Hypotension artérielle orthostatique de la personne âgée Pourquoi recourir à la MAPA Que la pression artérielle baisse de plus de 20 mm de mercure dans les 3 minutes suivant l’orthostatisme et une hypotension est susceptible de se déclencher avec ses risques induits, d’autant plus importants que leur fréquence et leurs conséquences sont souvent sous-estimées. L’ hypotension orthostatique a une prévalence de 10 % chez les personnes âgées en bonne santé et à domicile. Mais son taux atteint plus de 30 % chez celles vivant en collectivité ou chez les personnes polypathologiques. Chez les patients hospitalisés, le pourcentage avoisine même 50 %. L’hypotension orthostatique est un trouble de la régulation de la pression artérielle (PA). Normalement, le passage de la position couchée à la position debout s’accompagne de modifications de la répartition du sang dans le corps. Cette modification n’entraîne en principe aucune conséquence du fait de la mise en route immédiate de mécanismes régulateurs. Ceux-ci permettent de maintenir un taux correct de perfusion dans la partie supérieure du corps. La baisse de la pression, dans les secondes suivant le passage en orthostatisme, déclenche les barorécepteurs carotidiens qui, par baroréflexe et vasoconstriction, maintiennent la pression à un niveau correct. Ce réflexe est moins efficace lorsque l’âge augmente, et les phénomènes de régulation perdent de leur efficacité. D’où l’apparition de troubles fonctionnels et de leurs conséquences. Diagnostic L’hypotension orthostatique, qui fait l’objet d’un consensus, est définie comme une baisse de la pression artérielle systolique de 20 mm de mercure au moins et de 10 mm pour la diastolique dans les trois minutes suivant un lever. Critère diagnostique exclusif, il convient de respecter certaines règles quant à la prise ten- sionnelle : la première prise doit être effectuée après un repos de 10 minutes, puis au lever ; des mesures sont prises à la première, la deuxième et la troisième minute. L’existence d’un malaise ou d’un vertige au cours de l’épreuve est révélatrice mais n’est pas indispensable au diagnostic. Dans quelles circonstances doiton évoquer le diagnostic ? Tout phénomène tel qu’une chute, un vertige, une syncope à répétition doit le faire évoquer. Les notions de tête vide, de flou oculaire, de céphalées, de sensations vertigineuses sont des signes éloquents, surtout s’ils surviennent au changement de position. Ce renseignement peut faire défaut parfois malgré l’existence avérée de la pathologie. Si un doute existe sur la pathologie, il devient important de pratiquer un Holter tensionnel ou un MAPA (monitorage ambulatoire de la pression artérielle), prise de tension artérielle sur 24 heures. Mesures tensionnelles Est défini comme hypertendu un patient qui présente à plus de trois reprises une pression diastolique supérieure à 95 mm de mercure. La variabilité individuelle de la PA est telle que sa détermination est difficile. Seules la multiplication du nombre de mesures tensionnelles et la standardisation des mesures permettent de diminuer cette variabilité. Les causes de la variabilité tensionnelle sont si nombreuses qu’une mesure ponctuelle de la PA a toutes les chances d’être sous l’influence d’un de ces facteurs, intrinsèques ou exogènes, qui va en modifier le résul- tat. Parmi les stimuli neurosensoriaux induisant une élévation de la PA, le plus connu est celui de la consultation. Il est responsable de 20 à 30 % de fausses hypertensions, dénommées depuis longtemps “tension nerveuse” par le grand public, ensuite appelées “effet blouse blanche” par le corps médical, puis, plus récemment, “hypertension de consultation” par l’OMS. La MAPA est une aide précieuse pour le diagnostic d’hypertension artérielle (HTA). En cas de doute ou d’HTA limite, elle permet de quantifier la variabilité de la tension, supprimant l’effet blouse blanche lors d’une prise tensionnelle unique. Cet effet peut surévaluer une pression jusqu’à 40 mm de mercure. Les résultats de telles mesures tensionnelles sont en principe nettement inférieurs à ceux de mesures plus conventionnelles. En cas de doute sur une hypotension artérielle orthostatique, sur l’efficacité thérapeutique et pour la contrôler, notamment chez les patients présentant des maladies telles que le diabète, chez les patients polypathologiques ou âgés, il est conseillé d’y avoir recours. Seule l’arythmie complète est une limitation, sauf si elle est suffisamment ralentie. Quelle que soit la technique utilisée, à savoir la technique auscultatoire ou oscillométrique, il importe de disposer d’appareils fiables et contrôlés régulièrement. Le brassard placé au niveau du bras se gonfle toutes les 15 à 30 minutes. Placé le matin, l’appareil est laissé en place 24 heures, à distance des périodes particulières que l’on souhaite étudier. A l’aide d’une analyse informatique des résultats, sont déterminés : – les valeurs moyennes des pressions diastoliques et systoliques ●●● de la fréquence cardiaque ; Professions Santé Infirmier Infirmière - No 47 - juin-juillet 2003 9 Hypotension artérielle orthostatique de la personne âgée ●●● – l’écart-type, ou coefficient de variation. Toutes ces données sont établies en tableau et en graphiques comme les courbes nycthémérales (veille, sommeil). Sont extraites les valeurs extrêmes des pressions diastoliques et systoliques. Un indice peut être calculé, à savoir le pourcentage de pressions supérieures à une pression déterminée de référence comme 140/90 mm de mercure, par exemple. Pour être fiable et exploitable, l’examen doit comprendre 50 à 60 mesures interprétables. Le compte-rendu remis par le médecin tient compte de tous ces facteurs et permet de juger de l’opportunité d’un traitement. Mais l’appareillage a des limites, car son coût est supérieur à 1 500 euros, d’autant que l’examen n’est pas codifié par l’Assurancemaladie. De même, l’absence de consensus international sur un arbre décisionnel précis rend l’application de la méthode difficile. Autre difficulté : le malade doit noter ses heures de réveil, de lever, de coucher, de sieste et tous les incidents éventuels en conservant ce jour-là une activité habituelle pour ne fausser aucune donnée. Quels sont les patients à risques d’hypotension orthostatique ? Les personnes âgées hypertendues sont particulièrement exposées à l’hypotension orthostatique car c’est l’un des effets induits des antihypertenseurs. C’est préférentiellement le cas des diurétiques, de la clonidine, des inhibiteurs calciques, de la méthyldopa, des bêtabloqueurs, des IEC, des antagonistes de l’angiotensine II, des vasodilatateurs. A côté des hypertendus sont également exposés les patients souffrant de maladies neurologiques, en particulier ceux atteints de neuropathies périphériques, diabétiques ou non. En cas de mala- 10 die de Parkinson, l’hypotension est fréquente également. Parmi les psychotropes, les antidépresseurs, les neuroleptiques, les benzodiazépiniques sont quasiment tous hypotenseurs. C’est aussi le cas des antihistaminiques, des antiarythmiques, des antiémétiques, des traitements contre l’incontinence urinaire. En fait, tout traitement est susceptible ou presque d’être hypotenseur chez un patient âgé, d’autant plus s’il est polymédiqué ou porteur de polypathologies. Complications De nombreuses chutes sont dues à une hypotension orthostatique, notamment celles survenant au petit matin après un lever trop rapide lié à un besoin impérieux d’uriner. Ces chutes sont souvent aggravées par la prise d’hypnotiques rendant le réveil plus approximatif. La réalisation de la MAPA réserve alors parfois des surprises comme l’observation d’une tension artérielle diastolique inférieure à 40/50 mm de mercure. Elles sont à l’origine de fracture du col du fémur ou du poignet et aussi responsables d’hématomes intracrâniens. Ainsi, après une chute, il faut se méfier d’un hématome sous-dural chronique pouvant ne devenir “parlant” qu’après plusieurs semaines d’évolution. Traitement Avant d’envisager des mesures radicales, il convient de rechercher l’agent ou les agents susceptibles d’être en cause dans le déclenchement du trouble, de s’enquérir des médicaments pris régu- Conséquences de l’hypotension orthostatique • Malaises. • Chutes : traumatismes, fractures. • Perte d’autonomie : hospitalisation, voire décès. Professions Santé Infirmier Infirmière - No 47 - juin-juillet 2003 lièrement. Il faut se poser des questions : le traitement suspecté est-il indispensable ? Ne peuton pas lui en substituer un autre ? Quelles mesures prendre ? Si aucune alternative thérapeutique n’existe, peut-être alors peut-on diminuer les doses, fractionner les prises, modifier leur répartition journalière, voire nycthémérale. Comme autres moyens d’action, on peut également supplémenter l’alimentation en sodium et proposer une contention veineuse élastique des membres inférieurs. L’augmentation de la consommation de sodium est utilisée pour lutter contre une hypovolémie passant souvent inaperçue. La contention, en favorisant le retour veineux, établit une meilleure circulation de la partie supérieure du corps. Essentielle également, la reprise d’une activité physique régulière a un rôle métabolique activateur important. Lorsque toutes ces mesures prises s’avèrent insuffisantes, on fait alors appel à la pharmacologie. C’est surtout l’agoniste des récepteurs 1-adrénergique, la midodrine, qui a fait ses preuves, davantage que la fludrocortisone qui accroît la volémie en augmentant la réabsorption tubulaire d’eau et de sodium mais elle est difficile à manier chez les personnes âgées, davantage que la dihydroergotamine avec ses nombreuses associations médicamenteuses interdites. Les médications agissant sur la vasomotricité seront ainsi préférées à celles augmentant la volémie à cause des effets indésirables de ces dernières. Diagnostiquer une hypotension artérielle orthostatique chez une personne âgée est simple. Encore faut-il y penser régulièrement. Le traitement est alors fondé sur des mesures préventives plus que thérapeutiques pharmacologiques, celles-ci étant réservées au traitement de deuxième intention. J.B.