L
a coopération entre diabétologues et cardiologues peut
être analysée dans un environnement scientifique en
profonde évolution :
Toutes les projections, tant nationales qu’internationales, sont
unanimes pour prédire une explosion de la prévalence du dia-
bète, du syndrome métabolique et de l’obésité ; et l’on a parlé
d’une pandémie pour le XXI
e
siècle. Ce redoutable fléau de santé
publique, qui n’épargne aucun continent, est lié en grande partie
aux mauvaises habitudes alimentaires de la population, et les
groupes socio-économiques défavorisés semblent particulière-
ment exposés à cette épidémie.
Un autre facteur très important est la prise en compte progres-
sive du fait que le diabète n’est pas un facteur de risque comme
les autres, mais que sa gravité en termes de risque cardiovascu-
laire l’amène à être considéré dans les recommandations inter-
nationales comme l’équivalent d’une prévention secondaire.
Cette demande accrue – tant quantitative que qualitative – de soins
pour une part importante de la population s’est-elle accompagnée
des mutations nécessaires au sein de nos deux disciplines ?
L’analyse montre que beaucoup reste à faire. La prise de
conscience du fait que le diabétique nécessite une prise en charge
agressive en termes d’investigations cardiovasculaires, pour
détecter notamment l’ischémie myocardique, est récente. La com-
munauté cardiologique est longtemps restée sur l’impression, qui
prévalait il y a une vingtaine d’années, que le diabétique avait a
priori des lésions coronariennes multiples sévères et peu acces-
sibles à une revascularisation, ce qui a longtemps conduit à une
prise en charge moins optimale que pour le patient non diabé-
tique. Cette situation est d’autant plus fâcheuse que près d’un
patient sur quatre hospitalisé en unité de soins intensifs cardio-
logiques est diabétique, et que l’étude DIGAMI a clairement
montré qu’une prise en charge optimale du diabète lors d’un syn-
drome coronaire aigu améliore la survie des patients.
De même, dans la prise en charge des facteurs de risque cardio-
vasculaire, le cardiologue manie moins aisément les antidiabétiques
oraux ou leurs associations, notamment dans le contexte des nou-
velles classes récemment apparues telles que les statines ou les anti-
hypertenseurs. À l’inverse, le diabétologue doit penser à contrôler
aussi strictement une hypercholestérolémie ou la pression artérielle
que la glycémie de son patient diabétique, et les grandes études
récentes telles que UKPDS, HPS et CARDS ont montré combien
cette prise en charge globale du diabétique est importante.
Il est donc très important que diabétologues et cardiologues s’en-
traident, ce qui passe par un processus d’éducation visant à amé-
liorer la connaissance par les cardiologues de la prise en charge
du diabète, et celle du dépistage des complications cardiovascu-
laires par les diabétologues.
C’est précisément ce à quoi l’Alfediam et la Société française de
cardiologie se sont attelées, avec la création d’un groupe de tra-
vail paritaire. L’objectif initial était de rédiger des recommanda-
tions communes concernant d’une part les informations élémen-
taires que tout cardiologue devrait connaître pour prendre en
charge un diabétique et savoir en particulier à quel moment il doit
passer la main à son collègue diabétologue, et d’autre part une
stratégie de détection de l’ischémie myocardique silencieuse, si
fréquente chez le diabétique.
Ces recommandations ont été finalisées et publiées au sein de nos
revues respectives dans le courant de l’année 2004. Parallèlement
a été décidée l’organisation de réunions communes dans nos
grandes manifestations nationales, afin d’approfondir des points
particuliers concernant la prise en charge des complications car-
diovasculaires du diabète. Ainsi ont déjà été abordés le problème
de l’insuffisance cardiaque du diabétique, des glitazones et du risque
cardiovasculaire, et la détection de l’ischémie myocardique. Nous
pensons que l’organisation de telles réunions communes est parti-
culièrement fructueuse, amenant à un échange sur les points de vue
respectifs et permettant de définir concrètement des référentiels.
Nous sommes pleinement conscients qu’en définitive le diabé-
tologue et le cardiologue traitent les mêmes patients, et nous espé-
rons que cette initiative de nos deux sociétés savantes permettra
à terme une meilleure connaissance du diabète et de ses compli-
cations cardiovasculaires ainsi qu’une amélioration de la prise
en charge de ce fléau du XXI
e
siècle. O
La Lettre du Cardiologue - n° 383 - mars 2005
3
ÉDITORIAL
B. Charbonnel*, M. Komajda**
* Service de diabétologie, CHU de Nantes.
** Département de cardiologie, CHU de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Note. Le Pr B. Charbonnel est l’ancien président de l’ALFEDIAM et le
Pr M. Komajda, l’ancien président de la Société française de cardiologie.
C’est sous leur mandat que la décision de créer des recommandations com-
munes a été prise.
© Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. II - n° 4 - octobre-
novembre-décembre 2004.
Le couple diabétologue-cardiologue :
pourquoi faut-il approfondir nos relations ?
The diabetologist and the cardiologist: why should we work together?
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