né et le
vieillard. On observe une rougeur diffuse prédominant sur la
face dorsale de la langue qui peut être dépapillée, sur la voûte
du palais et à la face interne des joues. La sécheresse buccale
est associée à une douleur de type cuisson intense gênant la
déglutition. Après quelques jours, les zones érythémateuses se
recouvrent de granulations blanchâtres isolées puis
confluantes, facilement détachables.
La candidose peut revêtir d’autres aspects : érythromatose pure
(fréquente chez l’adulte), pseudomembraneuse, ou chronique
avec sa glossite typique (langue dépapillée latéralement et le
long du sillon médian avec couche parakératosique blanchâtre
qui recouvre les papilles).
Le prélèvement local au porte-coton suffit au diagnostic myco-
logique. La culture doit montrer d’abondantes colonies de
Candida albicans pour incriminer sa pathogénie.
Le traitement repose sur les antifongiques, en bains de bouche,
éventuellement dilués dans une solution bicarbonatée. Les
formes à délivrance progressive (ovules gynécologiques) sont
également très efficaces. Le traitement général est le plus sou-
vent inutile dans les formes orales pures.
La reconstitution d’un flux salivaire de bonne qualité constitue
un élément important du traitement préventif.
La paracoccidioïdomycose réalise des ulcérations doulou-
reuses profondes des muqueuses buccales et de la langue.
L’aspergillose disséminée à Aspergillus fumigatus peut af-
fecter le dos de la langue sous forme d’ulcérations hémorra-
giques. La mucormycose survient sur un terrain immunodé-
primé et est responsable de manifestations nerveuses, pulmo-
naires et digestives. Les lésions sont classiquement palatines et
réalisent des ulcérations avec nécrose et dénudation osseuse
douloureuse. L’histoplasmose à Histoplasma capsulum est
surtout retrouvée en Afrique et en Amérique du Sud. Des
lésions buccales (formations granulomateuses plus ou moins
végétantes sur le palais, les gencives, la langue et les lèvres)
existent dans un tiers des cas.
Lésions d’origine bactérienne
Les atteintes bactériennes de la cavité buccale sont extrême-
ment variées. L’aspect clinique permet le plus souvent de gui-
der le traitement probabiliste ou guidé par un prélèvement.
La scarlatine, provoquée par des streptocoques du groupe A
producteur de toxines, réalise un énanthème caractéristique
avec aspect framboisé de la langue.
L’érysipèle, due également à un streptocoque hémolytique du
groupe A, peut s’étendre à la cavité buccale. Elle réalise alors
des lésions érythémateuses et œdémateuses avec des petites
érosions hémorragiques sur le bord de la langue.
Le staphylocoque doré est responsable de stomatites et de
lésions bulleuses extensives.
L’incidence de la diphtérie pharyngée augmente depuis
quelques années avec le flux de sujets non vaccinés en prove-
nance d’Europe de l’Est. Elle peut réaliser des ulcérations à
pseudomembranes dysphagiantes.
La tularémie (Francicella tularantis) réalise un infiltrat
inflammatoire notamment lingual qui s’ulcère rapidement en
donnant des pseudomembranes et des nécroses profondes.
Au cours de la coqueluche, l’ulcération du frein lingual est très
fréquente par traumatisme dentaire après les quintes de toux.
Des stomatites avec glossite érosive et ulcérée ont été obser-
vées dans le cadre d’infections gonococciques.
Les abcès et cellulites d’origine dentaire peuvent, en fonction
de leur localisation, entraîner une dysphagie par diffusion dans
le plancher buccal vers la loge sous-maxillaire. Plus rarement,
il a été décrit des suppurations des espaces rétro-pharyngés ou
pharyngés latéraux. Les germes rencontrés sont surtout des
streptocoques et des anaérobies (Peptostreptococcus, bacté-
roïdes et Fusobacterium). Ces infections touchent préférentiel-
lement le sujet diabétique et sont cliniquement bruyantes avec
sialorrhée, odynophagie et dysphagie, voire détresse respira-
toire. Le traitement repose sur l’antibiothérapie intraveineuse
et le drainage de la collection après avoir assuré la liberté des
voies aériennes (2).
L’herpangine et le syndrome pied-main-bouche sont dus à des
coxsackies du groupe A et réalisent une stomatite douloureuse
et vésiculeuse. L’atteinte buccale est généralement plus posté-
rieure dans le cadre de l’herpangine. Le syndrome pied-main-
bouche touche les jeunes enfants : la stomatite s’associe à une
éruption vésiculeuse grisâtre de la plante des mains et des
pieds. La sensation de brûlure est intense avec sialorrhée et
refus d’alimentation. L’haleine est fétide avec une fièvre à
39° C et des adénopathies sous-maxillaires. Le diagnostic est
clinique et le traitement symptomatique avec des bains de
bouche antiseptiques. L’évolution est bénigne en une dizaine
de jours.