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6e Conférence internationale sur
les thérapeutiques adjuvantes du cancer du sein
Saint-Gall, 25-28 février 1998 (Suisse)
Les comptes rendus de congrès constituent une rubrique omniprésente dans toutes les publications scientifiques.
C’est indispensable, bien que souvent fastidieux, et pour ceux qui rapportent, et pour ceux qui lisent... Pourtant,
compte tenu du nombre de congrès et des informations qui s’y échangent à grande vitesse, cette astreinte est
nécessaire, à nous de la rendre attrayante. Pour l’intérêt de tous, cette information glanée à travers le monde doit
circuler vite. Cependant, comme le bon vin, il faut savoir parfois laisser reposer quelques semaines toutes les données
recueillies afin d’en rendre une version globale harmonieuse et “digérée” !
Vous qui êtes allés tout près ou très loin, rapportez-nous vos impressions de voyages et vos conclusions... Aidez-nous
à rendre cette rubrique attractive et à en faire un rendez-vous attendu.
Vous trouverez régulièrement une ou deux journées régionales et/ou nationales et un ou deux congrès
internationaux consacrés au sein.
Anne Lesur-Schwander
Le congrès de Saint-Gall, organisé tous les trois ans en Suisse,
réunit des spécialistes internationaux concernés par le cancer
du sein. Le programme prévoit deux jours de conférence ayant
pour objectif de faire le point sur les questions de fond. Le
congrès se termine par une matinée de conférence de consensus.
Ainsi, il y a trois ans, a été officialisée, après ce congrès, l’attitude à adopter en matière de traitement adjuvant pour les cancers du sein sans envahissement ganglionnaire (N -).
B. Cutuli (Centre Paul-Strauss, Strasbourg) nous a rapporté
fidèlement l’essentiel de cette manifestation majeure.
La conférence inaugurale confiée à U. Veronesi (Milan)
a couvert l’essentiel des problèmes actuels en cancérologie
mammaire.
❒ L’incidence du cancer du sein continue à croître ; cependant, pour la première fois, la mortalité globale se stabilise,
voire diminue (détection de petites lésions, optimisation des
traitements).
❒ La problématique de la génétique, avec l’identification
future de nouveaux gènes de prédisposition, réside dans le
choix thérapeutique proposé aux femmes, avec des attitudes
controversées et extrêmes, allant de la surveillance précoce
(comment ? à quel âge ? à quel rythme ?) à la mastectomie
prophylactique bilatérale (États-Unis), voire à la chimioprévention.
❒ Le taux croissant de lésions infracliniques modifiant la
répartition des nouveaux cancers attendus en l’an 2 000 (50 %
de T1 et 25 % de in situ) implique le recours à des techniques
d’exérèse optimales. C’est par l’exérèse complète que passe
l’amélioration des résultats du traitement conservateur. Les
récidives locales, surtout si elles sont précoces, ont, pour beaucoup d’auteurs, une influence néfaste sur la survie à long
terme. Dans cette optique, la ROLL (radio guided occult lesion
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location), avec le technétium 99, pourrait être prometteuse,
permettant la vérification des marges à l’aide d’une scintigraphie de pièce.
❒ Le ganglion sentinelle apparaît comme un progrès important dans l’exploration de l’aisselle, notamment en termes de
qualité de vie. Les résultats actualisés de l’Institut européen de
Milan sont intéressants : le taux d’identification du ou des
ganglions sentinelles par détection isotopique est de 98,9 %
avec identification d’un, deux ou trois ganglions dans respectivement 241, 92 et 24 cas. La valeur prédictive est également
très bonne, avec un taux de concordance de 96,6 %. À l’Institut
de Milan, un essai pour les tumeurs T1 < 1,5 cm N0 est activé,
comparant le traitement conservateur classique avec dissection
axillaire complète à une biopsie seule du ganglion sentinelle.
❒ Une autre question souvent évoquée est celle de la date de la
chirurgie par rapport à la date des dernières règles : les résultats de l’orateur sont en faveur d’un avantage pour la phase
lutéale (75 % de taux de survie par rapport à 63 % en phase
folliculaire). Une explication avancée est que les lésions en
phase lutéale auraient un Ki67 plus bas (lésions moins prolifératives).
❒ Un historique de la chimiothérapie est retracé : les années 70
permettent l’utilisation de celle-ci à des fins d’opérabilité pour
les tumeurs avancées ; les années 80 voient le développement
des traitements conservateurs grâce à la chimiothérapie néoadjuvante ; dans les années 90, celle-ci tend à devenir un test de
chimiosensibilité afin d’optimiser les traitements et, par là
même, les indications.
L’épidémiologie a été le thème de la première session.
Un million de femmes sont mortes aux États-Unis, de 1950 à
1979, à la suite d’un cancer du sein, et le même nombre vit
actuellement en Europe avec l’affection. Cependant, on note
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qu’au Canada et dans plusieurs états des États-Unis, la mortalité par cancer du poumon a dépassé celle du cancer du sein, et
cette tendance va s’imposer dans nos pays.
Le facteur nutritionnel est rappelé, avec l’importance du taux
élevé de graisses dans l’alimentation des pays occidentaux et
l’apport bénéfique des fruits, des légumes et de l’huile d’olive
employés dans l’alimentation méditerranéenne (gradient
décroissant de l’incidence du cancer du sein, du Nord au Sud
de l’Europe (P. Boyle, Italie ; E. Snyderwine, NCI, Bethesda ;
A. Costa, Milan, Italie).
A. Costa rappelle l’existence de trois essais internationaux aux
États-Unis, en Italie et en Grande-Bretagne, ayant inclus
25 000 femmes dans le cadre d’une campagne de chimioprévention par le tamoxifène, avec une dose standard de 20 mg
pour une durée de 5 ans. L’essai promu en 1985 par Veronesi
est également rappelé, ayant inclus 2 900 patientes traitées
pour un cancer du sein de stade I, soumises à l’utilisation des
rétinoïdes. Il avait été observé une réduction des cancers du
sein controlatéraux (pour les femmes préménopausées) et des
cancers de l’ovaire. Afin de réduire au maximum les effets
secondaires chez les femmes saines (cancers de l’endomètre,
accidents thromboemboliques), la possibilité d’utiliser des
doses plus faibles de tamoxifène est évoquée, les effets biologiques semblant tout à fait comparables avec des doses
moindres. D’autres essais sont également prévus avec des antiestrogènes plus spécifiques.
La prescription d’une hormonothérapie substitutive et ses relations avec la survenue d’un cancer du sein restent un problème
non résolu. L’étude de cohorte des infirmières (Nurses’ Health
Study) permet de confirmer le bénéfice d’un traitement estrogénique d’une durée de 10 ans, avec une réduction globale de
20 % de la morbidité (sphère cardiovasculaire et prévention
des fractures ostéoporotiques). En revanche, chez les femmes
ayant reçu ce traitement pendant plus de 10 ans, le risque
d’incidence de cancer du sein est augmenté de façon significative, mais la gravité de ces cancers serait moindre par rapport
aux autres (envahissement ganglionnaire plus faible, soustypes histologiques favorables). On insiste sur la balance avantages-risques, en comparant la mortalité cardiovasculaire
(diminution estimée à environ 7 %) à l’augmentation de mortalité par cancer du sein (1 % de plus) (C. Pritchard, Toronto).
Il faut être particulièrement prudent chez les femmes ayant des
antécédents familiaux et essayer d’identifier plus clairement
les femmes à haut risque de cancer du sein.
La deuxième session a été consacrée à la génétique. Si
70 % des cancers du sein sont sporadiques, 18 % concernent
des formes familiales sans support génétique, 12 % relèvent
d’une prédisposition génétique vraie avec, dans ce cas, une
implication de BRCA1 et BRCA2 respectivement dans 40 et
25 % des cas. D’autres gènes seraient impliqués dans les 35 %
de cas restants. Cela représente au total 2 % de la population
générale. La présence de ces gènes prédispose par ailleurs à un
certain nombre d’autres localisations. Une étude a été réalisée
par B. Weber (États-Unis) sur le plan histologique par la comparaison de 485 cas de cancers du sein familiaux à 565 cas sporaLa Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998
diques. Chez les femmes porteuses de BRCA1, les tumeurs
sont plus fréquemment de type indifférencié (grade III) ; en
revanche, il n’y a pas de différence significative en ce qui
concerne les autres types histologiques, sauf peut-être pour les
carcinomes lobulaires, légèrement augmentés chez les femmes
porteuses de BRCA2, et les carcinomes médullaires pour les
porteuses de BRCA1. La discussion reste ouverte sur les possibilités de dépistage et de traitement, ainsi que sur les problèmes pratiques et psychologiques. J. Garber (États-Unis)
rappelle que le patient est, vis-à-vis de sa famille, “le gardien
de la porte” au-delà de laquelle d’énormes difficultés peuvent
survenir. Les conséquences économiques et sociales peuvent
être importantes et ne doivent pas être sous-estimées.
La biologie du cancer du sein a été le thème de la troisième session, essentiellement consacrée à l’IGF1 (insulinelike growth factor). Cette protéine, sécrétée par l’hypophyse et
modifiée par le foie, est un puissant mitogène pour les cellules
épithéliales mammaires normales et transformées ; son dosage
élevé pourrait représenter une indication de risque de cancer
du sein chez des femmes préménopausées. Pour mémoire, le
tamoxifène agit en partie en abaissant le niveau de l’IGF1.
La somatostatine fait également baisser le taux de l’IGF1 et,
par ce biais, il y aurait une nouvelle possibilité de chimioprévention. Un essai avec ce produit, éventuellement couplé au
tamoxifène, est en cours d’élaboration entre le NCI et le
NSABP. En ce qui concerne les marqueurs tumoraux, les
recommandations ont été celles, déjà connues, du panel
d’experts de l’ASCO de 1996 (M. Pollak, Montréal ;
D. Hayes, Washington).
Les carcinomes in situ du sein ont été l’objet de la quatrième session. On rappelle l’augmentation importante
d’incidence grâce au développement du dépistage mammographique, ainsi que l’absolue nécessité d’une qualité d’exérèse
satisfaisante, notamment en cas de taille lésionnelle étendue.
Le point le plus important discuté est celui de l’évaluation
exacte du rôle de la radiothérapie complémentaire, ainsi que
peut-être du tamoxifène (J. Kurtz, Genève).
Toutes les classifications ont en commun une subdivision en
trois catégories des lésions, avec des formes peu, moyennement et bien différenciées. L’identification d’altérations génétiques avec amplification de certains oncogènes pourrait être
un élément nouveau. L’hypothèse d’un précurseur commun à
toutes les lésions prénéoplasiques est développée. Il y aurait
ultérieurement des voies de transformation variables selon les
cas vers différents types de lésions in situ, parfois réversibles
ou pouvant aboutir aux carcinomes infiltrants de tout type
(Van de Vijer, Amsterdam).
M. Silverstein (Los Angeles) a tenté de répondre à trois
grandes questions : peut-on préciser l’hétérogénéité des
CCIS ? La radiothérapie est-elle toujours nécessaire après exérèse limitée ? La mastectomie reste-t-elle indiquée, et dans
quelles situations ?
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L’importance du contrôle local a été remise en exergue : pour
mémoire, toute rechute sous forme invasive s’accompagne
d’un risque d’atteinte axillaire et/ou métastatique alors que le
pronostic initial est théoriquement de 100 % de guérison. La
notion de marges saines ne peut cependant être précisée : en
effet, dans la littérature, elle varie de la simple présence de
tissu “sain” à 1 mm jusqu’à 1 ou 2 cm !
L’essai du NSABP B-17 confirme, avec un recul de 8 ans, un
taux de récidives locales de 26,8 % pour les patientes n’ayant
eu qu’une chirurgie exclusive et de 12,1 % pour celles ayant
eu une irradiation complémentaire, sans oublier que 50 % de
ces récidives locales sont invasives. Une récente analyse de
ces résultats vient d’être publiée dans le Journal of Clinical
Oncology de 1998 (16 : 441-52). Dans sa série personnelle,
Silverstein retrouve, après traitement conservateur (avec ou
sans radiothérapie), un taux global de récidives locales de
10 %, le recul médian et la répartition exacte entre les deux
bras n’étant pas précisés. Les facteurs prédictifs de rechute,
après analyse multifactorielle, sont les facteurs anatomopathologiques (définis par le grade nucléaire et la nécrose), l’étendue des marges et la taille tumorale (données utilisées dans
l’index pronostique de Van Nuys).
Par ailleurs, en ce qui concerne les carcinomes canalaires in
situ, trois autres essais sont en cours d’analyse : celui de
l’EORTC (1 010 patientes incluses), celui de la Grande-Bretagne (1 519 patientes) et celui de la Suède (900 patientes) ;
aucun résultat n’est encore disponible.
La cinquième session a été consacrée aux nouveautés
dans la chirurgie du cancer du sein, avec une place importante
faite aux nouvelles procédures de curage axillaire. M. BlichertToft (Copenhague) a rappelé son attachement à la dissection
axillaire à but de stadification et dans le cadre du contrôle
locorégional de la maladie.
Pour mémoire, la réalisation d’un curage incomplet est corrélée à une méconnaissance de l’envahissement variant de 5 à
43 % et à la survenue accrue de récidives ganglionnaires ainsi
qu’à une diminution de la survie (un curage bien fait doit
contenir au moins 10 ganglions prélevés).
En regard, l’argumentaire de A. Costa a insisté sur la nouvelle
situation en cancérologie mammaire depuis le développement
du dépistage et la découverte d’un nombre important de
lésions infracliniques pT1a ou pT1b pour lesquelles le taux de
ganglions envahis est de l’ordre de 10 à 15 % seulement. Les
résultats de l’essai sur le ganglion sentinelle de Veronesi, cité
plus haut, sont rappelés.
À noter qu’il a été beaucoup question, dans cette session, de la
qualité de vie des patientes, mais qu’aucun commentaire n’a
été réalisé sur les modalités de découverte et les possibilités
thérapeutiques limitées des récidives axillaires, dont le pronostic et le retentissement psychologique sont redoutables.
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Les sessions 6 et 7 ont été consacrées à la chimiothérapie, à la radiothérapie et aux traitements hormonaux
En matière de chimiothérapie néoadjuvante, les résultats du
protocole B18 du NSABP ont été présentés par B. Fisher
(Pittsburgh). Avec six ans de recul, le nombre de rechutes et
d’évolutions métastatiques est identique dans les deux bras,
ainsi que la survie. Pour mémoire, 743 patientes avaient reçu
une chimiothérapie préopératoire (néoadjuvante) et 757 une
chimiothérapie postopératoire, chimiothérapie identique dans
les deux cas, sous forme de quatre cycles d’adriamycine et
cyclophosphamide.
Bien qu’il faille attendre les conclusions définitives, il semble
qu’il existe un bénéfice significatif pour les patientes ayant eu
une réponse complète (au niveau mammaire et axillaire), avec
un taux de conservation plus important.
S. Scholl (Paris) a confirmé ces résultats avec l’actualisation
de l’essai S-6 de l’Institut Curie ayant inclus 390 patientes,
avec un recul médian de 8 ans. Il s’agissait de patientes préménopausées avec une tumeur de plus de 3 cm : la survie à 10 ans
est identique (63 %) dans les deux bras (chimiothérapie néoadjuvante et postopératoire). Les paramètres associés à une
bonne réponse à la chimiothérapie sont la phase S élevée, le
jeune âge (< 35 ans), l’absence de récepteurs hormonaux et le
faible grade de différenciation.
La place de la radiothérapie locorégionale et son intégration
optimale avec les autres traitements dans le cadre d’une procédure conservatrice, ont été réaffirmées par J. Harris (Boston).
La radiothérapie reste absolument indispensable après une
chirurgie conservatrice ; les cinq essais randomisés réalisés
jusqu’à maintenant ont montré, avec l’irradiation complémentaire, des réductions très importantes des récidives locales (8 à
10 % contre 30 % et plus), avec des variations selon les critères d’inclusion et les reculs.
L’essai mené à Boston pour des lésions T1 N0 avec 1 cm de
marge saine, sans radiothérapie, a été rappelé : il a été arrêté
après que 87 patientes ont été incluses car, avec un recul de
66 mois, 16 récidives locales étaient déjà apparues, dont 5 suivies d’une évolution métastatique.
La place de l’irradiation locorégionale après mastectomie a
également été redéfinie à la suite de la publication de deux
études au Danemark et au Canada, dans le New England Journal of Medicine, mettant en évidence un bénéfice en termes de
survie de plus de 10 % pour les patientes ainsi traitées. Il apparaît, à l’heure actuelle, qu’il est important de prévenir les récidives locorégionales, celles-ci pouvant être la source d’un
réensemencement à distance à l’origine d’une diffusion métastatique, quand bien même une chimiothérapie a été associée.
L’importance d’une bonne technique d’irradiation a été soulignée. L’utilisation d’électrons (avec au moins 50 % de la dose
délivrée) pour l’irradiation de la chaîne mammaire interne est
indispensable afin d’éviter la toxicité cardiaque.
Le dernier point évoqué a été celui de la chronologie radiothérapie-chimiothérapie, mettant en évidence les difficultés que
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rencontrent les expérimentateurs de protocoles associant chimiothérapie et radiothérapie en termes de tolérance cutanée.
Cependant, en France, un “schéma sandwich” avec radiothérapie intercalée entre 3 + 3 cycles de chimiothérapie a souvent
été employé avec des résultats satisfaisants en pratique quotidienne.
Le raloxifène, présenté par V. Jordan (Chicago), représente le
nouvel espoir en termes d’anti-estrogènes ; il vient d’être
approuvé par la FDA dans la prévention de l’ostéoporose. Il
semble prometteur en termes de réduction de la mortalité cardiovasculaire, de prévention des cancers du sein, tout en ne
générant que très peu de risques au niveau de l’endomètre.
K. Pritchard (Toronto) a confirmé l’amélioration par la suppression ovarienne (chirurgicale ou radiothérapique) de la survie sans récidive et de la survie globale de 7 % à 15 ans dans la
dernière méta-analyse d’Oxford (1995), notamment pour les
femmes à haut risque avec un envahissement ganglionnaire.
De nombreuses questions restent encore sans réponse : la suppression ovarienne est-elle aussi efficace que la chimiothérapie
chez les femmes jeunes avec des récepteurs hormonaux positifs ? Si un traitement par analogue de la LHRH est mis en
œuvre, quelle en est la durée optimale et quel est le taux réel
de récupération de la fonction ovarienne ? Faut-il systématiquement adjoindre un anti-estrogène ? Enfin, quel est l’impact
respectif des différents traitements en termes de qualité de vie ?
Les taxanes ont été à la une des deux sessions consacrées à la
chimiothérapie [P. Conte (Pise), L. Gianni (Milan)]. On
retiendra le message de Gianni en ce qui concerne la nécessité
d’utiliser ces produits chez des patientes à haut risque, à type
de chimiothérapie néoadjuvante avec une possibilité d’évalua-
tion de la réponse clinique et surtout histologique, en espérant
qu’il y ait une corrélation ultérieure en termes d’amélioration
de la survie à long terme.
Quelques protocoles originaux ont été présentés, tels que celui
de I. Smith (Londres) au Royal Marsden Hospital avec le protocole “infusional ECF” : administration continue et prolongée
de 5-FU sur 6 mois associée à des bolus intermittents de cisplatine et d’épirubicine. Les résultats sont intéressants (57 %
de réponse complète sur des tumeurs évoluées). Là aussi, le
taux de réponse histologique complète est le meilleur facteur
prédictif de survie. Les travaux sur la néo-angiogenèse et
l’inhibition du VEGF (vascular endothelial growth factor) ont
été présentés par A. Harris (Oxford). Enfin, M. Piccart
(Bruxelles) a exposé les notions de “dose-intensité” et de
“dose-densité” en modifiant les trois paramètres que sont la
dose par cycle, l’intervalle entre les cycles et la dose cumulée.
Les bénéfices obtenus devront être systématiquement comparés
à l’augmentation de la toxicité à long terme.
Les sessions 10 et 11 ont été consacrées à la notion de
qualité de vie et à une revue des principaux essais internationaux en cours
Ce tour d’horizon s’est traduit par trois exposés sur la qualité
de vie, mettant en évidence les différentes possibilités de
mesure de ce paramètre et ses aspects multiples [R. Gelber
(Boston), Ch. Hürny (Bâle), P. Ganz (Los Angeles)].
Dans le futur, une prise en compte plus précise des effets
secondaires par rapport au bénéfice potentiel apporté par les
différents traitements sera nécessaire, ceci passant obligatoirement par une explicite information et plus adaptée aux
patientes.
Conférence de consensus du 28 février 1998
Présents : les docteurs Howell, Abrams, Coates, Mouridsen, Fisher, Piccart, Kauffmann,
Baum, Gelber, Pritchard, Boccardo, Wood, Kurtz, Glick
Cette conférence s’est déroulée sous forme de questions
posées aux experts, pour lesquelles, parfois, il n’est pas possible de mettre en évidence de réponse consensuelle.
FACTEURS PRONOSTIQUES
Quels facteurs utiliser en routine ?
Les catégories pronostiques définies en 1995 pour le groupe
des patientes sans atteinte ganglionnaire (N-) restent validées.
Taille
RE
Grade
Risque faible
Risque intermédiaire
Risque élevé
≤ 1 cm
+
I
1,1 - 2 cm
+
I-II
≥ 2 cm
II-III
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Les facteurs validés restent l’âge (les femmes de moins de
35 ans, ayant un facteur pronostique défavorable), le grade, les
récepteurs hormonaux, le nombre de ganglions axillaires envahis. En routine, en situation N-, il n’y a pas de place pour
d’autres facteurs pronostiques.
En ce qui concerne les valeurs seuils de positivité pour les
récepteurs aux estrogènes, selon deux méthodes de dosage
coexistantes (immuno-histochimique et biochimique), la
valeur seuil est définie, par la méthode immuno-histochimique,
à 10 % de cellules tumorales marquées ou plus, et à 10 fm/mg
de protéines ou plus par la méthode biochimique.
Les récepteurs hormonaux sont dits négatifs (RH-) si les récepteurs aux estrogènes et les récepteurs à la progestérone sont
négatifs (RE -, RP -). Les récepteurs hormonaux sont dits posi37
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tifs dès que l’un des deux est positif. Pour B. Fisher, le niveau
de positivité d’un récepteur n’aurait pas d’importance.
Enfin, la présence d’emboles lymphatiques semble être un facteur pronostique péjoratif.
Quels sont les facteurs prédictifs de réponse à la
chimiothérapie ?
Pour l’instant, seul le grade est un facteur déterminant. La
phase S comme C-erbB-2 sont étudiés, mais n’ont pas d’indication en routine. S’il n’est pas possible actuellement de
répondre à la question “la réponse clinique à la chimiothérapie est-elle un facteur pronostique ?”, il semble probable que
la réponse histologique complète soit un facteur pronostique
(B. Fisher).
Au sujet du ganglion sentinelle...
Cette procédure d’analyse du creux axillaire reste encore du
domaine expérimental ; de nombreux essais sont en cours. Il
est nécessaire de tester la technique et de la valider. La chirurgie conventionnelle reste le traitement standard, et le nombre
de ganglions envahis reste un facteur pronostique majeur. Le
nombre de ganglions prélevés et le nombre de coupes par ganglion sont importants : le nombre minimal de ganglions examinés
pour qu’un curage axillaire soit valide est de 10.
CHIMIOTHÉRAPIE PREMIÈRE
Quelles patientes devraient recevoir une chimiothérapie
première (néoadjuvante) ?
Le but d’une chimiothérapie préopératoire est d’augmenter le
nombre de candidates à une conservation mammaire. Bon
nombre d’experts considèrent que les petites tumeurs restent
des indications de chirurgie première, pour une définition optimale des facteurs pronostiques. L’indication d’une chimiothérapie néoadjuvante n’est pas retenue pour une petite tumeur en
dehors d’un essai thérapeutique (on tiendra naturellement
compte du rapport entre la tumeur et le sein). Cette stratégie de
chimiothérapie première est acceptée pour les tumeurs volumineuses inaccessibles à une chirurgie conservatrice première.
Il y a peu d’études définissant quelle chimiothérapie préopératoire choisir et évaluant l’hormonothérapie ou l’association de
chimio-hormonothérapie en préopératoire. En dehors des
tumeurs de gros volume, les résultats thérapeutiques obtenus
avec la chimiothérapie concernent une chimiothérapie adjuvante postopératoire ; ces résultats ne sont pas forcément transposables en chimiothérapie première. On ignore également les
modifications induites par la chimiothérapie première sur les
récepteurs hormonaux. Il est important d’orienter les travaux
sur les tests biologiques.
RÔLE DE LA RADIOTHÉRAPIE APRÈS MASTECTOMIE
La question est de savoir si toutes les patientes ayant une
atteinte ganglionnaire axillaire doivent recevoir une radiothérapie externe en pré- ou en postménopause. Quels champs doivent être utilisés ? Faut-il irradier la chaîne mammaire interne
(CMI) ? Faut-il irradier également en situation d’absence
d’atteinte ganglionnaire ?
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Deux essais récents ont montré qu’une radiothérapie à
50 grays réduisait le risque de rechute d’un facteur 4 ; sans
radiothérapie, le taux de rechute est de plus de 40 %, et le gain
en survie globale est de 10 % avec radiothérapie (voir le compte
rendu du congrès). En situation N+ ≥ 4 avec une grosse tumeur,
le risque de rechute est supérieur à 20 % et l’indication de
radiothérapie externe locorégionale est retenue de façon
consensuelle. Pour le groupe d’un à trois ganglions positifs, les
avis sont controversés, et l’indication reste du domaine de la
recherche. Les indications d’irradiation de la chaîne mammaire
interne restent à l’étude. On évalue également des techniques
particulières pour irradier le sein gauche et préserver le cœur.
En cas d’absence d’envahissement ganglionnaire pour une
tumeur située dans les quadrants externes, il n’y a pas lieu
d’irradier après mastectomie.
PATIENTES SANS ATTEINTE GANGLIONNAIRE (N-)
Est-il possible de définir un groupe de très bon pronostic chez
lequel on puisse se dispenser d’un traitement adjuvant ?
Patientes sans atteinte ganglionnaire à faible risque (≤ 1 cm,
grade I, RH+)
La survie globale est de 95 % à 10 ans, la survie sans rechute
est ≥ 95 % et l’on ne retient pas d’indication de traitement
adjuvant. Le bénéfice d’une chimiothérapie sera seulement discuté chez des patientes très jeunes, en tenant compte du facteur
“âge”.
Patientes N- du groupe de risque intermédiaire (1,1 à 2 cm,
grade I ou II, RH+).
L’adjonction systématique de la chimiothérapie est discutée.
Fisher affirme le bénéfice de la chimiothérapie (NSABP B20).
Cependant, on notera l’hétérogénéité importante des chimiothérapies administrées avec ou sans anthracyclines. On laissera
la priorité à la préférence de la patiente.
En situation N-, l’administration d’une bithérapie, hormonothérapie + chimiothérapie, ne fait pas l’unanimité ; pour les
tumeurs RH+, le tamoxifène reste la base, tandis que pour les
RH-, il s’agit de la chimiothérapie ; l’accord se fait sur la proposition tamoxifène ± chimiothérapie pour les RH+.
Patientes à haut risque (> 2 cm, grade II ou III, RH-)
Tous les experts sont d’accord pour recommander la chimiothérapie. Ils sont unanimes pour affirmer que les tumeurs REet RP- doivent être exclues d’une hormonothérapie. En situation RE+, l’association chimiothérapie + hormonothérapie est
retenue dans le groupe à haut risque.
PATIENTES AVEC ATTEINTE GANGLIONNAIRE (N+)
❏ Rôle de l’association chimio- et hormonothérapie en RH+ ?
❏ Quelle hormonothérapie en cas d’aménorrhée chimio-induite ?
❏ Quelle hormonothérapie en l’absence d’aménorrhée chimioinduite ?
❏ Rôle du tamoxifène, de sa durée de prescription, de sa
séquence par rapport à la chimiothérapie ?
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❏ Rôle de la suppression ovarienne, du traitement par analogues de la LHRH, seul ou en association à la chimiothérapie ?
En situation d’atteinte ganglionnaire N+, RH+ MP- (non
ménopausée), le traitement standard serait chimiothérapie +
hormonothérapie. Les essais évaluant l’adjonction de tamoxifène à la chimiothérapie montrent un gain en survie sans
rechute, mais non en survie globale. Il existe des effets secondaires à long terme du tamoxifène chez les femmes jeunes non
ménopausées, ainsi que des effets secondaires de la ménopause
prématurée. Lorsque le bénéfice attendu est faible, il faut évaluer les conséquences de cette nouvelle situation hormonale
(M. Piccart). La chimiothérapie reste le traitement de référence.
En matière d’hormonothérapie, on a le choix entre tamoxifène
ou suppression ovarienne et l’association des deux. Pour les
tumeurs très riches en récepteurs aux estrogènes, une ovariolyse peut être une alternative à la chimiothérapie. On considère
que du tamoxifène pendant 5 ans est équivalent à une ablation
ovarienne.
En situation N+, les options sont donc : chimiothérapie seule,
chimiothérapie + tamoxifène - suppression ovarienne seule.
La question de l’indication du tamoxifène seul chez des
femmes préménopausées est également évoquée. Aux ÉtatsUnis, le choix se porte sur la chimiothérapie ; au RoyaumeUni, il se porte sur l’hormonothérapie associée à la chimiothérapie. En situation RH+, le tamoxifène serait équivalent à la
chimiothérapie avant 40 ans. Les études en situation N+ comparant chimiothérapie + hormonothérapie à tamoxifène seul
montrent une supériorité de l’association.
En conclusion, l’ovariolyse est un traitement efficace, et
l’association chimiothérapie + hormonothérapie est devenue
le standard.
En situation N+ en postménopause, les questions restent
posées concernant le timing du tamoxifène (combiné ou
séquentiel). On sait qu’une chimiothérapie qui comporte une
anthracycline et du tamoxifène est supérieure à du tamoxifène
seul. C’est un standard. En postménopause, il faut savoir que
la fourchette des âges est grande ; le bénéfice de la chimiothérapie en survie diminue au fur et à mesure que l’âge avance
(chimiothérapie administrée de manière suboptimale entre
autres). Pour la femme âgée, on peut donc proposer une hormonothérapie seule ; par exemple, une femme de 65 ans,
RE++ N+ peut relever d’un traitement non combiné. Des
essais sont en cours pour évaluer la séquence, versus la combinaison hormonothérapie et chimiothérapie.
En situation RH-, les experts sont d’accord pour recommander la chimiothérapie. En situation RH-, il n’y a pas de place
pour une hormonothérapie, sauf s’il existe un risque élevé de
cancer du sein controlatéral, qui peut alors faire discuter la
prescription d’anti-estrogènes.
CHIMIOTHÉRAPIE ADJUVANTE
Le standard chimiothérapique en pré- ou postménopause
semble être 6 cures de CMF ou 4 cures d’adriamycine-cyclophosphamide (AC). Les anthracyclines sont recommandées,
particulièrement avant la ménopause. En situation N-, la différence entre CMF et adriamycine-cyclophosphamide est faible
La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998
(1 à 2 %). Il n’y a pas de consensus pour une adaptation du
choix de la chimiothérapie en fonction du nombre de ganglions
envahis N1 = 1 à 3 ou N ≥ 4. La place de la chimiothérapie à
haute dose avec infusion de cellules-souches n’est pas encore
déterminée en situation adjuvante, et le timing entre hormonothérapie et chimiothérapie n’est pas encore défini ; les essais
sont en cours.
M. Rios,
Centre Alexis-Vautrin
SYNTHÈSE 1998
Groupes pronostiques
Taille
RH
Grade
Autres
Risque faible
Risque intermédiaire
Risque élevé
≤ 1 cm
+
I
1,1 à 2 cm
+
I-II
≥ 2 cm
II-III
≤ 35 ans
Indications de traitement adjuvant
Groupe NRisque faible
Préménopause
RE+ ou RP+
Risque
intermédiaire
Risque élevé
Ø ou tamoxifène tamoxifène ± CT CT + tamoxifène
ou ablation
ovarienne
seule ou LHRH
Postménopause Ø ou tamoxifène tamoxifène ± CT tamoxifène ± CT
RE+ ou RP+
(voir la préférence
de la patiente)
Personne âgée
tamoxifène ± CT
Préménopause
RE- et RP-
CT
Postménopause
RE- et RP-
CT
Personne âgée
CT
CT = chimiothérapie
RE = récepteurs à estrogènes ; RP = récepteurs à progestérone.
Groupe N+ Orlando, se tenait, presque simultanément au
Préménopause
RE+ ou RP+
chimiothérapie ± tamoxifène
ablation ovarienne ± tamoxifène
[analogues de la LHRH
chimiothérapie ± analogues de la
LHRH + tamoxifène
(expérimental)]
Préménopause
RE- et RP-
chimiothérapie
Postménopause
RE+ ou RP+
tamoxifène + chimiothérapie
Postménopause
RE- RP-
chimiothérapie
Personne âgée
tamoxifène ± chimiothérapie
Si RH- : chimiothérapie
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