Le moment idéal pour la chirurgie décompressive
reste débattu ; comme l’évolution clinique chez les
patients avec un infarctus cérébral massif (> à deux
tiers du territoire de l’ACM) est hautement prévi-
sible, il ne semble pas raisonnable d’attendre une
détérioration clinique pour diriger les patients vers
la chirurgie. Il faut prendre en compte le fait que plu-
sieurs heures peuvent s’écouler entre la décision du
traitement chirurgical et sa réalisation, alors que la
procédure chirurgicale nécessite 3 heures. De plus,
le patient est exposé au risque d’ischémie mésencé-
phalique qui aggrave considérablement l’état cli-
nique et l’évolution.
Nous recommandons une chirurgie dans les
24 heures après l’installation des symptômes si les
critères suivants sont présents : 1) des signes neuro-
radiologiques d’infarctus de l’ACM massifs ; 2) une
détérioration de l’état clinique depuis l’admission.
Occasionnellement, nous n’attendons pas la détério-
ration clinique initiale chez les patients avec un
infarctus de l’ACM complet. Nous n’appliquons pas
une limite d’âge rigide pour une chirurgie décom-
pressive, et nous avons tendance à nous fonder sur
l’état de santé et la condition sociale du patient
avant l’infarctus cérébral. Chez les patients avec un
infarctus touchant l’hémisphère dominant, le pro-
nostic (et plus particulièrement le déficit résiduel
probable) est discuté avec la famille, dans le but de
déterminer le point de vue du patient sur la survie
avec un handicap.
Toutefois, ces données reposent uniquement sur des
séries de cas en ouvert. L’évolution à long terme
concernant le handicap et la qualité de vie n’ont pas
été suffisamment précisées. De plus, les données
provenant d’essais randomisés ne sont pas dispo-
nibles. Ces deux derniers points rassemblés pour-
raient être la raison qui conduit certains centres à
ne pas proposer cette intervention salvatrice aux
patients avec un infarctus cérébral sévère. Toutefois,
les prochaines années, nous aurons des données
d’au moins deux essais randomisés actuellement en
cours aux États-Unis et en Allemagne. La qualité de
vie est un paramètre essentiel qui sera évalué dans
ces études.
K.V. : Existe-t-il des facteurs pronostiques pour
aider à prendre la décision d’un traitement chi-
rurgical chez les patients présentant un infarc-
tus sylvien malin tout en sachant qu’ils garde-
ront quand même un handicap ?
W.H. - S.S. : De toutes les études ouvertes, ce sont
les patients jeunes (moins de 50 ans), les patients
avec infarctus hémisphérique droit et ceux sans
comorbidité qui tirent significativement profit d’un
tel traitement. De plus, il faut garder en tête que le
handicap résiduel, évalué par l’index de Barthel et le
score de Rankin, n’est pas plus important que chez
un patient ayant présenté un infarctus sylvien de
taille moyenne.
K.V. : Il a été suggéré que le volume de l’infarc-
tus mesuré précocement en IRM de diffusion
pourrait être fortement prédictif de la survenue
d’un infarctus malin œdémateux et aider ainsi à
la sélection précoce des patients pour une telle
intervention, avant qu’ils ne développent une
hernie transtentorielle. À votre avis, ce critère
peut-il être utilisé en routine ou bien des études
supplémentaires sont-elles nécessaires?
W.H. - S.S. : Dans les études futures en IRM, la dif-
fusion et la perfusion notamment seront un outil
indispensable pour la sélection et la prise en charge
des patients présentant un infarctus sévère. À l’ave-
nir, plus d’interventions pourraient être réalisées en
se fondant sur ces mesures volumétriques. Quelques
études ont déjà montré la pertinence de l’IRM-diffu-
sion en tant que facteur prédictif d’un infarctus
hémisphérique sévère. Pour ces centres qui peuvent
utiliser l’IRM en urgence, la diffusion et la perfusion
remplaceront le scanner cérébral pour le diagnostic
de l’accident ischémique cérébral à la phase aiguë.
K.V. : Un essai contrôlé randomisé peut davan-
tage évaluer l’efficacité de telles procédures
thérapeutiques quand il existe des contro-
verses. En ce sens, recommanderiez-vous de
comparer une hémicrâniectomie décompres-
sive au traitement médical en cas d’infarctus
sylvien malin par un essai randomisé contrôlé ?
W.H. - S.S. : Un tel essai pose un dilemme incontes-
table. Bien sûr que plusieurs centres pratiquent
cette méthode depuis plus de 5 ou 6 ans et ont des
résultats positifs pour la plupart. Pour ces centres, il
est difficile de revenir à un essai randomisé de peur
de “sacrifier” un patient, simplement pour démon-
trer que le traitement neurochirurgical est supérieur
aux autres mesures thérapeutiques. Cependant, nous
et les autres avons l’impression qu’un essai rando-
misé est justifié spécialement pour convaincre les
neurochirurgiens dans l’optique d’apporter une
méthode de traitement relativement aisée aux
patients atteints d’infarctus sévères. Plusieurs essais
sont en cours en Europe et aux États-Unis, dont les
résultats paraîtront dans les deux prochaines années.
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Correspondances en neurologie vasculaire - n° 3 - Vol. II - juillet-août-septembre 2002
entretien