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●Les corps étrangers des voies aériennes inférieures
Des enfants meurent de l’inhalation d’un corps étranger. Les
manœuvres de ressuscitation, telles que la manœuvre de Heim-
lich, ne marchent pas toujours, et même à Paris ou en banlieue
parisienne, où les secours peuvent arriver très vite, ils arrivent
parfois trop tard tant l’asphyxie est rapide. La communication
de I. Kerurien-Lebret et coll. (Le Kremlin-Bicêtre) était à cet
égard très impressionnante. Les auteurs ont repris les dossiers
des enfants hospitalisés en réanimation à la suite de l’inhala-
tion d’un corps étranger. En une dizaine d’années, 26 enfants
ont été recensés, dont l’âge moyen était de 3,4 ans. Il y avait
un pic de fréquence entre 1 et 3 ans, mais certains enfants
étaient nettement plus âgés (8 ans pour le plus âgé). L’accident
était survenu à la maison dans plus de la moitié des cas, chez
la nourrice dans 19 % des cas, et à l’école dans 12 % des cas.
Le plus souvent, l’enfant était en train de manger ou de jouer.
Chez 9 enfants, la manœuvre de Heimlich avait échoué ; chez
5 autres, un adulte assistant à la scène avait tenté en vain
d’extraire le corps étranger au doigt. Les secours sont arrivés
en moyenne 11 minutes après l’alarme ; 13 enfants étaient en
arrêt cardiorespiratoire, 4 étaient en coma anoxique, 1 était
cyanosé, les autres étaient dyspnéiques mais toussaient encore.
Dans un cas, l’enfant a réussi à expulser le corps étranger dans
un effort de toux ; dans 19 cas, le corps étranger a été retiré à
la pince de Magill ; dans 5 cas, il a fallu, pour le retirer, faire
une endoscopie ; enfin, dans un cas, le corps étranger a été
retrouvé à l’autopsie. Au total, sur ces 26 enfants, 15 sont
morts et 1 a gardé des séquelles neurologiques de son anoxie à
type d’épilepsie.
La série présentée par R. Diouf et coll. (Dakar, Sénégal) était
aussi frappante. Le Sénégal est un pays de près de 8 millions
d’habitants. Le seul centre hospitalier susceptible de procéder
à l’extraction d’un corps étranger des voies aériennes infé-
rieures est dans la capitale. Il y a bien un ORL d’astreinte,
mais pas d’anesthésiste et, quelquefois, la seule solution pour
sauver la vie d’un enfant est de faire une trachéotomie pour
attendre le lendemain et pouvoir effectuer une endoscopie
réglée. Entre 1981 et 1996, 145 enfants ont été reçus pour
inhalation de corps étranger dans les voies aériennes infé-
rieures, dont 65 corps étrangers laryngés. Dans ces 65 derniers
cas, les enfants étaient âgés de 7 mois à 14 ans (moyenne :
36 mois) et il y avait une forte majorité de garçons (71 %). Le
syndrome de pénétration était retrouvé dans 9 cas sur 10, et la
dyspnée laryngée présente dans 83 % des cas. Le problème
peut se poser du diagnostic différentiel avec une diphtérie, un
asthme ou une papillomatose laryngée dyspnéisante. Près des
trois quarts des enfants ont été vus plus de 48 heures après
l’inhalation du corps étranger. Plus de la moitié des enfants ont
été trachéotomisés. Tous ont pu être décanulés, mais après un
délai moyen de 10 jours. Dans cette série, les auteurs ont eu a
déplorer trois décès.
Audition et vertiges
La conférence de consensus sur le dépistage des troubles audi-
tifs en période néonatale qui s’est tenue à Milan au printemps
dernier avait conclu à l’intérêt d’un dépistage par les otoémis-
sions provoquées chez tous les nouveau-nés, s’opposant ainsi à
la politique de dépistage ciblée sur facteur de risque habituelle-
ment pratiquée faute de moyens.
E. Panosetti (Luxembourg) a pratiqué un dépistage systéma-
tique des troubles auditifs par les otoémissions acoustiques
provoquées (OEP) chez tous les nouveau-nés hospitalisés en
unité de soins intensifs au centre hospitalier du Luxembourg.
En un an, il a examiné 617 nouveau-nés. L’examen était réa-
lisé chez tous les enfants dès qu’ils avaient plus de
35 semaines d’âge gestationnel et que leur état général leur
permettait d’être transportés au service ORL, à l’étage au-des-
sus de la réanimation. Si les OEP étaient présentes des deux
côtés, l’enfant avait, comme tous les enfants luxembourgeois,
un examen auditif à 12 mois, 30 mois puis 60 mois. Si les OEP
étaient absentes d’un ou des deux côtés, l’examen était renou-
velé avant la sortie de l’enfant et éventuellement une troisième
fois avant l’âge de trois mois. En cas d’OEP absente au troi-
sième essai, l’enfant avait un examen ORL avec impédance-
métrie et enregistrement des potentiels évoqués auditifs (PEA).
Lors du premier test, 82,7 % des enfants avaient des OEP pré-
sentes des deux côtés ; 90,1 % des enfants avaient des OEP
présentes avant leur sortie de l’hôpital. Ce programme de
dépistage a débouché sur 12 diagnostics de surdité de percep-
tion (soit 19,4 ‰ enfants hospitalisés en soins intensifs néona-
tals). Sur ces 12 enfants, 1 est décédé, 3 avaient une surdité
profonde et 8 un seuil supérieur à 60 dB. Beaucoup de ces
enfants avaient une pathologie neurologique associée, ce qui
explique que, malgré un dépistage précoce de la surdité, seuls
2enfants sur 11 ont été appareillés.
En fin de maternelle, le dépistage des troubles auditifs se fait
bien souvent à la voix chuchotée. Avant d’acheter un audio-
mètre de dépistage, les PMI d’Indre-et-Loire ont demandé une
évaluation comparative de la sensibilité et de la spécificité de
ces deux méthodes de dépistage des surdités. Une centaine
d’enfants âgés de 4 à 5 ans ont été inclus dans l’étude rappor-
tée par E. Lescanne (hôpital Gatien-de-Clocheville, Tours) : la
moitié était réputée normo-entendante et l’autre moitié était
suspecte de surdité. Les enfants qui avaient une surdité de per-
ception connue ou qui refusaient de participer à l’examen
audiométrique ont été exclus de cette étude. Les enfants ont
passé les deux tests et les résultats ont été comparés à ceux de
l’audiométrie tonale classique. Sur les 200 oreilles testées, il y
avait 99 oreilles normales et 85 surdités de transmission, dont
64 étaient légères. L’examen à voix chuchotée avait une spéci-
ficité de 74 % et une sensibilité de 64 % ; l’audiovérificateur
avait une spécificité très médiocre, de 46 %, et une sensibilité
de 79 %. Le couplage des deux examens permettrait ainsi
d’obtenir une sensibilité de 93,8 %, mais il faut alors beaucoup
plus de temps, et cela coûterait très cher. Toutes les surdités
moyennes (> 40 dB) ont été dépistées à la voix chuchotée. En
conclusion, l’examen à la voix chuchotée, pour peu que l’exa-
minateur soit bien entraîné, et surtout s’il peut contrôler
l’intensité de sa voix avec un sonomètre, reste un excellent
moyen de dépistage des troubles auditifs de l’enfant.
N. Noël-Petroff (hôpital Robert-Debré, Paris) a attiré l’atten-
tion sur quelques pièges en audiométrie chez l’enfant. Certains
enfants distraits ou authentiquement simulateurs donnent des
ACTUALITÉ
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La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 241 - mars 1999