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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no3 - juin 2003
CANCERS DU SEIN
en raison de la dose plus forte d’épirubicine était partiellement
compensée par la diminution du nombre de récidives et donc
de leur coût (différence de 357 à 812 euros par année de vie
sauvée) (abstr. 128).
L’analyse rétrospective de la base de données du CALGB
portant sur 6 489 patientes incluses dans des essais de chimio-
thérapie adjuvante comparait des niveaux de dose différents
(abstr. 11). Le sous-groupe des patientes de plus de 65 ans
(542 patientes, 28 % des effectifs) bénéficiait comme les autres
groupes de l’augmentation relative des doses de chimiothérapie.
Hormonothérapie
L’adjonction d’une castration après chimiothérapie adjuvante
chez les patientes non ménopausées a été de nouveau discutée.
R. Arriagada a présenté les données à 10 ans d’une étude rando-
misée multicentrique chez 926 patientes non ménopausées éva-
luant l’apport d’une castration ovarienne (chirurgicale, radiothé-
rapique ou par agoniste de LH-RH pendant 3 ans) après une
chimiothérapie adjuvante chez des patientes non ménopausées
(abstr. 14). Cette étude ne montre aucune différence en survie
sans récidive et en survie globale.
N. Davidson a présenté à nouveau les données de l’essai INT 0101
qui comparait, chez 1 504 patientes non ménopausées, RH+ et
N+, soit six cures de chimiothérapie par CAF seule, soit chi-
miothérapie et castration par goséréline (CAFZ), soit chimio-
thérapie, goséréline et tamoxifène (CAFZT) (abstr. 15). Il n’y
avait pas de différence à 10 ans entre les bras CAF et CAFZ,
confirmant l’absence d’apport de la suppression ovarienne en plus
de la chimiothérapie, cela pouvant être dû à l’effet de l’induction
d’une aménorrhée par la chimiothérapie. En revanche, le bras
CAFZT était supérieur aux autres, confirmant l’intérêt du ta-
moxifène chez ces patientes RH+. Une analyse rétrospective en
sous-groupes semblait montrer cependant un bénéfice pour la go-
séréline chez les patientes de moins de 40 ans, alors que l’effet
du tamoxifène était plus net chez les plus de 40 ans.
TRAITEMENTS NÉOADJUVANTS
Une étude anglaise a comparé en néoadjuvant chez des patientes
opérables une chimiothérapie par EV (épirubicine [60 mg/m2J1]-
vinorelbine [25mg/m2J1, J8]) à AC ([adriamycine 60 mg/m2-
cyclophosphamide 600 mg/m2]), six cycles toutes les 3 semaines,
chez 451 patientes (abstr. 83). Les taux de réponses cliniques et
histologiques complètes étaient de 64 et 59 %, et 13 et 12 % res-
pectivement (NS). Le bras EV donnait moins de nausées et de
vomissements, moins d’alopécies, mais plus de thromboses et de
neuropathies modérées.
L’essai de l’ECTO comparait, chez 1 355 patientes ayant une
tumeur de plus de 2 cm, chirurgie suivie d’adriamycine puis
CMF (bras A), chirurgie puis adriamycine-paclitaxel suivie de
CMF (bras B) et adriamycine-paclitaxel suivis de chirurgie puis
CMF (bras C) (abstr. 37). Les taux de conservation mammaire
étaient de 35 % dans les bras A et B et de 57 % dans le bras C.
Le taux de réponses histologiques complètes était de 23 %.
Une association de vinorelbine (25 mg/m2) et de trastuzumab
(2 mg/kg) hebdomadaires pendant 12 semaines a été évaluée en
néoadjuvant chez des patientes HER2+ suivie d’une association
de type AC en postopératoire (abstr. 86). Chez 48 patientes, le
taux de réponses cliniques était de 88 %, dont 38 % de réponses
complètes et 19 % de réponses histologiques complètes.
Intensification
L’étude de l’IBCSG 15-95 comparait, chez des patientes opé-
rées ayant une atteinte ganglionnaire importante (plus de 10 N+)
ou plus de 5 N+ avec une tumeur RE– ou classée T3, une chi-
miothérapie conventionnelle par AC ou EC (adriamycine
60 mg/m2ou épirubicine 90 mg/m2et cyclophosphamide
600 mg/m2) tous les 21 jours (4 cycles) suivie de trois cures de
CMF avec cyclophosphamide oral à une chimiothérapie inten-
sive d’emblée par épirubicine 200 mg/m2et cyclophosphamide
4g/m2tous les 21 jours (3 cycles), avec recueil préalable des CSP
et réinjection à chaque cycle et support de G-CSF (abstr. 20).
Quatre décès toxiques sont survenus dans le bras intensif et au-
cun dans le bras standard. Après un suivi médian de 4 ans, on
n’observe de différence ni en survie sans récidive (p = 0,12), ni
en survie globale (p = 0,20).
Une étude multicentrique hollandaise, présentée par S. Rodenhuis,
comparait, chez 885 patientes opérées pour un cancer du sein
stade II ou III et ayant un envahissement ganglionnaire d’au moins
quatre ganglions, une chimiothérapie standard de type FEC 90
(5 cycles) à une chimiothérapie du même type (4 cycles) suivie
d’une chimiothérapie haute dose par cyclophosphamide (6 g/m2),
thiotépa (480 mg/m2) et carboplatine (1 600 mg/m2avec réinjec-
tion de CSP) (abstr. 21). Les deux groupes recevaient une radio-
thérapie et du tamoxifène. L’étude était stratifiée en fonction du
nombre de ganglions envahis, soit quatre à 9 N+ (570 patientes),
soit plus de 10 N+ (315 patientes). Les résultats en survie sans ré-
cidive ont été donnés. Pour l’ensemble de la population, la diffé-
rence en faveur du bras intensifié n’atteint pas un seuil significa-
tif : SSR à 5 ans de 64,6 % contre 59,1 % (HR 0,83 [0,66-1,03]
p=0,088). En revanche, dans le groupe avec plus de dix ganglions
atteints, la différence est significative : 60,6 % contre 51,3 %
(HR 0,71 [0,50-1,00], p = 0,05). Après une analyse rétrospective
du statut HER2– des tumeurs primitives des patientes, une diffé-
rence très significative en faveur de l’intensification (p = 0,002)
apparaît dans la population HER2–, dans la population la plus
jeune et ayant les tumeurs les mieux différenciées. En conclusion,
il semble exister un bénéfice en termes de survie sans récidive dans
la population ayant plus de dix ganglions envahis. De façon sur-
prenante, à l’encontre du rationnel biologique, une analyse non pla-
nifiée laisse penser que ce sont les patientes avec des tumeurs
HER2– et les mieux différenciées qui bénéficient de la chimio-
thérapie à haute dose. La conclusion de A.D. Helias, de l’univer-
sité du Colorado, est que ce traitement doit rester du domaine des
essais thérapeutiques et ne pas être intégré à la pratique standard.
Une étude allemande de phase III multicentrique a comparé,
chez 403 patientes opérées pour un cancer du sein non méta-
statique mais ayant un haut risque de récidive (N+ > 9), une