Libérale Torticolis spasmodique Le recours à la toxine botulique Le torticolis spasmodique est caractérisé par une attitude anormale de la tête, permanente ou intermittente. Position qui est due à une contraction involontaire des muscles cervicaux. Le handicap qui en résulte est heureusement combattu aujourd’hui. L e torticolis spasmodique touche plus particulièrement la femme après 50 ans. Une origine héréditaire n’est retrouvée que dans 1 % des cas. Plusieurs facteurs peuvent être en cause comme le prouvent les circonstances multiples de son apparition. Le torticolis spasmodique (TS) peut ainsi survenir dans un contexte dépressif ou fortement anxieux, mais aussi au décours d’un événement social ou professionnel important comme peuvent l’être un deuil, une séparation, un licenciement. Le déclenchement est également possible à la suite de mouvements répétitifs et inhabituels de la région cervicale ou encore après une position prolongée de la tête. Des agents infectieux ou toxiques sont-ils également en cause ? Cela est possible, mais il reste encore à le démontrer. Des cas de TS ont aussi été rapportés au cours ou décours d’une sclérose en plaques, d’une encéphalite, d’une maladie de Parkinson traitée par lévodopa, d’un traumatisme crânien, de la prise régulière de neuroleptiques. Quelle qu’en soit la cause, la conséquence est importante, car le TS perturbe la position de la tête lors de tout exercice, que ce soit à la marche, Les principaux muscles touchés par le TS • Essentiellement : – le sternocléidomastoïdien, qui entraîne une rotation de la tête du côté opposé à la contraction. Si le splénius est atteint, la rotation se situe du côté de la contraction. Le trapèze cause, lui, une rotation du côté opposé et une inclinaison du côté contracté. • Moins fréquemment : – les scalènes, qui entraînent une rotation et une inclinaison du côté opposé ; – l’angulaire, avec son inclinaison et son extension du côté atteint ; – les complexus : extension, inclinaison et rotation du même côté. 38 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003 à l’écran ou à l’écriture. Ces troubles finissent par handicaper grandement le patient sur les plans professionnel et social, plus globalement sur le plan humain. Les conséquences physiologiques du TS sont d’ailleurs bien moindres que les conséquences psychologiques. Diagnostic Faire le diagnostic d’un TS n’est pas difficile tant il est visible. Le patient arrive à la consultation avec une attitude vicieuse de la tête qui peut être en rotation, en flexion, en extension ou en inclinaison latérale. La combinaison de plusieurs de ces mouvements est également possible. La position permanente, fixée, est appelée “tonique” ; entraînée par des contractions musculaires, elle est dite “clonique”. Le TS est aggravé par le mouvement, que ce soit la marche, une contraction induite, la fatigue ou encore le port d’un collier cervical de contention. Il est calmé par le sommeil, la position couchée, la relaxation. Le médecin peut alors confirmer le diagnostic en amenant passivement la tête du patient dans la position du TS. On note dans ce cas, contrairement à une personne non atteinte, une contraction anormale des muscles en cause. Le diagnostic est clinique et n’a généralement pas besoin d’examens complémentaires pour affirmer son organicité. Chez certains patients, l’attitude de la tête est fixée, chez d’autres les attitudes se produisent de manière spasmodique, au rythme plus ou moins rapproché des spasmes. Pour apprécier le degré de gravité, le caractère du TS, une échelle de cotation a été établie par le Dr P. Rondot (cf. encadré). Pour détecter les muscles responsables du TS, l’EMG (électromyogramme) prend toute sa valeur. Il est réalisé à partir d’électrodes placées à la surface du muscle pour ne pas léser ses fibres en cas de mouvements involontaires. Sont ainsi décelés les muscles les plus actifs, et l’activité des muscles antagonistes est appréciée Libérale Échelle de gravité du TS selon Dr P. Rondot Stade 0 Absence de torticolis. Stade 1 Mouvements spasmodiques intermittents. Tous les mouvements volontaires peuvent s’effectuer physiologiquement. Stade 2 Mouvements spasmodiques intermittents avec phase de déviation du cou. Les mouvements volontaires peuvent s’effectuer. Stade 3 Déviation tonique permanente du cou avec possibilité de réduction volontaire momentanée. Stade 4 Déviation permanente tonique du cou, irréductible volontairement mais réductible par correction externe. Stade 5 Déviation permanente irréductible volontairement et non corrigeable. afin de guider au mieux une rééducation fondée sur la stimulation électrique. Les photos permettent de fixer un état sur la pellicule et d’établir ensuite, en cours de traitement, des comparaisons. Traitement Sous traitement, le TS, dans deux tiers des cas, évolue favorablement, avec une régression ou une disparition complète des troubles. Dans le tiers des cas restant, le trouble se fixe, devient permanent. Le traitement n’est que peu médicamenteux per os. Les médications sont souvent plus utilisées au titre de confort qu’à des fins réellement thérapeutiques. Les décontracturants, les antalgiques, voire certains antiépileptiques utilisés hors AMM ne sont que palliatifs d’un état. La rééducation, elle, permet d’aller plus loin (à condition de la confier à un professionnel de santé connaissant bien le TS). Ce dernier se doit d’éviter les manœuvres qui risqueraient d’exacerber le TS. Au contraire, il doit obtenir un relâchement des muscles spontanément contractés et, en même temps, son action doit renforcer les muscles antagonistes destinés à s’opposer à ceux qui sont contractés. De même, des conseils seront donnés au patient sur les bons et les mauvais gestes, les bons et les mauvais réflexes. Lorsque aucune des techniques précédentes n’a abouti, on peut poser l’indication d’injections intramusculaires de toxine botulique. Cette injection doit paralyser le muscle dans lequel elle est injectée en bloquant la synapse nerf-muscle. La paralysie ainsi obtenue fait lâcher le muscle trop tendu, redonnant à la tête une position plus normale. Pratiquées en centre hospitalier, en l’absence de contre-indications, ces injections sont dosées et répétées selon l’échelle de gravité du TS et la tolérance du patient. Longtemps considéré comme un “torticolis mental”, le TS fait heureusement, depuis quelques années, l’objet d’attentions médicales afin de soigner une affection qui, si elle touche la tête dans son port, n’est pas due à une atteinte psychologique. J.B. La toxine botulique Les injections de toxine botulique, en entraînant une paralysie partielle du muscle cible, permettent d’abolir une contraction musculaire anormale tout en préservant sa fonction motrice. La toxine botulique A est la plus puissante des neurotoxines connues à l’heure actuelle. Il existe sept sérotypes marqués de A à G, produits par Clostridium botuli. Le type A est utilisé en clinique humaine. La toxine botulique entraîne une paralysie flasque par inhibition de la libération d’acétylcholine au niveau de la jonction neuromusculaire. Son action est enzymatique, au niveau d’une protéine de la membrane vésiculaire, la SNAP-25. Le traitement consiste à injecter le ou les principaux muscles responsables de la dystonie, avec des doses suffisantes pour supprimer ce spasme, sans entraîner de déficit moteur handicapant. Ce traitement est ambulatoire. L’effet clinique apparaît entre le deuxième et le quinzième jour après l’injection. La dose de toxine est adaptée en fonction du muscle injecté et de la réponse obtenue chez chaque patient. Les effets secondaires sont liés à la diffusion de la toxine vers les muscles voisins de ceux injectés. Ils régressent toujours en un temps variable (de 4 à 6 semaines). L’utilisation d’autres sérotypes de toxine botulique (F et B) a été étudiée comme alternative thérapeutique chez les patients ayant une dystonie cervicale, résistant cliniquement à la toxine botulique A. La toxine botulique devrait être utilisée dans certaines pathologies neurologiques comme la sclérose en plaques, mais aussi dans les accidents vasculaires cérébraux et les traumatismes crâniens. Les essais internationaux sont actuellement en cours. Actuellement, la toxine botulique est très médiatisée par les journaux féminins, notamment pour son utilisation dans la suppression des rides du front. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 44 - mars 2003 39