CANCERS DU SEIN
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no3 - juin 2003
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a sélection du travail de l’équipe du MD Anderson
pour la session plénière était symbolique. En effet,
les retombées en pratique quotidienne de cette étude
sont loin d’être immédiates, mais elles démontrent enfin une ap-
plication clinique de la technique des puces à ADN. Avec cette
technologie, il semble possible d’obtenir le profil génétique
d’une tumeur et de le corréler avec le devenir des patients.
L’IRM est l’examen de choix dans le dépistage du cancer du
sein chez les patientes à haut risque génétique. La pertinence
de l’utilisation de cette technique de dépistage en dehors de cette
population très sélectionnée doit être confirmée par de plus
larges études. De nouveau, la thématique de l’intensification de
la chimiothérapie recourant à la réinjection de cellules souches
périphériques est évoquée avec la présentation de plusieurs
études (trois en situation adjuvante et une en situation méta-
statique). Ces essais montrent parfois un avantage en survie sans
récidive ou sans progression, mais aucun ne démontre un avan-
tage clair en termes de survie globale. Les résultats de l’essai
NSABP 28 sur plus de 3 000 patientes N+ corroborent ceux du
CALGB 9344, publiés récemment dans le Journal of Clinical
Oncology (Henderson et al. 2003 ; 21 : 976) et témoignent d’un
avantage en survie sans récidive. L’apport des taxanes en ad-
juvant semble se préciser : trois études montrent un bénéfice en
survie sans récidive.
DÉPISTAGE
Détection du cancer du sein par IRM
chez les patientes à risque
Une étude allemande a eu pour objet de suivre de façon rappro-
chée un groupe de patientes à haut risque héréditaire de cancer
du sein (abstr. 4). Ce risque, qu’il soit documenté sur le plan gé-
nétique ou très probable en raison d’une histoire familiale, était
estimé à 80-90 %. Dans ce suivi, 462 patientes ont été incluses,
avec un examen clinique tous les 6 mois, une mammographie
deux incidences, une échographie et une IRM tous les ans. Le
suivi débutait à partir de l’âge de 30 ans ou 5 ans avant l’âge de
survenue des cancers familiaux. L’analyse intermédiaire portant
sur la période de suivi de 5 ans objective 51 cas de cancers chez
47 patientes (deux cas bilatéraux d’emblée, un controlatéral et
une récidive locale). L’âge médian de survenue était de 38 ans
(18-57 ans), 36 cas étaient complètement asymptomatiques,
dont seulement trois avec des tumeurs supérieures à un centi-
mètre ; sur ces 36 cas, 31 étaient N0. En dehors de deux cas dé-
couverts lors d’une mastectomie prophylactique et non diagnos-
tiqués par les examens de dépistage (un canalaire in situ de 5 mm
et une forme lymphangitique), les 49 autres cas ont tous été dé-
pistés par l’IRM (sensibilité de 95 %) alors que moins de la moi-
tié d’entre eux étaient diagnostiqués par la mammographie et
l’échographie (sensibilité de 34 et 42 % respectivement). Dans
cette étude, l’IRM avait également le taux de biopsies inutiles le
plus bas, avec une valeur prédictive positive de 54 %, contre 26
et 16 % pour la mammographie et l’échographie.
Une grande étude hollandaise de dépistage par IRM a porté sur
1874 patientes ayant un risque cumulé génétique et familial su-
périeur à 15 % de développer un cancer du sein au cours de la
vie (abstr. 5). Les patientes, âgées de 25 à 70 ans, avaient un exa-
men clinique deux fois par an, une mammographie et une IRM
une fois par an. Sur une période de suivi de 2 ans, 41 cancers ont
été diagnostiqués, dont 34 invasifs, 5 canalaires in situ, un lobu-
laire in situ et un lymphome. L’âge moyen de survenue de ces
cancers était de 40 ans (19 à 72 ans). L’IRM avait la meilleure
sensibilité : 74 %, contre 17 et 43 % pour l’examen clinique et
la mammographie respectivement. Cependant, la spécificité était
moins bonne (89 %, contre 98 et 95 %, pour la clinique et la mam-
mographie), avec un nombre de biopsies inutiles plus important.
En comparaison de celle de l’étude allemande, la population de
l’étude hollandaise avait un risque cumulatif de cancer du sein
moins élevé, ce qui peut expliquer la diminution de la valeur pré-
dictive positive de l’examen. L’IRM semble donc être l’examen
de choix pour la surveillance de ces patientes jeunes à très haut
risque, mais il faut probablement la réserver à une population très
ciblée ; les différentes études en cours dans le monde doivent être
poursuivies pour conclure définitivement quant à la meilleure
stratégie à adopter dans la surveillance et la prévention chez les
patientes à haut risque génétique.
FACTEURS PRONOSTIQUES ET PRÉDICTIFS
Prédiction de la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante
La présentation en session plénière des résultats de l’équipe du
MD Anderson a montré une très bonne prédiction de la réponse
histologique complète grâce à un profil phénotypique par
Cancers du sein
J.Y. Pierga*, V. Diéras*
* Institut Curie, Paris.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no3 - juin 2003
CANCERS DU SEIN
puce à ADN (abstr. 1). Dans le cadre de cette étude, il s’agissait
de prédire si les patientes auraient ou non une réponse histolo-
gique complète après une chimiothérapie néoadjuvante reposant
sur l’association de paclitaxel et d’adriamycine-cyclophospha-
mide. Les auteurs ont recherché un profil d’expression génique
corrélé à la réponse histologique complète sur un groupe de 24 pa-
tientes recevant du paclitaxel en hebdomadaire suivi de FAC en
néoadjuvant (Green, ASCO 2002). Dans ce groupe, six patientes
présentaient une réponse histologique complète (pCR). Un échan-
tillon de la tumeur était obtenu par cytoponction avant la chi-
miothérapie, l’ARN était extrait puis successivement transformé
en cDNA, passé sur des puces à ADN de type Affymetrix U133
et sur des puces Millenium (puces à 30 000 gènes). Un panel de
500 gènes a été particulièrement étudié. Un traitement bio-in-
formatique de l’ensemble des points obtenus a permis de sépa-
rer par profil d’expression le groupe des répondeuses complètes
des autres (hierarchical clustering). Des tests statistiques ont
permis de définir un nombre minimal de gènes (entre 60 et 90)
pour avoir la meilleure valeur prédictive de la réponse (cluster
de 74 gènes). Une validation du modèle a été réalisée sur un autre
groupe indépendant de 21 patientes ayant reçu une chimiothéra-
pie néoadjuvante similaire (sauf 3 qui avaient aussi reçu du tras-
tuzumab associé à du paclitaxel) et dont huit avaient eu une ré-
ponse histologique complète (tableau I).
J.C.N. Chang a étudié la prédiction de la réponse au docétaxel
en néoadjuvant sur des biopsies avant et après la chimiothérapie
chez 24 patientes à l’aide de puces à ADN Affymetrix U95-A
(abstr. 32). Aucune patiente n’avait eu de réponse histologique
complète, mais 46 % étaient considérées comme sensibles au trai-
tement. Les tumeurs n’ayant pas répondu au docétaxel avaient
un phénotype comportant une augmentation de l’expression de
gènes impliqués dans la réparation de l’ADN. Après trois cycles
de chimiothérapie, le profil des tumeurs sensibles et résistantes
se rapprochait, suggérant l’apparition d’une résistance acquise.
Ce travail permettait d’obtenir un profil de prédiction de résis-
tance au docétaxel afin de sélectionner les patientes pour les-
quelles celui-ci est indiqué.
FACTEURS PRONOSTIQUES
Une méta-analyse sur la maladie micrométastatique a re-
groupé les données individuelles de 4 199 patientes ayant été opé-
rées pour un cancer du sein localisé, chez qui une recherche de
cellules tumorales dans la moelle hématopoïétique a été réalisée
en utilisant pour la plupart des anticorps anti-cytokératines
(abstr. 3402). Huit centres européens ont participé (en Alle-
magne, Autriche, Norvège, Angleterre et France). Cette étude
confirme le caractère pronostique péjoratif sur la survie globale
de la mise en évidence de ces cellules, indépendamment des
autres facteurs classiques en analyse multivariée (tableau II).
Tableau I.
Réponse prédite
Réponse observée pCR Maladie résiduelle Total
pCR 358
Maladie résiduelle 11213
Total 41721
Tableau II.
Variable HR IC 95 % p
Moelle osseuse 1,83 (1,55-2,15) < 0,001
Ganglions 1,67 (1,54-1,80) < 0,001
Grade histologique 1,16 (1,41-1,85) < 0,001
Taille tumorale 1,43 (1,31-1,57) < 0,001
Récepteurs aux estrogènes 0,69 (0,59-0,81) < 0,001
Âge 1,11 (1,04-1,19) < 0,001
La prédiction de la réponse était bonne à 81 %, avec une valeur
prédictive de 75 % (3 pCR prédites sur 4) et une spécificité de
93 %. La sensibilité était seulement de 50 %, avec 3 pCR sur
6non prédites correctement. En excluant les trois patientes
ayant reçu du trastuzumab, la spécificité montait à 100 % sur
18 patientes. Les principales conclusions de cette étude préli-
minaire étaient les suivantes :
la démonstration de la faisabilité sur des prélèvements obte-
nus par cytoponction ;
une très bonne corrélation des données obtenues par puces
pour le statut des récepteurs aux estrogènes validé par immuno-
histochimie et d’HER2 validé par FISH ;
une très bonne corrélation entre les deux techniques Affyme-
trix et Millenium ;
une prédiction à 75 % de la réponse histologique complète dans
un groupe où le taux de réponse attendu était de 25 à 30 %.
Le petit effectif de l’étude ne permet pas de conclure réellement
à une application clinique à court terme. Un essai de validation
est en cours ; il est mené sur 220 patientes recevant de la chi-
miothérapie néoadjuvante par paclitaxel hebdomadaire puis FAC
soit par FAC seul.
En revanche, la valeur pronostique de la détection de cellules
cytokératine positives dans la moelle hématopoïétique n’était
pas retrouvée dans une étude portant sur 91 patientes ayant bé-
néficié d’une intensification thérapeutique avec réinjection de
CSP pour des cancers du sein non métastatiques mais avec une
atteinte ganglionnaire massive. L’incidence de la détection était
de 26 % en utilisant un panel de quatre anticorps différents
(abstr. 57).
Une recherche de l’expression du récepteur à l’EGF a été pra-
tiquée sur 190 cas de cancers du sein localisés mais à haut
risque (plus de 10 N+, inflammatoires) (abstr. 56). Le taux de
surexpression était de 42,8 % et il était corrélé à l’absence de
récepteurs hormonaux. Cette surexpression était corrélée elle-
même à une moins bonne survie globale à 5 ans (81 % versus
62 %, p = 0,002).
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no3 - juin 2003
CANCERS DU SEIN
Une analyse rétrospective de la valeur pronostique des carci-
nomes lobulaires infiltrants a été réalisée par le FASG (French
Adjuvant Study Group) sur 3 295 patientes incluses dans des es-
sais de chimiothérapie adjuvante (abstr. 54) (tableau III).
64 mois. Les patientes recevaient du tamoxifène si elles étaient
âgées de plus de 50 ans ou si elles étaient RE+ et avaient moins
de 50 ans (84 % des patientes). La majorité de la population pré-
sentait un envahissement ganglionnaire limité (70 % < 4 N+). La
stratification reposait sur l’atteinte ganglionnaire, le tamoxifène
et le type de chirurgie. La première analyse était programmée
après la survenue de 498 décès. Les patientes ont reçu 98 % de
la dose d’AC et 75 % de paclitaxel (tableau IV).
Tableau III.
Lobulaires Canalaires
(n = 337) (n = 2 958)
%%
Âge < 40 ans 8,3 12,6
Mastectomie 56,4 40,1
Taille tumorale pT > 20 mm 52 50.9
N+ > 3 51,8 37,6
RH+ 87 72,9
Tableau IV.
AC
AC puis RR p
T
Survie sans événement 461 400 0,83 0,008
(Événements) (0,73-0,95)
SSR 5 ans 72 % 76 %
Survie globale 255 243 0,94 0,46
(Décès)
Survie 5 ans 85 85 (NS)
La survie était améliorée dans les carcinomes canalaires et lobu-
laires dans les mêmes proportions par la chimiothérapie, mais le
bénéfice du tamoxifène n’était pas significatif pour les lobulaires.
Enfin, la survie sans récidive et la survie globale étaient identiques
à celles des canalaires infiltrants, mais le mode de récidive était
différent, avec plus de localisations osseuses, abdominopelviennes,
médullaires et moins de localisations viscérales (foie, poumon).
Dans les tumeurs T1N0 du sein, la négativité des récepteurs
hormonaux ne devrait pas être considérée comme le seul critère
de recommandation d’une chimiothérapie adjuvante (abstr. 55).
L’analyse de la base de données de deux grands registres nord-
américains (SEER et BCOU, 18 000 patientes) retrouve quatre
groupes présentant un risque de mortalité à 10 ans supérieur à
10 % : T1ab grade 3 RH–, T1c grade 2 RH–, T1c grade 3 RH+,
T1c grade 3 RH–.
TRAITEMENTS ADJUVANTS
Classification
Une meilleure corrélation avec le pronostic de la nouvelle clas-
sification en stades de l’AJCC (également avec la chimiothé-
rapie néoadjuvante en se fondant sur le statut ganglionnaire his-
tologique postchimiothérapie) a été montrée (abstr. 17). Cette
classification en stades permet de tenir compte du nombre de
ganglions envahis histologiquement et de l’intégrer dans le
stade clinique. Ainsi, un certain nombre de stades IIA devien-
nent des stades IIIB lorsqu’il existe un envahissement gan-
glionnaire massif (> 10 N+).
Chimiothérapie
L’étude de phase III NSABP B28 a étudié la chimiothérapie ad-
juvante par adriamycine et cyclophosphamide (AC) suivie ou non
de paclitaxel chez les patientes ayant une atteinte ganglionnaire.
Trois mille soixante patientes N+ ont été incluses à partir
d’août 1995 jusqu’en mai 1998 et randomisées entre quatre cures
d’AC (adriamycine 60 mg/m2et cyclophosphamide 600 mg/m2)
et quatre cures d’AC suivies de quatre cures de paclitaxel
(225 mg/m2sur 3 heures) (abstr. 12). Le suivi médian était de
Une analyse en sous-groupes ne montrait aucun avantage pour
un groupe particulier (âge, récepteurs hormonaux, type de chi-
rurgie, grade tumoral). Ainsi, à la différence de l’étude
du CALGB 9344 (Henderson et al. J Clin Oncol 2003 ; 21 : 976-
83), l’avantage du paclitaxel adjuvant chez les patientes RH–
n’était pas retrouvé dans cette étude (p = 0,30). La toxicité était
augmentée avec le paclitaxel (grade 3 : 19 % de neuropathies,
11 % de myalgies/arthralgies, 2 % de neutropénies fébriles, 1 %
de réactions allergiques). Cependant, il n’y a pas de différence
en termes de décès toxiques (AC : 5/ACT : 2) ou de complica-
tions à long terme à type d’hémopathies malignes (AC :
2/ACT : 6). Pour C. Hudis, du MSKCC de New York, cet essai,
combiné avec les résultats du CALGB 9344, de l’étude TAC ver-
sus FAC (Nabholtz et al. Abstr. 141, 2002), des essais de doses
densifiées et accélérées (Citron et al. J Clin Oncol 2003 ; 21 :
1431-9), confirme l’intérêt potentiel des taxanes en adjuvant
dans le cancer du sein. Cependant, le type de taxane, sa dose et
le schéma (séquentiel ou concomitant) restent à définir, incitant
à la poursuite des essais cliniques.
L’essai du NEAT (National Epirubicin Adjuvant Trial), combi-
nant également les données de l’essai du Scottish Cancer Trials
Breast Group BR9601 et portant sur 2 401 patientes, comparait
une chimiothérapie adjuvante par CMF (6 ou 8 cycles) à une chi-
miothérapie séquentielle par épirubicine en monothérapie
(100 mg/m2) de 4 cycles suivis par 4 CMF (ECMF) (abstr. 13).
Le bénéfice en survie sans récidive et surtout en survie globale
était nettement significatif pour le bras ECMF (p < 0,0001),
confirmant l’apport des anthracyclines dans la chimiothérapie
adjuvante du cancer du sein.
Le suivi à long terme de la comparaison FEC 100 à FEC 50 en
adjuvant chez les patientes N+ confirme le bénéfice en survie
de l’augmentation de dose d’épirubicine (French Adjuvant
Study Group) (abstr. 93). L’augmentation du coût du traitement
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no3 - juin 2003
CANCERS DU SEIN
en raison de la dose plus forte d’épirubicine était partiellement
compensée par la diminution du nombre de récidives et donc
de leur coût (différence de 357 à 812 euros par année de vie
sauvée) (abstr. 128).
L’analyse rétrospective de la base de données du CALGB
portant sur 6 489 patientes incluses dans des essais de chimio-
thérapie adjuvante comparait des niveaux de dose différents
(abstr. 11). Le sous-groupe des patientes de plus de 65 ans
(542 patientes, 28 % des effectifs) bénéficiait comme les autres
groupes de l’augmentation relative des doses de chimiothérapie.
Hormonothérapie
L’adjonction d’une castration après chimiothérapie adjuvante
chez les patientes non ménopausées a été de nouveau discutée.
R. Arriagada a présenté les données à 10 ans d’une étude rando-
misée multicentrique chez 926 patientes non ménopausées éva-
luant l’apport d’une castration ovarienne (chirurgicale, radiothé-
rapique ou par agoniste de LH-RH pendant 3 ans) après une
chimiothérapie adjuvante chez des patientes non ménopausées
(abstr. 14). Cette étude ne montre aucune différence en survie
sans récidive et en survie globale.
N. Davidson a présenté à nouveau les données de l’essai INT 0101
qui comparait, chez 1 504 patientes non ménopausées, RH+ et
N+, soit six cures de chimiothérapie par CAF seule, soit chi-
miothérapie et castration par goséréline (CAFZ), soit chimio-
thérapie, goséréline et tamoxifène (CAFZT) (abstr. 15). Il n’y
avait pas de différence à 10 ans entre les bras CAF et CAFZ,
confirmant l’absence d’apport de la suppression ovarienne en plus
de la chimiothérapie, cela pouvant être dû à l’effet de l’induction
d’une aménorrhée par la chimiothérapie. En revanche, le bras
CAFZT était supérieur aux autres, confirmant l’intérêt du ta-
moxifène chez ces patientes RH+. Une analyse rétrospective en
sous-groupes semblait montrer cependant un bénéfice pour la go-
séréline chez les patientes de moins de 40 ans, alors que l’effet
du tamoxifène était plus net chez les plus de 40 ans.
TRAITEMENTS NÉOADJUVANTS
Une étude anglaise a comparé en néoadjuvant chez des patientes
opérables une chimiothérapie par EV (épirubicine [60 mg/m2J1]-
vinorelbine [25mg/m2J1, J8]) à AC ([adriamycine 60 mg/m2-
cyclophosphamide 600 mg/m2]), six cycles toutes les 3 semaines,
chez 451 patientes (abstr. 83). Les taux de réponses cliniques et
histologiques complètes étaient de 64 et 59 %, et 13 et 12 % res-
pectivement (NS). Le bras EV donnait moins de nausées et de
vomissements, moins d’alopécies, mais plus de thromboses et de
neuropathies modérées.
L’essai de l’ECTO comparait, chez 1 355 patientes ayant une
tumeur de plus de 2 cm, chirurgie suivie d’adriamycine puis
CMF (bras A), chirurgie puis adriamycine-paclitaxel suivie de
CMF (bras B) et adriamycine-paclitaxel suivis de chirurgie puis
CMF (bras C) (abstr. 37). Les taux de conservation mammaire
étaient de 35 % dans les bras A et B et de 57 % dans le bras C.
Le taux de réponses histologiques complètes était de 23 %.
Une association de vinorelbine (25 mg/m2) et de trastuzumab
(2 mg/kg) hebdomadaires pendant 12 semaines a été évaluée en
néoadjuvant chez des patientes HER2+ suivie d’une association
de type AC en postopératoire (abstr. 86). Chez 48 patientes, le
taux de réponses cliniques était de 88 %, dont 38 % de réponses
complètes et 19 % de réponses histologiques complètes.
Intensification
L’étude de l’IBCSG 15-95 comparait, chez des patientes opé-
rées ayant une atteinte ganglionnaire importante (plus de 10 N+)
ou plus de 5 N+ avec une tumeur RE– ou classée T3, une chi-
miothérapie conventionnelle par AC ou EC (adriamycine
60 mg/m2ou épirubicine 90 mg/m2et cyclophosphamide
600 mg/m2) tous les 21 jours (4 cycles) suivie de trois cures de
CMF avec cyclophosphamide oral à une chimiothérapie inten-
sive d’emblée par épirubicine 200 mg/m2et cyclophosphamide
4g/m2tous les 21 jours (3 cycles), avec recueil préalable des CSP
et réinjection à chaque cycle et support de G-CSF (abstr. 20).
Quatre décès toxiques sont survenus dans le bras intensif et au-
cun dans le bras standard. Après un suivi médian de 4 ans, on
n’observe de différence ni en survie sans récidive (p = 0,12), ni
en survie globale (p = 0,20).
Une étude multicentrique hollandaise, présentée par S. Rodenhuis,
comparait, chez 885 patientes opérées pour un cancer du sein
stade II ou III et ayant un envahissement ganglionnaire d’au moins
quatre ganglions, une chimiothérapie standard de type FEC 90
(5 cycles) à une chimiothérapie du même type (4 cycles) suivie
d’une chimiothérapie haute dose par cyclophosphamide (6 g/m2),
thiotépa (480 mg/m2) et carboplatine (1 600 mg/m2avec réinjec-
tion de CSP) (abstr. 21). Les deux groupes recevaient une radio-
thérapie et du tamoxifène. L’étude était stratifiée en fonction du
nombre de ganglions envahis, soit quatre à 9 N+ (570 patientes),
soit plus de 10 N+ (315 patientes). Les résultats en survie sans ré-
cidive ont été donnés. Pour l’ensemble de la population, la diffé-
rence en faveur du bras intensifié n’atteint pas un seuil significa-
tif : SSR à 5 ans de 64,6 % contre 59,1 % (HR 0,83 [0,66-1,03]
p=0,088). En revanche, dans le groupe avec plus de dix ganglions
atteints, la différence est significative : 60,6 % contre 51,3 %
(HR 0,71 [0,50-1,00], p = 0,05). Après une analyse rétrospective
du statut HER2– des tumeurs primitives des patientes, une diffé-
rence très significative en faveur de l’intensification (p = 0,002)
apparaît dans la population HER2–, dans la population la plus
jeune et ayant les tumeurs les mieux différenciées. En conclusion,
il semble exister un bénéfice en termes de survie sans récidive dans
la population ayant plus de dix ganglions envahis. De façon sur-
prenante, à l’encontre du rationnel biologique, une analyse non pla-
nifiée laisse penser que ce sont les patientes avec des tumeurs
HER2– et les mieux différenciées qui bénéficient de la chimio-
thérapie à haute dose. La conclusion de A.D. Helias, de l’univer-
sité du Colorado, est que ce traitement doit rester du domaine des
essais thérapeutiques et ne pas être intégré à la pratique standard.
Une étude allemande de phase III multicentrique a comparé,
chez 403 patientes opérées pour un cancer du sein non méta-
statique mais ayant un haut risque de récidive (N+ > 9), une
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no3 - juin 2003
CANCERS DU SEIN
chimiothérapie conventionnelle mais accélérée (dose dense) à
une double intensification (abstr
3344)
. Le bras intensification
comportait une courte induction par deux cures de EC (épiru-
bicine 90 mg/m2et cyclophosphamide 600 mg/m2) suivies de
deux cures intensifiées, espacées de 28 jours, par EC et thio-
tépa 400 mg/m2, suivies elles-mêmes d’une réinjection de CSP
à J5. Le bras contrôle consistait en quatre cures d’EC suivies
de trois cures de CMF (cyclophosphamide 600 mg/m2, métho-
trexate 40 mg/m2et 5-FU 600 mg/m2en i.v.). Les cures étaient
espacées de 14 jours sous couvert systématique de G-CSF.
Toutes les patientes recevaient une radiothérapie et du tamoxi-
fène. Il s’agissait d’une population jeune (âge médian 47 ans),
avec des tumeurs de taille moyenne de 3,5 cm de diamètre et
17 N+. Il n’y a pas eu de décès toxique. En dehors de l’héma-
totoxicité supérieure dans le bras HD, il existait aussi une aug-
mentation des diarrhées, des nausées et vomissements et des mu-
cites avec la chimiothérapie haute dose. Avec un recul médian
de 39 mois, il existe un avantage significatif en survie sans évé-
nement en faveur de la haute dose répétée (à 4 ans : 61 % contre
41 %, p = 0,0019) et une nette tendance également en survie
globale (p = 0,055). Il faut noter que le bras de référence était
“dense”, avec quatre cures d’EC tous les 15 jours, et assez long,
avec trois cures de CMF en plus.
L’actualisation de l’étude de Bergh (Bergh et al. Lancet 2000 ;
356 : 1384-91), qui comparait une intensification finale après
chimiothérapie adjuvante à une chimiothérapie standard de type
FEC optimisée en termes d’intensité de dose en fonction de la
tolérance hématologique, ne montre toujours pas de différence
entre les deux bras de traitement après un suivi de 60 mois, voire
même une tendance à un meilleur pronostic en survie sans ré-
cidive en faveur du bras sans intensification (p = 0,047)
(abstr.
94)
.
TRAITEMENTS EN PHASE MÉTASTATIQUE
Études de phase III
J. O’Saughnessy a présenté les résultats préliminaires d’une étude
de phase III randomisée comparant une association gemci-
tabine 1 250 mg/m2(J1, J8) et paclitaxel 175 mg/m2(J1) à pa-
clitaxel 175 mg/m2monothérapietous les 21 jours, chez 529 pa-
tientes en première ligne métastatique (abstr
.25
). La majorité des
patientes avaient reçu des anthracyclines en adjuvant (96 %).
L’association gemcitabine-paclitaxel était supérieure au pacli-
taxel seul en termes de réponse (39,3 versus 25,6 %, p = 0,0007)
et de temps jusqu’à progression (5,4 versus 3,5 mois, p = 0,0013).
Les résultats en survie ne sont pas encore disponibles. La tolé-
rance était globalement bonne.
L’étude du GEICAM 9903 comparait, chez 144 patientes en
première ligne de chimiothérapie pour un cancer du sein méta-
statique, l’association soit en séquentiel d’adriamycine (A)
75 mg/m2tous les 21 jours suivis de docétaxel (T) 100 mg/m2
tous les 28 jours, soit en concomitant A 50mg/m2et T 75 mg/m2
tous les 21 jours. Les taux de réponses (61 % A puis T, 51 %
AT), de survies sans progression (10,5 contre 9,2 mois) n’étaient
pas significativement différents. En revanche, le taux de neu-
tropénies fébriles (34 % contre 50 %) était significativement
supérieur dans le bras concomitant. Le taux d’asthénie et de
diarrhées était également supérieur dans le bras concomitant.
Une étude randomisée conduite par le Central European Coope-
rative Oncology Group (CECOG) a comparé chez des patientes
en première ligne de chimiothérapie pour cancer du sein méta-
statique l’association gemcitabine 1 000 mg/m2(J1, J4), épi-
rubicine 90 mg/m2(J1), paclitaxel 175 mg/m2(J1) (GET) à un
FEC 90 (abst. 26). Les patientes ne devaient pas avoir reçu d’an-
thracycline en adjuvant. Cet essai européen multicentrique a in-
clus 259 patientes dans 29 centres. L’association GET n’est pas
significativement supérieure au FEC 90 standard. La toxicité était
en revanche supérieure en termes d’hématotoxicité et de mucites
(tableau V).
Tableau V.
GET FEC
n = 114 n = 129 p
%%
Réponses objectives 62,3 51,2 0,093
Réponses complètes 9,6 5,4
Neutropénies fébriles 12,3 2.3 0,003
Mucites grades 3/4 26,1 1,8 0,001
Neuropathies grade 3 4,9 0 0,012
L’association GET ne semble pas comporter d’avantage par rap-
port à d’autres associations reposant sur les taxanes en première
ligne métastatique.
Une étude mexicaine comparait capécitabine (835 mg/m2x2/j
de J1 à J14) + paclitaxel (175 mg/m2J1) tous les 21 jours
à capécitabine (835 mg/m2x 2/j de J1 à J14) + docétaxel
(75 mg/m2J1) et capécitabine seule (1 250 mg/m2x 2/j de J1 à
J14) suivie d’un taxane (paclitaxel ou docétaxel au choix) à la
progression (abstr. 28). Les résultats sont préliminaires, portant
sur 121 patientes, car l’essai est toujours ouvert aux inclusions.
Cette analyse intermédiaire ne montre pas de différence signi-
ficative entre les trois bras avec un taux de réponses de 70 %
pour l’association capécitabine-paclitaxel, de 73 % pour capé-
citabine docétaxel et de 52 % pour capécitabine seule. Les pre-
mières données de toxicité ne montraient pas non plus de diffé-
rence significative.
Il semble donc que l’utilisation séquentielle, en particulier des
taxanes avec les anthracyclines, soit une option intéressante (A
puis T au lieu de AT) mais que des associations de trois agents
au lieu de deux ne soient pas supérieures (GET versus FEC).
Une étude de phase II randomisée du North Central Cancer
Treatment Group a comparé l’efficacité et la tolérance d’une
association carboplatine, paclitaxel et trastuzumab soit toutes
les trois semaines, soit en dose hebdomadaire (abstr. 31). Les
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