CONGRÈS
42
La Lettre du Sénologue - n° 1 - juin 1998
cancéreuses et cancer infiltrant n’a été faite. Les études de bio-
logie moléculaire tentent actuellement de vérifier si certains
marqueurs moléculaires présents en cas de cancer du sein (p53,
C-erb B2, récepteurs hormonaux) sont également retrouvés
dans ces lésions précancéreuses. Ainsi, des études prélimi-
naires ont montré qu’il existait une surexpression de p53 et de
C-erb B2 dans les carcinomes intracanalaires de haut grade.
Cette surexpression ne serait pas retrouvée dans les formes de
bas grade et les hyperplasies atypiques, qui constitueraient un
groupe différent sur le plan biologique et histologique. Tout
semble donc indiquer qu’il existe une grande hétérogénéité des
carcinomes intracanalaires. Le traitement de ces lésions
devrait donc prendre en compte cette hétérogénéité.
Le traitement des carcinomes intracanalaires repose sur une
meilleure connaissance histologique de l’extension des lésions.
Initialement, les carcinomes intracanalaires étaient considérés
comme des lésions multicentriques et multifocales. Leur traite-
ment reposait donc sur une mastectomie. Le Dr R. Holland a
rappelé que les carcinomes intracanalaires n’étaient pas multi-
centriques, mais qu’ils avaient une disposition segmentaire, les
lésions étant étendues le long d’un ou de plusieurs arbres
galactophoriques. Dans une étude historique, 141 pièces de
mastectomie avaient été analysées par tranches de sections
rapprochées : un seul cas montrait une disposition multicen-
trique et tous les autres cas avaient une disposition continue. Il
existe donc, dans la majorité des cas, un continuum lésionnel.
Quatre-vingt-dix pour cent des carcinomes intracanalaires peu
différenciés ont une distribution continue. Ce taux est de 70 %
en cas de carcinomes bien différenciés. Il peut donc exister des
intervalles sains (gaps). Cependant, dans plus de 80 % des cas,
ces gaps mesurent moins de 10 mm. Le carcinome intracana-
laire est bien une lésion unicentrique, qui cependant peut
s’étendre à une large partie du sein. L’appréciation de la qualité
de l’exérèse doit tenir compte de l’analyse précise des berges,
tout en connaissant l’existence de gaps. Un autre point impor-
tant développé par le Dr R. Holland est la corrélation entre
l’extension mammographique des microcalcifications et
l’extension histologique des carcinomes intracanalaires. Il est
maintenant bien établi que la mammographie sous-estime la
taille histologique. Cependant, dans 80 % des cas, la différence
est inférieure à 2 cm. Pour certains, cela pousse à proposer des
excisions larges des foyers de microcalcifications afin d’obte-
nir, en un temps, l’exérèse optimale des lésions.
Pronostic et traitement
La place de la radiothérapie dans le traitement des carcinomes
intracanalaires est discutée, en particulier outre-Atlantique. Le
Dr N. Wolmark (Pittsburgh) a rappelé les résultats de l’essai
majeur B17 du NSABP incluant des carcinomes strictement
intracanalaires. Il s’agit d’une étude prospective contrôlée
comparant deux bras de traitement : tumorectomie seule (groupe 1)
et tumorectomie suivie d’irradiation du sein (groupe 2).
Quatre-vingts pour cent de ces patientes présentaient une
tumeur de moins de 1 cm de diamètre. Le recul moyen de cet
essai est maintenant de 90 mois : les taux de survie globale
sont identiques dans les deux groupes. Cependant, les taux de
survie sans récidive sont de 60 % dans le groupe 1 et de 75 %
dans le groupe 2. Le taux de récidive locale est de 26 % dans
le groupe 1 et de 12 % dans le groupe 2. La moitié des réci-
dives du groupe 1 se fait sur le mode infiltrant. Ce taux est de
32 % dans le groupe 2. Les conclusions de cet essai sont en
faveur d’une radiothérapie systématique après traitement
conservateur d’un carcinome intracanalaire, puisqu’elle dimi-
nue le taux de récidive globale et le taux de récidive infiltrante.
Par ailleurs, l’étude des différents sous-groupes (type histolo-
gique, taille de la lésion) met en évidence un bénéfice à l’irra-
diation pour chacun d’entre eux. L’exposé du Dr B. Fowble
(Philadelphie) va dans le même sens, même sur des séries his-
toriques (essai NSABP B06, méta-analyse de Bradley). L’un
des objectifs des années à venir est d’identifier, parmi les car-
cinomes intracanalaires, les patientes dont le risque de récidive
après chirurgie limitée sans irradiation est très faible. Plu-
sieurs études, dont celles du Dr Silverstein, suggèrent que ce
pourrait être le cas des carcinomes intracanalaires de petite
taille, de bas grade et d’exérèse complète. D’autres études
rétrospectives vont dans le même sens ; néanmoins, seules les
études prospectives permettront de déterminer si la radiothéra-
pie peut effectivement être évitée dans certains cas de carci-
nomes intracanalaires à très faible risque de récidive.
Deux équipes européennes ont rapporté leur expérience :
l’équipe de Nottingham (Dr R. Blamey) a traité 364 carci-
nomes intracanalaires ; le recul moyen est de huit ans. Le trai-
tement des lésions de moins de 4 cm reposait sur une tumorec-
tomie large suivie d’irradiation, alors que les lésions plus éten-
dues étaient traitées par mastectomie. En cas de traitement
conservateur, des berges larges (> 1 cm) étaient requises.
Vingt-cinq récidives locales ont été observées, dont 18 étaient
infiltrantes, et 7 in situ. Six décès liés au cancer ont été observés.
L’Institut Curie (Dr K. Clough) a pris en charge 799 patientes
porteuses de microcalcifications malignes (étude rétrospective
portant sur trente ans). Quarante-deux pour cent des cas étaient
des lésions strictement intracanalaires, 25 % des lésions micro-
infiltrantes et 32 % des lésions infiltrantes. Plus de la moitié
des patientes ont eu un traitement conservateur ; une radiothé-
rapie a toujours été associée à la tumorectomie. La survie glo-
bale, tous groupes confondus, était de 97 % à cinq ans et de
90 % à dix ans, ce qui confirme l’excellent pronostic des can-
cers découverts par microcalcifications isolées. Par ailleurs, les
cancers micro-infiltrants et les cancers intracanalaires ont un
pronostic identique, puisque 98 % des patientes de ces deux
groupes sont en vie à dix ans. Le dépistage par mammographie
permet donc, en cas de microcalcifications malignes, de
découvrir des lésions à un stade où le taux de curabilité est
extrêmement élevé, sous réserve d’un traitement adapté.
Enfin, deux groupes extrêmement hétérogènes ont été redéfinis
(Dr F. Tavassoli, Washington).
❐Les carcinomes canalaires micro-infiltrants. Ils représente-
raient 1 à 5 % des cancers du sein. Plusieurs définitions ont été
successivement proposées : présence de quelques foyers infil-
trants, présence de foyers infiltrants représentant moins de
10 % de la surface totale de la tumeur. Actuellement, la plupart