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La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998
qu’au Canada et dans plusieurs états des États-Unis, la morta-
lité par cancer du poumon a dépassé celle du cancer du sein, et
cette tendance va s’imposer dans nos pays.
Le facteur nutritionnel est rappelé, avec l’importance du taux
élevé de graisses dans l’alimentation des pays occidentaux et
l’apport bénéfique des fruits, des légumes et de l’huile d’olive
employés dans l’alimentation méditerranéenne (gradient
décroissant de l’incidence du cancer du sein, du Nord au Sud
de l’Europe (P. Boyle, Italie ; E. Snyderwine, NCI, Bethesda ;
A. Costa, Milan, Italie).
A. Costa rappelle l’existence de trois essais internationaux aux
États-Unis, en Italie et en Grande-Bretagne, ayant inclus
25 000 femmes dans le cadre d’une campagne de chimiopré-
vention par le tamoxifène, avec une dose standard de 20 mg
pour une durée de 5 ans. L’essai promu en 1985 par Veronesi
est également rappelé, ayant inclus 2 900 patientes traitées
pour un cancer du sein de stade I, soumises à l’utilisation des
rétinoïdes. Il avait été observé une réduction des cancers du
sein controlatéraux (pour les femmes préménopausées) et des
cancers de l’ovaire. Afin de réduire au maximum les effets
secondaires chez les femmes saines (cancers de l’endomètre,
accidents thromboemboliques), la possibilité d’utiliser des
doses plus faibles de tamoxifène est évoquée, les effets biolo-
giques semblant tout à fait comparables avec des doses
moindres. D’autres essais sont également prévus avec des anti-
estrogènes plus spécifiques.
La prescription d’une hormonothérapie substitutive et ses rela-
tions avec la survenue d’un cancer du sein restent un problème
non résolu. L’étude de cohorte des infirmières (Nurses’ Health
Study) permet de confirmer le bénéfice d’un traitement estro-
génique d’une durée de 10 ans, avec une réduction globale de
20 % de la morbidité (sphère cardiovasculaire et prévention
des fractures ostéoporotiques). En revanche, chez les femmes
ayant reçu ce traitement pendant plus de 10 ans, le risque
d’incidence de cancer du sein est augmenté de façon significa-
tive, mais la gravité de ces cancers serait moindre par rapport
aux autres (envahissement ganglionnaire plus faible, sous-
types histologiques favorables). On insiste sur la balance avan-
tages-risques, en comparant la mortalité cardiovasculaire
(diminution estimée à environ 7 %) à l’augmentation de mor-
talité par cancer du sein (1 % de plus) (C. Pritchard, Toronto).
Il faut être particulièrement prudent chez les femmes ayant des
antécédents familiaux et essayer d’identifier plus clairement
les femmes à haut risque de cancer du sein.
La deuxième session a été consacrée à la génétique. Si
70 % des cancers du sein sont sporadiques, 18 % concernent
des formes familiales sans support génétique, 12 % relèvent
d’une prédisposition génétique vraie avec, dans ce cas, une
implication de BRCA1 et BRCA2 respectivement dans 40 et
25 % des cas. D’autres gènes seraient impliqués dans les 35 %
de cas restants. Cela représente au total 2 % de la population
générale. La présence de ces gènes prédispose par ailleurs à un
certain nombre d’autres localisations. Une étude a été réalisée
par B. Weber (États-Unis) sur le plan histologique par la compa-
raison de 485 cas de cancers du sein familiaux à 565 cas spora-
diques. Chez les femmes porteuses de BRCA1, les tumeurs
sont plus fréquemment de type indifférencié (grade III) ; en
revanche, il n’y a pas de différence significative en ce qui
concerne les autres types histologiques, sauf peut-être pour les
carcinomes lobulaires, légèrement augmentés chez les femmes
porteuses de BRCA2, et les carcinomes médullaires pour les
porteuses de BRCA1. La discussion reste ouverte sur les possi-
bilités de dépistage et de traitement, ainsi que sur les pro-
blèmes pratiques et psychologiques. J. Garber (États-Unis)
rappelle que le patient est, vis-à-vis de sa famille, “le gardien
de la porte” au-delà de laquelle d’énormes difficultés peuvent
survenir. Les conséquences économiques et sociales peuvent
être importantes et ne doivent pas être sous-estimées.
La biologie du cancer du sein a été le thème de la troi-
sième session, essentiellement consacrée à l’IGF1 (insuline-
like growth factor). Cette protéine, sécrétée par l’hypophyse et
modifiée par le foie, est un puissant mitogène pour les cellules
épithéliales mammaires normales et transformées ; son dosage
élevé pourrait représenter une indication de risque de cancer
du sein chez des femmes préménopausées. Pour mémoire, le
tamoxifène agit en partie en abaissant le niveau de l’IGF1.
La somatostatine fait également baisser le taux de l’IGF1 et,
par ce biais, il y aurait une nouvelle possibilité de chimiopré-
vention. Un essai avec ce produit, éventuellement couplé au
tamoxifène, est en cours d’élaboration entre le NCI et le
NSABP. En ce qui concerne les marqueurs tumoraux, les
recommandations ont été celles, déjà connues, du panel
d’experts de l’ASCO de 1996 (M. Pollak, Montréal ;
D. Hayes, Washington).
Les carcinomes in situ du sein ont été l’objet de la qua-
trième session. On rappelle l’augmentation importante
d’incidence grâce au développement du dépistage mammogra-
phique, ainsi que l’absolue nécessité d’une qualité d’exérèse
satisfaisante, notamment en cas de taille lésionnelle étendue.
Le point le plus important discuté est celui de l’évaluation
exacte du rôle de la radiothérapie complémentaire, ainsi que
peut-être du tamoxifène (J. Kurtz, Genève).
Toutes les classifications ont en commun une subdivision en
trois catégories des lésions, avec des formes peu, moyenne-
ment et bien différenciées. L’identification d’altérations géné-
tiques avec amplification de certains oncogènes pourrait être
un élément nouveau. L’hypothèse d’un précurseur commun à
toutes les lésions prénéoplasiques est développée. Il y aurait
ultérieurement des voies de transformation variables selon les
cas vers différents types de lésions in situ, parfois réversibles
ou pouvant aboutir aux carcinomes infiltrants de tout type
(Van de Vijer, Amsterdam).
M. Silverstein (Los Angeles) a tenté de répondre à trois
grandes questions : peut-on préciser l’hétérogénéité des
CCIS ? La radiothérapie est-elle toujours nécessaire après exé-
rèse limitée ? La mastectomie reste-t-elle indiquée, et dans
quelles situations ?