ACTUALITÉ
9
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 241 - mars 1999
ette année encore, le Congrès de la Société fran-
çaise d’ORL a été riche en communications. Nous
avons sélectionné pour vous une table ronde
concernant l’aérosolthérapie [1], et des communications qui
s’articulaient autour de trois thèmes principaux : l’ORL pédia-
trique, la rhinologie et les explorations fonctionnelles.
L’AÉROSOLTHÉRAPIE EN ORL
Les aérosols sont utilisés à des fins thérapeutiques depuis fort
longtemps. Toutefois, il y a encore trop peu d’études sur leur
efficacité par rapport aux thérapeutiques de référence. Les
ORL doivent faire rapidement un effort d’évaluation et de vali-
dation de l’aérosolthérapie dans leur spécialité, comme l’ont
fait les pneumologues dans la mucoviscidose et dans l’asthme
(A. Emonot, Saint-Étienne), faute de quoi cette modalité thé-
rapeutique sera supprimée (J.M. Klossek, Poitiers).
En préambule, C. Martin (Saint-Étienne) a rapporté les résul-
tats de deux enquêtes récentes sur la pratique de l’aérosolthéra-
pie en ORL en France.
La première était l’enquête INSERM de Faurisson auprès de
490 ORL (1996). Cette enquête a montré que les ORL res-
taient très attachés à l’aérosolthérapie, puisque 46 % d’entre
eux en prescrivaient plusieurs fois par mois et 20 % plusieurs
fois par semaine ; 6 % seulement des ORL consultés n’en pres-
crivaient jamais, et 28 % n’en prescrivaient que quelques fois
dans l’année. La principale indication était la sinusite (53 %
des prescriptions), suivie par les laryngites (22 %) et les rhi-
nites (13 %). Les otites restaient une indication rare (2 %).
L’aérosol était en général prescrit avec un antibiotique, qui
était dans 70 % des cas un aminoside (nétilmicine 32 %, fra-
mycétine 23 %) et dans 20 % des cas de la lincomycine. Dans
85 % des cas, il y était adjoint un autre médicament, essentiel-
lement corticoïde, mucolytique ou huile. L’aérosol était la
seule thérapeutique prescrite dans 35 % des cas. Il était associé
à une antibiothérapie par voie générale dans 54 % des cas. La
tolérance était estimée excellente par 95 % des praticiens, mais
beaucoup le jugeaient moins efficace qu’une administration
par voie générale.
La deuxième enquête, effectuée en 1997, a été coordonnée par
L. Gilain (Clermont-Ferrand) et M. Topéza (laboratoires Jou-
veinal). Elle a porté sur 2 985 praticiens français (2 034 géné-
ralistes, 475 pédiatres et 476 ORL). Soixante-quinze pour cent
de ces praticiens prescrivaient des aérosols chez l’adulte et
57 % chez l’enfant. Les principales indications étaient les sinu-
sites aiguës (71 % des praticiens) et chroniques (71 %), suivies
par les bronchites aiguës (39 %) et chroniques (45 %). Il
s’agissait, dans trois quarts des cas, d’aérosols d’antibiotiques,
de corticoïdes et/ou de mucolytiques. Dans la moitié des cas,
les praticiens y adjoignaient un antibiotique par voie générale.
Un aérosol comporte une phase dispersée stable composée de
particules solides ou liquides dans une phase dispersante
gazeuse (J.M. Prades, Saint-Étienne). La formation et la dis-
persion des particules à partir de la solution thérapeutique se
fait soit par un jet d’air comprimé (appareil pneumatique), soit
par vibration d’un cristal piézoélectrique (appareil ultraso-
nique). En rhinologie, l’adjonction d’une source sonore (appa-
reil pneumatique sonique) de 100 Hz augmente les impacts sur
l’ensemble des parois des fosses nasales et favorise la pénétra-
tion des particules dans les sinus. Cela a pu être prouvé grâce à
un modèle en verre avec des particules de fluorescéine : l’ajout
de vibrations sonores augmente l’impact sur les parois en verre
et permet le passage des particules dans la cavité annexe
(figure 1). Dans les appareils à aérosol manosonique, utilisés
pour les problèmes tubaires, il y a en plus un système capable
de générer à certains moments une légère surpression.
L’efficacité potentielle d’un aérosol dépend de quatre
éléments :
– la cible, et il est important, en rhinologie, de tenir compte de
l’anatomie des cavités nasosinusiennes, qui peut être étudiée
sur des pièces anatomiques fixées ;
– le type de nébuliseur ;
– les conditions de pression, de ventilation (nasale ou buccale),
l’adjonction ou non de vibrations sonores, le temps de nébuli-
sation ;
– la granulométrie. Si les particules font plus de 100 µ, elles
vont rapidement sédimenter : c’est le cas des poussières ; si
elles font moins de 0,01 µ, elles s’évaporent rapidement. Un
Congrès de la Société française d’ORL
Paris, 12-15 octobre 1998
M. François*, I. de Gaudemar**, N. Noël-Petroff*
* Service ORL, hôpital Robert-Debré, Paris.
** Service ORL, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris.
C
[1] Table ronde organisée par C. Martin, de Saint-Étienne, sous l’égide du
SNITEM, de la Diffusion technique française et des laboratoires Jouveinal.
aérosol médical doit donc avoir des particules de taille inter-
médiaire et, en pratique, la taille optimale des particules pour
un usage ORL se situe entre 0,1 et 5 µ (tableau I). Les parti-
cules les plus grosses se déposent par impaction sur les
parois des voies aérodigestives supérieures et par sédimenta-
tion dans les bronches et les bronchioles. Les particules les
plus fines gagnent, par diffusion, les alvéoles. L’importance
du dépôt dépend de la taille des particules et de la distance
aux lèvres et au nez. La vitesse de déposition dépend du dia-
mètre des particules.
Des expériences sur des préparations anatomiques avec des
aérosols de sérum physiologique marqué avec du technétium
ont montré qu’il y a une diffusion dans les sinus maxillaires
aussi intense que dans les fosses nasales elles-mêmes. Cepen-
dant, in vivo, l’obstruction des voies aériennes peut modifier
ce schéma idéal (J.M. Prades, Saint-Étienne). Chez six
adultes normaux, une nébulisation pendant une dizaine de
minutes, avec un appareil à aérosol sonique, de sérum physio-
logique teinté au bleu de méthylène a montré un dépôt très pré-
coce au niveau de la tête des cornets et, au bout de 10 minutes,
un dépôt plus loin dans les fosses nasales, ainsi qu’au niveau
des méats et des sinus maxillaires. La même expérience effec-
tuée chez des patients ayant une sinusite maxillaire n’a pas
permis de retrouver la moindre trace de bleu dans les sinus
maxillaires. Autrement dit, ce qui marche chez les sujets sains
ne marche pas forcément chez les patients que nous avons à
traiter, justement du fait de leur maladie, et l’efficacité des
aérosols dans ces cas reste à prouver.
Les aérosols en laryngologie
(E. Reyt, Saint-Gervais)
L’aérosol a l’avantage, sur les autres modes d’administration
d’un médicament, d’agir très rapidement et de permettre un
dépôt de principe actif directement sur la muqueuse à traiter,
avec, de ce fait, une action locale privilégiée. Pour être effi-
cace, il faut tenir compte du dépôt oropharyngé, de l’ordre de
10 % lorsque les gouttelettes font 10 µ de diamètre, et optimi-
ser les conditions de ventilation lors de l’inhalation pour opti-
miser le dépôt au niveau laryngé (et éviter le passage dans
l’atmosphère ambiante).
Certains produits ne doivent pas être utilisés pour ces aéro-
sols : les huiles, car elles peuvent provoquer une pneumonie
lipidique, et les produits dont l’excipient comporte des sulfites
(comme la dexaméthasone), car ils peuvent être responsables
de bronchospasme. Il faut savoir aussi que les aérosols conte-
nant des corticoïdes peuvent favoriser l’apparition d’une can-
didose oropharyngée.
L’aérosolthérapie dans les laryngites aiguës sous-glottiques a
fait l’objet de controverses dans les années 70-80, certains
auteurs contestant l’efficacité de ce type de traitement. Depuis,
des études randomisées en double aveugle ont confirmé l’inté-
rêt et la bonne tolérance des aérosols dans ces indications.
Westley, en 1978, en comparant l’épinéphrine racémique au
placebo chez 20 enfants souffrant d’une laryngite aiguë sous-
glottique dyspnéisante, a montré l’efficacité rapide, en une
vingtaine de minutes, des aérosols d’adrénaline et a battu en
brèche la notion de rebond : l’efficacité de l’aérosol cesse au
bout de deux heures, et l’on se trouve à nouveau dans la situa-
tion initiale, mais il n’y a pas d’aggravation par rapport à l’état
avant le traitement. Husby, en 1993, et Klassen, en 1994, ont
trouvé une amélioration clinique, avec raccourcissement de la
durée d’hospitalisation sans effet secondaire après aérosol de
budésonide, beaucoup plus nette qu’après un aérosol de sérum
physiologique.
En résumé, les aérosols sont indiqués dans les laryngites
aiguës de l’adulte et de l’enfant et dans les suites de la micro-
chirurgie laryngée. Les produits utilisés sont essentiellement
l’adrénaline et les corticoïdes.
L’aérosolthérapie en rhinologie
(J.M. Klossek, Poitiers ;
R. Jankowski, Nancy)
Ont actuellement une AMM pour usage local en rhinologie :
des corticoïdes, des anti-H1, des anticholinergiques, des vaso-
ACTUALITÉ
10
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 241 - mars 1999
La prescription. La rédaction de l’ordonnance doit préciser le type
d’appareil à louer, appareil d’aérosol pneumatique sonique pour les laryn-
gites et les sinusites, ou appareil manosonique pour la pathologie tubaire,
et mentionner la nécessité d’acheter le kit pour nébuliseur sonique ou
manosonique (qui comporte le masque facial ou l’embout narinaire, la
chambre de nébulisation et les tuyaux, tous ces éléments devant être
propres au patient). Sur une ordonnance séparée seront indiqués le rythme
et la durée des aérosols, ainsi que les médicaments à mettre dans la
chambre de nébulisation.
vers le patient
arrivée d’air comprimé
Aarrivée d’air comprimé
B
vibration sonore
vers le patient
Figure 1. Effet de l’adjonction d’une source de vibrations sonores sur
les dépôts de particules de fluorescéine dans un modèle nasosinusien en
verre (J.M. Prades, Saint-Étienne) : (A) sans source sonore, (B) avec
source sonore.
Diamètre des particules (en microns)
Sérum physiologique 3,5
Budésonide 2,2
Colistine 2,3
Tobramycine 2,2
Amiloride 2,4
Tableau I. Granulométrie de divers produits (J.M. Prades, Saint-
Étienne). Il est à noter que l’adjonction de vibrations sonores ne
modifie pas la granulométrie.
constricteurs, des antibactériens, des huiles simples et mentho-
lées. Après pulvérisation dans le nez, un produit ne reste pas
forcément dans le tiers antérieur des fosses nasales. Il a été
montré pour les corticoïdes, par exemple, qu’il y a une diffu-
sion vers le sinus frontal. Par ailleurs, le produit actif peut res-
ter sur place longtemps et, dans le cas des corticoïdes, il en
reste dans les fosses nasales plus de deux heures après la pul-
vérisation. Les aérosols peuvent être intéressants pour traiter
une sinusite aiguë ou chronique. Il y a un projet d’évaluation
des aérosols dans ces indications, en comparant l’efficacité
d’une antibiothérapie par voie générale seule à celle d’une
antibiothérapie associée à des aérosols biquotidiens pendant
une semaine.
L’aérosolthérapie en otologie
(C. Dubreuil, Lyon)
C. Dubreuil a présenté les résultats d’une étude multicentrique
de l’efficacité des aérosols manosoniques dans les otites
séreuses et les poches de rétraction. Quatre-vingt-dix patients
ont été inclus dans cette étude, 36 enfants (moyenne d’âge :
8ans et demi) et 54 adultes, totalisant 50 otites séreuses et
40 poches de rétraction, dont 8 étaient fixées. Les patients
devaient faire deux séances d’aérosol manosonique de
15 minutes tous les jours pendant un mois, avec un mucoly-
tique. Le traitement se faisait complètement en ambulatoire.
Au bout de deux mois, 38 % des otites séreuses des enfants et
55 % des otites séreuses des adultes étaient guéries ; parmi les
poches de rétraction, 33 % des enfants et 12 % des adultes
étaient guéris. Aucune poche de rétraction fixée n’avait
répondu au traitement. Le traitement a été très bien toléré, sans
effet secondaire et sans douleur.
Les aérosols manosoniques ont un effet bénéfique sur les otites
séreuses et les poches de rétraction mobiles. Cette méthode
thérapeutique n’est pas invasive (à la différence de la pose
d’un aérateur transtympanique ou de la chirurgie de renforce-
ment du tympan) et est d’utilisation facile dès l’âge de 2-3 ans.
Elle a trois actions : pressionnelle, kinésithérapique (au fur et à
mesure des séances, le patient arrive à diminuer la surpression
nécessaire pour faire passer l’air dans l’oreille moyenne) et
médicamenteuse (en fonction du produit utilisé, tableau II).
ORL PÉDIATRIQUE
Les urgences
Les brûlures œsophagiennes
L’attitude face à une brûlure de l’œsophage ne sera pas la
même chez l’adulte que chez l’enfant, en particulier en ce qui
concerne les modalités d’alimentation et la sonde nasogas-
trique. Les brûlures chez l’enfant sont rarement le résultat d’un
acte délibéré, à visée suicidaire, mais le plus souvent acciden-
telles. Dans tous les cas, il est important de faire un bilan ini-
tial des lésions ; en effet, en cas d’évolution défavorable, le
chirurgien se fondera, pour faire son anastomose supérieure,
sur le niveau supérieur initial des lésions et non sur le niveau
de la sténose (M. François, hôpital Robert-Debré, Paris). Les
lésions doivent donc être détaillées dans le compte rendu opé-
ratoire de la première endoscopie. On distingue plusieurs
stades selon le type et l’étendue des lésions (tableau III).
À partir d’une série de 21 cas, P. Fontaine et coll. (hôpital
Édouard-Herriot, Lyon) proposent une conduite à tenir en
fonction du stade des lésions (tableau IV). Les six enfants de
leur série qui étaient de stades 0, 1 et 2A ont guéri sans
séquelle, de même que les quatre enfants de stades 2B et 3A.
Les onze enfants de stade 3B ont eu une sténose œsopha-
gienne, qui a été guérie après séances de dilatation dans 4 cas
et a nécessité une intervention chirurgicale de remplacement
œsophagien par un transplant colique dans 7 cas. L’interven-
tion chirurgicale a été décidée après échec des dilatations, en
moyenne un an après l’accident initial. Il faudrait en fait avan-
cer la date de la chirurgie.
L’adjonction de corticoïdes est controversée. Selon
Y. Manac’h (hôpital Necker-Enfants malades, Paris), il ne
faut pas en donner dans les premières 48 heures ; cependant,
leur prescription peut être discutée ensuite, dans le but de
diminuer la synthèse de collagène.
11
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 241 - mars 1999
Stade 1 : alimentation semi-liquide pendant 24 à 48 heures,
endoscopie 6 mois plus tard
Stade 2A : alimentation semi-liquide pendant 4 à 5 jours,
endoscopie à J15, TOGD à 2 mois
Stades 2B et 3 : sonde nasogastrique pendant 8 à 9 semaines,
alimentation entérale ou, si celle-ci est impossible,
alimentation parentérale, anti-H2 et antibiotiques,
TOGD à J20, endoscopie à J21
Tableau IV. Conduite à tenir en fonction des lésions œsophagiennes
constatées lors de la première endoscopie.
ORL et pneumologie ORL
Antibiotiques amikacine lincomycine
gentamicine
tobramycine
nétilmicine
colistine
amphotéricine
Corticoïdes budésonide bêtaméthasone
hydrocortisone
dexaméthasone
Mucofluidifiants bromhexine
mesna
acétylcystéine
Vasoconstricteur adrénaline
Tableau II. Produits utilisés en aérosols (J.P. Fontanel, Poitiers).
Stade 0 aucune lésion
Stade 1 brûlures superficielles
Stade 2 fausses membranes non circulaires (A), circulaires (B)
Stade 3 brûlures profondes non circulaires (A), circulaires (B)
Stade 4 perforation
Tableau III. Classification des lésions des brûlures œsophagiennes par
caustique.
Les corps étrangers des voies aériennes inférieures
Des enfants meurent de l’inhalation d’un corps étranger. Les
manœuvres de ressuscitation, telles que la manœuvre de Heim-
lich, ne marchent pas toujours, et même à Paris ou en banlieue
parisienne, où les secours peuvent arriver très vite, ils arrivent
parfois trop tard tant l’asphyxie est rapide. La communication
de I. Kerurien-Lebret et coll. (Le Kremlin-Bicêtre) était à cet
égard très impressionnante. Les auteurs ont repris les dossiers
des enfants hospitalisés en réanimation à la suite de l’inhala-
tion d’un corps étranger. En une dizaine d’années, 26 enfants
ont été recensés, dont l’âge moyen était de 3,4 ans. Il y avait
un pic de fréquence entre 1 et 3 ans, mais certains enfants
étaient nettement plus âgés (8 ans pour le plus âgé). L’accident
était survenu à la maison dans plus de la moitié des cas, chez
la nourrice dans 19 % des cas, et à l’école dans 12 % des cas.
Le plus souvent, l’enfant était en train de manger ou de jouer.
Chez 9 enfants, la manœuvre de Heimlich avait échoué ; chez
5 autres, un adulte assistant à la scène avait tenté en vain
d’extraire le corps étranger au doigt. Les secours sont arrivés
en moyenne 11 minutes après l’alarme ; 13 enfants étaient en
arrêt cardiorespiratoire, 4 étaient en coma anoxique, 1 était
cyanosé, les autres étaient dyspnéiques mais toussaient encore.
Dans un cas, l’enfant a réussi à expulser le corps étranger dans
un effort de toux ; dans 19 cas, le corps étranger a été retiré à
la pince de Magill ; dans 5 cas, il a fallu, pour le retirer, faire
une endoscopie ; enfin, dans un cas, le corps étranger a été
retrouvé à l’autopsie. Au total, sur ces 26 enfants, 15 sont
morts et 1 a gardé des séquelles neurologiques de son anoxie à
type d’épilepsie.
La série présentée par R. Diouf et coll. (Dakar, Sénégal) était
aussi frappante. Le Sénégal est un pays de près de 8 millions
d’habitants. Le seul centre hospitalier susceptible de procéder
à l’extraction d’un corps étranger des voies aériennes infé-
rieures est dans la capitale. Il y a bien un ORL d’astreinte,
mais pas d’anesthésiste et, quelquefois, la seule solution pour
sauver la vie d’un enfant est de faire une trachéotomie pour
attendre le lendemain et pouvoir effectuer une endoscopie
réglée. Entre 1981 et 1996, 145 enfants ont été reçus pour
inhalation de corps étranger dans les voies aériennes infé-
rieures, dont 65 corps étrangers laryngés. Dans ces 65 derniers
cas, les enfants étaient âgés de 7 mois à 14 ans (moyenne :
36 mois) et il y avait une forte majorité de garçons (71 %). Le
syndrome de pénétration était retrouvé dans 9 cas sur 10, et la
dyspnée laryngée présente dans 83 % des cas. Le problème
peut se poser du diagnostic différentiel avec une diphtérie, un
asthme ou une papillomatose laryngée dyspnéisante. Près des
trois quarts des enfants ont été vus plus de 48 heures après
l’inhalation du corps étranger. Plus de la moitié des enfants ont
été trachéotomisés. Tous ont pu être décanulés, mais après un
délai moyen de 10 jours. Dans cette série, les auteurs ont eu a
déplorer trois décès.
Audition et vertiges
La conférence de consensus sur le dépistage des troubles audi-
tifs en période néonatale qui s’est tenue à Milan au printemps
dernier avait conclu à l’intérêt d’un dépistage par les otoémis-
sions provoquées chez tous les nouveau-nés, s’opposant ainsi à
la politique de dépistage ciblée sur facteur de risque habituelle-
ment pratiquée faute de moyens.
E. Panosetti (Luxembourg) a pratiqué un dépistage systéma-
tique des troubles auditifs par les otoémissions acoustiques
provoquées (OEP) chez tous les nouveau-nés hospitalisés en
unité de soins intensifs au centre hospitalier du Luxembourg.
En un an, il a examiné 617 nouveau-nés. L’examen était réa-
lisé chez tous les enfants dès qu’ils avaient plus de
35 semaines d’âge gestationnel et que leur état général leur
permettait d’être transportés au service ORL, à l’étage au-des-
sus de la réanimation. Si les OEP étaient présentes des deux
côtés, l’enfant avait, comme tous les enfants luxembourgeois,
un examen auditif à 12 mois, 30 mois puis 60 mois. Si les OEP
étaient absentes d’un ou des deux côtés, l’examen était renou-
velé avant la sortie de l’enfant et éventuellement une troisième
fois avant l’âge de trois mois. En cas d’OEP absente au troi-
sième essai, l’enfant avait un examen ORL avec impédance-
métrie et enregistrement des potentiels évoqués auditifs (PEA).
Lors du premier test, 82,7 % des enfants avaient des OEP pré-
sentes des deux côtés ; 90,1 % des enfants avaient des OEP
présentes avant leur sortie de l’hôpital. Ce programme de
dépistage a débouché sur 12 diagnostics de surdité de percep-
tion (soit 19,4 ‰ enfants hospitalisés en soins intensifs néona-
tals). Sur ces 12 enfants, 1 est décédé, 3 avaient une surdité
profonde et 8 un seuil supérieur à 60 dB. Beaucoup de ces
enfants avaient une pathologie neurologique associée, ce qui
explique que, malgré un dépistage précoce de la surdité, seuls
2enfants sur 11 ont été appareillés.
En fin de maternelle, le dépistage des troubles auditifs se fait
bien souvent à la voix chuchotée. Avant d’acheter un audio-
mètre de dépistage, les PMI d’Indre-et-Loire ont demandé une
évaluation comparative de la sensibilité et de la spécificité de
ces deux méthodes de dépistage des surdités. Une centaine
d’enfants âgés de 4 à 5 ans ont été inclus dans l’étude rappor-
tée par E. Lescanne (hôpital Gatien-de-Clocheville, Tours) : la
moitié était réputée normo-entendante et l’autre moitié était
suspecte de surdité. Les enfants qui avaient une surdité de per-
ception connue ou qui refusaient de participer à l’examen
audiométrique ont été exclus de cette étude. Les enfants ont
passé les deux tests et les résultats ont été comparés à ceux de
l’audiométrie tonale classique. Sur les 200 oreilles testées, il y
avait 99 oreilles normales et 85 surdités de transmission, dont
64 étaient légères. L’examen à voix chuchotée avait une spéci-
ficité de 74 % et une sensibilité de 64 % ; l’audiovérificateur
avait une spécificité très médiocre, de 46 %, et une sensibilité
de 79 %. Le couplage des deux examens permettrait ainsi
d’obtenir une sensibilité de 93,8 %, mais il faut alors beaucoup
plus de temps, et cela coûterait très cher. Toutes les surdités
moyennes (> 40 dB) ont été dépistées à la voix chuchotée. En
conclusion, l’examen à la voix chuchotée, pour peu que l’exa-
minateur soit bien entraîné, et surtout s’il peut contrôler
l’intensité de sa voix avec un sonomètre, reste un excellent
moyen de dépistage des troubles auditifs de l’enfant.
N. Noël-Petroff (hôpital Robert-Debré, Paris) a attiré l’atten-
tion sur quelques pièges en audiométrie chez l’enfant. Certains
enfants distraits ou authentiquement simulateurs donnent des
ACTUALITÉ
12
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 241 - mars 1999
réponses audiométriques qui font croire à tort à une surdité
bilatérale ou à une cophose unilatérale. En deux ans et demi, le
diagnostic de surdité porté à tort a été redressé chez 32 enfants
à la consultation d’audiophonologie de l’hôpital Robert-Debré.
Certains de ces enfants avaient déjà eu des examens coûteux
tels qu’un scanner ou une prescription de prothèses auditives,
alors qu’ils entendaient en fait très bien, ou étaient adressés
pour une hospitalisation en vue du traitement en urgence d’une
surdité brusque qui n’existait pas. La plupart des enfants
avaient entre 8 et 10 ans, âge auquel les réponses à l’examen
audiométrique tonal sont habituellement précises et fiables. En
cas de seuils audiométriques élevés en audiométrie tonale, il
est sage de compléter, par une audiométrie vocale, la discor-
dance entre une vocale relativement conservée et une tonale
avec une courbe aérienne plate à 50-60 dB, et une courbe
osseuse un peu décalée à 40-50 dB doit faire suspecter l’irréa-
lité de la baisse d’audition. De même, on se méfiera des
enfants qui affichent une cophose unilatérale sans courbe fan-
tôme. La réalité d’une surdité bilatérale est a priori douteuse
chez les enfants qui ne lisent pas sur les lèvres, ou qui commu-
niquent avec leurs parents en chuchotant. Le diagnostic peut
être redressé par les OEP, par des tests audiométriques à deux
canaux si la pseudo-surdité est unilatérale, et par bien d’autres
petits “trucs” que les audiométristes connaissent bien.
S. Tronche, par exemple, demande à l’enfant de dire “oui” s’il
entend le son et “non” s’il ne l’entend pas : s’il dit “non”,
c’est, bien sûr, qu’il l’a entendu !
Les vertiges sont rares chez l’enfant. Le diagnostic de vertige
paroxystique bénin (VPBE) est évoqué dès l’interrogatoire
(S. Imbaud-Genieys et coll., hôpital Robert-Debré, Paris).
Il s’agit d’épisodes très brefs de vertiges rotatoires, isolés, en
général sans signe neurovégétatif. L’âge moyen des enfants
lors de la première crise, dans une série de 29 enfants exami-
nés à l’hôpital Robert-Debré, était de quatre ans. La fréquence
des accès était variable d’un enfant à l’autre ; les crises vertigi-
neuses finissaient par disparaître, mais certains enfants ont
développé une migraine. Le diagnostic de VPBE ne peut être
retenu que si l’examen clinique neurologique et vestibulaire
est strictement normal. Les examens complémentaires coûteux
et invasifs, tels qu’IRM et scanner, sont inutiles en cas de
VPBE. Le VPBE est, avec les équivalents migraineux, une des
causes les plus fréquentes de vertiges chez l’enfant. Cette
pathologie est cependant rare, puisque seuls 29 cas ont été
observés en 7 ans dans cette consultation spécialisée de vesti-
bulométrie pédiatrique.
A. Uziel (hôpital Saint-Charles, Montpellier) a présenté une
étude extrêmement intéressante sur les performances scolaires
des enfants implantés : l’un des objectifs de la prise en charge
des enfants malentendants est une scolarisation aussi proche
que possible de celle des autres enfants du même âge, afin de
leur donner le maximum de chances pour le choix et l’exercice
d’un métier. L’auteur a étudié les performances scolaires de
30 enfants qui avaient été implantés pour une surdité profonde
prélinguale. Dix-huit enfants avaient été implantés avant 4 ans
et 12 entre 5 et 8 ans. Avant l’implantation, 7 enfants étaient
en école spécialisée, 13 étaient en intégration scolaire avec
soutien, et 2 en intégration partielle. Cinq ans plus tard,
21 enfants étaient à l’école primaire et 9 au collège. Tous les
enfants sauf un étaient capables de parler avec un interlocuteur
connu, 13 enfants pouvaient parler avec un inconnu sans le
faire répéter et 8 en le faisant répéter, 25 enfants pouvaient
téléphoner à un interlocuteur connu et 5 pouvaient même télé-
phoner à un inconnu. Vingt-six enfants sont entrés au cours
préparatoire à l’âge normal. Vingt enfants sur 30 n’ont pas
redoublé de classe. Les enfants qui, au moment de l’évalua-
tion, étaient au collège avaient des performances en ortho-
graphe et expression écrite françaises moins bonnes que leurs
condisciples, mais d’aussi bonnes performances en mathéma-
tiques et en anglais (14/20 en moyenne !). En conclusion,
l’implant cochléaire a permis, chez la plupart de ces enfants
sourds profonds, une scolarité proche de la normale.
Les opérateurs aimeraient pouvoir restaurer l’audition, en cas
d’aplasie majeure, en créant un conduit et un tympan. Mais il
faut être réaliste : la caisse est souvent mal placée par rapport à
l’articulation temporo-mandibulaire, les osselets sont malfor-
més, et, en cas non exceptionnel d’ankylose stapédovestibu-
laire, l’accès à la fenêtre ovale est barré par le nerf facial. Les
suites opératoires sont très difficiles, le conduit auditif externe
se sténose, l’oreille suinte... Y. Manac’h (hôpital Necker-
Enfants malades, Paris) propose une autre approche : créer un
conduit auditif sec et continent qui puisse permettre l’appa-
reillage par voie aérienne avec une prothèse peu visible et
moins instable qu’un vibrateur sur serre-tête.
Le conduit auditif externe est foré à l’occasion du deuxième
temps opératoire, le premier temps étant un temps esthétique
selon la technique de Nagata. Pour favoriser la cicatrisation, le
néo-conduit est tapissé d’un lambeau galéal ou sous-galéal.
Sur les 21 plasties qu’il a réalisées selon cette technique, 14
ont permis d’obtenir d’emblée un conduit sec et large. Cinq
enfants ont été repris pour sténose méatale, reprise qui a été
couronnée de succès dans 4 cas. Dans les deux derniers cas, il
y a eu un comblement du fond du conduit auditif externe. Sur
les 9 enfants qui avaient une aplasie majeure bilatérale, un ne
porte plus de prothèse auditive, 5 sont appareillés par voie
aérienne et les 3 derniers sont appareillés avec une prothèse à
ancrage osseux (BAHA).
Aux frontières de la spécialité
Intérêt de la méatotomie lacrymale par voie endoscopique
dans les obstructions récidivantes du canal lacrymo-nasal
de l’enfant (J.P. Sibel, hôpital Gatien-de-Clocheville, Tours)
À la naissance, il existe une dysperméabilité des voies lacry-
males chez 6 à 20 % des enfants, avec une prédominance fémi-
nine. Cela se traduit par des conjonctivites purulentes répétées
dès les premiers mois de vie, un épiphora, plus rarement des
dacryocystites ou une dacryocystocèle. Au cours de la première
année de vie, tout s’arrange avec un simple traitement médical
dans 9 cas sur 10. En cas d’échec, les ophtalmologistes prati-
quent un sondage des voies lacrymales qui résout définitive-
ment le problème dans 73 à 97 % des cas. En cas d’échec du
sondage, l’attitude, jusqu’à ces dernières années, était de propo-
13
La Lettre d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 241 - mars 1999
1 / 10 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !